Le vieux
continent semble toujours émerger d’un lever tardif, début de nuit agité,
cauchemars fiévreux ou lutte avec quelques démons intérieurs. Le vieux
continent a néanmoins bonne mine, effets impressionnistes des brumes qui se dispersent
en halos dorés, poudrés, l’aube aux temps de crépuscule. Steve a bien pris
trente ans dans les gencives. Il est arrivé en super-zeppelin, directement de
Neu York à Bordeaux puis l’un de ces fabuleux trains à impulsions magnétiques,
le contact est assuré par une gaine remplie de vapeur d’eau ionisée au travers
de laquelle circule le courant, généré par des bornes à impulsions magnétiques
tous les 250 m. Le système est bien plus simple à exploiter que les vieux
modèles à pantographes. Steve s’est rendu à Barcelone, l’empereur s’y repose.
Il assistera à un concert de charité au Palau de la Musicà et donnera le
lendemain une audience dans la salle du parlement catalan, sur la colline de
Montjuic, le palais de l’Exposition Universelle et Musée National d’Art Catalan
en dessous duquel on a foré quelques 2000 m² de surface supplémentaire, histoire
d’accueillir le meilleur des collections en exil des musées de Lausanne, Genève,
Soleure, Zürich, etc., la marche ouest de l’empire, volatilisée … Steve est
descendu dans un bon hôtel de Sant Marti, une tour de style Liberty et la vue
sur la mer, un horizon bleu, presqu’azuréen. Dégagé, démobilisé, Steve longe la
Ronda Littoral la veste sur l’épaule, en mocassins sans chaussettes, pantalons
chino greige facile à rouler jusqu’au-dessus du mollet, communier avec la mer,
marcher dans ses flots, la belle image du jeune homme perpétuel. Des femmes en
capelines, de jeunes adolescents presque nus, un petit air comme ci, comme ça,
limite ce que vous croyez, la cour attire une société aux goûts, comment dire …
très éclectiques. Il y a une certaine langueur qui semble se répandre de la
colline de Tibidabo jusqu’à la plage. Le souverain séjourne dans une villa
blanche à péristyle du côté de Poble Nou, rien de grandiose, une maison de vacances
élégante dans laquelle il loge seul, avec un aide de camp, un majordome, une
cuisinière, un jardinier-valet-chauffeur et son épouse femme de chambre-aide de
cuisine. Parfois, un ou deux invités complètent la maisonnée. L’étiquette et
les services de sécurité ont toutefois imposé à Franz Joseph der Zweite un
palais-caserne où installer la troupe, les grands dignitaires, une salle du
trône et de quoi recevoir les ambassadeurs décemment. La construction encadre
discrètement sur trois côtés le jardin de la petite maison impériale. L’intimité,
côté plage, n’est assurée que par une grille en ferronnerie d’art. Un tunnel
piétonnier permet aux badauds de poursuivre leur promenade au-delà du jardin et
de la plage privée.
A
Barcelone, Steve remarque que la foule cosmopolite est trop occupée à jouir
pour prendre la pose,
faire des mines, parler faussement discrètement trop fort
afin de noyer le voisinage de la trépidante perfection de sa vie. On n’est pas
bégueule à Neu York mais Barcelone est particulièrement affranchie. Des
regards, des sourires, parfois un signe de salutation, une sorte de connivence.
Steve a
poursuivi sa promenade jusqu’à Montjuic, le musée fait nocturne. Steve y pénètre sans trop savoir sur quoi il va tomber, un choc, d’autant plus grand qu’il ne s’y attendait pas, sans parler du contraste, quasi une contradiction entre des portraits de famille, de la peinture de chez lui, un vieux couple figé sur un canapé Louis-Philippe, un jeune homme maussade, la tête penchée, les lèvres presque serrées, teint pâle, arrière-plan gris-verdâtre et ce regard à la fois inquisiteur, doux et douloureux. Steve l’entend presque murmurer ; ce doit être la fatigue, une illusion auditive, et ce regard. Steve ne s’en inquiète pas, un peu de surprise, de l’hésitation aussi, que faut-il croire ? En revenir à l’indétermination de la narration ? Mais le tableau parle, vraiment ! Personne dans les parages ne s’en étonne ; quoique Steve soit plutôt seulet. Les rares visiteurs viennent plutôt compatir sur « le martyre des marches ouest » en jetant un œil distrait sur les œuvres sauvées de la volatilisation, se recueillir devant une plaque commémorative à l’entrée des salles de cette section qui raconte le sauvetage de ces œuvres, la perte irrémédiable d’autres, la Grande Marche, etc. Personne ne semble déborder d’enthousiasme pour la peinture de Felix Bovon. La toile baragouinnante est un autoportrait, le célèbre autoportrait en jeune homme hésitant.
poursuivi sa promenade jusqu’à Montjuic, le musée fait nocturne. Steve y pénètre sans trop savoir sur quoi il va tomber, un choc, d’autant plus grand qu’il ne s’y attendait pas, sans parler du contraste, quasi une contradiction entre des portraits de famille, de la peinture de chez lui, un vieux couple figé sur un canapé Louis-Philippe, un jeune homme maussade, la tête penchée, les lèvres presque serrées, teint pâle, arrière-plan gris-verdâtre et ce regard à la fois inquisiteur, doux et douloureux. Steve l’entend presque murmurer ; ce doit être la fatigue, une illusion auditive, et ce regard. Steve ne s’en inquiète pas, un peu de surprise, de l’hésitation aussi, que faut-il croire ? En revenir à l’indétermination de la narration ? Mais le tableau parle, vraiment ! Personne dans les parages ne s’en étonne ; quoique Steve soit plutôt seulet. Les rares visiteurs viennent plutôt compatir sur « le martyre des marches ouest » en jetant un œil distrait sur les œuvres sauvées de la volatilisation, se recueillir devant une plaque commémorative à l’entrée des salles de cette section qui raconte le sauvetage de ces œuvres, la perte irrémédiable d’autres, la Grande Marche, etc. Personne ne semble déborder d’enthousiasme pour la peinture de Felix Bovon. La toile baragouinnante est un autoportrait, le célèbre autoportrait en jeune homme hésitant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire