vendredi, juillet 10, 2020

Complément au billet quant à la tartufferie du masque ou « entrer en résistance »


Analyse de la situation et rhétorique
Alain B., conseiller fédéral, a dit en substance : « nous n’avons aucune preuve de la propagation du virus dans les transports publics toutefois, dans les pays voisins, il existe l’obligation du  port du masque dans ces mêmes transports, nous décidons donc de l’imposer aussi », il a encore dit : « nous avions fortement prescrit le port du masque [dans les transports publics] mais personne ne le portait, il a bien fallu passer par l’obligation ». Simonetta S., conseillère fédérale a dit : « le masque protège aussi un peu celui qui le porte » puis « ce n’est pas si désagréable de le porter », elle a encore dit : « on s’y habitue » ! Soit. L’historien que je suis ne peut s’empêcher de rappeler que ce genre d’arguments circulaient dans la France occupée à propos du port de l’étoile de David. De plus, non, Mme S., le masque, s’il n’est pas filtrant, ne protège qu’autrui à une distance maximum de 20cm, au-delà, vous pouvez imposer le port du panier à salade sur la tête, ça aura le même effet. Je vous rappelle, Madame, que le  virus du SARS-CoV2 mesure en moyenne 100 nanomètres, soit mille fois plus petit que le diamètre d’un cheveu[1]… Quant à Alain B., petite analyse syntaxique de ses propos, version décodée, il justifie l’imposition du port de la couche-culotte faciale non pas sur des constatations ou des chiffres, des analyses objectives ou la manifestation de clusters mais juste parce que la mesure a déjà cours en France, en Allemagne (ou elle est suivie comme présentée dans un précédent billet de mon blog[2]), en Italie et partout où l’expérience de contrôle et de sinisation des foules a cours. De plus, le pompon, le Conseil fédéral, n’assumant pas complètement son statut de pouvoir exécutif suprême, espérait se défausser avec une simple « prescription », genre « vous êtes obligés mais ça ne vient pas de nous, vous le faites gracieusement … ». On serait en droit d’en conclure un manque de génitoire rédhibitoire de la part du susmentionné Conseil mais je n’irai pas jusque là.

Début en fanfare … timide
Cela fait donc 4 jours que la couche-culotte faciale est obligatoire dans les transports publics suisses et 2 jours qu’elle est obligatoire dans les commerces vaudois et jurassiens accueillant plus de 10 personnes à la fois. Je m’étonne que le Jura ait cédé à cet hystégiénisme  (hystérie + hygiénisme, mot valise !). Que les autorités vaudoises marchent comme un seul homme dans la lutte contre la pseudémie et tout le canton à leur suite ne m’étonne pas, ce petit genre fayot premier de la classe qui s’imagine se la jouer plus suisse-allemand que les Suisses-Allemands ne date pas d’hier. En l’occurrence, la Suisse allemande garde la tête froide, n’est pas prête de se ch… dans le crâne et, consécutivement, ne voit pas l’utilité à la couche-culotte faciale. Et que voit-on dans les trains, les bus, les métros, observations personnelles et donc parcellaires de la situation dans un périmètre d’une vingtaine de kilomètres autour de la capitale vaudoise, que voit-on ? alors que la retape moralo-bienveillante est à son comble, pas encore émoussée par la routine et l’ennui, mais que voit-on ? Un 15% de réfractaires sans masque ou le masque ostensiblement sous le nez. Et pas de rappel à l’ordre de la part de ceux qui font « juste » qui, honteusement masqués, se plongent dans la consultation de leur smartphone. Par-ci, par-là, quelques signes de connivence et d’encouragement entre les réfractaires. Ça fait chaud au cœur, tout n’est pas encore complètement perdu. La presse d’Etat évoque quant à elle le refus du masque comme un sentiment mal placé de supériorité de la part d’une frange de la population peu éduquée manquant du civisme le plus élémentaire !!! Etude sociologique à l’appui, gribouillée à l’arrache, on se croirait revenu aux grandes heures de la Pravda.

vu dans un couloir de la gare de Morges
Une situation
Lundi, votre serviteur se rend à la clinique de la Source non pas pour s’inquiéter d’une infection au conarobidule et se faire tester tout tremblant d’inquiétude, nan, juste une échographie en vue de ma lipoaspiration de septembre. J’entre donc d’un pas décidé dans l’établissement médical où on m’impose la couche-culotte faciale – gracieusement offerte – que je dispose n’importe comment sans que le préposé garde-chiourme sanitaire n’en dise rien. Sitôt franchi le sas d’entrée, je retire le couche faciale de chirurgien et la glisse dans une poche, c’est pour une amie qui refuse d’en acheter et a besoin de deux ou trois pièces pour faire « genre » dans les grandes surfaces vaudoises. Par plaisanterie, j’avais déjà accroché au rétroviseur intérieur de sa voiture un masque usagé qui était passé d’un fond de sac à l’autre. Et bien l’objet a été réquisitionné par son fils, qui ne compte pas plus que sa mère dépenser de l’argent pour la chose. Du coup, je conserve les masques à peine utilisé dont elle pourrait avoir besoin. Je réajuste un masque en tissu léger et respirant, porté sous le nez, histoire de tester les réactions. Je tends le bon de soin à une première réceptionniste qui me dit que c’est un étage plus bas. Pas un mot sur mon port particulier de la couche faciale. Deuxième réception, je suis au bon endroit, pas plus de réaction de la secrétaire médicale, pas plus de la part de l’infirmière qui m’appelle et me dit de me déshabiller dans une cabine. Toujours rien alors qu’elle m’installe sur la table d’auscultation. Arrive la radiologue, je trifouille mon masque, pas évident avec la moustache, elle me demande si la chose me gêne, je réponds par l’affirmative, elle me fait, enfin, remarquer que ça ne se  porte pas comme ça. Je rétorque que je suis asthmatique et que j’ai les bronches en accordéon ce matin. La praticienne s’excuse immédiatement, m’assure qu’il n’y a pas de problème et embraie sur la pratique italienne où le masque est obligatoire partout, mais vraiment partout, avec mesure de la température à l’entrée des commerces, des restaurants (j’ai failli demander si la mesure était « anale », me suis réfréné). Elle poursuit par un « on aurait dû faire comme ça en Suisse, ça repart ». Et, là, c’est moi qui repart pour démonter les arguments approximatifs serinés par la presse d’Etat, « normal que l’on ait plus de cas positifs depuis le 23 juin, depuis que les tests sont  pris en charge par l’assurance maladie de base, on en fait jusqu’à 10 fois plus, pas étonnant que la courbe du nombre de cas positifs évolue avec celle des tests effectués ». « Oui mais ça repart en Suisse ! » gémit la praticienne. « Non, les hôpitaux sont vides ! le nombre de cas positifs/faux positifs augmente soit mais il n’y a quasi plus d’hospitalisation (3 hospitalisations le 7 juillet et rien depuis deux jours) et le dernier décès prétendument causé par la covid-19 remonte au 30 juin. » La dame ne se démonte toutefois pas, elle attaque sous un autre angle, « vous avez été malade de la covid ? » Ce à quoi je réponds que je n’en sais rien, peut-être, j’ai été malade, genre refroidissement sans fièvre avec les bronches détrempées. J’ajoute que mon voisin avait été testé positif, qu’il a passé tout son temps de confinement, 10 jours en mai, sur sa terrasse à bronzer. La praticienne « il a eu de la chance, je connais des personnes qui ont été très gravement malades ». « Oui, comme cela arrive avec la grippe ! » Après cette dernière passe d’arme à fleurets mouchetés, la praticienne a changé de sujet, vite terminer, vite me voir partir. L’échange a duré 5 minutes, même moins,  au cours duquel, alors que je ne suis pas médecin, j’ai répondu par les arguments massue de la statistique suisse. A ce propos, je vous glisse une source non-négligeable de renseignements statistiques tout à fait sérieuse et vérifiée ace024.com[3], travail de compilation de données réalisée par Peter Bishop, vraisemblablement un pseudo mais l’homme – ou la femme – sait de quoi il/elle parle.

