Il faudrait que je donne des
nouvelles, dire que tout va bien, finalement, outre la colère, le dégoût, le
mépris … Je ne citerai pas de noms, à peine quelques circonstances : le
collaborationnisme des bistrotiers, des espaces culturels, des autorités de la
bonne ville que nous avons quittée. La résistance d’une poignée aussi. Vous me
direz que notre nouveau séjour rural a certainement été touché par les mêmes
maux, la même petitesse, le même délire nasitaire. Soit. Nous n’y étions pas.
Ce village est une page blanche, une sorte d’armistice. En attendant.
Godot ? la vérité ? le grand soir ? la résurrection des boutons
de guêtres comme le disait grand-maman ? En attendant que les salauds,
demi-salauds, demi-sel et autres seconds couteaux soient traînés devant les
tribunaux. En attendant un timide « nous nous excusons », « nous
avons eu tort » et, peut-être, reprendre là où on en était resté. En
attendant, les promenades le regard courant sur les crêtes du Jura, le silence
de la nuit, les étoiles, l’odeur de l’air, autant de remèdes dans ce qui
ressemble à une convalescence. Même les tableaux ont l’air plus heureux aux
murs de la ferme Bally ; nous louons des comble chez le paysan poète.
Selon le trajet de la balade avec les chiens, je passe trouver le défunt homme
au cimetière, j’ai trouvé sa tombe, qu’il partage avec sa soeur et son épouse.