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lundi, novembre 21, 2022

 


Il faudrait que je donne des nouvelles, dire que tout va bien, finalement, outre la colère, le dégoût, le mépris … Je ne citerai pas de noms, à peine quelques circonstances : le collaborationnisme des bistrotiers, des espaces culturels, des autorités de la bonne ville que nous avons quittée. La résistance d’une poignée aussi. Vous me direz que notre nouveau séjour rural a certainement été touché par les mêmes maux, la même petitesse, le même délire nasitaire. Soit. Nous n’y étions pas. Ce village est une page blanche, une sorte d’armistice. En attendant. Godot ? la vérité ? le grand soir ? la résurrection des boutons de guêtres comme le disait grand-maman ? En attendant que les salauds, demi-salauds, demi-sel et autres seconds couteaux soient traînés devant les tribunaux. En attendant un timide « nous nous excusons », « nous avons eu tort » et, peut-être, reprendre là où on en était resté. En attendant, les promenades le regard courant sur les crêtes du Jura, le silence de la nuit, les étoiles, l’odeur de l’air, autant de remèdes dans ce qui ressemble à une convalescence. Même les tableaux ont l’air plus heureux aux murs de la ferme Bally ; nous louons des comble chez le paysan poète. Selon le trajet de la balade avec les chiens, je passe trouver le défunt homme au cimetière, j’ai trouvé sa tombe, qu’il partage avec sa soeur et son épouse.

dimanche, mai 29, 2022

Credo : le retour !

 


La nouvelle est tombée, mine de rien, mardi matin, un message sur msn, un vocal, pas possible de l’écouter, j’étais en réunion. Puis j’ai oublié. Jusqu’à mon retour à la maison, ma table de travail dans la bibliothèque, un petit chien sur le canapé, l’autre sur le balcon, mille trucs à faire, normal, vie décousue … ou plutôt vie aux rythmes décousus depuis … depuis vous savez quoi, ce que l’on nomme pudiquement « la crise ». Entre la promenade des chiens et se préparer à déjeuner, j’écoute le vocal, il est suivi d’un nom et d’un n° de téléphone, recevoir mes exemplaires. J’ai de la peine à croire le message que j’entends. Je sais que les deux dernières années ont été très compliquées, pour les éditeurs aussi.

 Andonia en personne m’annonce donc que « mon livre est arrivé », qu’elle le trouve très beau et qu’elle espère que je serai content du résultat ! Le dossier de presse est en cours, le distributeur va prendre le relai, mais pas d’inquiétude, ceux qui veulent commander le texte directement auprès de l’Age d’Homme peuvent le faire dès maintenant. C’est une joie subite et violente qui déferle en moi, un barrage a cédé, je pense immédiatement à ma mère, décédée en août dernier qui ne le verra pas et qui l’attendait.

 J’en avais parlé dans ce blog en juillet 2019, préparant déjà le terrain pour la sortie en novembre 2019. Quelques retards dans la mise-en-forme, recherche d’une couverture et tout le tralala, l’affaire de 4 mois mais mars 2020 puis tout le reste. « Tout le reste ». Je le lis à voix haute alors que je le tape à nouveau. J’aimerais en dire tant plus et, à la fois, je crois qu’il n’est pas possible d’être plus concret. Je travaille sur ce « tout le reste » que nous sommes nombreux à ne pas vouloir juste planquer comme une chaussette sale sous le canapé. J’y travaille en ce moment à très petites touches parce qu’on ne tient pas un cactus à pleine main. Durant deux ans, j’ai été très occupé, façon « territoire occupé ». Je m’étais fait à l’idée : Credo serait un texte pris dans les limbes de notre temps.

 A présent, tout peut arriver, je m’en fous : je suis publié à l’Age d’Homme ! Je suis un auteur publié à l’Age d’Homme avec un ouvrage dont la couverture est de la main même de l’héritière Dimitrijevic, mon nom sera inscrit dans le catalogue de l’Age d’Homme parmi celui de grands auteurs. Je viens de rentrer par le mérite de mon talent dans un club et tant pis si je n’y occupe qu’un tabouret. Je sais que mes autres éditeurs ne le prendront pas mal, je pense tout particulièrement à Stéphane Bovon et à Olivier Morattel. Je ne hiérarchise pas les maisons d’édition mais l’Age d’Homme, son histoire !  … et mes rêves adolescents. J’avais envoyé l’un de mes tout premiers manuscrits à l’Age d’Homme. J’avais 16 ans.

 Credo devait être, à l’époque, mon dernier opus autofictif. C’est râpé. Il y a Construction dont je vous reparlerai et …et bien dansez maintenant sur lequel je travaille en ce moment. Le pitch de Credo était simple, j’explique mes convictions d’alors, cette époque d’avant, quand j’étais élu politique, membre du conseil de paroisse et pesco-végétarien. Je ne vais pas vous refaire un Credo bis, autant vous le dire de suite : je ne me suis pas représenté au Conseil Communal, j’ai démissionné de l’UDC, j’ai quitté le Conseil de paroisse et j’ai recommencé à manger de la viande. Pourquoi ? Dans l’ordre d’énumération, 1. les décisions politiques conformistes prises durant « la crise » ont profondément heurté mes convictions civiques, 2. la direction de l’UDC a soit compris les risques que « la crise » ont fait peser sur notre Constitution mais les petits élus locaux n’ont pour la grande majorité pensé qu’à leur cul, leur réélection et les dernières alliances électorales ont ruiné le peu de confiance que j’avais encore dans ce parti, 3. notre très Sainte Mère l’Eglise est aussi mal dirigée urbi et orbi que la politique suisse traditionnelle, 4. mon organisme grandi et nourri à la protéine animale durant près de cinquante ans a eu du mal à soutenir un régime qui ne lui était pas naturel, surtout parmi la colère et le désarroi d’alors.

 Mais il n’y a pas que ça dans Credo, il y a la petite musique de notre très chère fin de XXème siècle, un petit coup de nostalgie pour faire bonne mesure, un trait de vitriol contre notre grand voisin à l’Ouest, le renouvellement de mon attachement indéfectible pour la double couronne austro-hongroise, de la vacherie chantournée, de la peinture, du cinéma, Berlin et Barcelone, un zeste de middle-life-crisis. C’est chou tout ça, le fameux « tout ça » d’avant « tout le reste ». J’adorerai traverser à nouveau les problèmes que j’avais alors. Credo ou la chronique de comme nous étions beaux et heureux en ces temps révolus.  

lundi, mars 07, 2022

Espoir politique, campagne 2022 et retour sur la "crise"

Le masque à plus de 20 cm de distance ne sert à rien, le confinement n’a sauvé personne, bien au contraire ; le pass nasitaire … sanitaire est anticonstitutionnel ; la balance bénéfices-risques du vaccin anti-covid (toujours en phase d’essai) penche de plus en plus du mauvais côté mais tout cela n’est pas le sujet de ce billet. C’est un sujet de réflexion sur lequel tout citoyen devrait cogiter, encore et encore.

Il y a peu, j’ai démissionné de l’UDC. Je garde encore toute mon affection et mon estime à cette famille politique et je comprends aussi que la pratique de la politique nécessite parfois de passer outre l’une ou l’autre de nos convictions personnelles. Toutefois, j’ai estimé que je ne pouvais plus transiger avec le respect de notre Constitution et des droits fondamentaux encore garantis jusqu’à il y a peu à chaque citoyen suisse. L’UDC a milité pour le non au durcissement à la loi Covid, sujet passé en votation le 28 novembre 2021. J’ai eu l’occasion de constater la tiédeur de certains élus UDC dans cette campagne cruciale et à des fins électoralistes (éviter d’être associés à des « agités », prochaine campagne électorale cantonale 2022, simple désintérêt pour le sujet …) Soit.

Je ne peux toutefois plus adhérer à l’UDC Vaud depuis son alliance électorale avec le PLR. Comment peut-on faire alliance avec un parti qui a chanté les louanges de la vaccination quasi forcée et de la coercition sous prétexte d’une épidémie qui n’a de loin pas causé l’hécatombe imaginée (prévue ? voulue ? souhaitée ?) Je suis de tout cœur avec celles et ceux qui ont perdu un proche, un ami, un parent du fait de cette maladie ou de toute virose de saison, ou d’une infection nosocomiale, d’une maladie dégénérative, auto-immune, orpheline. J’ai perdu ma mère en août dernier. Elle avait 82 ans. Cancer. La mort de tout être est un scandale, toujours, mais il est un âge à partir duquel le scandale est moins criant.

