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mardi, mai 08, 2018

De la densification et autres errements


La densification, le mot est lâché, d’un sobre aspect pour une réalité qui rime avec chantiers perpétuels, nuisances, bouchons et perte d’identité. Le sujet est éminemment politique mais fait globalement consensus dans les partis majoritaires. Pour nos autorités, il s’agit de l’œuf de Colomb ou de la poule aux œufs d’or : plus d’habitants, plus de rentrées fiscales, plus de consommation, plus d’immobilier, etc. Et la qualité de vie ? l’âme de la ville ? Victimes co-latérales, « il ne faut pas être passéistes » et c’est reparti pour le couplet des lendemains qui chantent, à tue-tête, circulez, il n’y a rien à voir, les esprits chagrins n’ont qu’à retourner à leurs albums d’images Belle Epoque. 

Concrètement, à Morges, la densification signifie le double chantier du quartier de la Gare, le complexe sis à la place de l’ex-Fonderie Neeser, le tout prochain chantier de La Prairie-L’Eglantine, le futur hôtel de la Blancherie, et deux ou trois autres interventions de moindre ampleur mais parfois bien plus dommageable sur le tissu historique de la ville et la circulation. Les autorités ont une explication, « évolution en escalier », Morges serait du genre belle endormie entre deux crises de croissances aigües.

Encore plus concrètement, le quartier des anciennes Halles, qui devrait porter le nom de quartier des Cheminots est un bon projet. Il s’agit d’une friche urbaine propre à accueillir du logement proche du centre. L’îlot Sud présente d’autres problèmes : destruction de la maison Richard, construction d’une tour disproportionnée par rapport au tissu urbain avoisinant, à savoir le bourg historique de Morges et, surtout, un calendrier de construction aberrant ! On ne lance pas deux chantiers aussi proches en même temps dans une zone aussi sensible au niveau circulation que la gare ! Et quand tout sera fini, ça continue, avec la reconstruction d’une gare-centre commercial.

En dehors des questions de nuisance durant les chantiers (on en a pris pour cinq ans fermes, sans parler des prochains grands projets qui risquent de démarrer durant ce laps de temps), il y a la future circulation à travers Morges et la perte irrémédiable d’identité. Le principal risque réside dans une disneylandisation du bourg historique, le déplacement de la plus grande partie des activités économiques vers le quartier des Halles et ses très, très, très nombreuses surfaces commerciales. Les arcades de la vieille ville courent le double risque de la désertification ou de la récupération par des grandes enseignes du prêt-à-consommer alimentaire.

Dans la pierre, le béton armé en l’occurrence, le problème se situe au niveau du choix de l’agencement urbanistique, on n’étend pas la surface habitable d’une ville en y jetant pêle-mêle des plots par-ci, par-là, il faut étirer le tissu existant entre autres en passant à un ordre de construction continu, histoire de former rues, avenues et boulevards, intégrer l’existant à ce qui sera. On a manqué une belle occasion de faire du projet de l’Eglantine une véritable extension à la ville, sortir de l’entassement de constructions disparates par l’aménagement d’une place, unité de style, dialogue avec les maisons historiques de La Prairie et de l’Eglantine.

Pour terminer, permettez-moi de tordre le cou à ce faux bon calcul : plus d’habitants (classe moyenne supérieure si possible) signifie plus de rentrées fiscales et plus de consommation sur place. Ces nouveaux Morgiens vont tout de même coûter en infrastructure, en services publics, places en crèches, écoles, voirie, soins, etc. Et vont-ils considérer leur nouvelle résidence comme un lieu où vivre ou juste dormir, après avoir fait le minimum syndical de courses chez un discounter allemand qui a annoncé son arrivée prochaine dans le quartier des Halles ? J’espère sincèrement me tromper et voir jaillir de cette nouvelle expansion une créativité architecturale propice à l’enracinement de ces nouveaux Morgiens qui enrichiront pratiquement et métaphoriquement notre terreau.

mercredi, février 14, 2018

Intervention à propos du "Livre sur les quais".

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues,
 
Je suis descendu de mon perchoir afin de vous faire part d’une ou deux réflexions propres à éclairer votre vote.
 