Résistance
La toile est une source vive d’informations négligées volontairement ou non par les médias mainstream. Il y a l’excellent Silvano Trotta, vieux routier de l’analyse, grand compilateur d’informations devant l’Eternel. Sur sa chaîne YouTube[4] défilent des scientifiques reconnus, des politiciens, des hommes de loi, des savants qui expliquent, expliquent et expliquent pourquoi il ne faut pas céder au « virus de la peur ». Il y a aussi cet appel d’un groupe de scientifiques et de médecins allemands dénonçant l’escroquerie de la pseudémie et s’insurgeant contre les mesures prises par les Etats. Cela commence par une petite vidéo[5] puis les Medical Professionals and Scientists for Health, Freedom and Democracy[6] exposent leur projet en enjoignant des médecins, des chercheurs et des professionnels de la santé d’autres pays à fonder le même type d’association. Il y a du plus léger, sur les réseaux sociaux, avec des petits malins exposant les mille stratégies afin de résister à la couche-culottite faciale. Il suffit, par exemple, de se promener avec une bouteille d’eau durant tout son trajet et de faire mine de boire ou, plus simple, d’avoir un petit mouchoir et, au cas où apparaitrait intempestivement un contrôleur, vous soufflez dans votre petit mouchoir « ben quoi ? vous arrivez à vous moucher avec un masque ? ». Pour les longs trajets ferroviaires, préférez le wagon restaurant où, consommation oblige, vous ne porterez pas de masque[7]. Il y a aussi des appels à la grève sociale. En quoi consiste ce mouvement ? Il s’agit d’un retrait de toute activité sociale non professionnelle. Plus précisément, cela peut prendre la forme d’une suspension de vos activités au sein d’une association, ne plus participer à des manifestations publiques, ne plus consommer les médias d’Etat ou la presse mainstream, n’en suivre que les fils d’actualités, suspendre même ses activités politiques et, à chaque fois, ne pas chercher à esquiver par de vagues prétextes mais expliquer clairement votre geste comme la manifestation de votre désapprobation de la politique menée par la Confédération, le canton et même la commune dans laquelle vous résidez. Il faut être clair, sobre et simple. Sans animosité ni véhémence. Vous pouvez encore doubler cette action en boycottant les commerces qui vous imposent le port de la couche-culotte faciale, et si vous avez un certain attachement pour ce commerce, expliquez au gérant votre position et réclamez de lui l’abandon de cette mesure ou de relayer auprès des autorités compétentes le mécontentement de certains consommateurs et la baisse inévitable du chiffre d’affaires. Dans les cantons de Vaud et Jura, où la couche-culotte faciale est obligatoire dans les commerces pouvant recevoir plus de dix clients à la fois, vous pouvez vous adressez à la chambre de commerce et d’industrie ou, même, au conseiller d’Etat en charge du commerce[8]. Comment continuer à manger et se vêtir durant ce « blocus », vous avez les petites enseignes, la vente directe auprès des producteurs, les marchés bihebdomadaires, les cantons voisins tant qu’on y impose pas la couche faciale et si ça venait à se faire, menacez d’aller faire vos courses en France voisine ou sur le net. Surtout, communiquez sur votre « grève sociale », il s’agit de témoigner de votre désaccord et de répondre à la limitation de vos libertés fondamentales, même si votre démarche n’aboutit qu’à des résultats symboliques Agir pour ne plus subir. Toujours plus loin dans votre protestation, vous pouvez suspendre vos acomptes mensuels auprès de la commission d’impôt et expliquer le pourquoi de cette suspension auprès des autorités concernées. De toute manière, vous ne risquez rien, pas même des intérêts de retard, vous avez jusqu’à fin décembre pour verser la somme demandée pour l’année en cours. Petit conseil, versez tout de même tous vos acomptes sur un compte spécialement dévolu à cet effet, histoire de ne pas être pris de cours. On pourrait pousser cette logique encore plus loin en versant les impôts sur le revenu et la fortune sur un compte bloqué après réception de votre décompte final. Vous témoigneriez, là encore, de votre opposition aux mesures liberticides qui ont encore cours du fait de cette pseudémie. A relever que cette posture tient du pot de terre contre le pot de fer et vous n’aurez pas le dessus. Avec un chouia de tapage médiatique, vous pourriez bien emm… vos autorités cantonales mais il faudra bien payer ! La réussite dépend du nombre de citoyens-contribuables prêts à se lancer. Imaginez que la moitié des ménages refusent d’obtempérer, l’Etat devra céder… Sur un plan politique, vous pourriez aussi sanctionner tous les élus - dont je fais partie - qui, d'une manière ou  d'une autre, ont collaboré au rapt de vos, de nos libertés fondamentales en biffant leurs noms lors des prochaines élections (communales, cantonales, fédérales). Préférez-leur des candidats tout neufs et virez les autres. Au passage, je vous présente mes excuses pour n'avoir pas suffisamment défendu nos droits dans mon mandat de conseiller communal.

Et plus personnellement …
Trois objectifs : 1.passer le permis de conduire et acheter une voiture, 2.faire une liposuccion en septembre et 3.suivre un cours de méditation transcendantale fin août. Je résume : être libre et se libérer (contrainte, gras, pusillanimité, horaires de train, etc.) Je vous dirai laquelle des trois mesures sera la plus spectaculaire. Quant à la littérature, on me promet, on m’assure que je serai publié en novembre et au printemps, pour un essai autofictif et un roman à caractère uchronique, deux projets cumulant près de 5 ans de retard à eux deux, on va dire la faute à pas de chance. En tout cas, promis, plus un mot sur le conarovirus et ses effets annexes. Après avoir rendu mon tablier du conseil de paroisse et de l’Association de sauvegarde de Morges, je me tâte quant à la politique aussi. S’apercevoir que l’on n’est qu’un micro-pion sur un échiquier géant au service de … pantins, bof. Je me demande s’il n’y aurait pas mieux ou plus créatif à faire. A voir. A suivre.




[4] Un bref exemple de ses « émissions », l’évocation de l’étude de 10 scientifiques italiens qui clament que l’épidémie est finie https://www.youtube.com/watch?v=m2_tWmJOso0
[7] Pour ne pas attirer d’éventuels ennuis à ces contributeurs de Facebook, je tairai leur nom.
[8] Le DEIS dans le canton de Vaud

mercredi, juillet 08, 2020

Peau d'âme / L'étoffe des zéros


Quand j’étais enfant, j’avais été fort frappé par la merveilleuse Catherine en robe couleur de soleil, un conte version cinématographique, une histoire qui expliquait aux petites filles qu’elles ne devaient pas être top belles, en tout cas pas jusqu’à leur mariage, sinon elles susciteraient le désir contre-nature de leur papa. Le conte racontait encore à chaque petite fille bien élevée que seul l’époux qui lui était destiné la trouverait belle même si la petite fille en question par humilité s’était faite moche, n’avait en tout cas pas cherché à se pomponner et exister par son charme, son physique, ses goûts. Après le mariage, ce serait une autre histoire, la petite fille devenue épouse (synonyme de femme en la circonstance) aurait même le devoir au bras de son époux de se maquiller, faire des effets de toilette tant en public qu’en privé, surtout en privé, dentelles, déshabillés et tout le tralala. Etant un garçon, de surcoît plus admiratif de la robe que du corps qu’il y avait dedans, la problématique du rôle de la femme dans les clichés traditionnels m’est parfaitement passée au-dessus. Il y avait aussi le conte, tout aussi magnifiquement adapté au cinéma, de la jeune fille qui, se promenant où il ne fallait pas, finissait par y être retenue par un monstre (plein de poil avec une énorme trompe au milieu de la face selon le texte d’origine), monstre dont elle finirait par tomber amoureuse et de sa trompe aussi. Là non plus, je n’avais pas fait le lien avec la morale pragmatique sous-jacente, à savoir l’expression populaire touchant à la sexualité féminine : voir le loup !

Je dois dire que je n’ai pas peur du loup, quelle qu’en soit la forme ; j’ai une grande affection pour les canidés et, pour en revenir à l’expression populaire susmentionnée, j’eus dans mes jeunes années une vie sentimentale – et plus bas –  passablement agitée. J’y laissai parfois quelques plumes, soit, mais ne me suis jamais retrouvé vraiment à poil, au pire je me serais juste montré moi-même, tel quel et tout d’un seul tenant, sans mise-en-scène, tralala, tanga ou slip kangourou. La fesse eût peut-être été incidemment découverte mais le reste du bonhomme drapé dans le laticlave métaphorique de ses convictions, croyances, inclinaisons. En fait, je me suis plus d’une fois franchement retrouvé à poil ! Ce n’est pas un état problématique en soi, pas sur le plan de la pudeur, pas à vingt ans du moins. Le problème vient d’ailleurs, de la blessure d’amour propre, des coups virtuels qui vous font des bleus à l’âme … Avec l’âge, la chair flétrissant, on apprend à se couvrir, se déguiser laisser entendre que l’on est un autre, celui qui rentre dans des fringues standardisées qui vont à tout le monde mais à personne en particulier.

