mercredi, février 28, 2018

Billag, No Billag, No No Billag


Personne ne peut détester la télé de son enfance. Je me souviens du générique d’ouverture des programmes, l’air le plus célèbre du « Devin du village » de Jean-Jacques Rousseau. Je me souviens aussi du « Village englouti », du « Renard à l’anneau d’or », des séries maison, jamais rediffusées. Je me souviens aussi de la face de carême de Catherine Wahli et de son hystérie catastrophiste qu’un capitaine de la CGN a calmé de suite en empoignant un banc en bois suivi du commentaire «  Je vous le fous à l’eau, ça flotte et vous n’aurez qu’à vous y accrocher jusqu’à ce qu’arrive les secours. On n’est pas au milieu de l’Atlantique. » Mythique. Ça vaut bien une année de redevance. Personne ne veut la mort de la RTS ou TSR ou de la TV romande, de la télévision suisse par extension. Par contre, tout le monde veut la peau de Billag, une bande de gougnafiers qui allaient fliquer dans les couloirs des bâtiments des quartiers populaires, à l’affût d’un téléspectateur qui aurait échappé au racket. Ces gens sont à la limite de la malhonnêteté, lançant des poursuites pour emmerder et ne faisant même pas main levée en cas d’opposition. Et les frais ? Pour la pomme de tous ceux qui paient leur redevance. Si l’on en retranche tous les truqueurs parasites de Zürich, Genève, Bâle, Lausanne, Olten, etc. qui prétendent n’être qu’en résidence secondaire et retourner dans leur cambrousse natale tous les week-ends, ça fait un gros manque à gagner. En attendant, les prolos qui ne peuvent prétendre d’une adresse à Niederbipp ou Sambrancher l’ont dans l’os et bien profond au vue des montants exorbitants exigés par Billag. L’idée de voir cette association malfaisante écrasée d’un vote vengeur est trop jouissive pour dire non à No Billag.

Plus sérieusement, j’en veux aux chambres et au Conseil Fédéral de n’avoir proposé aucune contre-initiative. L’occasion était belle pourtant, un parfait timing pour présenter un financement de la télévision suisse via l’impôt fédéral direct sur lequel on se prononce le 4 mars de même, un impôt juste, un impôt qui épargne les plus modestes. De plus, on nous chante les vertus de la télévision nationale, ferment de la cohésion nécessaire y compris à ceux qui ne regardent jamais la télévision nationale suisse. Donc, la télévision est une nécessité au même titre que les autoroutes et le réseau ferroviaire. Donc, on peut la financer via l’impôt, une majoration d’un point suffirait.

Partons dans l’hypothèse d’une télévision sans publicité et à moindre coup. Je réponds : méthode Arte. Une chaîne unique, en quatre langues, traductions simultanées dans les émissions-débats en direct, doublage pour tout le reste. Disons que l’initiative passe, la Confédération ne peut plus financer la télévision … Elle n’a qu’à financer des sociétés de productions fondées pour chacune des grandes émissions de débats ou de divertissement. Nous pourrions intensifier des collaborations avec d’autres télévisions nationales, et pourquoi ne pas initier une version 3Sat (télévisions allemande, autrichienne et suisse) avec la France et la Belgique (même si ce dernier pays n’est pas limitrophe). Les pistes ne manquent pas. Et pour financer cette vaste réforme dans un premier temps ? On vend les studios de Zürich, Berne et Genève pour partir s’installer à … Soleure ou Bienne ? ou Granges nord ?

Quant à la radio, une chaîne d’information quadrilingue du genre de ce que fait France Info, une rédaction issue de toute la Suisse et des programmes traduits. Les chaînes musicales à thèmes retirées du réseau DAB pour les placer sur le net, réception sur abonnement, le bouquet pour 20.- par an. Et ma chère Espace 2 en version quadrilingue, elle doit avoir son pendant dans les trois autres zones linguistiques, financement via des sociétés de productions ou, directemenet, par l’impôt.