70'000.- voire même 100'000 francs pour un événement qui porte loin à l’aronde le nom de Morges, ce n’est pas cher payé. Dans cette même fourchette de prix, nous ne pourrions pas nous offrir une campagne de promotion touristique aussi efficace ni aussi prestigieuse. Il serait regrettable de mettre en péril une manifestation aux retombées positives et il faut effectivement opter pour une professionnalisation de son organisation. Voilà la raison pour laquelle il a été fait appel à « Grand Chelem Event SA ». Ce nouvel intervenant n’est pas une organisation de bienfaisance mais une société anonyme, une entreprise à but lucratif. Elle a commencé par éponger les dettes du « Livre sur les quais » et nous l’en remercions. Il est naturel qu’elle compte rentrer dans ses frais le plus rapidement possible et dégager un bénéfice par la suite. Elle s’est du reste déjà fait payer ses services d’un professionnalisme indiscutable. Ce même professionnalisme lui a dicté d’introduire un «pass » d’entrée payant lors de l’édition de 2017.
 
Que la commune subventionne « Le livre sur les quais » à hauteur de 70'000.- ou de 100'000 francs, il n’en demeure pas moins que les acteurs centraux de cette manifestation restent négligés. Des visiteurs sont venus pour les écouter, pour les entendre s’exprimer sur tel ou tel sujet, ces visiteurs ont même payé 15.- francs pour cela l’année dernière et les auteurs n’ont rien touché ! Hormis, une minorité qui a eu les honneurs de la salle Belle Epoque, des croisières ou des petits-déjeuners au Beau-Rivage Palace. Tant mieux pour eux ; ils sont au moins rémunérés pour leur travail. D’autres auteurs ont parfois la chance d’être salariés ou largement défrayés par leur maison d’édition, de ces grandes maisons au solide budget promotionnel. Ce n’est  malheureusement pas dans les moyens de nos maisons romandes, même les plus prestigieuses, en dépit du soutien très actif du canton de Vaud et des communes vaudoises. Vous me direz que tout ce qui touche aux auteurs est du domaine de la direction artistique du « Livre sur les quais ». Effectivement, cette instance, de sa propre volonté ou sur proposition des maisons d’éditions, délivre ses invitations. C’est à la fois un honneur et un devoir pour un auteur romand de répondre présent, du moins c’était un honneur. Depuis l’entrée de Grand Chelem Event SA dans la danse, comme un parfum de duplicité s’est mis à flotter sur les quais. Grand Chelem Event SA aurait donc à gérer, aussi, la rémunération, même symbolique, des auteurs renommés ou non.
 
Je me permets encore de vous rappeler qu’être auteur est une activité professionnelle tout comme être un élu de l’exécutif morgien, un employé de commerce au Centre patronal vaudois, un employé de commerce de détail à la Coop ou un agriculteur. Et encore plus sûrement que dans cette dernière profession, l’auteur ne vit pas du fruit de son labeur. En quoi consiste son travail ? L’auteur rédige des textes ou construit son œuvre, il soumet son travail à une ou plusieurs maisons d’édition. Parfois, rarement, il répond à une commande, et pour cela touche un à-valoir, une somme forfaitaire correspondant à une avance sur ses droits d’auteurs. Les droits d’auteurs varient entre 10 et 15% du prix de vente selon le contrat type proposé par les maisons d’éditions suisses. On parle de 8% en Allemagne. On considère qu’une œuvre romande vendue à 2000 exemplaires est un rare succès. La plupart des auteurs romands connaissent des ventes de 400 à 500 exemplaires. Si l’on fixe le prix moyen d’un volume de littérature romande à 25.- , je vous laisse faire les comptes. L’auteur travaille encore avec l’éditeur à l’ajustement de son texte, parfois donne son avis sur le graphisme de la couverture. Après publication, il accepte la charge de la promotion, à savoir des séances de dédicaces et, parfois, des interviews dans la presse écrite, à la radio ou à la télévision/chaîne Youtube, etc. Ces interventions à caractère publicitaire sont soit courtes, soit peu impliquantes. De plus, les extraits de son ouvrage qui seront lus à ce moment-là sont rémunérés et les droits perçus par l’organisation professionnelle Pro-Litteris. Le travail de l’auteur s’arrête ici. Si ce dernier est invité dans une école ou dans une manifestation à caractère gratuit, il accepte occasionnellement d’intervenir gracieusement. S’il s’agit d’une institution universitaire, il sera rémunéré, quitte à ne toucher qu’un centaine d’euros. L’auteur doit être rémunéré dès qu’il assure le show, qu’il s’agisse d’une conférence, d’une table ronde, d’un « parloir », « confessionnal » ou autre « speed dating » selon les appellations propres au Livre sur les Quais. Si modeste soit la rémunération, c’est une question de respect, respect dont témoignerait une manifestation locale à l’attention de la forte délégation romande. L’association professionnelle des Autrices et Auteurs de Suisse, faitière des écrivains de ce pays milite de même pour une rétribution de toute activité sortant du cadre de la promotion.
 
