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dimanche, mai 10, 2020

Fin de partie ( covid -19 etc. )



L’air sent bon, l’air sent bon comme dans mon enfance, un mélange d’herbe fraîchement coupée, de fleurs, de murs recuits par le soleil sous le piaillement des moineaux, le roucoulement des tourterelles. Il est trop tôt dans la saison pour entendre le cri cinglant du martinet haut dans le ciel. Peut-être que le shampoing du sarough mir récemment acheté et installé dans le salon d’été contribue-t-il aussi au « parfum de l’enfance, matinée de mai ensoleillée »? Accessoirement, je vais bien. Plutôt bien. J’ai dans mon état normal toujours un truc qui foire un peu comme avec les voitures italiennes, celles d’avant les fusions-acquisitions, quand les voitures italiennes étaient vraiment italiennes dans l’apparence et la technique, et le plaisir de les conduire. A cinquante ans, je me porte bien. Lorsque je passe voir un généraliste pour des histoires de voies aériennes supérieures enflammées, engorgées, entre asthme et sinusite, avec quelques ramifications parfois dans la sphère auditive, je le vois étonné à la mesure de ma pression artérielle, à l’écoute de mon rythme cardiaque ou, suite à une prise de sang, à la lecture de mon taux de sucre et de cholestérols (oui, il y a plusieurs cholestérols), le tout indiquant les valeurs médianes parfaites comme dans les ouvrages médicaux de référence. Il se trouve que je fais du sport (fitness, 3-4 fois par semaine) et je mange – un peu trop – des produits de qualité, beaucoup de fruits, peu de junk-food et, quand je bois, assez souvent, ce n’est jamais du  tord-boyaux. Pour revenir au « parfum d’enfance », compléter la bande son, j’ai omis le passage occasionnel et paresseux d’un petit avion vrombissant qui me fait toujours penser aux albums de Tintin.

Quand je ne vais pas bien, ce qui arrive régulièrement, de la bobologie moyenne dont je me remets, je peux toujours me consoler à l’idée du monde autour de moi qui tourne et vit, et croît, et forcit et parfois meurt, renaît, etc. Mais c’était avant. La partie vient de se terminer et je me retrouve à aller bien inutilement. Je n’écoute plus les nouvelles, je ne regarde plus la télévision du reste, à part la diffusion de films ou de séries, policières avant tout. Je coupe le son pour tout le blabla annexe, j’ai honte pour cette société alentour sur laquelle je devrais pouvoir m’appuyer, à laquelle je contribuais par toute sorte d’activités, l’idée de « payer mon écot » comme on dit ici. C’est la honte que l’on éprouve pour un proche ou une autorité, un parent, un aîné qui suscitait notre respect même lorsqu’on n’était pas d’accord avec lui, avec qui il arrivait que l’on se dispute avant de comprendre son point de vue sans forcément l’accepter. Aujourd’hui, c’est fini. Une sorte d’Alzheimer métaphorique et viral l’a emporté. Paradoxalement, ça ne m’empêche pas d’aller bien, ça n’empêche pas le « parfum d’enfance » de se répandre dans la pièce, une voile sur le lac, quelques nues accrochées à la crête de l’alpe composant le panorama, la vue du salon d’été.

Je me disais, « c’est bien, on y arrive », entre l’expérience, une certaine sagesse venue avec l’âge et le fait de participer activement au système, je pouvais y croire, même quelqu’un sans fortune, sans titre ronflant, sans grande influence (je parle de moi et sans fausse modestie) arrivait à faire bouger un peu les choses, la politique des petits riens pour le bien collectif. C’était avant. Fin de partie. Le papier-peint s’est mis à décoller. Avec les « événements », je refuse de les nommer autrement, ce serait leur donner une réalité qu’ils n’ont pas, avec « les événements » donc, je m’aperçois que les sans-grades avec ou sans syntaxe, nous n’avions jamais rien été d’autre que des petits chiens qui bougent la tête pour plage arrière de voiture. Même si tout cela, notre bonne vie néo-bourgeoise, les cafés, les spectacles, les journaux, les dernières collections, les expositions de peinture, même si tout cela n’était qu’un simulacre, je l’aimais bien cette mise-en-scène. Nous avions des projets. Deux éditeurs me promettaient des publications prochaines reportées au mieux et désormais aux calendes grecques. Cy. s’apprêtait à monter et à jouer une pièce  au off d’Avignon. Il y avait Pâques dans  ma bonne paroisse … C’est ici le point le plus douloureux, l’abandon des serviteurs de Notre très Sainte Mère l’Eglise catholique qui, lorsque des fidèles dans mon genre ont regimbé devant ce jeûne forcé de la Communion, ont lâché un « la Communion n’est pas un dû mais un don », comme un pet à la face des fidèles et autre « Communion de désir », à savoir tu y penses très fort et ça finira par arriver !!! Je dois écrire une lettre ouverte à notre évêque au sujet de la lâcheté et du manque d’imagination de ses troupes, peut-être parce que rémunérées massivement par l’Etat dans notre diocèse et puisque qui paie commande …