J’aurais aimé céder à la colère dans ce billet, « renvoyer son paquet », selon l’expression de Mauriac, au collabo’ lambda, au chiard qui craint pour sa pauvre petite peau – sans intérêt serai-je tenté d’ajouter – au capo’ à la petite semaine, tous ces moins que riens, ces tyrans aux petits pieds dont le pouvoir et les convictions ont été rendues caduques dans la nuit du 16 au 17 février, fin de toutes les mesures, ou presque ; la moitié des utilisateurs des transports publics, y compris les contrôleurs CFF, ne le portent que vaguement sur le menton. Les masques ont disparu aussi vite que les portraits de Pétain fin 44. Ici aussi, je peux comprendre le confort du conformisme, le manque de curiosité, de culture et la découverte choquante que l’on est mortel. Je me rappelle que ça avait été un coup dur pour moi. J’avais alors 9 ans. Plutôt que de céder à la colère, je préfère dire merci. J’ai eu de la chance. La chance de constater que tous mes amis et parents ont été fermement opposés à toutes les mesures aberrantes prises de mars 2020 à février 2022. J’ai pu compter sur leur soutien et j’ai encore eu la chance de rencontrer de nouvelles personnes, des amis à présents, d’en retrouver d’anciens et de relever que nous avions tous été nourris de beaux principes, de raison et d’humanité.


Nous ne sommes plus seuls ! Les citoyens soucieux de préserver la démocratie suisse ne sont plus seuls. Nous pouvons compter sur des associations professionnelles, des ONG, des réseaux et de nouveaux partis. Je pense au « Virus des libertés », « Ré-info Covid », « Choix vaccinal », « Collectif romand des éducateurs et enseignants » et, bien sûr, « Les amis de la Constitution » ! Tout n’est pas gagné. Les mesures ne sont que « suspendues » et la confiance dans nos autorités politiques est sérieusement entamée. Nous ne devons donc pas manquer de jouer la carte  électorale. HelvEthica, tout nouveau parti issu de la phalange politique des « Amis de la Constition » s’offre un galop d’essai dans cette campagne vaudoise 2022. Il n’y va pas seul mais avec « Droits et Liberté » et « Evolution Suisse » sous la bannière « Alliance des Libertés ». Ils sont trois à faire campagne pour le Conseil d’Etat : Lynn Dardenne (Droits et liberté), Olivier Pahud (Evolution Suisse) et Patrick de Sepibus (HelvEthica). J’ai eu l’occasion d’échanger avec chacun et chacune. Ils ont un programme : revenir aux fondamentaux, la Constitution, la voix du peuple et deux ou trois propositions pragmatiques, en matière de logement par exemple. Et surtout la volonté de laisser au citoyen la liberté de mener la vie qu’il a envie de mener.

Ils sont donc trois, ça laisse de la place pour y rajouter d’autres candidats en qui vous avez confiance … encore. Personnellement, même si j’ai quitté le parti, je vais tout de même aussi donner ma voix à Michaël Buffat. Je le connais, depuis plusieurs années, j’ai même soutenu sa candidature lors de l’assemblée des délégués vaudois de l’UDC. Et je sais qu’il pourrait travailler au bien du canton de Vaud en bonne intelligence avec les candidats de l’Alliance des Libertés.  

samedi, mai 30, 2020

Lettre ouverte à Monseigneur Charles Morerod


Monseigneur Morerod, successeur de Jules II, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg,

Permettez-moi cette lettre ouverte, lettre que je publierai sur mon blog et proposerai au « courrier des lecteurs » du quotidien 24H, lettre d’un catholique pécheur qui vous confesse le péché de colère, une colère froide car les mots qui vont suivre ont été retenus depuis le lockdown du 13 mars, une colère qui a crû avec le temps mais je m’étais promis de ne pas vous écrire avant que les églises ne soient rouvertes et la très Sainte Communion à nouveau donnée. Voilà qui est fait. Ce jeudi matin 28 mai, j’ai participé à la messe et j’ai communié. Je ne voulais pas rajouter cette colère à l’hystérie et à la confusion des dernières semaines. Vous aurez compris, Monseigneur, que l’Eucharistie, la Communion sont au centre de mes préoccupations, préoccupations de tous les petits à la foi nourrie de la présence de l’Aimé, la présence de Notre Seigneur Jésus Christ dans la vénération du Saint Sacrement ou de la Communion. Nous, les petits, sans grande connaissance théologique, nous n’accédons pas aux concepts éthérés de la « Communion de désir », à savoir on désire très fort la Communion et c’est comme si on l’avait. Je vous parle donc de la bonne majorité des fidèles qui pratiquent dans la confiance de l’amour de Dieu et l’abandon, bref la « foi du charbonnier ». Vous rendez-vous compte, Monseigneur, vous avez exigé de vos prêtres de nous abandonner, avec la pauvre consolation de messes on line un peu bricolo, messes qui nous déchiraient le cœur car nous étions privés de l’Aimé alors que vos prêtres s’en repaissaient avec componction et satisfaction.

« Il y avait des ordres », « l’Eglise n’est pas au-dessus de la loi », me direz-vous. Soit. Si vous, Monseigneur, successeur du grand pape Jules II qui fut aussi évêque de Lausanne, si vous aviez donc été l’un des prélats de l’Eglise des premiers temps et aviez été assistés des mêmes prêtres qui vous obéissent aujourd’hui, je crains que nous en serions restés au culte de Jupiter ! Des hommes et des femmes ont risqué leur vie pour la Communion et vous n’avez trouvé à nous servir, à nous peuple affamé du Christ, que des paroles sèches et des reproches, du style « la communion n’est pas un dû, c’est un don ! ». « How dare you ? » comme dirait Greta, et croyez bien que lorsque je l’ai crié devant la porte hermétiquement close de l’église Saint-François de Sales à Morges, fin avril, alors que les autorités fédérales avaient autorisé la réouverture des lieux de culte, croyez bien que mes larmes n’étaient pas feintes (colère, dépit, trahison). Par bonheur, le diocèse est vaste. Votre cathédrale a accueilli les fidèles dès que cela a été possible. J’y suis venu, j’y ai vénéré Notre Seigneur, et y ai même brûlé un lumignon pour les serviteurs pusillanimes de Notre très Sainte Mère l’Eglise. Il y a aussi la basilique Notre Dame de l’Assomption, à Lausanne qui a ouvert ses portes dès que possible, merci à l’abbé Dupraz.

Vous auriez pu, Monseigneur, faire preuve d’un peu d’imagination, vous inspirer de ce qui se passe ailleurs, à Berlin par exemple où, dans certaines paroisses, on ouvrait l’église et on recevait  le nombre autorisé de personnes pour la vénération du Saint-Sacrement et, avant de refermer les portes, les prêtres en profitaient pour offrir la Communion aux fidèles qui la demandaient. Et pourquoi ne pas avoir organisé la Communion sur le parvis, les fidèles par groupe de cinq, sur rendez-vous, après la célébration de la messe dominicale via Skype, Facebook, Zoom, Youtube, etc. Quitte à poursuivre le lundi et même le mardi encore, comme si le peuple des baptisés avait dû traverser une nef immense et parvenir enfin à l’autel … Mille autres choses eussent été imaginables mais vous vous en êtes tenu aux ordres et les prêtres qui vous doivent obéissance aussi. Avez-vous à ce point oublié que les gestes, la corporalité, la Communion sont l’essence même de notre Eglise ?! Je ne suis pas Docteur en théologie, je suis sûr que, lorsque vous lirez ces lignes, si vous les lisez, vous aurez vingt arguties tirées des textes des Docteurs de la foi démontant en deux-quatre-sept mes récriminations.
Monseigneur, rappelez-vous les paroles de Notre souverain pontife : « le bon berger doit pouvoir sentir l’odeur de ses brebis ». La foi – tout comme la politique, le sport et le sexe – ça ne passe pas par un écran, ça se vit en vrai, en trois dimensions et en couleurs. Le sexe, vous me direz, ce n’est pas votre domaine. Vu la situation, ne vous inquiétez pas, Monseigneur, je n’ai pas le plus petit bout de péché de luxure à vous confesser en sus de la colère. Pour revenir au sujet de la soumission de l’Eglise à la loi, je m’interroge. Lorsque je regarde du côté de la France où les évêques ont lutté, récriminé pour la réouverture des églises et la célébration de la messe en présence des fidèles le plus tôt possible, je me demande si ce n’est pas un effet de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ne vous sentez-vous pas tenu à une stricte – je n’ai pas dit servile – obéissance envers les autorités cantonales ? Dans notre diocèse, il n’y a que Genève et Neuchâtel qui connaissent la séparation de l’Eglise et de l’Etat, un bon tiers de vos ouailles, une petite moitié au mieux. Je crois que vous avez la charge de plus de 250 paroisses dont bien 180 en territoire valdo-fribourgeois, là où l’Etat prélève un impôt ecclésiastique redistribué aux Eglises qu’il reconnaît (Eglise catholique romaine, église évangélique réformée). Sachant que « qui paie commande », je conçois que vous étiez tenu à une certaine … retenue.