En résumé et pour conclure, Mesdames, Messieurs, chers collègues, si vous votez une augmentation de la subvention communale à la manifestation du Livre sur les Quais, ce n’est pas cher payé aux vue des retombées promotionnelles pour notre ville mais n’oubliez pas que pas une miette de cet appétissant gâteau ne reviendra aux auteurs, les principaux acteurs de cet événement. Merci de votre attention.

mercredi, janvier 31, 2018

Le quai sous les livres

Depuis 2010, lors du dernier week-end d’août se tient le « Livre sur les quais », le salon qui réunit auteurs et lecteurs dans un cadre exceptionnel. Peut-on parler de patrimoine immatériel comme dans le cas du jumelage Morges-Vertou ? Huit éditions ont suffi à rendre la rencontre incontournable. Elle fait partie du paysage de la rentrée. Les questions qui se posent aujourd’hui : comment pérenniser l’événement, comment le renouveler sans perdre la ferveur des débuts ?

Pratiquement, Morges a gagné une fantastique renommée à travers « Le livre sur les quais ». Jamais nous n’aurions eu les moyens de payer une campagne de promotion comparable à la publicité que nous offre notre salon littéraire. A ce propos, une commission du Conseil Communal réfléchit à l’opportunité d’octroyer un nouveau subventionnement extraordinaire de 100'000.- Entre le plaisir de la population, les retombées en matière de tourisme et d’image, ce ne serait pas cher payé.

Personne n’ignore les difficultés que la manifestation a traversée ni le risque de la voir disparaître. Aujourd’hui, une société dans l’événementiel est venue remettre à flots l’association du « Livre sur les quais ». Evidemment, cette société ne l’a pas fait par philanthropie ; elle s’attend à dégager si ce n’était sur l’édition 2017 du moins dans un délai raisonnable, elle s’attend donc à faire du bénéfice. Cette année, léger faux pas, elle a demandé un prix d’entrée à celles et ceux qui souhaitaient assister à une table ronde, un débat. Ce n’est pas dans l’esprit de la manifestation, du reste la  fréquentation en a souffert. En 2018, l’événement devrait retrouver son caractère complètement gratuit.

Le patrimoine immatériel peut disparaître du jour au lendemain pour cause de désintérêt, pour raison financière mais aussi par rapport à l’image véhiculée. Le livre, la littérature ont et auront toujours une image positive. Les grands noms drainent la foule qui, parfois, s’attarde devant les ouvrages d’auteurs moins connus. « Le livre sur les quais » est à la croisée des chemins. Soit il devient un événement institutionnel qui rapporte, où l’on défraie les auteurs, on paie le personnel d’accueil et les subventions servent à garantir la gratuité au public ; soit il reste un événement de qualité, à dimension humaine, où l’accueil est assuré par des bénévoles, la fréquentation reste gratuite et les subventions  serviraient à payer la prestation de la société d’events et le défraiement de tous les auteurs ayant participé à une table ronde, un débat, etc., histoire que ces derniers ne soient pas les dindons de la farce.


Article paru dans le bulletin 76 de l'Association de Sauvegarde de Morges

lundi, septembre 11, 2017

Première séance sous ma présidence.

J’ai apperemment raté une grande carrière d’humoriste … Première séance du Conseil Communal sous ma présidence, 28 pages de fil rouge, tout le déroulement de la soirée selon … selon ce que j’en connais depuis les deux ans (ou un rien moins, il me semble que je suis entré au Conseil Communal novembre 2015), donc selon ce que j’en connais, ce que j’en ai appris au cours d’une année de vice-présidence, ce que l’on m’en a dit et les explications que j’ai reçues. J’ai aussi longuement consulté les notes de mes prédécesseurs, sur Dropbox. J’ai reçu les codes de cette mémoire dans le « nuage » avec un pin’s aux couleurs de Morges et une pince à cravate armoriée de même, les prérogatives du président ! Et il y a eu la séance du bureau du Conseil, le mardi de la semaine précédente, l’occasion de servir du thé aux membres de ce cénacle au service du bon déroulement de l’institution présidentielle.

Je commence par les salutations alambiquées, je poursuis par le panégyrique de mon prédécesseur, les divers du bureau et, bing, ça commence. Un importun conteste le fait que je soutienne une pétition contre la fermeture d’un bureau de poste excentré. Bon, bon, je fais voter, le Conseil me soutient, jusqu’ici ça va, comme le disait l’homme qui s’était jeté du haut du vingtième à chaque étage le séparant du sol. Ça se corse avec une motion transformée en  postulat et, surtout, le vote du Conseil sur la chose. On ne peut pas simplement lancer à la cantonade « Etes-vous d’accord de faire comme on vient de dire ? » Que nenni, Il faut refuser pour accepter la décision selon une formule précise. La dite formule est surtout parlante aux vieux routiers qui, en général, se tiennent sur les premiers rangs de chaque groupe, histoire de donner l’exemple au reste de la troupe.

