vendredi, décembre 23, 2016

The Young Pope


Série choc, véritable événement télévisuel, « The Young Pope » est une merveille de dix épisodes, casting de grande classe, photographie impeccable, dialogues ciselés, bande originale subtile et éclectique, le tout au service d’un message coup de point. Du grand art produit par Canal+ et réalisé par Paolo Sorrentino.

Un léger coup de mou, comme une impression d’être crucifié de l’intérieur, et c’était avant Berlin, ciel bas, la saison m’a fait refluer dans la paix de mes petits appartements, au lit, sous une sainte famille par Pierre et Gilles, avec le chien sur ou sous la couette et les dix épisodes de « The young Pope », coffret DVD disponible à la vente dès le 10 décembre, pile le jour quand j’ai reçu la commande passée en ligne quelques jours plus tôt.

Sorrentino, évidemment, « La grande Bellezza », le goût d’une mise-en-scène sophistiquée, onirique et touchante … prophétique. En tête de gondole, on trouve Jude Law en jeune pape sexy-pétasse réactionnaire, grand amateur de la pompe à la Pie XII, rite tridentin, éventails, baldaquin, trône porté à épaules d’homme et tout le tralala de brocart de la garde-robe pontificale. Il est secondé par la religieuse qui l’a élevé, Sœur Mary interprétée par Diane Keaton. Gravitent autour de Sa Sainteté une responsable de la communication (Cécile de France), l’épouse d’un garde suisse (Ludivine Sagnier). On peut encore citer une tripotée de cardinaux, entre l’ex-mentor amer car coiffé au poteau dans sa course à la tiare papale (James Cromwell), un cardinal secrétaire d’Etat, Voiello (Silvio Orlando), le véritable maître du Vatican, et comme un petit air de Joseph Bergoglio le goût du faste en plus. Il y a aussi le doux cardinal Gutierrez (Javier Cámara), effrayé face au monde, légèrement porté sur la bouteille et gay.

Et que fait tout ce petit monde ? Il cherche Dieu, il l’invoque, le convie, interprète ses silences et s’enivre de ses miracles. Le Saint Père est peut-être le plus incrédule de tous. Il déambule dans les jardins, les couloirs, clope au bec, et foudroie qui un cardinal, un proche, une religieuse dévouée à son service avec la même violence que le Yahvé du deutéronome, privilège de la jeunesse aimante et jalouse. Il se cache quelques mini-intrigues entre deux déclarations lapidaires de Sa Sainteté. Lorsqu’il ne fait pas la chasse aux gays, il excommunie les femmes qui ont avorté. Il prend le peuple des fidèles de haut, se moque de tout plan marketing et reste obnubilé par la recherche de ses parents, qui l’ont abandonné à l’âge de huit ans. C’est un homme tour à tour malheureux, saint thaumaturge, philosophe de l’amour ou cynique comme deux Dr. House.

Où se posent les après-midis de mai ? Ici, répond la Vierge désignant une chapelle vaticane. Et, entre deux démonstrations d’intolérance, sectarisme, la grâce d’une révélation, quelques paroles, simples, une image, délicate, douce, évidente et belle comme une promesse réalisée, la grâce que, nous, le peuple des croyants, les baptisés au sein de Notre Sainte Mère l’Eglise, recevons, parfois, lors de la messe, les petits riens de notre relation au Christ. « The young Pope » nous les offre avec quasi la même charge mystique. Et quel décor ! quelle composition, l’œil et le goût infaillible de Sorrentino.


L’Eglise a pour devoir d’aller vers l’autre, le tout autre, y compris le pécheur, surtout le pécheur, et le sourire de Dieu pour seule réponse, entre ironie et amusement face aux interdits de la morale catholique. On ne ressort pas indemne de « The young pope », à la fois blessé et guéri, touché et interrogé. Je ne sais pas ce qu’en dit l’Eglise, le Saint Siège, une fiction de plus, une sorte de conte émerveillé et peut-être la meilleure préparation à la venue de Notre Sauveur … Un conte pour l’Avent.