Monseigneur, veuillez encore excuser – dans l’attente de ma confession et de ma pénitence – la colère et l’ironie des lignes qui précèdent. Votre position vous expose à ce genre de désagrément et je vous sais pris aussi dans une hiérarchie. Je vous laisse transmettre l’idée de fond de ma missive à Notre très Saint-Père et remotiver vos troupes dans bien des paroisses vaudoises. Je confesse encore l’orgueil de donner voix au chapitre à tous les fidèles qui se sont sentis abandonnés et trahis alors que l’Aimé se trouvait de l’autre côté de la porte dans la solitude d’une église désertée.

Frédéric Vallotton

mercredi, mai 13, 2020

Changement de point de vue versus changement de paradigme (et de ma judaïté accessoirement)


Comme me l’a dit Cy. qui, en ce moment, travaille à la maison, après l’énième appel d’un client ayant contesté son relevé de compte, « on n’est pas prêt de remettre le génie dans la bouteille », « tu penses, ils sont à la maison, ils ont du temps et se mettent à tout contrôler ». Je ne peux qu’acquiescer, pensant à l’une des vendeuses du « Fleur de Pain » d’à côté, m'interpellant l’autre jour : « Vous n’en avez pas marre de toutes ces histoires ? en plus c’est quoi ces statistiques ? je connais ma règle de trois, imaginez, c’est comme si je faisais ma caisse le soir sans savoir combien il y avait le matin ! » Je suis ressorti de la boutique ragaillardi dans l’opinion que je me faisais de mes contemporains et un rien amusé.

Je pense à toutes ces situations, à peu près satisfaisantes, boulot, petit copain, appartement jusqu’à ce qu’arrivent un chefaillon imbitable, un défaut nouvellement rédhibitoire chez l’autre, des voisins infernaux. Stop ou encore ? On en prend son parti, entre paresse et philosophie puis le mot, la goujaterie, le bastringue de trop, un demi-coup de gueule, une crise ou un silence résolu. Ne reste plus qu’à tout – ou partie – balancer. Un risque sanitaire, une épidémie, une pandémie passe encore ; se retrouver assigné à résidence, c’est un peu limite mais la fin de la vie sociale, les menaces de puçage, big data, vaccination obligatoire, interdiction de manifester, toujours pas de messe, de cinéma, de boîtes, quasi interdiction de rire dans la rue parmi les slogans hygiénico-totalitaires imposés avec une bienveillance insistante et gerbatoire : la coupe est pleine. La voix débile et un peu efféminée du speaker électronique du métro automatique M2 n’a de cesse d’inviter au port du masque, au respect des distances au-dessus d’une foule la face nue, indifférente en apparence. Je remarque chez chacun une petite ride de contrariété de plus en plus creusée à chaque répétition du message préenregistré. Encore une semaine à ce régime-là et ils monteront tous sur les sièges péter les haut-parleurs.

Mon sang allemand me crie de briser mes chaînes, sortir boire un verre au Biergarten après avoir fait une révolution spartakiste ou nationale . Quant à mon sang juif, il est en alerte avec ces histoires de traçage, tris, parcage humain et la furieuse envie d’aller voir ailleurs. Dans l’intervalle, ne sachant vers lequel de mes héritages génétiques pencher, j’ai fait du ménage, rendu mon tablier du Conseil de paroisse (ma lettre ouverte à l’évêque suit sous peu) et du comité d’une association locale. J’ai même commencé à « faire mon permis », histoire d’aller nous installer dans la campagne avoisinante ou tracer à travers l’Europe de l’Est comme un chevalier automobilo-teutonique, à moins que je ne fuie …

En dépit de mon ascendance Vallotton-Cornamusaz-Delacrétaz-Favre, se sont glissés deux ou trois exotismes, le plus connu l’arrière-grand-mère de la Forêt Noire, mère de mon grand-père maternel d’où une germanité « de sang ». Et la judaïté ? En son temps, lorsque j’hésitais sur l’Eglise dans laquelle je ferai mon baptême, j’aurais volontiers remonté le courant jusqu’à ses sources vétérotestamentaires. J’ai toutefois la faiblesse d’être attaché à mon prépuce qui m’a fait bien de l’usage jusqu’à présent et sur lequel je compte pour le reste de ma vie. Néanmoins, ainsi que je l’ai appris fortuitement de la bouche de ma mère entre la poire et le fromage,  il y a deux-trois mois, un arrière-grand-père séfarade algérien VRP dans le tabac avait séduit mon autre arrière-grand-mère maternelle. Il naîtra de cette relation illégitime ma grand-mère ! Le marchand de cigares abandonnera rapidement la mère et l’enfant. J’ai de plus une preuve « génétique » de mon appartenance à la communauté séfarade, une anémie hémolytique courante chez des populations issues du bassin méditerranéen/Afrique du nord.  Un médecin généraliste m’avait même lancé, en son temps, « mais vous êtes juif ? » ?

Bref, on n’est pas prêt de remettre le génie dans la bouteille et les lendemains s’annoncent … épiques ? divertissants ? instructifs ? En tous les cas « étonnants » comme le dirait Monsieur Cyclopède !




lundi, novembre 04, 2019

Des nouvelles de "Credo"


Reculer pour mieux sauter …  De la déception ? non. De l’impatience assurément. Il était prévu que « Credo » sorte en novembre, il sortira à la rentrée de janvier, chez l’Age d’Homme comme prévu. Pas d’inquiétude, donc. Ce report, un supplément de temps pour garder encore un peu ce texte auprès de moi. Je ne vais pas vous faire le coup du « je ne me suis jamais tant livré », il s’agit toujours d’un essai à caractère autofictif, mise-en-scène et réagencement à la clef. Toutefois, j’y suis peut-être plus … cash. Je me disais, hop, ça sort en novembre, un entrefilet par-ci, une demi-interview par-là, un peu de curiosité, la considération de mes pairs et l’affaire sera vite classée avec le tohu-bohu des fêtes de fin d’année. Satisfait sans trop se mouiller. En janvier, ça risque de mieux se voir. Avoir des lecteurs, soit, susciter la curiosité, des questions, y répondre, voilà une autre affaire.

Dans « Credo », tout y passe, la politique, les convictions, les rancœurs, les obédiences, deux ou trois griefs. Avec le temps et l’âge, on accumule : souvenirs, kilos en trop, contradictions, compromissions, casseroles, regrets. Ecrire soulage et allège. Ça ne fait pas maigrir mais ça permet de montrer qu’on a compris que la prise de masse est dans l’ordre des choses. On ne va pas s’astreindre à des régimes forcément promis à l’échec sur la durée comme certains auteurs à bonne gueule que la jeunesse fuit insensiblement et qui tentent désespérément de la retenir par le brushing et le contrôle alimentaire. C’est grotesque, surtout lorsque l’intéressé vous la joue « rebelle ». Remarquez, j’ai autant d’aversion pour les repentants qui confessent une jeunesse ceci ou cela en bavant sur leur famille au passage. Tous les auteurs se remboursent au passage, avec plus ou moins d’habileté mais de là à se justifier, le petit genre psy-psy-beurk d’un dossier d’instruction judicaire. Laissez-moi vomir.

« Credo » n’est pas tendre ; néanmoins, il n’est ni revanchard ni gratuit. Vous connaissez mon amour de l’état des lieux, « rendre sur le vif », témoigner des moindres choses et donner du sens. Je n’ai pas envie d’en débattre, me faire salir ma version par des peigne-culs ou des pisse-froids. A la relecture, j’ai eu quelques vapeurs, j’ai même hésité à sabrer ceci ou cela, ne pas passer pour un vieux con. Et puis non, mes critiques ne sont pas gratuites, elles ne tiennent pas de la provocation « pour faire genre »  à caractère picaresque. Ce qui est écrit, est écrit, plus moyen de me couper la parole ou de kidnapper mon opinion dans un débat contradictoire au cours duquel des jobards me prouveront A + B au carré à quel point ce que je pense est tendancieux parce que je ne suis pas sociologue, machin-chouetteologue ès pédanterie bienpensante. Il y a de la gloriole aussi. J’ai mis un point d’honneur à être moi à chaque mot de ce texte, moi en légèrement augmenté pour bien tout couvrir le champ. Un regret peut-être, je n’ai pas assez parlé des toc-tocs, des fêlés, des cabossés, des tordus et de ceux dont on ne veut pas parce qu’ils ne font pas partie des « bonnes » victimes.





dimanche, septembre 09, 2018

Introduction à l'histoire (vaudoise, suisse, etc.)