A ma décharge, je n’étais pas le seul dans le jus ! La scène était cocasse même de ma place, et pendant que chacun discutait le bout de gras, j’avais le temps de la réflexion. J’ai tout de même tout fait tout bien sur LE point important de cette onzième séance de la législature (quoique j’aie un doute, onzième ou douzième séance ?). Et pour le reste … J’ai fait face, avec le plus de naturel possible, et humour. Du coup, les Conseillers sont repartis de bonne humeur, plutôt détendus. J’ai inauguré le Conseil interactif. Chacun se prononce sur les décisions, soit, mais avec moi chacun a pu discuter de la forme, plongeant dans le règlement, proposant son interprétation. Pour l’occasion, j’avais sorti l’image de saint Expedit, le saint que l’on prie pour que les choses aillent vite et, effectivement, à 22h15, la séance était bouclée. Je vais peut-être rajouter sainte Rita pour la 12ème (ou 13ème ) séance de la législature, la sainte patronne des causes impossibles et désespérées.

Je n’ai pas eu de mauvais retours, finalement. On s’est bien diverti et pas même à mes dépens. Je ne vais pas réitérer le même numéro lors de ma prochaine prestation. Je reverrai volontiers la mise-en-scène mais ça n’est hélas pas possible, quel ennui. On pourrait faire un entre-acte, thé, café, biscuits et laisser de côté les commissions « bout de tuyau » ?! Oh, je pourrai toujours faire une proposition pour l’entre-acte dès la fin de ma présidence, une interpellation ? Non, pas assez contraignante, je glisserai une motion et, selon les conclusions de la commission, hop, je la transformerai en postulat.


mercredi, juin 22, 2016

Installation

Cela avait un peu plus d’allure que ma première assermentation, le ton était plus proche de l’entrée de Thomas Buddenbrook au parlement lübeckois. Mardi 14 juin, installation des nouvelles autorités morgiennes, séance au casino, la belle salle roccoco-Art Nouveau. J’ai changé de groupe (voir mes précédents billets « La veste » et « Lettre ouverte aux (politiques) morgiens/nes »), je me tiens au premier rang, comme à la messe, une habitude, personne ne veut jamais occuper ces places. Je me tiens donc au premier rang, tout à la gauche … donc à la droite de la municipalité. Cy. et ma mère sont aussi entrés au conseil communal, situation amusante, il ne manque que le chien et du thé pour être à la maison.

Au cours de la cérémonie, assermentation du Conseil, des autorités municipales, bafouille d’une pasteuse (pasteur au féminin) qui file la métaphore sur « faites vos jeux », rapport au casino, je ne sais pas si elle est sérieuse ? Sait-elle que ce casino, comme toutes les salles de spectacles multi-fonctions de Suisse romande, porte ce nom de « casino » en référence à la maison de divertissement que les princes faisaient construire au fond du jardin, une petite maison, « casino » en italien, une sorte de « Trianon » où l’on va danser, écouter de la musique, dîner entre amis et, accessoirement, jouer aux cartes. « Kursaal » en allemand, salle de cure, le lieu de divertissement dans les villes thermales et balnéaires. Le terme allemand collerait mieux au monument morgien, le principal édifice des quais que l’on faillit démolir avant une rénovation complète et une exploitation bradée à un privé pour 50 ans ou plus.