Les héros du moment ne sont guères plus séduisants. Ils avancent masqués, à bonne distance les uns des autres. C’est à peine si l’on arrive à les reconnaître parmi les reflets du plexiglas. Pauvres enfants craintifs inventés par un mauvais démiurge qui pousse la malfaisance et l’ironie jusqu’à leur avoir fait croire à leur héroïsme ?! Si le « nouveau héros » est un aussi bon citoyen que la petite fille sage est bien élevée, il doit s’effacer, abdiquer de lui-même, volontairement, devenir une entité nulle et impersonnelle jusqu’à ce que … je ne sais quoi ? La résurrection des boutons de guêtres comme disait grand-maman. La petite fille sage nourrissait le vague espoir d’un mariage prochain pour exister. Nos nouveaux héros carburent à la belle promesse parmi l’angoisse, tant qu’ils sont productifs, pas même besoin de leur passer la bague au doigt. Par bonheur, parmi ces cohortes sans visage, quelques mauvaises têtes se relèvent, le nez au vent. Ils ont même quitté leurs fringues de prêt-à-porter pour en faire des étendards. Même pas morts, pas encore, pas avant d’avoir brûlé masques et déguisements comme les féministes ont brûlé leur soutifs en 68, le sein nu, revendicatif et conquérant. Même pas morts, pas encore, pas avant d’avoir habité de toute leur âme chaque millimètre carré de leur épiderme et d’en avoir joui, comme une invitation à la liberté d’être soi.

D’aucuns diraient qu’il n’y a pas matière à épiloguer. Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu donc rien venir ? « En dépit du soleil qui poudroie, le temps se couvre », dirait la frangine, rapport à la mine déconfite de foules hagardes et clairsemées, une sorte d’horreur blanche qui vous ferait presque regretter la grosse boucherie dégueu et assassine d’un Barbe Bleue ; assurément, ce type n’a pas peur de se tacher dans la manifestation de sa sensualité. Mais quand reviendra-t-on à des histoires de fleur de peau ? de conscience … épidermique ? de libre-arbitre ?



jeudi, juin 25, 2020

Retour de Berlin ou la foire aux tartuffes ou la Grande Mascarade


Préambule 1 :
Le masque chirurgical ou masque en tissu ou tout bricolage du genre ne protège en rien celui qui le porte mais toute personne se trouvant à 20cm ou moins de celui qui porte le masque. Le masque dit chirurgical a une durée d’utilisation de 4 heures maximum. Au-delà, il devient un nid de bactéries nuisibles à celui qui le porte. Le masque en tissu ou tout bricolage s’en rapprochant est un piège à allergènes, à bactéries aussi si humide ; il faudrait donc 4-5 masques par jours (chirurgical, tissu, bricolage) et laver chaque jour à 60° les masques qui supportent ce traitement. J’enseigne la culture générale auprès de personnel soignant qui m’ont confirmé unanimement ces données.

Préambule 2:
Vu la durée de la pseudémie ( mot valise pour pseudo et épidémie), le taux de transmission moyen (2,8), le nombre de morts attribués à la Covid-19 par 100’000 habitants (49 pour la Suède qui n’a pas confiné et a laissé les lieux publics ouverts, 44 pour la France qui a strictement confiné et fermé tous les lieux publics en dehors des magasin d’alimentation, 23 pour la Suisse qui a interdit les rassemblements et fermé tous les lieux publics en dehors des magasins d’alimentation mais laissé la population aller et venir), vu ce qui précède il ne semble pas y avoir de lien entre confinement et létalité du virus et par rebond pas plus de lien entre port du masque et létalité du virus. De plus, si le virus se répandait par aérosols, le taux de transmission serait plus élevé. Le virus se transmet certainement par gouttelettes avec le préalable d’une charge virale suffisamment importante et, surtout, par dépôt sur des surfaces. Lorsque je parle de charge virale suffisamment importante, je fais un parallèle avec notre bon vieux virus du Sida qui, avant les trithérapies, était présent dans les larmes et la salive mais en quantité si négligeable que le risque était théorique … à condition d’ingurgiter dix litres de salives d’une personne infectée !!! Le risque pouvait être qualifié de statistiquement crédible mais pratiquement irréalisable.

Ich bin wieder da.
Retour de Berlin, ma Berlin, lavée de ses hordes de touristes … Mais j’en suis un me direz-vous ? Non, « ich bin ein Teilzeit Berliner », cela fait près de 15 ans que je fréquente ma « petite ourse », Bärlin, mon petit Liré perso’ que j’ai vu se transformer, que je connais aussi bien qu’un Berlinois, peut-être mieux, j’ai le temps d’y flâner. Je connais ses parcs, ses églises, ses pince-fesses, les collections de ses musées. J’ai vu des cafés, des cinémas, des magasins, des lieux propres à l’identité de la ville disparaître. J’ai vu naître des institutions, ressusciter des lieux. Bref, je vis avec la ville, la visite comme une proche amie, une parente quatre fois par an, parfois plus. J’y ai des amis, des habitudes, des cantines et des manies. Un saut de puce le week-end dernier, sitôt les frontières rouvertes, retrouver ma chère Berlin au plus vite de peur que les semeurs d’angoisse ne nous rebouclent comme de la volaille en batterie. J’ai donc eu le plaisir de retrouver le peuple des Berlinois, toutes communautés confondues, peuple réinvestir sa ville, encombrer ses trottoirs, boire à la terrasse de ses cafés. J’ai surtout vu une ville, une population qui, même si elle n’a vécu ni la dictature nazie, ni la surveillance de la stasi, a gardé le réflexe de défendre ses libertés fondamentales.

Liberté chérie
Avancer le nez au vent, maquillé, grimés, déguisé, nature, avec le voile islamique ou la képa, un chapeau sur la tête, des lunettes excentriques ou un masque filtrant parce qu’on a peur du grand méchant loup qui, ces temps, s’appelle Covid-19, no problemo, chacun fait ce qui lui plaît avec son image sociale, selon ses goûts, sa volonté ou ses craintes. Quel bonheur de fréquenter la communauté turque et musulmane, des gens qui se tiennent « dans la main de Dieu », selon leur propre expression et acceptent la vie avec ses risques et ses joies. La loi impose le port de masque au personnel de la restauration, dans les restaurants turcs on vous accueille avec le sourire et le masque pendu à l’oreille, sous le menton ou, mieux, pas de masque du tout. Les jeunes ressortissants de cette communauté montent et descendent fièrement des transports publics sans masques, ils n’ont même pas envie de faire semblant, comme une bonne partie des usagers, qui portouillent la chose sous le nez parce que naturellement vous vous apercevez qu’il est contre-nature et désagréable d’entraver sa respiration, de re-respirer ses miasmes, comme si vous deviez manger votre vomi !

Des faits
Soyons concrets. J’ai une situation précise et clairement déterminée avec des chiffres précis : trajet en U3 de Wittenbergplatz à Hohenzollernplatz, samedi, il est 13h30 à peu près, 11 voyageurs se trouvent dans le wagon, moi y compris, et 5 ne portent pas de masques. La situation est moins marquée sur l’ensemble de mes trajets. J’ai pu observer un tiers des voyageurs qui ne portent pas de masques ou ne se couvrent pas le nez et la moitié qui, à un moment ou un autre, ne porte pas de masque/l’a momentanément retiré. En pourcentage, on obtient un gros 30% qui ne suit pas les prescriptions dites obligatoires dans les magasins et les transports publics auxquels s’ajoutent encore un 20% qui, pour un instant, retire son masque. Et je n’ai que très, très peu vu de masques filtrants dont l’efficacité est encore à discuter (voir la taille de la maille du filtre versus la taille du virus). Vu ce qui est exposé dans les préambules 1 et 2, vu le suivi très lâche de l’obligation du port de la muselière …euh du machin à caractère hygiénique quoique franchement dégueu’ car très très très rarement utilisé de manière adéquate, pourquoi ne pas laisser tomber cette obligation pour la transformer en prescription et tant pis pour les chiards, quand ils seront fatigués de trembler comme des clafoutis gélifiés abandonnés dans un courant d’air, ils reviendront à la raison et seront très heureux de ressortir sans se voir sans cesse confronté au signe anxiogène du masque chirurgical.