Le papier peint  a complètement décollé, l’air sent bon, comme dans mon enfance, je vais bien, tous nos projets sont caduques ou à foutre aux chiottes, le Seigneur saura nous en rendre grâce et, heureusement, il y les réseaux sociaux. Alors que des proches cèdent à l’hystérie grossièrement orchestrée par les médias et les autorités, il y a des voix que se sont fait entendre dans mon fil d’actualité, d’autres sans-grade et sans plus de projets qui vont bien, ni pire ni mieux qu’avant, qui se sont signalés, avec qui partager si ce  n’est un verre en terrasse du moins notre stupéfaction, notre indignation et de l’amitiés au passage. Heureusement, chers amis du grand réseau, heureusement que vous êtes là et l’espoir de re-bricoler un truc entre nous et d’autres, un truc qui ressemblerait à cette bonne vie néo-bourgeoise multipartite, multinationale, riche de saveurs et de caractère.

mardi, mai 08, 2018

De la densification et autres errements


La densification, le mot est lâché, d’un sobre aspect pour une réalité qui rime avec chantiers perpétuels, nuisances, bouchons et perte d’identité. Le sujet est éminemment politique mais fait globalement consensus dans les partis majoritaires. Pour nos autorités, il s’agit de l’œuf de Colomb ou de la poule aux œufs d’or : plus d’habitants, plus de rentrées fiscales, plus de consommation, plus d’immobilier, etc. Et la qualité de vie ? l’âme de la ville ? Victimes co-latérales, « il ne faut pas être passéistes » et c’est reparti pour le couplet des lendemains qui chantent, à tue-tête, circulez, il n’y a rien à voir, les esprits chagrins n’ont qu’à retourner à leurs albums d’images Belle Epoque. 

Concrètement, à Morges, la densification signifie le double chantier du quartier de la Gare, le complexe sis à la place de l’ex-Fonderie Neeser, le tout prochain chantier de La Prairie-L’Eglantine, le futur hôtel de la Blancherie, et deux ou trois autres interventions de moindre ampleur mais parfois bien plus dommageable sur le tissu historique de la ville et la circulation. Les autorités ont une explication, « évolution en escalier », Morges serait du genre belle endormie entre deux crises de croissances aigües.

Encore plus concrètement, le quartier des anciennes Halles, qui devrait porter le nom de quartier des Cheminots est un bon projet. Il s’agit d’une friche urbaine propre à accueillir du logement proche du centre. L’îlot Sud présente d’autres problèmes : destruction de la maison Richard, construction d’une tour disproportionnée par rapport au tissu urbain avoisinant, à savoir le bourg historique de Morges et, surtout, un calendrier de construction aberrant ! On ne lance pas deux chantiers aussi proches en même temps dans une zone aussi sensible au niveau circulation que la gare ! Et quand tout sera fini, ça continue, avec la reconstruction d’une gare-centre commercial.

En dehors des questions de nuisance durant les chantiers (on en a pris pour cinq ans fermes, sans parler des prochains grands projets qui risquent de démarrer durant ce laps de temps), il y a la future circulation à travers Morges et la perte irrémédiable d’identité. Le principal risque réside dans une disneylandisation du bourg historique, le déplacement de la plus grande partie des activités économiques vers le quartier des Halles et ses très, très, très nombreuses surfaces commerciales. Les arcades de la vieille ville courent le double risque de la désertification ou de la récupération par des grandes enseignes du prêt-à-consommer alimentaire.

Dans la pierre, le béton armé en l’occurrence, le problème se situe au niveau du choix de l’agencement urbanistique, on n’étend pas la surface habitable d’une ville en y jetant pêle-mêle des plots par-ci, par-là, il faut étirer le tissu existant entre autres en passant à un ordre de construction continu, histoire de former rues, avenues et boulevards, intégrer l’existant à ce qui sera. On a manqué une belle occasion de faire du projet de l’Eglantine une véritable extension à la ville, sortir de l’entassement de constructions disparates par l’aménagement d’une place, unité de style, dialogue avec les maisons historiques de La Prairie et de l’Eglantine.

