samedi, juillet 01, 2017

"L'ordre divin" de Petra Volpe

Je ne suis pas particulièrement porté sur les récriminations féministo-féministes, les « elle pleut » et autres « excusez-moi Madame d’avoir un pénis », d’autant plus que la pesanteur de l’ordre patriarcal et le mépris de l’égalité des droits, c’est bon, je connais, et plutôt bien en tant que gay. Bref, je milite pour une parfaite parité salariale, que les hommes puissent arrêter de travailler pour s’occuper des enfants pendant que Madame ira jouer les gros bras au boulot, les enfants n’en seront que mieux élevés. Et hors de question qu’une femme touche à mon linge, c’est le plus sûr moyen pour se retrouver avec des chemises difformes ou décolorées ! La femme est un mec comme les autres, un parfait objet de non-sexualité pour moi et, très souvent, mon meilleur pote intellectuel. Et service militaire obligatoire pour tout le monde, et dommage qu’on ne puisse se passer de femmes pour faire des enfants, les garçons seraient certainement plus réussis.

Je suis toutefois allé voir Die göttliche Ordnung (L’ordre divin ) de Petra Volpe, attiré par une bande-annonce pleine d’humour et qui fleurait bon le style de ma lointaine enfance. Pour ce faire, j’ai choisi une belle salle, mon cher Odéon, son charme, son confort, le cinéma de mon enfance (encore). Je n’ai pas été déçu. Le film va du reste bien plus loin que la cause du droit de vote (fédéral) des femmes au tournant des seventies’. Le scénario est simple. Prenez un bled dans le fin fond de la Casque-à-Boulonnie, à savoir Appenzell truc-bidule intérieur ou extérieur ? Bref, un royaume pygmée suisse. Une femme, Nora, son mari, ses deux garçons, son vieux con de beau-père à la maison, le reste de la belle-famille dans une ferme, et une nièce révoltée, une réputation de p… parce qu’elle a le culot de choisir,  et ne se sent pas pour autant liée à vie à un garçon parce qu’elle a « bricolé » avec lui. Comme si on achetait une paire de chaussures sans l’avoir essayée ?! Cette jeune fille, sa révolte seront le catalyseur de l’aventure de Nora, suffragette de la dernière heure, une aventure commencée quasi seule puis soutenue par le reste des femmes du village.

Il y a d’abord une atmosphère, une lumière, un style, des accessoires : mon enfance encore, ce n’est plus un film mais une madeleine de Proust cinématographique. C’est ainsi que j’ai vu défilé de la vaisselle du même modèle que celle dans laquelle je mangeais, un téléviseur « Médiator », des marques de produits de grande consommation suisse obsolètes aujourd’hui, une façon étouffante d’éclairer les intérieurs, toujours des lumières diffusées par d’affreux plafonniers, une douche plombante au-dessus de la table du dîner garnie de mets pesants. Et l’emploi du tricot, plein de vêtements en tricot biscornus !

Le joli couple Nora – Hans vit heureux, apparemment ; les deux personnages sont interprétés par Marie Leuenberger et Maximilian Simonischek, belle adéquation entre leur jeu et la direction d’acteurs. Le joli couple donc n’est pas si heureux. La grande force du scénario est de montrer à quel point hommes et femmes sont pareillement victimes du système. Le grand-père est coincé dans une attitude rigide vis-à-vis de ses petits-fils plutôt que d’être leur complice, les hommes n’ont pas le choix de leur vie, leur métier, ni la liberté d’exprimer opinions ou sentiments, et les femmes ! Grossesse obligatoire, bonnes à tout faire et tintin sur la gaudriole. L’un des moments les plus forts, les plus émouvants, lorsque Nora, parmi les femmes du village insurgées avoue n’avoir jamais connu d’orgasme, et pourtant elle a épousé l’homme qu’elle a toujours aimé. On a de la peine pour elle. Il faut dire que les hommes ne sont pas … comment dire … encouragé à explorer leur sensualité ni celle de leur partenaire. Le pompon, c’est que le principal représentant de l’ordre établi dans le village est une femme, une vieille fille âpre aux gains en chapeau et mercedes verte, la grande patronne de la menuiserie où travaille Hans. Inutile de dire qu’elle est opposée à l’obtention du droit de vote des femmes.


Comme toute bonne fable, « L’ordre divin » se termine bien. Nous sommes en Suisse, nos séismes politiques, nos changements de paradigmes n’en sont pas, pas vraiment. De plus, on rit, de bon cœur, il n’y a pas de vrais « méchants », quelques gros cons qui souffrent plus qu’ils ne font souffrir. Ce film pose les vraies questions du rôle fondamental de l’homme et de la femme, à moins qu’il n’y ait pas de rôle fondamental attribué à chaque sexe ? est-ce bien nécessaire ? Ne suffirait-il pas d’être ?!