Obligatoire mais pas tant …
Et parlons de cette question d’obligation. Pas un seul contrôle dans les transports publics, parfois un regard de travers dans les magasins où, souvent, le personnel (DM, Rossmann) ne porte pas de masque. Apparemment, l’amende pour non-respect de ces normes sociocides (socio- = la société, -cide = qui tue) n'est pas appliquée. Mes amis berlinois m’ont dit n’avoir jamais été confrontés à un contrôle sur ce sujet … C’est ici que réside la tartufferie, une hypocrisie moralisante.  Et les « clusters » me direz-vous encore ? On les attend ! A Berlin, un bâtiment de Neuköln a été placé tout entier en quarantaine ; voilà qui démystifie la transmission par aérosol et nous rapproche de la très vraisemblable contamination par projection massive (on vous éternue contre à moins de 20cm) et/ou contamination par dépôt. Il y a, soit, aussi le canton de Gütersloh et son abattoir cradingue de  Rheda-Wiedenbrück, centre d’une nouvelle contamination. Avec ce que l’on sait déjà des marchés encore plus cradingues de Wuhan et d’autres abattoirs en Europe, on peut légitimement se poser la question d’une transmission via les cadavres d’animaux assassinés dans des conditions concentrationnaires. Plutôt que d’emm… le bon peuple avec une sinisation  de nos sociétés par le masque, nos autorités feraient mieux d’interdire le massacre d’être sensibles dans ces usines de la mort. Quoiqu’il en soit, ces deux cas, qu’on les tourne dans un sens ou dans  l’autre, ne confirme en rien l’utilité du masque !

scène du 28 minutes, Arte, 12 juin 2020
Blabla international
L’Allemagne n’atteint pas les sommets où caracole la France, se vantant d’avoir imposé un quasi Vichy II à sa population, jouant bonasse sur les écrans de sa télévision publique la carte de l’obéissance à la sainte autorité panmédicaliste. Lorsque je vois Sophie Davant minauder sur le plateau d’ « Affaires Conclues » à propos du respect strict des distances, et que, même, elle rappelle à une commissaire priseur qu’elle n’a pas retiré son masque alors qu’ils sont à l’écran, « Hi, hi, hi », je ne peux m’empêcher de penser à toute la bonne volonté que la France mit dans la collaboration… Evidemment, dans les émissions « sérieuses » de décryptage de l’actualité, les 360'000 habitants du canton de Gütersloh sont devenus un demi-million de confinés parce que l’Allemagne n’a pas réagi assez tôt, assez complètement, n’a pas assez insisté sur le masque etc. Cette pauvre intelligentsia française en vue privée pendant plus de trois mois de son cher public-caisse de résonnance caquette à n’en plus pouvoir sur ce qu’il faut encore faire, sur le masque, le masque, le masque. En vérité, je vous le dis, la France voisine est en train de sombrer sous Vichy II. Dans la foulée, quelques apprentis autocrates aux petits pieds exigent tout et n’importe quoi en Suisse romande (partie francophone du pays où l’influence du voisin français est naturellement plus marquée). Je pense à M.P. à Genève et à ses déclarations à l’emporte-pièce (je tais son nom car j’ai honte pour lui, même si je suis citoyen vaudois, le canton d’à-côté). En terres vaudoises, aussi, au sein du gouvernement cantonal, on est venu nous annoncer la fin du monde et réclamer que les autorités fédérales nous bouclent à domicile. Comme le dit ma mère, « heureusement qu’on a les Suisses-Allemands ! ». En Suisse, par bonheur, on peut exposer des chiffres. Le masque n’est pas obligatoire, seuls 6% des usagers des transports publics le portent, 8% aux heures de pointe, toujours pas de clusters, la deuxième vague commence à ressembler à « l’Arlésienne ».  Pourtant, l’Etat fait de la retape tous azimuts avec des messages infantilisants, « tous responsables ». Effectivement, tous responsables de la défense des libertés fondamentales dans nos sociétés occidentales, d’où ce billet, dont je vais envoyer le lien aux autorités berlinoises, brandebourgeoises, allemandes et, même, à Mme von der Leyen. Les autorités et personnes précitées n’en auront certainement rien à faire, j’aurai au moins eu la satisfaction de leur avoir « renvoyé leur paquet ».  Question télé, je relève avec amusement que, lorsqu’on fait des simagrées sur « Affaires conclues », sur le plateau du 28 minutes, Arte, on se tient côte à côte, à peine à 20 centimètres les uns des autres. Je me dis que l’entendement protège de la carnavalite, ce virus intellectuellement transmissible via la peur, virus se manifestant par l’apparition d’un masque sur la face.

Un petit dernier pour la route
Et je suis rentré, vol de 20h10, aéroport de Tegel, terminal C. Les agents de sécurité portent de façon très personnelle le masque (sous le menton, sous le nez, sur le front …). Les contrôles passés, comme dans les gares du U, je suis noyé de messages de prévention qui tournent en boucle. Comme dans le U, un bon tiers des personnes présentes ne portent soit pas le masque, soit sous le nez, une partie des autres le retire régulièrement. Bref, du classique. Peu avant l’embarquement, une employée de l’aéroport dûment déguisée pour carnaval vient rappeler à l’ordre l’un ou l’autre passager qui ne porte pas du tout de protection faciale. Elle semble ne pas vouloir voir ceux qui l’ont sur le menton, ou à moitié sur la bouche. Et voici que passe l’équipe de la sécurité qui procédait aux contrôles ; il n’y a plus de vols pour aujourd’hui, ils ont fini. Aucun d’eux ne porte plus de masques ! Et que fit la petite préposée au respect des mesures liberticides pseudo-hygiéniques ? Rien. Elle s’est détournée pour ne pas les regarder puis s’est retirée derrière le distributeur de boissons, face contre le mur, à croire qu’elle se cachait ! J’en ai une caisse entière de ce genre à propos des agents de la BVG (compagnie de transport berlinois) préposés à la surveillance des quais, qui eux-mêmes se promènent à peine masqués (sous le nez).

In fine
« Qu’est-ce que ça peut te faire si des gens portent un masque ? » A moi, rien mais, derrière cette pratique et les injonctions panmédicalistes qui insistent sans cesse sur l’application d’une mesure qui ne sert in fine qu’à rassurer les craintifs avec un gri-gri ridicule, je m’interroge sur les véritables enjeux ? Le masque nous anonymise ; d’individu singulier, on devient une entité méconnaissable, un composant de la masse. L’étape suivante sera le puçage et ça se terminera avec « le soleil vert ». Le conarovirus – ainsi que je le nomme – n’est pas la peste, le choléra, la grippe de 1917 ou ébola. Il y a des victimes, oui, c’est regrettable, comme lors des épisodes de grippe saisonnière. Il y aura encore plein d’autres viroses de saison plus ou moins graves, plus ou moins naturelles. A chaque épidémie, les aînés mal-portants, les personnes en surcharge pondérale mal-portantes et les mal-portants tout court risquent leur peau. Je fais partie de la dernière catégorie (asthme chronique carabiné ce qui ne m’a jamais empêché de vivre, juste d’adopter des chats) et je suis sorti tous les jours durant le conconfinement, j’ai traversé la Suisse en train, je suis allé voir des amis car, du fait de mon asthme, j’étouffe si je ne peux pas sortir. Sitôt que les activités ont repris, je suis dès le premier jour allé au restaurant, suis retourné au fitness, n’ai jamais cessé de faire mes courses, n’ai pas peur du loup et ne compte pas me faire imposer mes peurs. Et je ne suis de loin pas le seul dans ce cas. Il faut bien mourir de quelque chose … Alors que la Suisse avait déjà conconfiné le vendredi 13 mars, je suis allé assister à la messe dominicale de l’autre côté de la frontière, là où elle avait encore lieu. J’ai toutefois toujours eu le réflexe d’éviter de me mettre les doigts dans le nez ou dans le c… n’importe où sans m’être lavé les mains préalablement, chose que je fais sitôt rentré à la maison. Les mesures imposées, proposées sont disproportionnées et inadéquates. La peur et l’infantilisation peuvent être un levier politique, une manière de gouverner mais les enfants finissent toujours par grandir et se faire leur propre opinion.