Votez oui, votez non, votez selon vos convictions, néanmoins le débat ne sera pas clôt passé le 4 mars.

mercredi, février 21, 2018

" Dernier vol au départ de Tegel", genèse d'un roman

Il en reste deux ou trois chapitres sur ce blog, comme un teaser, appâter le chaland, témoigner publiquement du texte. J’avais commencé à écrire « Dernier vol au départ de Tegel » suite à l’abandon subit d’un projet littéraire ; on m’avait signifié par SMS que le roman quasi signé, agendé, ne serait pas publié, que c’était trop de travail et qu’il n’était pas assez « bankable » en filigrane. Pas grave. Ce roman refusé s’intitule « Canicule Parano », il a trouvé un autre éditeur, il existe depuis quelques années et j’en suis très fier. Entre l’abandon de ce projet et sa reprise, histoire d’exister malgré tout en tant qu’auteur, de partager avec des lecteurs, j’ai commencé à publier en feuilleton le manuscrit sur lequel je travaillais, une petite idée que j’ai poursuivie de Lausanne à Berlin. C’était un rendez-vous hebdomadaire, un rite, trouver une illustration en rapport, presque un jeu, et découvrir au fil du récit tout une galerie de personnages. Je ne suis pas allé les chercher très loin, j’ai juste appris à les connaître. En ce temps-là, on annonçait encore la fermeture de l’aéroport de Tegel dans un délai de six mois, nous habitions encore à Lausanne avec Cy. et je lisais du Edvard von Keyserling.
 
Le texte a connu une seconde vie en ligne… Au tout début, il avait été évoqué une publication dans l’espace abonnés et pas dans l’antichambre-débarras-entrepôt des blogs des amis et soutiens du nouveau média. Je ne pense pas y avoir rencontré beaucoup de lecteurs. « Dernier vol … » y vivait en attendant de trouver un éditeur, une place en librairie et dans les bibliothèques. Je ne vous ai pas refilé une vieillerie, le manuscrit a été retravaillé, amélioré, question de format. Et à chaque relecture, j’ai redécouvert les vertus de mon onzième titre, sa voix singulière et l’utilité du récit. Il entre dans mon cycle berlinois, la ville en contrepoint de la Suisse et de ses raideurs. Robert, Eldrid, Ditmar, Friedhelm, Magda et les autres, mes personnages ont fini par sortir des pages. Je les ai peut-être révélés par mon récit mais ils ont leur propre existence, ils sont vivants, ils sont même devenus des amis. Je me suis battu pour leur assurer la possibilité que vous les rencontriez. Ils ont beaucoup à vous donner, ce sont des personnes bien, parfois embarrassées d’elles-mêmes, parfois maladroites mais jamais amères.
 
« Dernier vol … » est le roman des familles recomposées, des tribus patchwork et de la réconciliation avec les origines, le terreau natal ou celui dans lequel ont poussé les générations précédentes ; il est question de l’unité de l’individu. Le récit commence par les craintes de Robert, l’ombre de la maladie… C’est la Réunification qui l’a appelé en Allemagne et il a adopté ce pays à moins qu’il ne fût un Allemand qui s’ignore ? Qui sommes-nous ? La somme des gênes qui nous ont été légués ? la somme de nos expériences multipliées par nos sentiments le tout divisé par nos souvenirs ? ou une combinatoire entre hasards et possibilités ? Suivez Robert, il a quelque chose à vous apprendre.
 
« Dernier vol au départ de Tegel », éditions Mythraz, 22.-, ISBN 978-2-8399-2173-2, disponible dans toutes les librairies depuis le 15 février dernier.

mercredi, février 14, 2018

Intervention à propos du "Livre sur les quais".

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues,
 
Je suis descendu de mon perchoir afin de vous faire part d’une ou deux réflexions propres à éclairer votre vote.
 
70'000.- voire même 100'000 francs pour un événement qui porte loin à l’aronde le nom de Morges, ce n’est pas cher payé. Dans cette même fourchette de prix, nous ne pourrions pas nous offrir une campagne de promotion touristique aussi efficace ni aussi prestigieuse. Il serait regrettable de mettre en péril une manifestation aux retombées positives et il faut effectivement opter pour une professionnalisation de son organisation. Voilà la raison pour laquelle il a été fait appel à « Grand Chelem Event SA ». Ce nouvel intervenant n’est pas une organisation de bienfaisance mais une société anonyme, une entreprise à but lucratif. Elle a commencé par éponger les dettes du « Livre sur les quais » et nous l’en remercions. Il est naturel qu’elle compte rentrer dans ses frais le plus rapidement possible et dégager un bénéfice par la suite. Elle s’est du reste déjà fait payer ses services d’un professionnalisme indiscutable. Ce même professionnalisme lui a dicté d’introduire un «pass » d’entrée payant lors de l’édition de 2017.
 