A quoi sert l’histoire ?

L’instant présent n’est pas issu d’une succession de hasards, d’incidents plus ou moins prévisibles ou de coups de chance. Soit, le hasard a sa place dans l’histoire mais l’époque dans laquelle nous vivons est le résultat d’une succession d’événements, les uns emboîtés dans les autres à la manière d’un jeu de construction en perpétuelle évolution. Déclarer à propos de l’histoire que « ça ne m’intéresse pas » ou que « ça ne sert à rien » est aussi idiot que de ne pas vouloir se servir de ses deux yeux. L’être humain s’inscrit dans un plan géographique et dans un plan historique. Ne pas connaître l’histoire revient à avancer dans une rue, dans une ville sans avoir aucune notion d’où l’on se trouve. L’histoire sert donc à s’orienter dans le temps.

Comment raconter l’histoire ?

Le récit de l’histoire n’est pas neutre. Cette neutralité est un mythe véhiculé par les livres d’histoire officiels, à croire qu’il existe UNE HISTOIRE. En fait, l’histoire dépend étroitement du point de vue de celui qui la raconte. On peut dire qu’il s’agit d’une manipulation mais il s’agit avant tout des choix moraux des historiens qui étudient les événements et les interprètent selon leur regard, leur conviction. Le récit de l’histoire est honnête lorsque son auteur explique sous quel angle il a étudié son sujet, quelles sont ses convictions et, surtout, il doit assumer son texte en le signant.

A chaque grande évolution de notre société, nous pouvons réécrire l’histoire dans son entier. Notre morale a changé, notre vision du monde aussi. Parfois, des découvertes archéologiques viennent contredire ce que l’on considérait comme une vérité éternelle. Pendant longtemps, par exemple, on a cru que les constructeurs des pyramides étaient des esclaves. Faux, des fouilles sur le plateau de Gizeh ont prouvé que les ouvriers étaient fort bien traités, bien nourris et salariés. Un Egyptien ne pouvait refuser d’aller travailler sur les chantiers de pharaon, c’était une sorte de conscription.

Un autre exemple, Philippe d’Orléans, Régent de France. A la mort de Louis XIV, son successeur, Louis XV, n’avait que cinq ans. On désigna Philippe son cousin régent jusqu’à la majorité du roi. Cela veut dire que Philippe d’Orléans était une sorte de roi temporaire. Cet homme était ce que l’on nomme un « viveur », il aimait la fête et la vie libertine. Il a tenté de mener plusieurs réformes, invention de la bourse, introduction du papier monnaie en France, etc. C’était un homme intelligent et avisé. L’histoire a retenu de lui un portrait très contrasté. A la fin du XIXème siècle, on le considérait comme un précurseur, au début du XXème comme un débauché et, de nos jours, on considère qu’il n’avait pas une vie très réglée mais que ses réformes économiques étaient bonnes mêmes si elles n’ont pas toujours abouti. Vous voyez qu’une même personne, que les mêmes actions peuvent être jugées tour à tour de manière positive ou négative.

L’histoire, une construction (souvent) artificielle.

Le récit de l’histoire est devenu, dès le mi-XIXème siècle, un enjeu des politiques nationales. Les pays tels que nous les connaissons aujourd'hui sont souvent l’agglomération d’Etats plus petits, plus anciens ou de territoires conquis, pris aux Etats voisins. De ce fait, toutes les nations ont intérêt à raconter leur histoire sous l’angle d’une unité immémoriale. On raconte une version de l’histoire qui tend à prouver que chaque pays existait depuis l’antiquité. En France, on cultive l’idée que la Gaule faisait un Etat homogène qui, petit à petit, deviendra le pays que nous connaissons. Pareil pour l’Italie, l’Espagne, etc. Ce n’est pas faux en soi, c’est une sorte de manipulation qui permet de se faire une idée générale de l’histoire d’un pays. Ce serait beaucoup trop compliqué de connaître tous les aléas de la formation d’un Etat. Le plus simple et le plus juste serait de connaître les grandes lignes de l’histoire régionale, nationale et internationale. Pour reprendre l’image du premier paragraphe de cette introduction, vous connaissez parfaitement bien la rue dans laquelle vous vivez, bien la ville dans laquelle vous vivez, assez bien le pays dans lequel vous vivez et plus ou moins bien le reste du monde. L’histoire procède de la même manière.

L’histoire suisse, un cas particulier ?

La Suisse est formée de 26 cantons, fonctionnant chacun comme un petit Etat. La Suisse n’est pas tout à fait une exception sur ce plan-là.  Chaque pays est composé de sous-ensembles plus ou moins autonomes. L’Espagne est organisée en provinces autonomes qui cultivent des différences culturelles et/ou linguistiques comme la Catalogne par exemple. L’Allemagne est divisée en Länder, ces derniers étant la survivance de nombreux royaumes indépendants plus anciens comme la Bavière par exemple. La France en tant qu’entité politique centralisée s’est construite dès le Vème siècle, à partir du règne de Clovis, le premier roi des Francs. Cette construction va se poursuivre jusqu’au XIXème siècle lorsque la Haute-Savoie va être cédée par le roi d’Italie à Napoléon III, le dernier empereur français.

Quant à la Suisse, elle n’est devenue un véritable Etat organisé que de manière très tardive, après une guerre civile, la guerre du Sonderbund qui eut  lieu en 1847 et dura trois semaines. Cette guerre doit être regardée comme un cri de détresse de la part de petits cantons ruraux catholiques (UR, SZ, NW/OW, LU, ZG, FR, VS) qui ne se sentaient pas reconnus par les riches cantons urbains et protestants. Après cette guerre, la Suisse proclama sa première vraie constitution, se dota d’une capitale (Berne), d’un tribunal fédéral, d’une école polytechnique et « s’inventa » une histoire. C’est-à-dire que cette nouvelle Suisse fédérale choisit parmi l’histoire de ses cantons les éléments les plus marquants et les plus consensuels. On transforma quelques mythes en vérité historique incontestable et on minimisa les anciens antagonismes entre cantons. Par exemple, le pacte du Grütli de 1291 est, selon certains experts, une copie du Moyen-âge d’un original disparu et certainement moins éclatant. Ce pacte proclamait une alliance défensive entre les cantons d’Uri, Schwyz et Unterwald qui se considéraient très différents les uns des autres. A l’époque, ces trois cantons ne défendaient aucun idéal de liberté ou de démocratie. Cette interprétation date de 1848.

Cette pratique à la limite de la manipulation perdure encore aujourd’hui dans les livres d’histoire suisse à caractère scolaire. Toutefois, ce genre consensuel a ses limites.

Dans « Histoire suisse », édition LEP, page 31, sous le paragraphe consacré aux deux guerres de Kappel, on peut lire le paragraphe suivant :

• 1531- Un véritable affrontement a lieu deux ans après au même endroit (Kappel).  Zwingli veut réformer toute la Confédération mais, isolés militairement, les Zurichois ne peuvent prendre que des mesures économiques en fermant leurs marchés aux cantons catholiques. Ceux-ci réagissent en écrasant les Zurichois à Kappel. Zwingli meurt dans la bataille.


Apparemment, ce texte semble clair et cohérent. Toutefois, il traduit d’une manière diplomatique une réalité historique un peu dérangeante, c’est-à-dire la volonté hégémonique de Zürich sur ses voisins en se servant de la foi protestante comme justificatif. Faisons de l’analyse de texte. A la fin de la première ligne, on nous dit que Zwingli, un pasteur réformateur zurichois, veut imposer la Réforme dans toute la Confédération. Lorsqu’on est un homme de religion et que l’on veut convaincre son auditoire en matière de foi, on le fait par des arguments. A la deuxième ligne, le texte nous dit que « les Zurichois sont isolés militairement ». Etrange ! Nous parlions de religion. Depuis quand faut-il des troupes pour évangéliser ? Et dernier hiatus, lignes deux et trois, il est dit que « Ceux-ci (les Zurichois) ne peuvent prendre que des mesures économiques » pénalisant les cantons catholiques. On voit ici où voulait vraiment en venir Zürich : imposer sa domination économique sur ses voisins. Zürich finit par être battu par les cantons catholiques qui témoignent en dépit de leur victoire de leur forte dépendance économique à leur « ennemi ». 

L’histoire vaudoise, un cas particulier ?