samedi, mai 30, 2020

Lettre ouverte à Monseigneur Charles Morerod


Monseigneur Morerod, successeur de Jules II, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg,

Permettez-moi cette lettre ouverte, lettre que je publierai sur mon blog et proposerai au « courrier des lecteurs » du quotidien 24H, lettre d’un catholique pécheur qui vous confesse le péché de colère, une colère froide car les mots qui vont suivre ont été retenus depuis le lockdown du 13 mars, une colère qui a crû avec le temps mais je m’étais promis de ne pas vous écrire avant que les églises ne soient rouvertes et la très Sainte Communion à nouveau donnée. Voilà qui est fait. Ce jeudi matin 28 mai, j’ai participé à la messe et j’ai communié. Je ne voulais pas rajouter cette colère à l’hystérie et à la confusion des dernières semaines. Vous aurez compris, Monseigneur, que l’Eucharistie, la Communion sont au centre de mes préoccupations, préoccupations de tous les petits à la foi nourrie de la présence de l’Aimé, la présence de Notre Seigneur Jésus Christ dans la vénération du Saint Sacrement ou de la Communion. Nous, les petits, sans grande connaissance théologique, nous n’accédons pas aux concepts éthérés de la « Communion de désir », à savoir on désire très fort la Communion et c’est comme si on l’avait. Je vous parle donc de la bonne majorité des fidèles qui pratiquent dans la confiance de l’amour de Dieu et l’abandon, bref la « foi du charbonnier ». Vous rendez-vous compte, Monseigneur, vous avez exigé de vos prêtres de nous abandonner, avec la pauvre consolation de messes on line un peu bricolo, messes qui nous déchiraient le cœur car nous étions privés de l’Aimé alors que vos prêtres s’en repaissaient avec componction et satisfaction.

« Il y avait des ordres », « l’Eglise n’est pas au-dessus de la loi », me direz-vous. Soit. Si vous, Monseigneur, successeur du grand pape Jules II qui fut aussi évêque de Lausanne, si vous aviez donc été l’un des prélats de l’Eglise des premiers temps et aviez été assistés des mêmes prêtres qui vous obéissent aujourd’hui, je crains que nous en serions restés au culte de Jupiter ! Des hommes et des femmes ont risqué leur vie pour la Communion et vous n’avez trouvé à nous servir, à nous peuple affamé du Christ, que des paroles sèches et des reproches, du style « la communion n’est pas un dû, c’est un don ! ». « How dare you ? » comme dirait Greta, et croyez bien que lorsque je l’ai crié devant la porte hermétiquement close de l’église Saint-François de Sales à Morges, fin avril, alors que les autorités fédérales avaient autorisé la réouverture des lieux de culte, croyez bien que mes larmes n’étaient pas feintes (colère, dépit, trahison). Par bonheur, le diocèse est vaste. Votre cathédrale a accueilli les fidèles dès que cela a été possible. J’y suis venu, j’y ai vénéré Notre Seigneur, et y ai même brûlé un lumignon pour les serviteurs pusillanimes de Notre très Sainte Mère l’Eglise. Il y a aussi la basilique Notre Dame de l’Assomption, à Lausanne qui a ouvert ses portes dès que possible, merci à l’abbé Dupraz.

Vous auriez pu, Monseigneur, faire preuve d’un peu d’imagination, vous inspirer de ce qui se passe ailleurs, à Berlin par exemple où, dans certaines paroisses, on ouvrait l’église et on recevait  le nombre autorisé de personnes pour la vénération du Saint-Sacrement et, avant de refermer les portes, les prêtres en profitaient pour offrir la Communion aux fidèles qui la demandaient. Et pourquoi ne pas avoir organisé la Communion sur le parvis, les fidèles par groupe de cinq, sur rendez-vous, après la célébration de la messe dominicale via Skype, Facebook, Zoom, Youtube, etc. Quitte à poursuivre le lundi et même le mardi encore, comme si le peuple des baptisés avait dû traverser une nef immense et parvenir enfin à l’autel … Mille autres choses eussent été imaginables mais vous vous en êtes tenu aux ordres et les prêtres qui vous doivent obéissance aussi. Avez-vous à ce point oublié que les gestes, la corporalité, la Communion sont l’essence même de notre Eglise ?! Je ne suis pas Docteur en théologie, je suis sûr que, lorsque vous lirez ces lignes, si vous les lisez, vous aurez vingt arguties tirées des textes des Docteurs de la foi démontant en deux-quatre-sept mes récriminations.
Monseigneur, rappelez-vous les paroles de Notre souverain pontife : « le bon berger doit pouvoir sentir l’odeur de ses brebis ». La foi – tout comme la politique, le sport et le sexe – ça ne passe pas par un écran, ça se vit en vrai, en trois dimensions et en couleurs. Le sexe, vous me direz, ce n’est pas votre domaine. Vu la situation, ne vous inquiétez pas, Monseigneur, je n’ai pas le plus petit bout de péché de luxure à vous confesser en sus de la colère. Pour revenir au sujet de la soumission de l’Eglise à la loi, je m’interroge. Lorsque je regarde du côté de la France où les évêques ont lutté, récriminé pour la réouverture des églises et la célébration de la messe en présence des fidèles le plus tôt possible, je me demande si ce n’est pas un effet de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ne vous sentez-vous pas tenu à une stricte – je n’ai pas dit servile – obéissance envers les autorités cantonales ? Dans notre diocèse, il n’y a que Genève et Neuchâtel qui connaissent la séparation de l’Eglise et de l’Etat, un bon tiers de vos ouailles, une petite moitié au mieux. Je crois que vous avez la charge de plus de 250 paroisses dont bien 180 en territoire valdo-fribourgeois, là où l’Etat prélève un impôt ecclésiastique redistribué aux Eglises qu’il reconnaît (Eglise catholique romaine, église évangélique réformée). Sachant que « qui paie commande », je conçois que vous étiez tenu à une certaine … retenue.

Monseigneur, veuillez encore excuser – dans l’attente de ma confession et de ma pénitence – la colère et l’ironie des lignes qui précèdent. Votre position vous expose à ce genre de désagrément et je vous sais pris aussi dans une hiérarchie. Je vous laisse transmettre l’idée de fond de ma missive à Notre très Saint-Père et remotiver vos troupes dans bien des paroisses vaudoises. Je confesse encore l’orgueil de donner voix au chapitre à tous les fidèles qui se sont sentis abandonnés et trahis alors que l’Aimé se trouvait de l’autre côté de la porte dans la solitude d’une église désertée.

Frédéric Vallotton

mercredi, mai 13, 2020

Changement de point de vue versus changement de paradigme (et de ma judaïté accessoirement)


Comme me l’a dit Cy. qui, en ce moment, travaille à la maison, après l’énième appel d’un client ayant contesté son relevé de compte, « on n’est pas prêt de remettre le génie dans la bouteille », « tu penses, ils sont à la maison, ils ont du temps et se mettent à tout contrôler ». Je ne peux qu’acquiescer, pensant à l’une des vendeuses du « Fleur de Pain » d’à côté, m'interpellant l’autre jour : « Vous n’en avez pas marre de toutes ces histoires ? en plus c’est quoi ces statistiques ? je connais ma règle de trois, imaginez, c’est comme si je faisais ma caisse le soir sans savoir combien il y avait le matin ! » Je suis ressorti de la boutique ragaillardi dans l’opinion que je me faisais de mes contemporains et un rien amusé.

Je pense à toutes ces situations, à peu près satisfaisantes, boulot, petit copain, appartement jusqu’à ce qu’arrivent un chefaillon imbitable, un défaut nouvellement rédhibitoire chez l’autre, des voisins infernaux. Stop ou encore ? On en prend son parti, entre paresse et philosophie puis le mot, la goujaterie, le bastringue de trop, un demi-coup de gueule, une crise ou un silence résolu. Ne reste plus qu’à tout – ou partie – balancer. Un risque sanitaire, une épidémie, une pandémie passe encore ; se retrouver assigné à résidence, c’est un peu limite mais la fin de la vie sociale, les menaces de puçage, big data, vaccination obligatoire, interdiction de manifester, toujours pas de messe, de cinéma, de boîtes, quasi interdiction de rire dans la rue parmi les slogans hygiénico-totalitaires imposés avec une bienveillance insistante et gerbatoire : la coupe est pleine. La voix débile et un peu efféminée du speaker électronique du métro automatique M2 n’a de cesse d’inviter au port du masque, au respect des distances au-dessus d’une foule la face nue, indifférente en apparence. Je remarque chez chacun une petite ride de contrariété de plus en plus creusée à chaque répétition du message préenregistré. Encore une semaine à ce régime-là et ils monteront tous sur les sièges péter les haut-parleurs.