Que la commune subventionne « Le livre sur les quais » à hauteur de 70'000.- ou de 100'000 francs, il n’en demeure pas moins que les acteurs centraux de cette manifestation restent négligés. Des visiteurs sont venus pour les écouter, pour les entendre s’exprimer sur tel ou tel sujet, ces visiteurs ont même payé 15.- francs pour cela l’année dernière et les auteurs n’ont rien touché ! Hormis, une minorité qui a eu les honneurs de la salle Belle Epoque, des croisières ou des petits-déjeuners au Beau-Rivage Palace. Tant mieux pour eux ; ils sont au moins rémunérés pour leur travail. D’autres auteurs ont parfois la chance d’être salariés ou largement défrayés par leur maison d’édition, de ces grandes maisons au solide budget promotionnel. Ce n’est  malheureusement pas dans les moyens de nos maisons romandes, même les plus prestigieuses, en dépit du soutien très actif du canton de Vaud et des communes vaudoises. Vous me direz que tout ce qui touche aux auteurs est du domaine de la direction artistique du « Livre sur les quais ». Effectivement, cette instance, de sa propre volonté ou sur proposition des maisons d’éditions, délivre ses invitations. C’est à la fois un honneur et un devoir pour un auteur romand de répondre présent, du moins c’était un honneur. Depuis l’entrée de Grand Chelem Event SA dans la danse, comme un parfum de duplicité s’est mis à flotter sur les quais. Grand Chelem Event SA aurait donc à gérer, aussi, la rémunération, même symbolique, des auteurs renommés ou non.
 
Je me permets encore de vous rappeler qu’être auteur est une activité professionnelle tout comme être un élu de l’exécutif morgien, un employé de commerce au Centre patronal vaudois, un employé de commerce de détail à la Coop ou un agriculteur. Et encore plus sûrement que dans cette dernière profession, l’auteur ne vit pas du fruit de son labeur. En quoi consiste son travail ? L’auteur rédige des textes ou construit son œuvre, il soumet son travail à une ou plusieurs maisons d’édition. Parfois, rarement, il répond à une commande, et pour cela touche un à-valoir, une somme forfaitaire correspondant à une avance sur ses droits d’auteurs. Les droits d’auteurs varient entre 10 et 15% du prix de vente selon le contrat type proposé par les maisons d’éditions suisses. On parle de 8% en Allemagne. On considère qu’une œuvre romande vendue à 2000 exemplaires est un rare succès. La plupart des auteurs romands connaissent des ventes de 400 à 500 exemplaires. Si l’on fixe le prix moyen d’un volume de littérature romande à 25.- , je vous laisse faire les comptes. L’auteur travaille encore avec l’éditeur à l’ajustement de son texte, parfois donne son avis sur le graphisme de la couverture. Après publication, il accepte la charge de la promotion, à savoir des séances de dédicaces et, parfois, des interviews dans la presse écrite, à la radio ou à la télévision/chaîne Youtube, etc. Ces interventions à caractère publicitaire sont soit courtes, soit peu impliquantes. De plus, les extraits de son ouvrage qui seront lus à ce moment-là sont rémunérés et les droits perçus par l’organisation professionnelle Pro-Litteris. Le travail de l’auteur s’arrête ici. Si ce dernier est invité dans une école ou dans une manifestation à caractère gratuit, il accepte occasionnellement d’intervenir gracieusement. S’il s’agit d’une institution universitaire, il sera rémunéré, quitte à ne toucher qu’un centaine d’euros. L’auteur doit être rémunéré dès qu’il assure le show, qu’il s’agisse d’une conférence, d’une table ronde, d’un « parloir », « confessionnal » ou autre « speed dating » selon les appellations propres au Livre sur les Quais. Si modeste soit la rémunération, c’est une question de respect, respect dont témoignerait une manifestation locale à l’attention de la forte délégation romande. L’association professionnelle des Autrices et Auteurs de Suisse, faitière des écrivains de ce pays milite de même pour une rétribution de toute activité sortant du cadre de la promotion.
 
En résumé et pour conclure, Mesdames, Messieurs, chers collègues, si vous votez une augmentation de la subvention communale à la manifestation du Livre sur les Quais, ce n’est pas cher payé aux vue des retombées promotionnelles pour notre ville mais n’oubliez pas que pas une miette de cet appétissant gâteau ne reviendra aux auteurs, les principaux acteurs de cet événement. Merci de votre attention.