Avant que vous ne passiez à l’étude de la Révolution vaudoise, sujet assez peu consensuel et, donc, traité de manière relativement succincte dans les livres d’histoire officielle, il est nécessaire de connaître les grandes lignes de l’histoire suisse de 1517 à 1798. Vous pouvez vous référer au livre d’ « Histoire suisse », édition LEP, illustré par Mix et Remix, pages 30 à 39. Même si les faits historiques y sont interprétés d’une manière que l’on peut discuter, voire contester, les faits relatés restent exacts. Il me semble toutefois  que l’on ait « oublié » deux ou trois choses. A aucun moment, on n’explique que le Pays de Vaud fut envahi par les troupes bernoises sans autre raison que de le soumettre et en exploiter les riches ressources. A aucun moment, on n’explique que les Bernois, aidés des confédérés, vont chasser les prêtres catholiques et les religieux catholiques du canton, piller les églises, fermer et détruire les cloîtres et les monastères et imposer par les armes le protestantisme. Nulle  part, on ne raconte que les Vaudois furent privés de leurs droits civiques, qu’il leur fut interdit de pratiquer leur folklore, de porter de la dentelle, des bijoux et, même, de se marier sans le consentement de l’autorité bernoise. Ces faits sont pourtant historiques même s’ils peuvent être regardés comme trop critiques envers Berne et ses alliés. Il ne faut pas oublier que les tensions entre cantons étaient très importantes jusqu’en 1848. Il en existe encore aujourd’hui mais chacun a appris à en minimiser la portée. C’est peut-être une raison pour laquelle on ne présente jamais l’histoire suisse que sous un angle très consensuel.


drapeau vaudois
La Révolution vaudoise, élément précurseur du renouveau suisse

14 juillet 1789, date que l’histoire a retenue comme étant le début de la Révolution française ! En fait, il s’agit de la prise de la Bastille, prison royale dans laquelle le roi de France pouvait faire enfermer qui il voulait sans autres formes de procès. On parle d’un symbole de l’absolutisme. Absolutisme ? Oui, il s’agit du système politique qui avait cours dans quasiment toute l’Europe, y compris en Suisse dans une forme un peu spéciale. En substance, le pouvoir politique ne s’appuie pas sur la volonté populaire mais sur la volonté divine, sur l’Eglise tant catholique que protestante. Si le roi règne, c’est que Dieu lui a confié la direction de son peuple, du pays. Dans le canton de Vaud, les représentants du pouvoir bernois que la population vaudoise devait appeler « Leurs Excellences de Berne » prétendaient aussi diriger le canton de Vaud selon la volonté de Dieu.

La Révolution française va ébranler toute l’Europe. Le système va s’emballer et sombrer dans les pires excès (La Terreur). Un homme va s’imposer en France dès 1795 (période du Directoire), il s’agit de Napoléon Bonaparte. Il se fera connaître en tant que brillant général révolutionnaire avant de devenir un homme politique incontournable. A la fin du XVIIIème siècle, la France donne le ton. Il s’agit de la plus grande puissance européenne continentale. Lorsqu’on toussote à Paris, c’est un séisme dans les capitales étrangères.

Or, en 1789, le précepteur des grands-ducs Alexandre et Constantin, petits-fils de la grande Catherine, impératrice de toutes les Russies, reçoit la nouvelle de la prise de la Bastille. Il ne cache pas son enthousiasme et voit dans cet événement la promesse de la libération de son propre pays, occupé par une oligarchie autocratique. Cet homme se nomme Frédéric-César de la Harpe (1754-1838), sa patrie est le Pays de Vaud occupé depuis 1536 par Leurs Excellences de Berne. Les Bernois ont obtenu la domination du Pays de Vaud par conquête militaire. Les Vaudois étaient des citoyens de seconde zone vis-à-vis des Bernois. Privée de certains droits fondamentaux (liberté de pratiquer sa religion, son folklore, liberté de se marier) la population ne vivait pas dans la misère mais elle n’était pas libre. Il était interdit à ses élites d’accéder aux postes à responsabilité de la République de Berne. Il y avait donc une inégalité de traitement. C’est la raison pour laquelle Frédéric-César de la Harpe avait quitté la Suisse. Il était pourtant avocat et plaidait les affaires en appel à Berne.


Depuis la cour de Russie à Saint-Petersbourg, Frédéric-César de la Harpe écrivit des pamphlets contre la domination bernoise en terres vaudoises qui circulèrent dans la presse européenne. Il rédigea aussi des  pétitions à l’adresse de ses concitoyens vaudois, exhortant les autorités bernoises à accorder une égalité de traitement entre Bernois et Vaudois. Leurs Excellences de Berne n’en furent pas très heureuses et se plaignirent auprès de la grande Catherine. Cette dernière ne renvoya pas le bouillant précepteur de ses petits-fils, elle l’appréciait énormément. Elle le pria de se tenir à l’écart de la chose politique vaudoise, ce qu’il fit. Toutefois, sa réputation de révolutionnaire força l’impératrice à se séparer de ce précieux pédagogue. La Harpe rentra en Suisse, à Genthod, sur le territoire genevois où il acquit un domaine. Il ne pouvait résider en terre vaudoise sous peine d’être arrêté par l’occupant bernois.

Alors qu’il ne comptait se consacrer qu’aux techniques agronomiques modernes, à la lecture et à une vie paisible auprès de son épouse Dorothée, le hasard mit La Harpe en contact avec le général Bonaparte. Sur l’un des flancs de l’Arc de Triomphe, à Paris, on peut lire le nom d’Amédée de la Harpe, général mort durant les guerres d’Italie. Cet homme se trouve être le cousin de Frédéric-César de la Harpe. A sa mort, il laissa une veuve et des orphelins fort démunis en terre vaudoise lorsque l’autorité bernoise saisit les biens de feu le général. Impossible à sa veuve d’aller demander un soutien quelconque du gouvernement français, on ne l’aurait certainement  pas laissée rentrer sur le territoire vaudois. Elle pria donc son cousin d’aller plaider sa cause auprès du général Bonaparte qui tenait Amédée de la Harpe en haute estime. Non seulement, Napoléon fit verser une rente à la veuve de feu son ami le général Amédée de la Harpe mais il retint auprès de lui Frédéric-César de la Harpe qui en profita pour plaider la cause du pays de Vaud.

Le gouvernement bernois reçut un ultimatum du Directoire français : Berne devait quitter le territoire vaudois sous peine de représailles françaises. Le 24 janvier 1798 fut proclamée l’indépendance vaudoise. Laharpe (dès lors Frédéric-César de la Harpe orthographia ainsi son patronyme) avait gagné ! Le pays de Vaud était libre. Les troupes françaises trouvèrent tout de même un prétexte pour pénétrer le territoire helvétique.

La révolution se répandit à travers tout le pays. Bonaparte voulait, en sus de ses motivations idéologiques, s’assurer le contrôle des cols alpins et les ressources du pays. Il organisa la Suisse en un Etat moderne et centralisé. Toutefois, cette organisation ne convint pas aux cantons trop accoutumés à une grande indépendance les uns par rapport aux autres. Bonaparte donna encore à la Suisse (nommée alors République Helvétique) sa première constitution fédérale : l’Acte de médiation. La Suisse retrouva alors une certaine paix, une unité et une cohésion qu’elle n’avait encore jamais connue mais n’en demeura pas moins un Etat satellite de la France (voir pp. 44-45 du livre d’Histoire Suisse Mix & Remix).



Epilogue : après la chute de Bonaparte en 1815, devenu entre temps empereur des Français, la Suisse faillit disparaître. Genève et le Valais auraient été cédés à la France, le pays de Vaud et l’Argovie seraient à nouveau passés sous domination bernoise et tous les autres cantons souverains suisses auraient été agrégés à la Confédération germanique. Alors que l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche et la France (à nouveau dirigée par un roi de la famille des Bourbons) s’étaient mises d’accord sur l’avenir de la Suisse, Laharpe sauva l’unité du pays par la voix de son ancien élève le grand-duc Alexandre, devenu le tsar Alexandre Ier. Ce dernier était considéré par les coalisés (pays cités ci-dessus) et la royauté restaurée en France comme le grand vainqueur de Napoléon Ier. Le tsar Alexandre exigea donc le respect des frontières nationales suisses, ainsi que l’indépendance du canton de Vaud et du canton d’Argovie par rapport à Berne.

jeudi, juin 21, 2018

Discours de fin de présidence au Conseil Communal de Morges


Monsieur le syndic, Mesdames et Messieurs les municipales et municipaux, Mesdames et Messieurs les conseillères et conseillers communaux, l’usage veut que le président sortant, lors du dernier conseil qu’il préside, fasse un discours. J’ai été un président très avare de ses discours, je n’en ai pas fait plus de trois, et une ou deux interventions au débotté. Ce sera donc le quatrième discours de mon mandat présidentiel, j’en ai un cinquième d’ici la fin de la semaine. Le temps du bilan est venu mais, non, pitié, l’évocation  par le menu des mille et un petits riens de la présidence n’a rien de folichon. J’ai pensé, pour vous distraire et vous édifier, vous lire un florilège de mon œuvre mais je vous laisserai le plaisir de découvrir mon style inimitable dans l’opus que je ne manquerai pas d’écrire suite à l’expérience de la présidence et je dois vous remercier pour toute cette matière que vous m’avez offerte, je n’en ai pas manqué une miette depuis le perchoir.