Mon sang allemand me crie de briser mes chaînes, sortir boire un verre au Biergarten après avoir fait une révolution spartakiste ou nationale . Quant à mon sang juif, il est en alerte avec ces histoires de traçage, tris, parcage humain et la furieuse envie d’aller voir ailleurs. Dans l’intervalle, ne sachant vers lequel de mes héritages génétiques pencher, j’ai fait du ménage, rendu mon tablier du Conseil de paroisse (ma lettre ouverte à l’évêque suit sous peu) et du comité d’une association locale. J’ai même commencé à « faire mon permis », histoire d’aller nous installer dans la campagne avoisinante ou tracer à travers l’Europe de l’Est comme un chevalier automobilo-teutonique, à moins que je ne fuie …

En dépit de mon ascendance Vallotton-Cornamusaz-Delacrétaz-Favre, se sont glissés deux ou trois exotismes, le plus connu l’arrière-grand-mère de la Forêt Noire, mère de mon grand-père maternel d’où une germanité « de sang ». Et la judaïté ? En son temps, lorsque j’hésitais sur l’Eglise dans laquelle je ferai mon baptême, j’aurais volontiers remonté le courant jusqu’à ses sources vétérotestamentaires. J’ai toutefois la faiblesse d’être attaché à mon prépuce qui m’a fait bien de l’usage jusqu’à présent et sur lequel je compte pour le reste de ma vie. Néanmoins, ainsi que je l’ai appris fortuitement de la bouche de ma mère entre la poire et le fromage,  il y a deux-trois mois, un arrière-grand-père séfarade algérien VRP dans le tabac avait séduit mon autre arrière-grand-mère maternelle. Il naîtra de cette relation illégitime ma grand-mère ! Le marchand de cigares abandonnera rapidement la mère et l’enfant. J’ai de plus une preuve « génétique » de mon appartenance à la communauté séfarade, une anémie hémolytique courante chez des populations issues du bassin méditerranéen/Afrique du nord.  Un médecin généraliste m’avait même lancé, en son temps, « mais vous êtes juif ? » ?

Bref, on n’est pas prêt de remettre le génie dans la bouteille et les lendemains s’annoncent … épiques ? divertissants ? instructifs ? En tous les cas « étonnants » comme le dirait Monsieur Cyclopède !




dimanche, mai 10, 2020

Fin de partie ( covid -19 etc. )



L’air sent bon, l’air sent bon comme dans mon enfance, un mélange d’herbe fraîchement coupée, de fleurs, de murs recuits par le soleil sous le piaillement des moineaux, le roucoulement des tourterelles. Il est trop tôt dans la saison pour entendre le cri cinglant du martinet haut dans le ciel. Peut-être que le shampoing du sarough mir récemment acheté et installé dans le salon d’été contribue-t-il aussi au « parfum de l’enfance, matinée de mai ensoleillée »? Accessoirement, je vais bien. Plutôt bien. J’ai dans mon état normal toujours un truc qui foire un peu comme avec les voitures italiennes, celles d’avant les fusions-acquisitions, quand les voitures italiennes étaient vraiment italiennes dans l’apparence et la technique, et le plaisir de les conduire. A cinquante ans, je me porte bien. Lorsque je passe voir un généraliste pour des histoires de voies aériennes supérieures enflammées, engorgées, entre asthme et sinusite, avec quelques ramifications parfois dans la sphère auditive, je le vois étonné à la mesure de ma pression artérielle, à l’écoute de mon rythme cardiaque ou, suite à une prise de sang, à la lecture de mon taux de sucre et de cholestérols (oui, il y a plusieurs cholestérols), le tout indiquant les valeurs médianes parfaites comme dans les ouvrages médicaux de référence. Il se trouve que je fais du sport (fitness, 3-4 fois par semaine) et je mange – un peu trop – des produits de qualité, beaucoup de fruits, peu de junk-food et, quand je bois, assez souvent, ce n’est jamais du  tord-boyaux. Pour revenir au « parfum d’enfance », compléter la bande son, j’ai omis le passage occasionnel et paresseux d’un petit avion vrombissant qui me fait toujours penser aux albums de Tintin.

Quand je ne vais pas bien, ce qui arrive régulièrement, de la bobologie moyenne dont je me remets, je peux toujours me consoler à l’idée du monde autour de moi qui tourne et vit, et croît, et forcit et parfois meurt, renaît, etc. Mais c’était avant. La partie vient de se terminer et je me retrouve à aller bien inutilement. Je n’écoute plus les nouvelles, je ne regarde plus la télévision du reste, à part la diffusion de films ou de séries, policières avant tout. Je coupe le son pour tout le blabla annexe, j’ai honte pour cette société alentour sur laquelle je devrais pouvoir m’appuyer, à laquelle je contribuais par toute sorte d’activités, l’idée de « payer mon écot » comme on dit ici. C’est la honte que l’on éprouve pour un proche ou une autorité, un parent, un aîné qui suscitait notre respect même lorsqu’on n’était pas d’accord avec lui, avec qui il arrivait que l’on se dispute avant de comprendre son point de vue sans forcément l’accepter. Aujourd’hui, c’est fini. Une sorte d’Alzheimer métaphorique et viral l’a emporté. Paradoxalement, ça ne m’empêche pas d’aller bien, ça n’empêche pas le « parfum d’enfance » de se répandre dans la pièce, une voile sur le lac, quelques nues accrochées à la crête de l’alpe composant le panorama, la vue du salon d’été.

Je me disais, « c’est bien, on y arrive », entre l’expérience, une certaine sagesse venue avec l’âge et le fait de participer activement au système, je pouvais y croire, même quelqu’un sans fortune, sans titre ronflant, sans grande influence (je parle de moi et sans fausse modestie) arrivait à faire bouger un peu les choses, la politique des petits riens pour le bien collectif. C’était avant. Fin de partie. Le papier-peint s’est mis à décoller. Avec les « événements », je refuse de les nommer autrement, ce serait leur donner une réalité qu’ils n’ont pas, avec « les événements » donc, je m’aperçois que les sans-grades avec ou sans syntaxe, nous n’avions jamais rien été d’autre que des petits chiens qui bougent la tête pour plage arrière de voiture. Même si tout cela, notre bonne vie néo-bourgeoise, les cafés, les spectacles, les journaux, les dernières collections, les expositions de peinture, même si tout cela n’était qu’un simulacre, je l’aimais bien cette mise-en-scène. Nous avions des projets. Deux éditeurs me promettaient des publications prochaines reportées au mieux et désormais aux calendes grecques. Cy. s’apprêtait à monter et à jouer une pièce  au off d’Avignon. Il y avait Pâques dans  ma bonne paroisse … C’est ici le point le plus douloureux, l’abandon des serviteurs de Notre très Sainte Mère l’Eglise catholique qui, lorsque des fidèles dans mon genre ont regimbé devant ce jeûne forcé de la Communion, ont lâché un « la Communion n’est pas un dû mais un don », comme un pet à la face des fidèles et autre « Communion de désir », à savoir tu y penses très fort et ça finira par arriver !!! Je dois écrire une lettre ouverte à notre évêque au sujet de la lâcheté et du manque d’imagination de ses troupes, peut-être parce que rémunérées massivement par l’Etat dans notre diocèse et puisque qui paie commande …

Le papier peint  a complètement décollé, l’air sent bon, comme dans mon enfance, je vais bien, tous nos projets sont caduques ou à foutre aux chiottes, le Seigneur saura nous en rendre grâce et, heureusement, il y les réseaux sociaux. Alors que des proches cèdent à l’hystérie grossièrement orchestrée par les médias et les autorités, il y a des voix que se sont fait entendre dans mon fil d’actualité, d’autres sans-grade et sans plus de projets qui vont bien, ni pire ni mieux qu’avant, qui se sont signalés, avec qui partager si ce  n’est un verre en terrasse du moins notre stupéfaction, notre indignation et de l’amitiés au passage. Heureusement, chers amis du grand réseau, heureusement que vous êtes là et l’espoir de re-bricoler un truc entre nous et d’autres, un truc qui ressemblerait à cette bonne vie néo-bourgeoise multipartite, multinationale, riche de saveurs et de caractère.

