Il faut passer au-dessus de ce léger sentiment de captation, temps volé, contrainte et autre, sans oublier la politesse des formules impersonnelles, à peine péremptoire, lisse, un peu froide ... Reprendre les si bonnes habitudes de la confidence inopinée, du mot - oups - de trop, j'en ai bien le droit, je suis un auteur !
L'écriture n'est pas qu'un viatique administré à l'âme crevant de souvenirs; elle est un geste leste comme un coup de rein, calculée et innée comme le bond d'un félidé, savoureuse et délassante comme un bâillement. Je l'associe à ma "pérégrinite" chronique qui, lorsque je n'ai pas visité telle ou telle ville, me projette des vues, des promenades, des situations données comme autant d'appels hypnotiques. Je ferai mieux de parler de fuite, d'une sorte de psychose qui me fait fuir "le pays" afin d'en supporter le séjour. Je peux cracher dans la soupe -surtout quand elle est plate - je suis un auteur, j'en ai le droit, voire le devoir. Je dois tendre ce fameux miroir à mes contemporains trop habitués à se mirer dans celui aux alouettes, un cadeau de la classe politique cantonale dévoyée.
Mon Dieu, ce blog, mon année jubilaire (dix ans de baptême catholique, cinq de confirmation), la reconnaissance officielle de mon travail (la bourse à l'écriture), le chantier de mon portail gay, le projet du parti de la Dignité, le mobing, mon affaire, mes presque six semaines à Berlin, les petites vexations que m'a imposées l'administration vaudoise, et je n'oublie pas C. ni des lectures fondamentales telle que celle du "Meilleur des mondes" de Aldous Huxley, ni mon élection à la présidence de l'Association Vaudoise des Écrivains. L'année pourrait s'arrêter demain, j'ai rempli 2007 au-delà de la mesure et la mue n'est pas terminée.
Il y a une année de cela, je vivais dans le ralenti contemplatif d'une convalescence, les suites d'un burn-out, le collège de C. patelin vaudois où vécut Mme de S., nymphomane ennemie du peuple et fille d'un prévaricateur de l'Ancien Régime, tout le charme discret du délit d'initié qui vous permet de vous construire un château à léguer à sa littérateuse de fille. J'aurais dû me méfier et ne pas me compromettre dans ce village de peu de morale, berk. Qu'il est regrettable que Bonaparte n'ait pas réglé son sort à la grosse (la dame lettrée et nymphomane n'était à tout point de vue pas très fine). Ah, on va encore s'exclamer que j'ai un avis ! et oui, et de la jugeote aussi, assortie de suffisamment de répartie pour emporter le suffrage de mes élèves.
Et parmi le flot de mes affaires diverses, entre les programmes d'histoire et de français, l'ordre du jour du prochain comité de l'AVE, les manuscrits, les contacts avec les éditeurs, et l'affection de C., je ne peux m'empêcher de penser à ma prochaine escapade barcelonaise. Respirer, oui, respirer avec cette note poignante mi-larme, mi-sang dans les narines, le vrai parfum de l'émotion, le mélange détonnant de l'ailleurs, du souvenir, de la commémoration et de la liberté pour une quarantaine d'heures, un week-end que je ne perdrai pas à Lausanne.
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