Plus sérieusement, la présidence n’est pas une fonction personnelle, du moins je ne l’ai pas conçue ainsi. Quelqu’un m’a demandé « mais pourquoi salues-tu toujours la secrétaire et sa suppléante et l’huissier et son suppléant alors qu’ils ne sont pas tous présents ? » Et pourtant oui, ils sont présents, peut-être pas de manière physique mais dans le travail du bureau élargi. La présidence, c’est la voix du bureau élargi ou le chef de chœur. Sans le bureau, pas de présidence. Le bureau élargi est un lieu de dialogue privilégié inter-partite, une zone de porosité qui permet des échanges vitaux à la bonne marche du Conseil. Si j’étends ma logique, la présidence, c’est vous tous, aussi et pour tout le travail accompli durant cette année, je vous propose d’applaudir les membres du bureau et de vous applaudir par la même occasion.

Notre Conseiller fédéral Ueli Maurer a récemment dit lors d’un congrès « Il ne faut pas avoir peur de s’ouvrir aux bonnes idées, qu’elles viennent de gauche ou de droite, une bonne idée reste une bonne idée ». Poursuivant dans cette logique, j’ai un vœu à formuler, avant que nous ne passions à ceux de la Cogest et ceux de la Cofin, vous excuserez la naïveté de ce vœu, mettez-la sur le compte de ma relative nouveauté parmi vous, j’ai rejoint ce cénacle en février 2015 - à ce propos, je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de conseillers qui ont accédé à la présidence après avoir siégé seulement deux ans et demie au Conseil et, qui plus est, issu à deux reprises de la liste des viennent-ensuite - vous avez fait preuve de pas mal d’audace, vous avez eu bien raison de vous applaudir … Donc, pour en revenir à ce vœu, pourriez-vous, lors de chaque intervention, essayer de vous mettre à la place de l’intervenant, essayer de comprendre son intervention de l’intérieur avant de bondir le contredire. Vous pourrez intervenir pour améliorer sa proposition, la compléter ou la préciser car il y a bien plus de choses qui nous réunissent dans l’entier du Conseil que de choses qui nous séparent.

lundi, décembre 04, 2017

Lettre ouverte à l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud


Festivité du schisme luthérien aux portes de Notre Dame de Lausanne
A l’occasion des cinq cents ans du schisme luthérien, tu as fêté cet anniversaire en tenant des stands ici ou là au marché. Je t’y ai rencontrée et ai échangé quelques paroles avec des tes représentants, une femme entre-autre, soit femme de pasteur, soit pasteur ou pastrice, je ne sais pas exactement quel titre tu donnes à tes ministres du culte de sexe féminin. En quelques paroles, le ton est monté. La dame encaissait assez mal la réalité historique qui a mené à ta naissance, à savoir que tu étais l’Eglise de l’occupant bernois, que cet occupant s’est surtout servi de toi à des fins de domination politique et de contrôle social. Tu as fait ta place dans le Pays de Vaud car l’ours de Berne avait interdit la pratique de la foi catholique en dépit du profond et fidèle attachement des Vaudois pour Notre Sainte Mère l’Eglise, celle de Rome, celle qui a construit ce pays, qui a planté les vignes au Lavaux. La dame (pastrice, épouse de pasteur ou fidèle enthousiaste) a encore eu le mauvais goût de ressortir le fameux … fumeux et poussiéreux récit de la Dispute de Lausanne. Une dispute ? un procès stalinien plutôt. Notre sainte Mère l’Eglise catholique romaine et apostolique s’était refusé à participer à cette pantalonnade. Farel et Calvin accompagné de Pierre Viret sont allés quérir un obscur moinillon inculte pour le soumettre à leurs trucs et astuces de sophistes lettrés … Ce bon Pierre Viret était surtout la caution locale de cette comédie grotesque. Sais-tu, chère Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, pourquoi le prédicateur français Farel traînait par chez nous ? Non ?! Il avait été engagé, salarié par Berne pour aller répandre la bonne parole protestante à Neuchâtel et dans le Pays de Vaud. Il s’agissait d’exciter les bourgeois à rejeter les autorités ecclésiastiques catholiques afin de se mettre leurs biens dans la poche et déstabiliser au passage le pouvoir  politique du duc de Savoie, notre bon maître du Pays de Vaud. Quant à Calvin … Il est arrivé à Genève une peu par hasard, appelé par Farel avant d’en être chassé avec ce dernier pour des histoires de pain azyme, célébration de l’eucharistie. Je n’ai malheureusement pas remis la main sur la source qui laisse sous-entendre d’autres raisons au renvoi de Calvin. Il reviendra pour le malheur de Genève. Le reste de sa vie sectaire, les condamnations au bûcher ou à l’estrapade qu’il exigea à plusieurs reprises ne rendent pas le calvinisme très engageant …

La dispute de Lausanne, par F. Bocion, selon le récit de la légende officielle
Pour en revenir à la « Dispute », le moinillon se fit embrouiller en moins de deux et Berne déclara qu’il avait ainsi été prouvé que le protestantisme avait raison sur Notre sainte Mère l’Eglise. Depuis quand la vérité mystique d’une religion, la sincérité de l’attachement d’un peuple à sa foi se prouvent sur la base des conclusions d’une dissertation publique ? L’Amour de Dieu, la Communion, la communauté des chrétiens catholiques ne se réduisent pas à une joute verbale. Le site jean-calvin.org expose du reste à la va-vite cet épisode, et d’une manière si caricaturale que j’en ai honte pour toi. Pour revenir à ta servante, la dadame pasteurisant ou épouse de pasteur, le ton est encore légèrement monté lorsque je lui ai exposé que, nous autres catholiques vaudois, membres de la communauté religieuse majoritaire dans ce canton, aimerions bien retrouver une partie de nos lieux de culte historique (la cathédrale Notre Dame de Lausanne, l’Eglise Saint-François, l’église abbatiale de Payerne ou de Romainmôtier), que nous cultivons un sens historique et que, après la réforme tridentine et Vatican II, nous pourrions ainsi boucler la boucle. Nous avons admis nos erreurs. Il ne s’agit pas de te chasser des tes lieux de culte, il s’agit de partager, de revenir dans ces lieux saints du catholicisme vaudois que, souvent, tu as pillé et dénaturé au nom de tes convictions iconoclastes. La dadame était alors hors d’elle, m’assurant que ce genre de décision ne m’appartenait pas, ni à elle, mais à l’autorité politique. « Je suis un petit peu l’autorité politique et je compte interpeler Mme la conseillère d’Etat Béatrice Métraux à ce propos. » La dadame est restée sans voix et a fait mine de ne plus me voir. Le pasteur avec qui j’avais aussi échangé, un homme de foi, un serviteur sur qui tu peux compter, a tenté de détendre l’atmosphère par des propos œcuméniques avant d’entendre, sincèrement, ma demande qui est la demande de tous les catholiques vaudois. Rendez-nous au moins l’accès à notre cathédrale, nous pouvons sans autre la partager comme nous partageons déjà la chapelle Saint-André, une construction récente des hauts de Lausanne où sont célébrés tant la messe que le culte.

Chère Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, je peux bien te le dire, je ne t’aime pas. Néanmoins, je te respecte. Je pourrai me battre pour assurer ta pérennité en terre vaudoise. Depuis quelques années, la Constitution vaudoise te force à partager le gâteau de l’impôt ecclésiastique avec nous autres, ceux que tu appelais il y a encore un demi-siècle les « papistes ». Je ne t’aime pas mais j’en suis triste. J’aimerais t’aimer si seulement tu pouvais admettre tes origines discutables, si tu assumais la part d’arbitraire, de totalitarisme qui a mené à ta naissance ; quand regarderas-tu enfin en face et sans faux-fuyant ton histoire. C’est un catholique qui te le dit. Regarde Notre … Ma très sainte Mère l’Eglise catholique romaine qui, depuis Vatican II, a décidé d’assumer TOUTE son histoire et même d’amener de la lumière sur les zones les plus sombres de son existence. J’ai été très touché quand tu as cloué le bec de tes fidèles évangéliques homophobes en adoptant la pratique d’une bénédiction devant Dieu des couples de même sexe. Je t’ai aimé un peu ce jour-là. J’ai été très fier que tu sois vaudoise.

Au fait, je n’ai pas fui tes rangs, je ne t’ai pas abandonnée. Tu n’as simplement pas fait ton travail. Mes parents, ma famille, tous sont protestants. Une date avait été arrêtée pour mon baptême ; j’étais un enfant de quelques mois. Il a fallu repousser, j’étais malade. En vingt ans, jamais tu ne t’es inquiétée à mon propos, jamais tu n’es revenue me parler de ce baptême manqué. Tu as envoyé, quand j’avais dans les neuf-dix ans, un pasteur à face de carême dans mon école, dans ma classe. Il n’a fait que marteler aux gamins que nous étions qu’il ne fallait pas prier Dieu « pour avoir de bonnes notes ou pour avoir de jolis cadeaux à Noël ». Déjà que Dieu, on ne pouvait pas le voir mais si, en plus, il ne sert à rien de sympa, autant le balancer aux objets encombrants même s’il n’est pas là tout en étant partout !!! Ton incurie, ta maladresse m’ont éloigné de Dieu jusqu’à près de 20 ans. J’aurais pu mourir 100 fois hors du baptême. Si tu crois encore en tes sacrements, tu comprendras le péril auquel tu m’as exposé. Comme tu peux t’en apercevoir, je ne suis pas encore mort et j’ai eu le bonheur d’être baptisé. J’y vois la marque de la volonté divine. Tu as négligé tes devoirs et c’est l’Eglise de Rome qui m’a accueilli. Elle n’est pas venue me chercher ; après un épisode de révélation, je me suis mis à rôder autour du tabernacle, je recherchais la présence de Notre Seigneur et je l’ai trouvée. J’ai connu alors une vérité mystique indicible si éloignée de la stérilité de tes temples souvent aussi accueillant qu’un hall de gare. Je sais, là ou deux ou trois sont réunis en Son Nom, Il est présent, pas besoin d’avoir des temples ruisselants de dorures, chargés d’images et de vitraux, c’est contraire à tes principes. Sur les bancs de tes lieux de culte, je n’ai jamais rencontré personne, au mieux j’y ai trouvé le sommeil.

Chère église évangélique réformée du canton de Vaud, tu excuseras le ton très franc voire même provocateur de ma lettre. J’ai décidé de te parler sans ménagement dans l’espoir de, peut-être, m’entendre enfin avec toi. Je ne rejoindrai jamais tes rangs, je ne reviendrai pas sur ma confirmation. Du reste, si j’avais été baptisé dans ton culte, je ne t’aurais pas quittée. Peut-être serais-je même devenu pasteur. Je viens témoigner de l’attente de mes coreligionnaires, à savoir laisse-nous à nouveau célébrer les mystères de notre foi dans cette cathédrale que nous avons construite, dans ces églises, ces chapelles dans lesquelles nous avons affermi notre foi. Nous pouvons partager; ces lieux sont devenus aussi les vôtres. Une messe par an à la cathédrale, c’est bien trop peu. Laisse-nous y donner une messe par semaine, le samedi en milieu d’après-midi, lorsque ça ne dérange pas le calendrier des cultes ou en semaine, pourquoi pas, le jeudi par exemple, n’importe quand nous ira mais, par pitié, assume ton histoire et ne nous prive pas de la nôtre en nous fermant la porte de nos église ancestrales. 


lundi, octobre 24, 2016

La conversion de saint Louis, récit d'une conversion anti-carniste


 
Mais qui, par pitié, fera fermer et interdire les abattoirs ?! Quel gouvernement et/ou instances morales, religieuses fera interdire le génocide de milliers d’êtres sensibles dans des conditions de violence et d’inhumanité que nous croyions disparues depuis la libération des camps de la mort ?

Il y a une année de cela, comme vous le savez si nous sommes amis sur les réseaux sociaux, un petit chien est entré dans ma vie ; avec Cy. nous avons accueilli un petit être adorable, intelligent et capable de sentiments variés. Il s’appelle Lou’. Dans les faits, ses papiers indiquent Lôo. Nous n’avons pas changé son nom, il y répondait et nous ne nous sentions pas le droit de le débaptiser. A ce propos, ayant toujours de l’eau bénite à la maison, j’ai procédé au baptême de notre Lou’. Cela n’est pas très orthodoxe ni même catholique mais, dans l’absolu, chacun peut donner le baptême. Je lui ai donc donné – au nom du Père, du Fils et du saint Esprit –  le prénom de Louis, en référence à saint Louis, Lou’ en est la contraction même si parfois je l’appelle Wolfi. Mon geste tient en partie de la plaisanterie anodine … Quoique…  Profondément, j’ai toujours considéré les êtres animaux comme des amis, des individus sincères, des alliés, des témoins muets de la gloire du Très Haut. Leur affection indéfectible est certainement la meilleure image de l’amour de Dieu pour les hommes.

J’ai été fumeur, j’ai été carniste. Autant je ne regrette aucune cigarette fumée - je garde tout de même de beaux souvenirs de cette relation destructrice, autant chaque bouchée de mammifères et d’ovipares terrestres avalée me pose problème, pèse sur ma conscience et fait de moi si ce n’est un assassin du moins un complice d’assassinat. Le « je ne savais pas » ne représente qu’une vague circonstance atténuante. Dès l’âge de raison, je pouvais faire le lien entre la chaire baignant dans le gras de sauce à la mode française que je trouvais dans mon assiette et l’être assassiné qui l’avait fournie. Aujourd’hui, je sais ; aujourd’hui, j’ai décidé de ne plus détourner le regard ; aujourd’hui, j’assume ma culpabilité et ai décidé de m’amender.

Heureux les végétariens, végétaliens, véganes qui n’aimaient pas la viande. Combien sont-ils à nous raconter leur martyr, enfant, lorsqu’on les forçait à manger de la VIANDE ! Personnellement, j’ai toujours été un omnivore, un omni omnivore, goûtant, essayant, mangeant de tout. Légumes bizarres, préparations improbables, abats étranges, tout, avec une prédilection pour la bonne charcuterie vaudoise, le saucisson, la saucisse aux choux, au foie, les petits pâtés savoureux, le boutefas et le salami tessinois, la viande séchée des Grisons, la coppa, etc. Je ne regrette pas de ne plus en manger mais je conserverai ma vie durant une nostalgie de ces délices particuliers et barbares. J’aimais beaucoup les émincés, celui de porc, et la chasse, la volaille. La viande rouge, les steaks, romsteaks, aiguillettes, entrecôtes et autres passaient plus difficilement. J’aimais la viande rouge quasi incinérée. Les végétariens, végétaliens et autres véganes  qui n’aimaient pas la viande n’ont donc que peu de mérite. Même si la qualité d’un choix moral ne repose pas sur une méritocratie ou ne donne pas droits à de bons points. Les susmentionnés désignés pourraient faire preuve de plus de compréhension vis-à-vis de leurs nouveaux amis carnistes repentis qui, toutefois, mangent encore qui du poisson, des laitages, des œufs. En dépit de tout ce que l’on dit un changement de régime, de comportement aussi radical est difficile à mettre en œuvre, à vivre tous les jours. Pas impossible mais difficile.

Je me perds dans les étiquettes. Quand j’étais enfant, il y avait les végétariens ; c’étaient des gens qui ne mangeaient pas de viande mais du poisson, des œufs, des laitages. A l’époque, ces « hurluberlus » semblaient réaliser un incroyable tour de force tellement il y avait de la viande dans tout, partout. Aujourd’hui, l’intégrisme et la bienpensance véganienne ne leur jetterait qu’une vague étiquette de flexiste à la tête. Allez donc trouver votre dose de protéines quand les cantines, les restaurants, le commerce de détails ne savent toujours pas ce qu’est une légumineuses et ne savent rien vous proposer de préparé, prêt à manger, composé de tofu, des fruits à coques, d’humus, etc. Pour les ploucs carnistes – le pendant du serré-du-cul végane – un sandwich végétarien c’est une feuille de salade entre deux tranches de pain ! Merci l’équilibre.

Je me fous des étiquettes. Elles sont réductrices et contradictoires. Je suis catholique, gay, membre de l’UDC (N.D.R. parti populiste suisse pour mes lecteurs non-suisses) … Mises bout à bout, ces étiquettes n’ont aucun sens. Je suis gay, question de nature, comme j’ai les yeux bruns, même si je me suis entendu dire par un merdeux d’élève sous l’influence perpétuelle du THC que « c’était dans la tête » ! Je suis catholique suite à un épisode de révélation suivi du choix de mon  baptême et de la confirmation ; j’ai rejoint les rangs de l’UDC un peu par boutade, fanfaronnade et parce que dans le canton de Vaud, c’est un parti minoritaire avant tout motivé par le bon sens (combien ça coûte ? à quoi ça sert ?). C’est dans cette même logique que j’ai abandonné la viande. Connaissez-vous la théorie des cercles ?
 