Je me perds un peu dans ces réflexions, Mme la préfette préside et anime adroitement la cérémonie. Elle termine en « installant » le jeune et élégant président du Conseil Communal, une charge annuelle, précédée d’un mot de présentation par un membre de son parti, portrait aimable, élection tacite, chaque parti propose à tour de rôle un deuxième vice-président, qui deviendra un premier vice-président puis président sur un cycle de trois ans. Je m’apprête à commencer en tant que premier « vice », le petit groupe que j’ai rejoint m’a proposé le rôle … le poste. Le petit groupe que j’ai quitté a passé son tour, personne n’a envie d’aller aux charbons. Vient donc mon tour, mon élection à bulletin secret, certains hésitent à bouffer le billet, d’autres à se moucher dedans, des distraits ne tracent que mon patronyme … Il y a deux Vallotton au Conseil à présent. Bref, je suis élu, avec un score … minable, le second vice avec un score stalinien – qu’il ne manquera pas de signaler sur les réseaux sociaux dans un style documentaire dont il sure à peine une pointe d’orgueil. La présidente de mon groupe me demande si j’ai envie de dire quelques mots, « non », ne pas rallonger la cérémonie. Le vice bis, après la proclamation de son résultat, je l’observe en coin, fait déjà mine de se lever pour remercier l’assemblée ; le nouveau président pense pareil que moi, avancer dans cette séance festive, soit, mais un peu longuette. Il passe au point suivant, le second vice se rassoit. Je me dis que je vais écrire quelque chose à propos de mon expérience politique, cela s’intitulera « Berlin sur Morges » ou « La dignité lémanique du sénateur Buddenbrook », rien du secret de la fonction ne sera dévoilé, je me contenterai de relever les circonstances, de déterminer des caractères.

Après la partie officielle, une verrée chichement dînatoire nous est offerte. Cy. rejoint notre amie L., nouvelle élue socialiste. Ma mère s’est éclipsée, rentrer chez elle. Nous n’occupons – pas encore – un hôtel particulier au centre ville, selon le modèle buddenbrookien. Une « amie », élue socialiste, vient immédiatement me saluer et m’expliquer que mon mauvais résultat s’explique par le fait que beaucoup d’élus n’apprécient pas que les gens changent de parti, et surtout pas pour l’UDC. Je lui réponds que mon mauvais résultat s’explique surtout par le fait que beaucoup n’ont écrit que « Vallotton » sur le bulletin, confusion entre Frédéric et Jacqueline, le tout avec un grand sourire. La dame passe son chemin ; j’adore l’excuse que je viens de sortir. Je sens que je vais bien m’amuser dans mon travail d’observation. Entre les Tartuffe, les faux humbles, les faux simples, tous les souriants qui ont des idées qui leur dépassent de derrière la tête, je sens que j’ai vais pouvoir écrire un pavé.

Nous avons « fait la fermeture » avec Cy., L. et l’un de ses collègues de parti, le jeune B. Nous avons encore pris un dernier verre à la maison, conversation animée sur les différentes orientations de la gauche, j’avoue souvent partager les opinions tranchées de la gauche de la gauche. Le vin faisant, Cy. et L. en viennent à proposer au jeune B. de jouer dans ma pièce métaphysique anti-théâtre. Je lui ai envoyé le texte, pas de nouvelles, c’était prévisible une fois les vapeurs du vin dissipées. Ce soir, en retirant mes boutons de manchettes, l’intimité de mes « petits appartements », m’est venu à l’esprit l’expression « Dieu vomit les tièdes ». Je me fendrai d’une bafouille au Conseil, rapport à mon élection, histoire de faire pendant au mot de remerciements que le second vice’ ne manquera pas de faire … des devoirs de l’humilité dirons-nous. Je commencerai  donc le mot inaugural de ma vice-présidence par cette extrapolation de la parole de saint Jean dans l’Apocalypse 3:15.






lundi, mars 28, 2016

Lettre ouverte aux (politiques) Morgiens/nes

Je suis venu à la politique de manière tout à fait « abracadabrantesque », selon la formule chiraquienne consacrée. Peu après mon réveil, opération des sinus, les vapeurs de la narcose, et une question, via msn, un ami facebookien, à peine une connaissance qui me demandait si j’étais intéressé à entrer au conseil communal morgien ? Je dis oui et, sous les couleurs de « Morges Libre », je suis entré en tant que vient-ensuite au conseil, parmi le groupe de l’ « Entente Morgienne », le bon parti centriste local, 50 bougies soufflées il y a peu, une formation ayant rejoint la mouvance « Vaud Libre », mouvance à laquelle « Morges Libre » appartient … Vous me suivez ? Il y aurait donc sur le territoire morgien deux partis centristes, l’un bien installé et l’autre tout neuf, à peine quelques membres, dont moi recruté via facebook afin de sceller dans les faits par mon entrée au sein du législatif communal l’union de tous les centres en terres morgiennes. Nous voilà rendu là où le récit devient épique, baroque, picaresque, totalement branque. « Morges Libre » avait alors un bouillant président, celui-là même qui me proposa mon entrée en politique, une sorte de touche-à-tout, homme orchestre plutôt sympathique quoique s’adonnant à des stratégies byzantines auxquelles je n’ai toujours rien compris. Dans la foulée, le monsieur me fit prendre la place qu’il occupait au sein du comité de « Vaud Libre », peu après avoir déclenché une brouille avec l’Entente, me mettant ainsi dans une situation inconfortable. Je ne vais pas entrer dans les détails politico-politiciens, je ne peux que vous dire mon embarras croissant car le bonhomme trouva à se brouiller avec Vaud Libre avant de claquer la porte de Morges Libre. Il y eut quelque échange de nom d’oiseau, mon embarras grandissait encore, et me voilà président de Morges Libre, réorienté structure centriste au niveau du district de Morges. Je ne vous dis pas les sourires que mon joli titre de président d’une coquille vide –  le parti est en passe d’être activé pour les élections cantonales de 2017 – suscita chez mes collègues de parti et du Conseil Communal. J’avais nettement l’impression d’être le président installé par une grande puissance à la tête d’une république bananière. Et la presse, évidemment, en rajouta une couche, faisant d’une brouille politique une véritable affaire d’Etat. Sur ces entrefaites arrivent les élections communales, l’Entente Morgienne perd un siège, le mien apparemment, je ne suis pas réélu, manque de visibilité, de réseau, que sais-je. Je suis donc le président d’une coquille vide, sans siège, membre du comité d’un parti centriste aux assemblées duquel je n’arrive pas à participer, pris par le temps. De plus, je fais doublon puisque l’Entente a l’un des ses membres qui représente les intérêts locaux au sein de la fédération de Vaud Libre.