dimanche, avril 26, 2020

L'homme sans autre qualité - épilogue


Il écoute avec plaisir passer le bus sous ses fenêtres, le bruit si caractéristique de la gomme crantée des pneus sur la chaussée humide. Ça fait très fin du XXème, son siècle, il est un homme du passé. Il pense à Berlin, le convertible dans le salon d’une amie. Tout à l’heure, on évoquait dans un texte de Mérimée, « La Vénus d’Ille », on évoquait du chocolat de contrebande, venu de Barcelone et il s’est vu dans son salon de thé favori : Mauri, carrer de Provença. « … plaçons le passé derrière nous … », soit, mais qui sera-t-il demain matin, dès que le soleil aura tenté de percer à travers le stratus et, après-demain ? dans dix ans ? Il n’a pas envie de laisser filer un certain nombre d’affaires. Qui a fait quoi ? Comment ? Pourquoi ? et si l’empire ? si les alliés ? et laissons les jobards se tailler des costumes de vainqueur dans les pages de livres d’histoire.

Le silence se dilate dans la nuit, à peine une voiture au loin et de l’eau qui s’égoutte sur le cuivre d’un toit. Il faut croire qu’il a fait le tour. Promis, il va ranger sa tête comme, enfant, il rangeait sa chambre. Il sera qui il faudra être. Tant pis s’il reste quelques pages dans son cahier de notes ; il n’aime pas gâcher. Il trouvera à en faire quelque chose, le brouillon d’une lettre, une liste de courses ou de choses à faire. Il sent, toutefois, que c’était si proche, cette autre et merveilleuse possibilité de soi et de tous les autres par la même occasion. Il a mal au doigt, le sommeil le rattrape. Il s’assoupit légèrement entre deux pensées. Il a une petite nuit de cinq heures pour décider qui il sera, à son lever. Il aura encore certainement mal au doigt, ça lui fera comme une présence, un souvenir de sa non-aventure pour deux-trois jours jusqu’à ce que la cicatrisation ne lui dérobe la moindre sensation de ce qui a été et de qui il aurait pu être.

L'homme sans autre qualité - chapitre 9, seconde partie


L’audience s’est bien passée. On l’a retenu par le bras alors qu’il s’apprêtait à passer parmi les premiers, une foule catalane venue rendre hommage au souverain et poliment se plaindre du parlement de Madrid. Le césar s’est laissé baiser les mains avec chaleur et les demandeurs catalans s’en sont allés sans même avoir remarqué Steve et son frac tout neuf. Ils se sont retrouvés à 3 – Steve, l’empereur et un chambellan – au milieu de la salle du parlement. Sa majesté l’a brièvement regardé avant de lancer à Steve « vous voilà donc ! Allons prendre le thé ». Ils se sont tous trois rendus dans le restaurant du musée par quelque couloir de service. François-Joseph II a encore félicité Steve pour la coupe de son frac.
-        Votre majesté se souvient-elle …
-        Je vous arrête, plaçons le passé derrière nous, pour une fois

Et le reste de l’audience de se dérouler en considérations climatiques, comparatifs de la qualité du thé, du café et du strudel entre ici et là-bas, quelques mots à propos du retour de la diaspora, le projet de « nouvelles terres », etc.

samedi, avril 18, 2020

L'homme sans autre qualité - chapitre 8, seconde partie



Le vieux continent semble toujours émerger d’un lever tardif, début de nuit agité, cauchemars fiévreux ou lutte avec quelques démons intérieurs. Le vieux continent a néanmoins bonne mine, effets impressionnistes des brumes qui se dispersent en halos dorés, poudrés, l’aube aux temps de crépuscule. Steve a bien pris trente ans dans les gencives. Il est arrivé en super-zeppelin, directement de Neu York à Bordeaux puis l’un de ces fabuleux trains à impulsions magnétiques, le contact est assuré par une gaine remplie de vapeur d’eau ionisée au travers de laquelle circule le courant, généré par des bornes à impulsions magnétiques tous les 250 m. Le système est bien plus simple à exploiter que les vieux modèles à pantographes. Steve s’est rendu à Barcelone, l’empereur s’y repose. Il assistera à un concert de charité au Palau de la Musicà et donnera le lendemain une audience dans la salle du parlement catalan, sur la colline de Montjuic, le palais de l’Exposition Universelle et Musée National d’Art Catalan en dessous duquel on a foré quelques 2000 m² de surface supplémentaire, histoire d’accueillir le meilleur des collections en exil des musées de Lausanne, Genève, Soleure, Zürich, etc., la marche ouest de l’empire, volatilisée … Steve est descendu dans un bon hôtel de Sant Marti, une tour de style Liberty et la vue sur la mer, un horizon bleu, presqu’azuréen. Dégagé, démobilisé, Steve longe la Ronda Littoral la veste sur l’épaule, en mocassins sans chaussettes, pantalons chino greige facile à rouler jusqu’au-dessus du mollet, communier avec la mer, marcher dans ses flots, la belle image du jeune homme perpétuel. Des femmes en capelines, de jeunes adolescents presque nus, un petit air comme ci, comme ça, limite ce que vous croyez, la cour attire une société aux goûts, comment dire … très éclectiques. Il y a une certaine langueur qui semble se répandre de la colline de Tibidabo jusqu’à la plage. Le souverain séjourne dans une villa blanche à péristyle du côté de Poble Nou, rien de grandiose, une maison de vacances élégante dans laquelle il loge seul, avec un aide de camp, un majordome, une cuisinière, un jardinier-valet-chauffeur et son épouse femme de chambre-aide de cuisine. Parfois, un ou deux invités complètent la maisonnée. L’étiquette et les services de sécurité ont toutefois imposé à Franz Joseph der Zweite un palais-caserne où installer la troupe, les grands dignitaires, une salle du trône et de quoi recevoir les ambassadeurs décemment. La construction encadre discrètement sur trois côtés le jardin de la petite maison impériale. L’intimité, côté plage, n’est assurée que par une grille en ferronnerie d’art. Un tunnel piétonnier permet aux badauds de poursuivre leur promenade au-delà du jardin et de la plage privée.

A Barcelone, Steve remarque que la foule cosmopolite est trop occupée à jouir pour prendre la pose,
faire des mines, parler faussement discrètement trop fort afin de noyer le voisinage de la trépidante perfection de sa vie. On n’est pas bégueule à Neu York mais Barcelone est particulièrement affranchie. Des regards, des sourires, parfois un signe de salutation, une sorte de connivence. Steve a
poursuivi sa promenade jusqu’à Montjuic, le musée fait nocturne. Steve y pénètre sans trop savoir sur quoi il va tomber, un choc, d’autant plus grand qu’il ne s’y attendait pas, sans parler du contraste, quasi une contradiction entre des portraits de famille, de la peinture de chez lui, un vieux couple figé sur un canapé Louis-Philippe, un jeune homme maussade, la tête penchée, les lèvres presque serrées, teint pâle, arrière-plan gris-verdâtre et ce regard à la fois inquisiteur, doux et douloureux. Steve l’entend presque murmurer ; ce doit être la fatigue, une illusion auditive, et ce regard. Steve ne s’en inquiète pas, un peu de surprise, de l’hésitation aussi, que faut-il croire ? En revenir à l’indétermination de la narration ? Mais le tableau parle, vraiment ! Personne dans les parages ne s’en étonne ; quoique Steve soit plutôt seulet. Les rares visiteurs viennent plutôt compatir sur « le martyre des marches ouest » en jetant un œil distrait sur les œuvres sauvées de la volatilisation,  se recueillir devant une plaque commémorative à l’entrée des salles de cette section qui raconte le sauvetage de ces œuvres, la perte irrémédiable d’autres, la Grande Marche, etc. Personne ne semble déborder d’enthousiasme pour la peinture de Felix Bovon. La toile baragouinnante est un autoportrait, le célèbre autoportrait en jeune homme hésitant.

