samedi, avril 26, 2008

La bannière et le ballon


Il est si facile de se livrer à quelques grands desseins ... tout comme à l'humilité consécutive à la paresse sociale, les choses qui vont seules leur chemin. N'importe quel leader un tant soit peu charismatique arriverait à se hisser au pouvoir et offrirait un projet simple - voire simplet - avec la gloire en but ultime et tous les mous et les traîne-savates d'hier se transformeraient en bon petit soldat, en instrument du pouvoir suprême ...
Remarquez, un nouveau Bonaparte, une croisade à l'instigation du Très Saint Père, je suis partant ! Je fais mon bagage sur le champs pour emboîter le pas d'un général révolutionnaire apportant l'Etat de droit jusqu'aux confins des cultures qui n'en veulent pas et je me sais prêt à défendre ma foi catholique avec ... pugnacité. Soit, j'y mets un certain romantisme et beaucoup de passion, normal, je suis un artiste, j'ai le droit ... C'est mon rôle. Revenons au blaireau de base : lui faut-il un Napoléon ou une bulle papale pour suivre un "grand dessein". Non ! une vague promesse de mieux, quelques vierges, la victoire en championnat du monde, l'alcool pas cher et, par dessus tout, la conviction d'être le meilleur.
Pourquoi nous sommes-nous éloignés de nos vies, de ces simples riens faits de fin d'après-midi au parc, un banc, le parfum des buissons fleuris, la course des chiens. Tous ces instants anodins, creux et si beaux dans leur anonymat. Il y a aussi la vérité de l'émotion, cette vérité quelconque pour soi mais irradiante lorsqu'on en témoigne, révélant des miracles là où l'on ne voyait qu'un dépotoir. Il faudrait être sincère ... Flicage ... Moins on en dit, moins on parle et les mots se sclérosent, et le blaireau de base en perd l'usage. Allez, votez leader !

lundi, avril 14, 2008

Le miroir


Je n'ai jamais connu l'angoisse de la page blanche ... jamais. Il me suffit d'écrire, simplement dévider la dentelle des mots, prendre la parole de mes personnages, rendre apparent le dialogue intérieur qui court perpétuellement en moi, une fontaine aux jets ... gracieux ! Et tant pis pour l'image laborieuse de l'artisan méritant qui cisèle son texte en tirant la langue. En plus, il m'arrive même d'écrire en regardant la télé, au téléphone, et surtout dans les espaces publics. Je capte le mouvement, l'ondulation subtile de l'humeur générale et l'air du temps. Ça ne doit pas sembler pesant ou difficile sinon, ça me lasse et ça manque de fraîcheur. Je ne devrais pas livrer à l'exposition publique mes petites recettes de fabrication, surtout pour dire qu'écrire - et avec talent - m'est bien l'activité la plus commune et la plus aisée, plus encore que de faire la vaisselle ou changer le lit. Pensez donc, un lit de 1,60x2,10, un bateau lavoir avec des draps qui n'en finissent pas et des housses de couette comme une tente de camping. Il me faut bien une demi-heure pour tout changer, et la lessive, étendre, repasser, plier ... Pfff, non, écrire est bien plus simple, commode, gratifiant et drôle. Le vrai secret : être au plus près de soi ! La sincérité donne du talent, une sorte de blanc seing vers la vérité, celle dont nous détenons notre part.

Je me suis mis, par jeu, par coquetterie, à habiller ces évidences de quelques belles notions lettreuses : "devoir de vérité foucaldien", autofiction, etc; de pose(s) littéraire(s) (Thomas Mann, François Mauriac et/ou Hervé Guibert) mais mon travail est bien plus simple. Il suffit d'écrire, d'en avoir envie, ne pas chercher à s'économiser ... J'ai donné dans l'avarice de moi-même par honte, à croire qu'il n'était pas respectable d'écrire avec aisance et, même, rapidité. Je me souviens du conseil d'une vieille autrice après ma première publication; j'avais soumis à sa lecture un petit roman qui lui faisait suite. "Il faut prendre le temps de la réflexion" ou je ne sais quelle billevesée de cette même facture. Jalousie ? Conformisme ? Les deux ?! Qu'importe. Je témoigne de mon temps mieux que n'importe qui d'autres, de bas en haut, de la bouillasse humaine bavarde trimballée dans les transports publics aux antichambres du pouvoir. Je passe partout, c'est normal, c'est mon travail. Un auteur - prolixe ou laborieux - est la conscience de son époque, un miroir au teint plus ou moins clair, un reflet mobile qui glisse parfois sur la surface la plus incongrue et j'en passe et de meilleures métaphores.