Qu’on ne se méprenne pas, je n’ai aucun compte à régler. J’ai siégé durant une année parmi une équipe sympathique et très soucieuse du bien public. « Ni de gauche, ni de droite » dit l’Entente et c’est vrai. Il faut voir le respect qui entoure cette formation atypique. Pareil pour Vaud Libre, pas une rancœur à leur encontre à vous livrer, rien, pas même au bouillant ex-président de ma coquille vide. On pourra dire ce que l’on voudra de son comportement, il n’empêche qu’il a un flair politique extrêmement sensible et qu’il avait senti deux ou trois choses. Parallèlement à cela, Cy. décida, lui aussi, de se mêler de la chose politique. Il hésitait, il penchait pour les méchants, les vilains, le petit groupe tout à la droite de la salle du conseil, non, pas les anciens libéraux du groupe PLR, les autres … Si, si, ceux-là même. Il faut dire qu’ils venaient de recruter un excellent candidat à la municipalité, quelqu’un pour qui j’ai respect et sympathie. Et le reste du groupe ne m’est pas antipathique. La couleur politique, dans un exécutif communal, n’est de loin pas aussi tranchée qu’au parlement. A Morges, l’ambiance de travail du conseil est particulièrement cordiale. Les bonnes idées de tout bord rencontrent toujours un large consensus. Il y a bien un léger effet de blocs - je pense au bloc rose (pâle) et au bloc bleu (de même pâle), effet qui se signale par une ou deux demi-lubies sur les votes en séance ; à côté trois autres formations de petites tailles, chacun comptant une dizaine de conseillers, un peu plus ou un peu moins, à savoir les Verts, l’Entente et – roulement de tambour – l’UDC ! les méchants du conseil qui, après observation, n’ont de méchant que l’étiquette. Pour un parti a la réputation xéno- et homophobe, il fait fort. On compte dans ses rangs des Suisses d’origine : américaine, russe, portugaise, italienne et, peut-être française, je ne suis pas sûr de cette dernière nationalité ; la présidente de la section morgienne porte un patronyme portugais, elle a épousé un Portugais. Les femmes représentent 40% des membres du groupe élu. « Last but not least », mon homme est venu compléter pile à temps la liste des candidats et devinez quoi ? Il a été élu ! La section UDC Morges compte certainement le taux le plus élevé d’étrangers et de gay(s) dans les rangs des partis morgiens.

Retour sur les bons moments de la campagne, les marchés du samedi matin, je fis bravement le planton de 10h à 12h30-13h parmi les tentes des cinq formations (plus un indépendant) actives sur l’échiquier morgien. Nous avons tous passé des moments formidables. J’eus ainsi l’occasion de « pratiquer » mes collègues d’une manière plus informelle et de les découvrir taquins, drôles, de bonnes commandes, dévoués quel que soit le parti. Il y avait aussi des « anciens édiles» de Morges et des communes avoisinantes venus soutenir les candidats de leur parti d’élection, au sens propre et figuré. C’est ainsi que j’appris de la bouche d’un député UDC retraité le pourquoi de la disparition des bintjes de nos tables, la précieuse pomme-de-terre à tout faire, la variété s’est épuisée à force d’exploitation. Dans ce coin de Suisse, l’UDC est la nouvelle déclinaison de l’ancien parti des Paysans, Artisans et Indépendants ; des gens à la tête froide, parfois rétifs à ceci ou cela mais jamais vindicatifs. On reste entre « honnêtes gens ». Le plus drôle, durant la campagne des élections communales, un débat organisé avec tous les candidats (treize) à la municipalité de Morges sur le plateau de la télévision locale. Un mot de présentation à propos de chaque candidat, la présidente de la section UDC Morges faisait partie des treize, le journaliste évoque sa franchise de ton et d’opinion, reprend l’un de ses propres termes, « je suis UDC par défaut », lui demande si cette affirmation est vraie ? « Oui » Silence d’une à deux secondes du journaliste décontenancé par … autant de franchise.

