Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Je suis descendu de
mon perchoir afin de vous faire part d’une ou deux réflexions propres à
éclairer votre vote.
70'000.- voire même
100'000 francs pour un événement qui porte loin à l’aronde le nom de Morges, ce
n’est pas cher payé. Dans cette même fourchette de prix, nous ne pourrions pas
nous offrir une campagne de promotion touristique aussi efficace ni aussi prestigieuse.
Il serait regrettable de mettre en péril une manifestation aux retombées
positives et il faut effectivement opter pour une professionnalisation de son
organisation. Voilà la raison pour laquelle il a été fait appel à « Grand
Chelem Event SA ». Ce nouvel intervenant n’est pas une organisation de
bienfaisance mais une société anonyme, une entreprise à but lucratif. Elle a commencé
par éponger les dettes du « Livre sur les quais » et nous l’en
remercions. Il est naturel qu’elle compte rentrer dans ses frais le plus
rapidement possible et dégager un bénéfice par la suite. Elle s’est du reste
déjà fait payer ses services d’un professionnalisme indiscutable. Ce même professionnalisme
lui a dicté d’introduire un «pass » d’entrée payant lors de l’édition de
2017.
Que la commune
subventionne « Le livre sur les quais » à hauteur de 70'000.- ou de
100'000 francs, il n’en demeure pas moins que les acteurs centraux de cette
manifestation restent négligés. Des visiteurs sont venus pour les écouter, pour
les entendre s’exprimer sur tel ou tel sujet, ces visiteurs ont même payé 15.-
francs pour cela l’année dernière et les auteurs n’ont rien touché !
Hormis, une minorité qui a eu les honneurs de la salle Belle Epoque, des
croisières ou des petits-déjeuners au Beau-Rivage Palace. Tant mieux pour
eux ; ils sont au moins rémunérés pour leur travail. D’autres auteurs ont
parfois la chance d’être salariés ou largement défrayés par leur maison
d’édition, de ces grandes maisons au solide budget promotionnel. Ce n’est malheureusement pas dans les moyens de nos
maisons romandes, même les plus prestigieuses, en dépit du soutien très actif
du canton de Vaud et des communes vaudoises. Vous me direz que tout ce qui
touche aux auteurs est du domaine de la direction artistique du « Livre
sur les quais ». Effectivement, cette instance, de sa propre volonté ou
sur proposition des maisons d’éditions, délivre ses invitations. C’est à la
fois un honneur et un devoir pour un auteur romand de répondre présent, du
moins c’était un honneur. Depuis l’entrée de Grand Chelem Event SA dans la
danse, comme un parfum de duplicité s’est mis à flotter sur les quais. Grand
Chelem Event SA aurait donc à gérer, aussi, la rémunération, même symbolique,
des auteurs renommés ou non.
Je me permets encore
de vous rappeler qu’être auteur est une activité professionnelle tout comme
être un élu de l’exécutif morgien, un employé de commerce au Centre patronal
vaudois, un employé de commerce de détail à la Coop ou un agriculteur. Et
encore plus sûrement que dans cette dernière profession, l’auteur ne vit pas du
fruit de son labeur. En quoi consiste son travail ? L’auteur rédige des
textes ou construit son œuvre, il soumet son travail à une ou plusieurs maisons
d’édition. Parfois, rarement, il répond à une commande, et pour cela touche un
à-valoir, une somme forfaitaire correspondant à une avance sur ses droits
d’auteurs. Les droits d’auteurs varient entre 10 et 15% du prix de vente selon
le contrat type proposé par les maisons d’éditions suisses. On parle de 8% en
Allemagne. On considère qu’une œuvre romande vendue à 2000 exemplaires est un
rare succès. La plupart des auteurs romands connaissent des ventes de 400 à 500
exemplaires. Si l’on fixe le prix moyen d’un volume de littérature romande à
25.- , je vous laisse faire les comptes. L’auteur travaille encore avec
l’éditeur à l’ajustement de son texte, parfois donne son avis sur le graphisme
de la couverture. Après publication, il accepte la charge de la promotion, à
savoir des séances de dédicaces et, parfois, des interviews dans la presse
écrite, à la radio ou à la télévision/chaîne Youtube, etc. Ces interventions à
caractère publicitaire sont soit courtes, soit peu impliquantes. De plus, les
extraits de son ouvrage qui seront lus à ce moment-là sont rémunérés et les
droits perçus par l’organisation professionnelle Pro-Litteris. Le travail de
l’auteur s’arrête ici. Si ce dernier est invité dans une école ou dans une
manifestation à caractère gratuit, il accepte occasionnellement d’intervenir
gracieusement. S’il s’agit d’une institution universitaire, il sera rémunéré,
quitte à ne toucher qu’un centaine d’euros. L’auteur doit être rémunéré dès
qu’il assure le show, qu’il s’agisse d’une conférence, d’une table ronde, d’un
« parloir », « confessionnal » ou autre « speed
dating » selon les appellations propres au Livre sur les Quais. Si modeste
soit la rémunération, c’est une question de respect, respect dont témoignerait
une manifestation locale à l’attention de la forte délégation romande. L’association
professionnelle des Autrices et Auteurs de Suisse, faitière des écrivains de ce
pays milite de même pour une rétribution de toute activité sortant du cadre de
la promotion.
En résumé et pour
conclure, Mesdames, Messieurs, chers collègues, si vous votez une augmentation
de la subvention communale à la manifestation du Livre sur les Quais, ce n’est
pas cher payé aux vue des retombées promotionnelles pour notre ville mais
n’oubliez pas que pas une miette de cet appétissant gâteau ne reviendra aux
auteurs, les principaux acteurs de cet événement. Merci de votre attention.
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