Je me souviens aussi des auteurs qui nous étaient offerts en vénération au lycée (oui, lycée, je pense à mon public français pour qui un "gymnase" n'évoque rien d'autre qu'une palestre). Un vieux poète alcoolique, borné et amer nous rabâchait dans sa demi-ivresse la biographie de monuments lourdingues de la littérature tourmentée et sérieuse, d'antiques trucs mal vissés sur leur socle que n'importe quel jeune homme décidé, chargé d'un lourd paquet et pressé de trouver un rebord pour se délester, mettait à bas sans y prendre garde. Le jeune homme, c'était moi ! Et les élucubrations vaseuses autour du minou de la dadame par des poêts vérolés m'ont toujours laissé froid. Mon enseignant imbibé n'avait pas compris mon allergie aux félidés et nourrissait une certaine jalousie (encore !) à mon endroit, persuadé qu'il était que j'avais séduit et consommé toutes les filles de la classe. En ce temps-là, ma littérature était nue, je n'avais pas l'usage d'un habillage, je ne me projetais pas dans un modèle. J'étais trop occupé à vivre des thèmes romanesques. Puis j'ai versé dans une certaine parcimonie de ma plume; voilà qui est passé, par bonheur. Entre mes laharperies, une pièce que je suis en train de placer, Le Concile de pigeons, la prochaine sortie de La Dignité, je renoue avec la prodigalité naturelle de ma source.


samedi, avril 12, 2008

Die Heimreise


Il est revenu, comme on revient toujours ... Je l'avais attendu des semaines, j'ai toujours pensé qu'un jour je le trouverais derrière ma porte, à attendre, il était mon prince charmant. Il n'est pas revenu physiquement, il m'a juste demandé une autorisation d'apparaître parmi mes liens msn puis il s'est signalé. Il pense encore à moi. "Wenn du wieder single wirst, melde dich einfach. Ich nehme dich zurück". Quel mufle ai-je pensé. Lui, c'est "Traumprinz", une aventure autrichienne qui m'a mené à Vienne et qui aurait dû m'y retenir. C'était avant ... les événements, comment le dire autrement avec tact et discrétion. Pour mes lecteurs fidèles, ils sauront que je parle du petit village de C. où vécut ... Savez-vous que Brasillach parle de Mme de Staël en l'appelant aussi la grosse ! J'espère avoir autant de talent que cet auteur mais mieux finir que lui. Quoique j'aie toujours pensé que la bonne littérature menait à la prison ou à l'hôpital psychiatrique.

Il y a par la fenêtre ce printemps de suie et de bourrasques, quelque chose d'aussi beau que des cheveux gris sur une jeune tête. J'aime cette saison équivoque, anachronique et sans référant; elle laisse le loisir de la réflexion. Elle laisse le temps de s'accoutumer à la vulgarité de la belle saison. Et on a l'air moins bête dans l'indécision. Je serai l'auteur qui donne de la saveur à tous vos instants de rien, au temps dit perdu, aux attentes vaines, aux creux de la vie, attente d'ascenseur, manoeuvre de parcage, file à la caisse. Impossible de nous priver de ce temps résiduel, impossible de l'aménager, de le contrôler : il reste imprévisible. Je suis l'auteur de ce qui n'a apparemment ni sens ni intérêt. Je laisse les jolis combats d'avant-garde et les sujets d'actualité aux gentilles scriboullonnes qui flattent plus la fibre fantasmatique des marchands de soupe que l'esprit des lecteurs. Il y a aussi les mille précautions que les agités "sérieux" de la plume prennent, leur caution morale pour nous parler de leur banale banalité ... berk, des histoires de famille (quand j'entends ce mot, je sors mon revolver), avec mioches et clebs ... Je préfère de loin ma saison équivoque et mon mufle charmant, pardon, mon prince - mufle - charmant.

Si j'étais à Berlin, Vienne ou Barcelone ... Qui a dit "et bien vas-y, on ne te retient pas ..." Je pourrais me raconter de jolies histoires de bonne vie un livre à la main, l'un de ces auteurs si proches de nous, début du XXème, vous savez, avant la seconde chose mondiale, le grand malaise et les solutions qui n'en sont pas. Je ne ferais que fuir. "La Dignité", mon essai autofictif, est terminé depuis plusieurs mois, prêt à la publication, sortie en octobre, et Laharpe n'a pas besoin de beaucoup voyager (les "Mémoires d'un Révolutionnaire"). Je ne sais pas si l'Etat de Vaud est pressé de lire ce travail qu'il a financé, la bourse 2007 à l'écriture. Et sans oublier mon chantier de Gayromandie ni Cr. qui n'apprécie guère mes "fugues".