dimanche, mars 31, 2013

De l'archétiype de l'auteur

L’auteur, afin d’exister, se doit d’être lisible. Il ne lui suffit pas de produire du texte à caractère plus ou moins littéraire, il doit, de plus, s’en tenir à une ligne, une posture. Il doit être aussi facilement assimilable que n’importe quel produit de marque dans un linéaire de supermarché. Prenons l’exemple d’un célèbre fabricant de cosmétiques qui, afin d’habiller sa gamme de gel capillaire, s’est assez largement inspiré de l’esthétique de Mondrian. Non pas de son œuvre mais de l’aspect général de celle-ci : effet moderniste, technique et haut de gamme assuré. L’auteur doit être pareil, facilement assimilable à un certain nombre de qualités, donnant dans « le genre de … », c’est plus simple pour le marketing.

 J’ai moi-même décidé de cultiver un genre, de me tenir à une ligne, de m’associer à un archétype. Il ne s’agit pas du style d’jeune auteur rebelle et sans syntaxe ni de celui de l’ex-noceur bogoss gay  écrivain repentant à l’alpage et revenu de la coke et des folles nuits que lui accordaient sa beauté passée. Il ne s’agit pas plus du style romancier intello engagé en tricot difforme et conviction écologisante à défaut des susmentionnées nuits d’ivresse et de débauche. J’inscris mon inspiration, et donc mon œuvre, à la suite de Mauriac, Mann ou Green, trois auteurs très catholiques et passablement gay. Ils sont surtout les témoins et les analystes de leur époque. Ils en tirent un suc ensemencé par leurs convictions personnelles profondes, distillé au fil d'un style impeccable.
 
L’archétype auquel j’adhère n’est toutefois pas … congruent. Plus personne ne sait qui est Julien Green; quant à Mann et Mauriac, ils vivaient leur homosexualité en un mode si mineur qu’on ne retient d’eux que le Nobel de littérature qu’ils reçurent en 1929 pour Thomas, et 1952 pour François. J’aurais dû rester dans une veine néo-guibertienne et chercher la trame de mes récits dans les histoires de si peu d’intérêts du "milieu" hystérique et vain ; j’aurais dû continuer de fréquenter les « Jungles », les « Trixx » et quelques autres établissements ou soirées plutôt que de fréquenter la messe, fréquentation qui ne me rend pas forcément aimable, évasif et universellement positif. Difficile d’être lu lorsqu’on est catholique, gay et critique.

mercredi, mars 27, 2013

Citation page 10

[… ] la " mélancolie bourgeoise " est un état archétypique qui résulte de l’opposition des éléments les plus vulgaires du quotidien en ce début de XXIème siècle et de toutes les délicatesses qu’une société d’abondance à prétention démocratique offre à ceux dont l’éducation et les goûts sont aboutis.

Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise, extrait, p. 10, essai autofictif, éditions Hélice Hélas, à paraître début mai.
 
Me voici sociologue amateur, essayiste dilettante, auteur sérieux sans l’adoubement de l’alma mater ou d'un solide réseau. Toutefois, je ne suis pas aussi sentencieux tout du long des 90 pages de mon prochain et court ouvrage. Il y aura de l’humour, du lyrisme, des coups de gueule, ce petit quelque chose de « too much » qui m’interdit toute étiquette et peut-être même une reconnaissance populaire. En vrac et en résumé, je me suis donné le droit d’inventer une sorte de nouvel état d’âme, un délicat cocktail composé d’une goutte de bovarysme, d’un rien de snobisme, d’une rasade d’élitisme et d’un vieux fond de misanthropie. La boisson est capiteuse, un peu âpre, guère plus raide, ivresse assurée !

Explication de texte. Les susmentionnés éléments les plus vulgaires du quotidien font référence à des produits culturels et à leurs médias de masse : la télé poubelle, le sport spectacle truqué, les mégas concerts d’artistes formatés comme un gadget jetable, la presse gratuite et de mauvaise qualité (qualification redondante, existe-t-il seulement de la presse gratuite de qualité ?!). J’oppose à cela des délicatesses, à savoir le mirage du luxe et du bien-être, tant physique que moral, quasi un droit du citoyen-consommateur lambda des nations d’économie libérale (sociétés d'abondance à prétention démocratique). Ces délicatesses ne sont pourtant pas à la disposition de tous. Seules deux sous-catégorires de citoyens y accèdent : les aisés et les cultivés. Et, souvent, les individus cultivés sont issus des milieux aisés. Quant aux autres ? Ils bouffent des trucs gras, avachis sur leur canapé pseudo-design I*** ou C***, en regardant un programme mi-pathétique sur M6.

Un éclat de lucidité, que faire ? Eteindre la télé ? manger des carottes ? lire un livre ? Plus simple : se rassurer en achetant des babioles de marque ou estampillées nostalgique bourgeois.