L'homme sans autre qualité - chapitre 7


Démobilisé, au risque de se répéter, Steve se sent démobilisé, les mains dans les poches, les jambes étendues, callé contre le dossier de l’un des bancs de Zentral Park, une promenade en début d’après-midi, le soleil d’un été indien perpétuel, frileux, l’été en question, on est tout de même en hiver. Un marchand de bretzels pousse sa charrette devant lui ; Steve le hèle, il n’a pas encore déjeuné. Il a décidé qu’il déménagerait après son retour de voyage, sa visite sur le vieux continent, ce qu’il en reste et l’audience avec l’empereur, une toquade à laquelle il tient. Concernant son logement, il prospectera sur Langinsel, dans le Königinsviertel ; les prix sont bas, rapport à la mauvaise réputation que l’on fait à ses habitants majoritairement anglo-saxons.

Pour revenir à son projet de voyage, Steve ne craint pas d’être submergé par l’émotion, l’Europe a tellement changé depuis la Grande Marche, tout ce qu’il a connu a été volatilisé, il s’apprête à découvrir un nouveau continent. Si l’audience avec l’empereur est suffisamment intime, il évoquera peut-être la fameuse représentation au Grand-Théâtre, l’attentat, une vieille affaire. Steve ne craint pas de se « griller », il n’a rien à perdre, l’empereur ne le reconnaîtra pas, Steve fait tout de même partie des plus d’un million de rescapés. Peut-être que les articles d’histoire-fiction qu’il écrivait pour un magazine en vue lui sont parvenus ?! On dit le souverain curieux et très informé. Steve se demande ce qui lui avait pris ? Quel sortilège romantique l’avait alors frappé ? Les services de renseignements de l’Agence impériale ont dû le filocher en leur temps … peut-être même que l’empereur s’attend à sa visite ? Le petit mot le priant de renouveler son passeport tient lieu de carton d’invitation. Steve se dit qu’il se fera tailler un frac, comme l’usage le voulait « dans le temps », le palais est sensible à cette marque de respect des traditions. Ce n’est pas une obligation mais un demandeur en frac est toujours accueilli avec un sourire complice de la part de l’empereur. Steve se fera tailler son habit sur place.

jeudi, avril 09, 2020

Des nouvelles du front ( covid-19, confinement, etc)


C’est un exil qui nous est offert, un exil doucereux, un ralentissement du temps, une petite vie faite de riens, d’une succession de tasses de thé, de verres de vin et de promenades alentours, une vie agrémentée par-ci par-là par la rediffusion de quelques vieilles séries télévisées aimées. Y aurait-il de la contrainte ? Certes oui, celle de lutter contre l’hystérie et la pusillanimité, toutefois il est permis d’évoquer mille souvenirs dans le silence du matin, un plateau d’étain sur le lit, petit-déjeuner et les chiens qui sont venus vous rejoindre et vous vous assoupissez un peu entre deux articles du Figaro magazine, un numéro d’avant que vous avez oublié dans le porte-journaux. C’est une vie sans âge, sans but et sans obligations. Un crépuscule en lieu et place du temps pascal. Les serviteurs de notre très Sainte Mère l’Eglise ont décidé d’obéir aux pouvoirs temporels, les églises sont fermées, les fidèles privés de la proximité de Notre Seigneur et de la sainte Communion. Cette année, le Christ ne ressuscitera pas car Il n’est pas mort, les jours s’enchaînent dans une répétition sans incidence … ou si peu.


On ne peut pas toujours faire partie des perdants, je n’ai pas à m’inquiéter, je travaille à l’Etat de Vaud, j’enseigne, en plus de mon sacerdoce littéraire. Et j’enseigne la culture générale, les examens intermédiaires des premières n’auront pas lieu, ni vraisemblablement les examens CFC des classes terminales, le programme est quasiment « plié », on verra par la suite pour les notes, pas d’évaluation tant que les classes n’ont pas réouvert. Vie ralentie, vie minuscule et merveilleuse, comme si j’étais à nouveau l’enfant grandi hors la foi, hors schéma, un peu sauvage et décalé, vivant l’impécuniosité de son état social à travers le prisme de récits merveilleux, de légendes, de rêveries historisantes. Je ne sais pas pour les autres, je dois vous dire que je m’en fous, pour une fois qu’ils ne viennent pas écraser mes châteaux de sable. Je ne comprends pas leurs inquiétudes, leur agitation … C’est vrai, ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, la suffocation, la pauvreté ou, du moins, de grosses difficultés financières … On ne peut pas toujours faire partie des perdants, une enfance à souffrir d’un asthme mal soigné dans un appartement aux murs moisis, l’office des poursuites qui vient vous retirer des meubles de peu de valeur, la compagnie d’électricité qui vous coupe le courant, le dîner, seul, sur un réchaud à gaz avec la compagnie d’une radio, quelques bougies ; voilà de quoi vous aguerrir.


Je n’écoute plus les nouvelles, je ne lis plus les journaux. Parfois Arte ou la 5, tout de même, et le fil d’actualité de la rts info car je ne supporte plus la joie baveuse hystérique des présentateurs si fiers d’annoncer la fin du monde et tout le discours orienté assorti. Je ne tire aucune fierté de ne pas avoir peur, il faut dire que ce n’est ni la peste, le choléra, ébola ou la variole. Ҫa n’a pas même le charme désuet et k und k de la grippe espagnole. Au détour d’un changement de chaîne, éviter le fameux TJ, j’attrape tout de même la phrase « comment expliquer la situation aux enfants ». Si j’avais eu à le faire, j’aurais simplement dit « Mon chéri/ma chérie, les Chinois sont un peuple respectable aux mœurs parfois discutables qui, non-contents de torturer des chiens pour finir par les manger, mangent toutes sortes d’animaux sauvages qu’ils entassent dans des marchés crasseux. Récemment, un pangolin a transmis un virus aux gens du marché et nos autorités qui s’écrasent devant la montagne d’argent que représentent l'économie chinoise et les riches touristes chinois ont laissé les avions remplis de ces gens atterrir chez nous et pareil dans toute l’Europe, et nous contaminer. Et, à présent que le mal est fait, pour montrer leur inquiétude, ils ont décidé de nous enfermer chez nous, pour notre bien évidemment. Et même l’Eglise est d’accord alors que Pâques est notre fête la plus importante, que la Communion est au centre de la foi catholique, tout comme l’adoration du Saint Sacrement. Et personne n’a voulu, n’a osé imaginer de meilleures solutions. Il y en a pourtant, et je ne parle pas de la Communion que l’on pourrait faire porter chez les paroissiens qui la demandent, comme une commande à la Migros ou chez Coop, ou sur Amazon. Il faut dire que la Communion est gratuite et que l’Eglise est financée par nos impôts et que c’est un peu l’Etat. Bref, mon chéri/ma chérie, cette année Pâques n’aura pas lieu même si on aurait pu faire une veillée dans son coin avec un direct sur les réseaux sociaux puis prendre rendez-vous pour recevoir la Communion sur le parvis de l’Eglise, cinq par cinq, chacun à une distance de 2 mètres ».


En vous écrivant tout ça, en le relisant, je prends conscience que sous la cendre de la vie ralentie, il y a de la colère, maîtrisée, policée, bien comme il faut, au garde à vous devant les préceptes hygiénico-moralisateurs à la mode en ce moment. Une colère trempée d’ironie, réhaussée d’un peu d’humour aussi, un humour à la Desproges. Par bonheur, mes amis ont la tête froide, on se dit en chœur qu’il faut bien crever de quelque chose et qu’on ne va pas rester terrer dans cette vie sans vie. Autant mourir de suite, avec ou sans respirateur. Il nous manque peu de choses, des cafés, des tearooms, une petite salle de cinéma, une salle de fitness, des musées de peinture, deux ou trois riens qui sont le fondement même de la bonne vie, et la possibilité de se voir à Berlin, Francfort, Milan, Bordeau, Barcelone ou Copenhague. 


C’est un exil qui nous est offert, un exil dont on ne reviendra pas, au sein duquel naîtra peut-être une résistance et, en attendant, le matin, après mon lever, je m’attarde souvent devant l’une ou l’autre bonne toile achetée à vil prix – de l’art bêtement figuratif, ça n’a plus de cote –  des œuvres qui décorent les murs de mes petits appartements, de la salle, du salon d’été. C’est presque une vie de princesse russe réchappée du massacre de la révolution d’octobre ; c’est, en fait, une vie de réfugié au cœur de mon propre pays, de ma culture. Etonnant, non, comme dirait Monsieur Cyclopède.