 
L’anti-spécisme est fondé sur cette théorie de l’ouverture aux cercles suivants. Soi (le premier cercle), les parents et le conjoint, la famille, les proches, amis, connaissances, la ville, la région, le pays, la zone culturelle, le continent, les autres continents, la Création … Les animaux –  êtres sensibles non-humains – interpénètrent ces cercles de manière plus ou moins importante. Afin de justifier d’une différence de traitement radicale, ils sont classés dans l’ordre des animaux de compagnie ou des animaux d’élevage, de bouche, à fourrure, etc. Ces cercles, dans les premières civilisations organisées, ne s’adressaient qu’aux hommes, évidemment. Les femmes en étaient exclues, et je ne parle pas même des esclaves. Le tabou de l’anthropophagie entrave aujourd’hui encore l’archéologie et l’anthropologie ; bouffer l’autre était vraisemblablement plus répandu qu’on ne l’imagine. On parle de rites … de pratiques guerrières … Il s’agit juste de manger de la chair. Remarquez, si vous avez ce penchant pervers, qui vous dit que votre semblable ne va pas vous mettre à son menu un de ces quatre ? Bon, on va éviter de manger les gens de sa tribu, les hommes libres s’entend, puis les prisonniers de guerre, les vaincus du village voisin, les esclaves ; bref, on a évité de manger des individus humains. De nos jours, dans la civilisation occidentale carniste, il est hors de question de manger du chat, du chien, du cheval pour certains, du cochon d’Inde pour d’autres. A propos d’Inde, les vaches ayant un statut sacré, hors de question d’y consommer du bœuf et, en Chine, on mange de tout, mais vraiment de tout, on raconte même qu’on y mangerait des fœtus.

Notre civilisation occidentale judéo-chrétienne s’est bâtie sur de solides fondations de violence et d’obscurantisme (dont les « Lumières » ne sont pas exemptes). On revient de très loin. Chronologie express : Rome, la république puis l’empire, est un Etat de droit depuis 450 av. JC ; au XVIIIème siècle, l’empereur Léopold décida que tous les citoyens juifs de ses Etats jouiraient des mêmes droits que les chrétiens ; la France interdit enfin l’esclavagisme en 1848, sous la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III ; le droit de vote au niveau fédéral fut accordé aux femmes suisses en 1971 ; en ce début de XXIème siècle, après l’horreur génocidaires nazie et stalinienne, l’opinion publique prend enfin conscience du droit à la vie et au respect des êtres sensibles non-humains. Il y a encore du travail, ne nous cachons pas la vérité, toutefois les choses changent, par bonheur.

Pratiquement, comment vivé-je cette conversation végéto-végano-végétatruc ? Sous l’ironie de vieux cons, l’incompréhension de mes proches, la hauteur des véganes ultras. L’un d’eux, l’une plus exactement, sympathique au demeurant, je la rencontre souvent lors de la promenade du Lou’, mon Louis, la dame sort aussi deux petits chiens. Je lui explique ma conviction du respect de la vie animale, je ne mange plus de viande, des œufs tout de même, pas de lait, du poisson parfois … « Mais vous n’êtes pas végétariens, vous n’êtes rien ! » Hors l’église point de salut, la jeune dadame excuse tout de même ce « rien », du fait de mon grand âge (elle doit avoir 25-28 ans mal conservés). « Il est plus facile pour des gens jeunes de changer de régime », poursuit-elle. J’abonde dans son sens, « surtout que pour des jeunes gens comme vous, avant d’adopter une alimentation végane, vous avez surtout été habitués à manger n’importe quoi, de la junkfood, des produits industriels, on quitte bien plus facilement ce type d’alimentation. » Et toc, bécasse, cela s’appelle la réponse de la bergère au berger.

Pratiquement, donc, je ne mange plus de viande de mammifères, ni de volaille ou de n’importe quel oiseau, du poisson parfois, même si les poissons sont aussi des êtres sensibles, je ne me suis pas encore ouvert à leur cercle. Je mange des œufs issus de coopératives, des volailles élevées en plein air qui finissent assurément assassinées lorsqu’elles ne sont plus assez productives ... Et les produits laitiers ? Le lait ? berk mais difficile d’échapper au fromage, d’autant plus lorsqu’on a arrêté le saucisson mais je ne supporte plus l’assassinat des veaux ni la manière dont ils sont retirés à leurs mères. Je limite, drastiquement, il est vraiment urgent que je m’achète des livres de cuisine végane. Je n’arrêterai jamais le miel, produit par les ruches communales ou ma « Heilpraktikerin » berlinoise ou n’importe quel producteur non industriel. Et le cuir ? La laine ? La soie ? Je ne vais pas jeter mes sacs en cuir, j’en prends soin, ils ont été produits avec la peau d’êtres sensibles, si je me débarrassais de tous mes accessoires en cuir, ces êtres seraient mort deux fois. Quant à les vendre d’occasion ou les donner, leur repreneur n’en ferait peut-être pas grand cas. Autant les conserver. Et les chaussures ? comment être élégant sans de belles chaussures en cuir ? Je viens de faire l’acquisition de ma première paire « végane »,  faite d’une sorte de caoutchouc bleu filigrané, semelles en gomme. J’ai encore – beaucoup – de stock et le temps de voir venir, de trouver … chaussure à mon pied. Cela fait longtemps que je ne crois plus au 100% pure laine vierge. La rayonne, la viscose (fibres de bois), le polyester, le coton, l’acrylique, l’élasthanne, le chanvre, le lin, la sparte, le raphia, les céramides, le pet (laine polaire), tous les mélanges sont possibles pour toutes les textures et tous les usages. La laine n’est souvent maintenue en proportion négligeable qu’à des fins marketing.   

J’ai arrêté de fumer le 1er novembre 2001, suite à une grosse bronchite de trop. Mon médecin avait noté cette date, « vous serez heureux de vous en rappeler dans dix ans ». C’était le 3 ou le 4 et je me suis dit que, jamais plus, je n’arriverais à écrire. Je fumais partout et à tout propos. La cigarette était la compagne de mes petits et grands heurs. Il ne se passe pas un jour sans que je constate à quel point l’exploitation animale et la violence qui en découle est présente dans nos moindres habitudes, toutes celles dont il faudra se défaire. La tâche paraît aussi impossible que, pour le fumeur, de renoncer à la première clope avec le café matinal, autant arrêter le café ! Avant-hier encore, je me suis demandé de quoi était composée exactement l’encre de ma plume ? s’il me faudrait passer au crayon ? et si c’est animal, existe-t-il un moyen de prélever cette encre sans faire de mal ? Non, évidemment, l’exploitation reste de l’exploitation. Les textes bibliques ne m’offrent pas de réponse, il n’est question dans l’Ancien Testament que d’étripage de bovidés et d’ovins pour les livrer « en holocauste » à Yahvé. Vous me direz qu’on y génocidifie gaillardement le Philistin et les Égyptiens premiers nés de même. Accessoirement, dans la brocante du Deutéronome, on y condamne à mort celui qui porte un vêtement fait de deux textiles différents (laine et lin par exemple). Il y a, heureusement, le Nouveau Testament qui renouvelle l’Alliance sans appel au meurtre, sans razzia, sans sacrifice. Il y a l’Aimé, le Très Doux qui chasse les marchands (de bêtes sacrificielles entre autres) du Temple, qui cueille des figues, glane du blé avec les apôtres, mange un poisson grillé avec eux encore après sa résurrection. Ni oiseaux, ni mammifères à son menu et on ne sait pas si les sandales étaient en cuir ou en sparte ? Et sa tunique ? ou le saint Suaire ? du lin, blanc, virginal, assurément. Il ne manque que l’exégèse anti-carniste des Évangiles. Le pape François a récemment consolé une petite fille suite à la mort de son chien (ou son chat ? son canari ?), lui assurant que le petit être aimé était à présent au paradis. A chaque fois que je croise le corps inerte d’un oiseau défunt, d’un petit rongeur, chat victime de la circulation, hérisson, autres,  j’ai une prière à saint François, qu’il accueille l’âme de cet être au paradis des animaux. J’assure aussi les maîtres éplorés d’animaux décédés de l’intercession du saint d’Assise qui prêchait aux oiseaux. Au même chapitre, on trouve saint Antoine de Padoue qui, lui, s'adressait aux poissons … Je crois que je vais aussi arrêter d'en manger.