jeudi, octobre 25, 2007

La plage en novembre



Il faut passer au-dessus de ce léger sentiment de captation, temps volé, contrainte et autre, sans oublier la politesse des formules impersonnelles, à peine péremptoire, lisse, un peu froide ... Reprendre les si bonnes habitudes de la confidence inopinée, du mot - oups - de trop, j'en ai bien le droit, je suis un auteur !
L'écriture n'est pas qu'un viatique administré à l'âme crevant de souvenirs; elle est un geste leste comme un coup de rein, calculée et innée comme le bond d'un félidé, savoureuse et délassante comme un bâillement. Je l'associe à ma "pérégrinite" chronique qui, lorsque je n'ai pas visité telle ou telle ville, me projette des vues, des promenades, des situations données comme autant d'appels hypnotiques. Je ferai mieux de parler de fuite, d'une sorte de psychose qui me fait fuir "le pays" afin d'en supporter le séjour. Je peux cracher dans la soupe -surtout quand elle est plate - je suis un auteur, j'en ai le droit, voire le devoir. Je dois tendre ce fameux miroir à mes contemporains trop habitués à se mirer dans celui aux alouettes, un cadeau de la classe politique cantonale dévoyée.
Mon Dieu, ce blog, mon année jubilaire (dix ans de baptême catholique, cinq de confirmation), la reconnaissance officielle de mon travail (la bourse à l'écriture), le chantier de mon portail gay, le projet du parti de la Dignité, le mobing, mon affaire, mes presque six semaines à Berlin, les petites vexations que m'a imposées l'administration vaudoise, et je n'oublie pas C. ni des lectures fondamentales telle que celle du "Meilleur des mondes" de Aldous Huxley, ni mon élection à la présidence de l'Association Vaudoise des Écrivains. L'année pourrait s'arrêter demain, j'ai rempli 2007 au-delà de la mesure et la mue n'est pas terminée.
Il y a une année de cela, je vivais dans le ralenti contemplatif d'une convalescence, les suites d'un burn-out, le collège de C. patelin vaudois où vécut Mme de S., nymphomane ennemie du peuple et fille d'un prévaricateur de l'Ancien Régime, tout le charme discret du délit d'initié qui vous permet de vous construire un château à léguer à sa littérateuse de fille. J'aurais dû me méfier et ne pas me compromettre dans ce village de peu de morale, berk. Qu'il est regrettable que Bonaparte n'ait pas réglé son sort à la grosse (la dame lettrée et nymphomane n'était à tout point de vue pas très fine). Ah, on va encore s'exclamer que j'ai un avis ! et oui, et de la jugeote aussi, assortie de suffisamment de répartie pour emporter le suffrage de mes élèves.
Et parmi le flot de mes affaires diverses, entre les programmes d'histoire et de français, l'ordre du jour du prochain comité de l'AVE, les manuscrits, les contacts avec les éditeurs, et l'affection de C., je ne peux m'empêcher de penser à ma prochaine escapade barcelonaise. Respirer, oui, respirer avec cette note poignante mi-larme, mi-sang dans les narines, le vrai parfum de l'émotion, le mélange détonnant de l'ailleurs, du souvenir, de la commémoration et de la liberté pour une quarantaine d'heures, un week-end que je ne perdrai pas à Lausanne.

lundi, octobre 08, 2007

En bonne voie


J'en avais presque oublié le chemin ... Il faut dire que j'ai passé une semaine chez Ch., dans son charmant rez-de-chaussée un peu frais mais tranquille, une semaine libéré de mes chaînes internautiques, du téléphone et du brouhaha télévisuel. Il y avait le silence de la nuit, le tambourinement de la pluie sur le feuillage des arbres de la cour, Chopin, Saint-Saens, Rameau et David Foenkinos, un jeune auteur divertissant qui, avec "Le Potentiel érotique de ma femme", a commis une sorte de double inversé au terrible "Mars" de Fritz Zorn. J'avais emmené ce second dans mon périple, de la prospection professionnelle en terre germanique, retrouver un peu de cette culture subtile, carrée et réconfortante pour une semaine de paix, une manière de renouer avec mon séjour estival de près de six semaines ... La prospection est tombée - un peu - à plat; au lendemain de mon arrivée, un établissement scolaire lausannois me téléphonait pour me confirmer un remplacement de longue durée, français et histoire, avec des classes en voie baccalauréat.
J'en avais presque oublié le chemin, ce blog, mon intimité avec mes lecteurs, même les plus mal-intentionnés, de ceux qui, au hasard, me lisent depuis le petit village vaudois de C., où vécut Mme de S. Ils sont mes contempteurs, pour dire plus exactement, mais le terme a trop de superbe, c'est faire trop d'honneur à ces miséreux de l'esprit, ces pauvrets "myope des yeux, myope du coeur, myope du cul" comme dirait Katia, le travello du "Père Noël est une ordure". J'ajouterai avec une pointe d'orgueil - pour la gouverne de ces braves gens - que mes pairs m'ont démocratiquement élu ce samedi à la présidence de l'Association Vaudoise des Ecrivains, une docte assemblée fondée, entre autres, par Ramuz, dont Pierre-Yves Lador, Jean-Michel Olivier et bien d'autres auteurs sont membres aujourd'hui. Il se trouve que le canton n'a pas encore totalement sombré dans la médiocrité évangélique ou l'extrémisme unifié démocratique et central. Il se trouve que je ne suis, Dieu merci, pas un homme de lettres perdu au milieu d'un désert social et que d'autres comptent sur mon énergie (et ma colère aussi) pour relever l'étendard de la liberté de penser, de vivre et d'être ...
J'en avais presque oublié le chemin, la confession tardive, les petits rien sensibles que l'on a envie de faire partager. Je ne suis pas seul ce soir, il y a Cr. endormi à côté de moi ... Il ne se retourne même pas, la lumière de l'écran ne semble pas le déranger; c'est un garçon patient et délicat, parfois un peu sauvage qui ne se laisse pas démonter par les piles de livres qui encombrent le passage, les nombreux articles qui me retiennent derrière le clavier, l'évocation des projets, mes gérémiades contre truc pour sa prise de position, contre bidule qui ne donne pas suite au nom des éditions chose, contre machin qui depuis la forteresse de son administration n'a toujours pas obtempéré ... Je crois qu'il est amusé. En quelques semaines, sans grand discours, il m'est devenu le soutien le plus solide ... Il ne bronche même pas lorsque je m' "enfuis" ici ou là pour quelques jours; il s'arrange simplement pour passer me prendre à la gare à l'heure de mon retour.