Il faut savoir qu’un parti politique, n’importe lequel, a tendance à fonctionner comme une équipe de foot de ligue. Lorsqu’on estime qu’un joueur est de qualité, on essaie de l’obtenir. En politique, ça ne se monnaie pas, pas de manière sonnante et trébuchante, on propose des postes de candidat, une liberté d’actions, de pensées, de paroles, etc. On fait cela pour tout nouveau venu ou tout venu qui n’est pas encore figé dans une trop longue habitude de son parti. Les propositions perdurent si vous êtes un centriste et reviennent métronomiquement si vous vous acquittez correctement et activement des tâches dévolues à tout conseiller lambda (commissions, réunions, rapports, interventions, etc.). Tous les partis, groupes, tendances m’ont fait du pied de manière plus ou moins marquée, me vantant les mérites de leur formation, y compris l’UDC qui présageait sans malignité aucune la diminution du nombre d’élus de l’Entente. « Viens chez nous, il y aura des sièges à repourvoir … » Les urnes ont parlé, dix candidats, onze sièges, celui perdu par l’Entente, et moi dessus.

Je vous laisse relire mon billet « La Veste », dimanche d’élections, les résultats en soirée, l’air satisfait de certains. J’accompagnais Cy., quelques membres de son parti, ils attendaient les résultats à la maison. Peu après la publication des chiffres, un nouvel élu/réélu se tourne vers l’un de nos invités et l’interpelle goguenard quant au bon score de son parti, « Il faudra assurer ! », petit geste du menton, l’air de dire « l’UDC a gagné ces voix par hasard, vous ne serez pas capable de tenir un rôle sérieux au conseil ». J’hésitais encore mais cette simple démonstration de suffisance moralisatrice me décida : j’acceptai ce siège vide.

J’en ai parlé, ici ou là, j’ai eu droit à un charroi de réactions … dogmatiques, assortis de mise en garde. Parmi le florilège des plus débiles je retiens « que vont penser les gens de toi ? », bof, en tant que gay et catholique, j’ai déjà tout entendu ; « tu cautionnes la politique fédérale de l’UDC », non, de toute manière entre la section morgienne de l’UDC et le groupe parlementaire, il y a un monde, quelques galaxies, deux ou trois univers même. Au cas où il y aurait éventuellement interaction, j’expliquerai à Messieurs Maurer et Parmelin mon point de vue sur un certain nombre de sujets. Si l’on part de l’idée qu’un parti transforme ses adhérents, les adhérents ont de même la compétence de transformer le parti. C’est assez peu me connaître que d’imaginer qu’on puisse ainsi me « changer ». Les Vallotton sont des Vallorbiers, des têtes de pioche. Plus sérieusement, j’ai déjà expliqué mes motivations à qui était prêt à les entendre. Après une année de conseil communal, je commence enfin à comprendre le fonctionnement global de la chose, à maîtriser les dossiers en cour, à connaître et reconnaître les différents acteurs politiques et au sein de l’administration communale. Si je raccrochais de suite, ce serait aussi idiot que de quitter la salle de sport après l’échauffement. Je suis un vient-ensuite dans la liste de l’Entente et je pourrais attendre sur le banc de touche une année ou deux, ou trois que l’on me rappelle aux affaires et d’ici là, j’aurai perdu le fil. Plus vraisemblablement, je me serai lassé et aurai laissé tomber. Il faut battre le fer quand il est chaud et tant pis pour ma « réputation politique », je n’ai pas d’ambition particulière dans ce domaine, une législature complète et je passerai la main. Dans l’intervalle, je poursuivrai dans mon action, à savoir « à problème pratique, solution concrète ! » Au conseil, tout le monde se pose les mêmes questions : à quoi ça sert ? combien ça coûte ? Selon les réponses, on dit oui ou non. Le fait que l’UDC soit une petite formation au conseil communal morgien représente un autre critère qui m’a poussé dans ses rangs. Les Verts m’auraient fait la même proposition, j’aurais accepté, d’autant plus que j’apprécie particulièrement le courant décroissant de ce groupe.