lundi, décembre 12, 2016

Westworld, saison 1


Il fallait forcément s’attendre à quelque chose de spectaculaire et de … mystique avec la société de production « Bad Robot » qui comptait déjà le coup d’essai d’Alias, les coups de maître de Lost, Fringe et Person of interest. Avec Westworld, on monte en puissance. Les amateurs de fantastique … les vieux amateurs de fantastique qui ont un minimum de mémoire se rappelleront le film « Mondwest » de Michael Crichton avec Yul Brynner dans un rôle principal d’androïde de divertissement assassin.  La signature de Bad Robot, son fonds de commerce : nous suggérer que quelque chose se cache de l’autre côté, là, juste derrière et le papier peint se met à décoller. Il ne s’agit pas d’un simple effet de scénario mais d’une réflexion nourrie dans laquelle résonne la question fondamentale : où se situe la réalité de l’essence humaine ? Avec Lost, entre les tours et détours du scénario, le téléspectateur était invité à visiter la réalité fantasmatique d’une troupe de défunts, de leur accident d’avion jusqu’à leur glorieuse prise de conscience et leur départ pour une vie d’éternité. Fringe explorait la théorie des cordes, des mondes parallèles et quasi simultanés, la possibilité de soumettre le passé, de le piller comme une lointaine colonie. Person of interest, avec sa première saison poussive, a rapidement pris de la vitesse et nous interrogeait sur la réalité de la conscience artificielle, « big brother is watching you » en petite musique de fond et le machiavélisme de la fin justifiant les moyens en garniture.

Westworld, donc, un parc d’attraction version western où vous pouvez vous taper tous les androïdes que vous voulez ou les buter un peu, comme ça, par jeu, on s’en fout, on a payé pour. La vraie vie comme aux temps bénis et obscurs des pionniers, l’idéal pour une société trop policée, trop cadrée. Dommage, je n’aime pas les westerns mais le « Mondwest » de 1973, avec  Yul, m’avait tout de même plu. On ne jouait que sur les aspects flippants de robots humanoïdes avec des guns à la main, genre « qui a peur de l’homme noir », et ça courait de-ci, de-là en gueulant avec quelques scènes de flingage en gros. Mouais. Mais, avec Westworld, on passe un cran au-dessus. Une distribution haut de gamme, une réalisation de Jonhatan Nolan, LE Jonhatan Nolan d’Interstellar, ça vous pose de suite les bases d’une série haut-de-gamme.

Au cours de cette première saison, nous suivons William (Jimmi Simpson) faisant ses premiers pas dans ce disneyland avec sexe, sang et alcool. William n’est pas seul, il est accompagné de son très riche beau-frère Logan (Ben Barnes), un sale gamin gâté qui saute sur tout ce qui bouge, une bouteille de whisky à la main. Les deux jouvenceaux ne sont pas là pour la gaudriole mais pour affaire ; la compagnie de papa, beau-papa compte acheter des parts du parc. William est un jeune homme réservé, doux, fragile, attachant et paumé, rôle que son physique sert admirablement bien. Il va rencontrer et tomber amoureux de Dolores Abernathy (Evan Rachel Wood), une hôtesse (ainsi que sont nommés les androïdes). En parallèle, on suit les aventures de Maeve Millay (Thandie Newton), une mère maquerelle au port de reine, une hôtesse aussi, dotée de certaines facultés supplémentaires à celles accordées à la majorité des androïdes. Son personnage est certainement le plus attachant et le plus complexe. Chez les dirigeants du parc, on trouve Anthony Hopkins alias Dr. Robert Ford, l’un des deux fondateurs, le second s’est suicidé avant l’ouverture du parc. Dans la coulisse s’activent, entre autres, Therea Cullen (Sidse Babett Knudsen) et Bernard Lowe (Jeffrey Right). Ce monde de l’ombre est traversé de luttes de pouvoir, est régulièrement bouleversé par les lubies du grand maître. Rien de glorieux dans les ateliers où l’on rafistolent les hôtes butés par jeu par les clients ; on se les tape en passant, comme un petit air de nécrophilie. Miam-miam.

" Nous sommes notre propre piège ", sur ces mots se termine la saison une et, accessoirement sur un retournement de situation spectaculaire, typique de la marque « Bad Robot », un indice tout de même : réfléchissez au temps de la narration. Tout, du reste, est affaire de narration. Les hôtes développent leur conscience sur la base d’une petite histoire se rapportant à leur première implication dans une mise-en-scène. Effacez leur mémoire à chaque réaffectation mais donnez-leur la faculté de rêver et ils se mettront à être hantés par leurs vieux démons, leur prime personnalité. Et si nous n’étions que des machines, les jouets d’un petit récit formateur inculqué par …les parents, l’école, la société, les mythes, la télévision, les groupe djihadistes, les luttes politiques ?! A suivre. Voir la prophétie de la saison 2.