Je ne suis
pas particulièrement porté sur les récriminations féministo-féministes, les
« elle pleut » et autres « excusez-moi Madame d’avoir un
pénis », d’autant plus que la pesanteur de l’ordre patriarcal et le mépris
de l’égalité des droits, c’est bon, je connais, et plutôt bien en tant que gay.
Bref, je milite pour une parfaite parité salariale, que les hommes puissent
arrêter de travailler pour s’occuper des enfants pendant que Madame ira jouer
les gros bras au boulot, les enfants n’en seront que mieux élevés. Et hors de
question qu’une femme touche à mon linge, c’est le plus sûr moyen pour se
retrouver avec des chemises difformes ou décolorées ! La femme est un mec
comme les autres, un parfait objet de non-sexualité pour moi et, très souvent,
mon meilleur pote intellectuel. Et service militaire obligatoire pour tout le
monde, et dommage qu’on ne puisse se passer de femmes pour faire des enfants,
les garçons seraient certainement plus réussis.
Je suis
toutefois allé voir Die göttliche Ordnung
(L’ordre divin ) de Petra Volpe,
attiré par une bande-annonce pleine d’humour et qui fleurait bon le style de ma
lointaine enfance. Pour ce faire, j’ai choisi une belle salle, mon cher Odéon,
son charme, son confort, le cinéma de mon enfance (encore). Je n’ai pas été
déçu. Le film va du reste bien plus loin que la cause du droit de vote
(fédéral) des femmes au tournant des seventies’. Le scénario est simple. Prenez
un bled dans le fin fond de la Casque-à-Boulonnie, à savoir Appenzell
truc-bidule intérieur ou extérieur ? Bref, un royaume pygmée suisse. Une
femme, Nora, son mari, ses deux garçons, son vieux con de beau-père à la
maison, le reste de la belle-famille dans une ferme, et une nièce révoltée, une
réputation de p… parce qu’elle a le culot de choisir, et ne se sent pas pour autant liée à vie à un
garçon parce qu’elle a « bricolé » avec lui. Comme si on achetait une
paire de chaussures sans l’avoir essayée ?! Cette jeune fille, sa révolte
seront le catalyseur de l’aventure de Nora, suffragette de la dernière heure,
une aventure commencée quasi seule puis soutenue par le reste des femmes du village.
Il y a d’abord
une atmosphère, une lumière, un style, des accessoires : mon enfance
encore, ce n’est plus un film mais une madeleine de Proust cinématographique. C’est
ainsi que j’ai vu défilé de la vaisselle du même modèle que celle dans laquelle
je mangeais, un téléviseur « Médiator », des marques de produits de
grande consommation suisse obsolètes aujourd’hui, une façon étouffante d’éclairer
les intérieurs, toujours des lumières diffusées par d’affreux plafonniers, une
douche plombante au-dessus de la table du dîner garnie de mets pesants. Et l’emploi
du tricot, plein de vêtements en tricot biscornus !
Le joli
couple Nora – Hans vit heureux, apparemment ; les deux personnages sont interprétés
par Marie Leuenberger et Maximilian Simonischek, belle adéquation entre leur
jeu et la direction d’acteurs. Le joli couple donc n’est pas si heureux. La
grande force du scénario est de montrer à quel point hommes et femmes sont
pareillement victimes du système. Le grand-père est coincé dans une attitude
rigide vis-à-vis de ses petits-fils plutôt que d’être leur complice, les hommes
n’ont pas le choix de leur vie, leur métier, ni la liberté d’exprimer opinions
ou sentiments, et les femmes ! Grossesse obligatoire, bonnes à tout faire
et tintin sur la gaudriole. L’un des moments les plus forts, les plus
émouvants, lorsque Nora, parmi les femmes du village insurgées avoue n’avoir
jamais connu d’orgasme, et pourtant elle a épousé l’homme qu’elle a toujours
aimé. On a de la peine pour elle. Il faut dire que les hommes ne sont pas …
comment dire … encouragé à explorer leur sensualité ni celle de leur
partenaire. Le pompon, c’est que le principal représentant de l’ordre établi
dans le village est une femme, une vieille fille âpre aux gains en chapeau et
mercedes verte, la grande patronne de la menuiserie où travaille Hans. Inutile
de dire qu’elle est opposée à l’obtention du droit de vote des femmes.
Comme toute
bonne fable, « L’ordre divin » se termine bien. Nous sommes en
Suisse, nos séismes politiques, nos changements de paradigmes n’en sont pas,
pas vraiment. De plus, on rit, de bon cœur, il n’y a pas de vrais « méchants »,
quelques gros cons qui souffrent plus qu’ils ne font souffrir. Ce film pose les
vraies questions du rôle fondamental de l’homme et de la femme, à moins qu’il n’y
ait pas de rôle fondamental attribué à chaque sexe ? est-ce bien
nécessaire ? Ne suffirait-il pas d’être ?!
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