 

dimanche, mars 17, 2013

"Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise"

BG Café, à Lausanne, l'un des lieux clé de mon essai
« Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise », mon prochain titre à paraître, aux Editions Hélice Hélas, sortie prévue pour le prochain salon du livre … Je ne suis pas très disert quant à mes processus de « fabrication ». Lorsque Stéphane Bovon – qui avait obtenu mon manuscrit de manière détournée, je ne pensais pas particulièrement à proposer ce texte à la publication – lorsque donc Stéphane m’a fait part de sa volonté de publier, j’ai été très fier à l’idée de rendre public un message, une réflexion, sans trop me soucier des questions de réalisation. Voilà le pourquoi d’une légère désaffection de ma part dans ce blog.

Se relire, soupeser chaque affirmation, contacter un illustrateur, négocier quant à la forme finale des illustrations, traquage de pinaillage orthographique … le pire ! J’ai remis la première épreuve corrigée et les illustrations à mon éditeur jeudi dernier. Dans un prochain, message, je parlerai du travail de Jacques Bonnard (le peintre, le graphiste, le performeur, l’artiste, le faiseur d’images !), un proche ami à qui j’ai fait la proposition mi-honnête d’illustrer mon texte. Je lui ai soumis le manuscrit : il a dit oui ! Donc, au pire, on achètera mon « essai autofictif » pour ses Bonnards.

Je vais tenter de répondre à la question standard, la question fondamentale que posent aussi bien la critique, les distributeurs et les lecteurs : de quoi ça parle, vot’bouquin ? Euh … c’est un essai … autofictif … à caractère pamphlétaire … Non, ça ne le fait pas ; une telle étiquette est aussi vendeuse que la notice d’utilisation d’une boîte de suppositoires laxatifs. Avec « Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise », j’ai tenté de faire le tour des mensonges doucereux dont notre société se berce, il s’agit de l’état des lieux d’une fable qui fait plaisir, la fable du calme bonheur bourgeois. Je suis allé chercher dans ma propre expérience un certains nombres d’épisodes et je les ai analysé à la lumière d’un petit événement, trois fois riens, une petite manipulation étalée dans la presse. Comme la maille défaite d’un tricot, j’ai tiré sur le fil et ai défait l’étoffe.

dimanche, mars 10, 2013

Notre Dame de Lausanne


Nef de la cathédrale Notre Dame de Lausanne
J’avais oublié la blondeur et le carmin des pierres de Notre Dame de Lausanne ; j’avais oublié l’héritage catholique des temps jadis, lorsque le Pays de Vaud et le diocèse de Lausanne vivaient sous le joug d’autorités naturelles et bienveillantes. Jamais, je n’avais prêté attention à la grâce et à la solidité des colonnes de la « Cathé’ », ainsi que l’appelle de manière réductrice les protestants. Près du chœur, de part et d’autre, avant que les travées ne viennent buter contre la voûte ogivale qui conclut la nef, il se trouve deux colonnes corinthiennes qui évoquent des palmiers stylisés, un petit air de Jérusalem, royaume chrétien d’orient. Lorsque, depuis la Riponne, on se prend à regarder Notre Dame, flanquée d’un cèdre près de son parvis, on peut se croire à Beyrouth.
 
Elève au gymnase voisin, je venais parfois chercher la paix dans la cathédrale. Ses voûtes étaient sales, sa pierre morte, des graffitis balafraient les cénotaphes, la maison était vide. Un hall de gare gothique et inutile, sans indicateur des horaires ni train. On y rencontrait de rares touristes hagards et des courants d’air. Le Maître était absent. Ai-je jamais été touché par la moindre émotion religieuse en ce lieu en ce temps ? Je me faisais l’impression d’un voyageur tentant de se protéger de l’averse sous la tôle ondulée disjointe d’un abribus, halte très peu desservie.
Depuis 2009, l’Eglise protestante vaudoise, dans sa grande sagesse, son esprit de partage œcuménique, son goût du dialogue, nous a autorisés à réinvestir les lieux, à « resacraliser » Notre Dame, à y ramener le Saint Sacrement à l’occasion de messes occasionnelles. Ce retour a coïncidé avec une campagne de restauration des lieux. On a tenté de leur rendre leur aspect original. Depuis, la Maison n’est plus vide ; une présence discrète invite le visiteur au recueillement. L’autre soir, alors que j’assistais à une Passion selon saint Jean donnée par l’Ensemble Baroque du Léman et un chœur J.S. Bach de Lausanne, il m’a été permis de constater ce renouveau. Je n’ai toutefois pu m’empêcher de me demander quand notre évêque serait définitivement de retour dans la cathédrale de son diocèse.