Fais-je preuve d’opportunisme politique ? Si consacrer une vingtaine d’heures par mois pour quatre cents francs par an en moyenne au risque de se faire appeler Arthur est une opportunité, alors oui. Les conseillers communaux sont des miliciens, je ne connais pas exactement les motivations de mes petits camarades de jeu, elles ne sont certainement pas très éloignées des miennes. Je suis entré en politique afin de payer mon écot, assumer ma part dans une société qui garantit les libertés fondamentales, paie mon salaire, assure un cadre perfectible mais agréable à ma vie, subventionne parfois et même très souvent la publication de mes romans. A ma mesure, je rembourse en me préoccupant d’histoire de peinture de réverbère et de crottes de chien sur les quais. Je poursuivrai selon mes convictions et l’Ente, et Vaud Libre trouveront toujours un ami politique en ma personne. Cela me rappelle une charmante anecdote citée par le père Joseph, de ma bonne paroisse berlinoise de Sankt Ludwig : un jeune séminariste débarque tout énervé dans le bureau de l’évêque et futur saint François de Sales et lui demande inquiet que peut-il faire pour la paix, la paix confessionnelle, la paix dans le diocèse de Genève d’où les fidèles catholiques ont été chassés, et François de répondre « Commence par fermer doucement la porte ! » Pour conclure, je dois vous avouer que j’aime beaucoup l’idée que mon homme et moi siégions ensemble au conseil, dans les rangs d’un parti, et je me répète, dit « homophobe ». 

dimanche, mars 20, 2016

Rénovation du bâtiment n° 1-3 de la rue Saint Louis, à Morges


Retour sur une rénovation réussie au cœur de Morges. Là où se signale un authentique travail d’architecte, mieux qu’une réhabilitation, une révélation.

Une citadelle ? un cloître ? une maison forte ? Une construction simple, sans artifices, ornement, effets  verre-acier, etc. Le bâtiment des n° 1 et 3 de la rue Saint-Louis, dans sa version réactualisée ne souffre que d’un défaut : il n’a pas de nom. Ce n’est pas un édifice construit ex-nihilo, il est le résultat de la mue adroite et élégante du bâtiment « Bataillard ». Dans sa forme première, ce locatif du centre ville était l’exemple parfait du niveau 0 architectural. Façades jaunasses au crépi, de trop nombreuses petites fenêtres garnies de volets bruns, un immeuble qui n’aurait pas même valu le prix de sa démolition. A force, on ne le voyait plus, il était devenu une verrue sèche – pas même purulente – au coin des rues Charpentier et Saint-Louis. Un truc moche.

Lorsque l’on vit quelque agitation autour de la chose, plus d’un Morgien bénit le bienfaiteur qui prenait à sa charge la démolition de ce manifeste de la médiocrité architecturale : que nenni ! On ne démolissait pas, on rénovait, et avec quel talent ! ARCK Architecture SA, sur une base aussi indidgente, a réussi le tour de force d’une réhabilitation élégante. Le bâtiment a gagné un penthouse, signalé par un bandeau anthracite de la largeur de l’étage. L’existence de la terrasse est révélée par des escaliers métalliques en vis côté square des Charpentiers. Ce dernier étage a la particularité d’avoir été entièrement réalisé en bois. Il jouit de plus d’une plus grande hauteur sous plafond que les étages inférieurs. Côté rue des Charpentiers, il porte un oriel carré ; les fenêtres de ce dernier niveau reprennent le rythme des façades sans pour autant reproduire la disposition disgracieuse des fenêtres d’origine. Les magiciens de chez ARCK auraient peut-être aimé les ordonner différemment mais il eût fallu revoir tout l’aménagement intérieur. Toutefois, afin d’atténuer l’effet « casemate » et tromper l’œil du passant, donner du caractère à une façade qui n’en avait aucun, chaque meurtrière … chaque fenêtre, pardon, a été pourvue d’un volet métallique rouge ! Effet garanti sur la façade blanche.


La présence d’un bâtiment dans le tissu urbain implique bien plus qu’une façade quelconque à tel ou tel numéro d’une rue. Il s’inscrit dans un ensemble, il apporte sa voix à un dialogue renouvelé, promenade urbaine, déambulation. La « citadelle Bataillard » (j’opte pour ce surnom) « dépasse » ici ou là, signale sa présence et enrichit le point de vue par les effets du talent d’ARCK Architecture SA.