Pour terminer, permettez-moi de tordre le cou à ce faux bon calcul : plus d’habitants (classe moyenne supérieure si possible) signifie plus de rentrées fiscales et plus de consommation sur place. Ces nouveaux Morgiens vont tout de même coûter en infrastructure, en services publics, places en crèches, écoles, voirie, soins, etc. Et vont-ils considérer leur nouvelle résidence comme un lieu où vivre ou juste dormir, après avoir fait le minimum syndical de courses chez un discounter allemand qui a annoncé son arrivée prochaine dans le quartier des Halles ? J’espère sincèrement me tromper et voir jaillir de cette nouvelle expansion une créativité architecturale propice à l’enracinement de ces nouveaux Morgiens qui enrichiront pratiquement et métaphoriquement notre terreau.

dimanche, mars 30, 2014

Des pauvres altesses et des grandes maisons

Charles Ier et Zitta de Habsbourg, derniers souverains d'Autriche
L’histoire ne peut rien nous apprendre, si ce n’est la nostalgie et la compassion. Et la droiture. Et la patience. Nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs, parfois étincelants mais souvent souffrants, et oublieux de notre dignité, celle que nous avons perdue avec l’infâmant armistice de 18. Heureux les doux, heureux les humbles qui tentent de réparer comme ils peuvent et s’offrent un peu de cette grâce disparue en tenant leur intérieur avec élégance, en repassant leur linge, en dressant la table avec une nappe et des serviettes en tissus, de celles qu’il faut laver et repasser, comme les oreillers à volants. Et ce n’est pas une question de moyen. C’est un travail, et pas moins contraignant que de tenir son rôle, une couronne sur la tête.

Nous sommes en année jubilaire du début de la catastrophe et il faut, cent ans plus tard, encore supporter les approximations nationalo-cocoricantes sur le récit des événements, à la télévision, sur des chaînes publiques et en première partie de soirée ! Devinez qui tient le rôle du méchant ? Ceux-là même qui ont offert progrès, tolérance, régime parlementaire, multi-culturalisme et multi-confessionnalisme à l’Europe … sans parler de la descendance que les princes allemands ont semé parmi toutes les dynasties régnantes. L’ennemi n’est pas celui que l’on croit. Fiez-vous à mon expérience, dix ans de germanophilie au compteur.

Qu’est devenue cette bonne vie bourgeoise fondée sur le travail et la tempérance, le respect et un je ne sais quoi d’épicurisme, une vie charmante à faire ce qu’il faut faire, aimer les fleurs, la littérature et le marivaudage, une vie d’honnête homme en recherche, en dialogue avec Dieu. On cultive le souvenir des grandes maisons dans une logique chauviniste. La bonne vie, la bourgeoise, les familles régnantes et l’Eglise sont transnationales, comme l’internationale socialiste … ou le grand capital. On se trompe d’ennemi. Les nationalismes après 18 ne sont que des pièges à c.



lundi, décembre 07, 2009

"Mère et fille" et autres considérations


Il y a Catherine, l'immense Catherine, Mlle Deneuve, la femme mystérieuse, lointaine, distante, froide et intrigante ... Ses mimiques, sa présence et, étonnement, mon enfance, mon adolescence profondément francophile. Nous sommes allés voir "Mère et fille", le dernier film de Deneuve dimanche après-midi, joli récit au rythme lent, des effets si propres au cinéma français, exposition de vies mélancoliques et bourgeoises, problématiques si délicieusement décalées. A croire que la France n'est faite que de médecins, de commerçants bien installés, de résidences d'une douzaine de pièces minimum, une sorte de projection idéale et chabrolienne d'une société qui n'existe guère plus que mon enfance ou mon adolescence. L'histoire s'étage sur trois générations de femmes, la grand-mère est évoquée par la petite-fille; Mari-José Croze est parfaite dans le rôle de la revenante fifties', la coiffure, le décor, tout est d'un soin parfait ... et passéiste.


Je pense avoir perdu ma francophilie avec un certain goût pour la mélancolie, un goût doucereux, un penchant pour les atermoiements rebrodés, les non-intrigues charmantes. J'en ai fini avec ma période française, difficile toutefois d'en quitter les facilités réconfortantes, de la bimbeloterie mélancolique, des effets éventés ... "Mère et fille" n'est ni pire ni mieux que "Les Herbes folles", un si joli savoir-faire et si peu à raconter, des histoires surannées pour rester poli. Et comment vais-je faire sans ce délicieux petit genre éculé, une forme de "vraie vie" pour vieille fille que j'affectionnais tant !

samedi, août 25, 2007

Graffiti


A l'époque quand les femmes portaient du rouge-à-lèvres trop rouge et trop parfumé, il y avait des p'tits marlous rockers avec des écharpes écossaises autour du cou. On ne savait pas encore la suite, on ne connaissait rien d'un certain cancer de la prostate. Les après-midis finissaient dans le chocolat froid, des couchers automnaux infinis et des certitudes tout aussi confuses que les lendemains. Des murs et des rideaux sont tombés, la perfide Maggie en a fait la gueule et l'amour se trouvait au coin de la jungle, après la voie du chariot.
Encore ... et toujours vingt ans, parce que le chiffre est rond et qu'il n'y avait, encore, pas de disparus. La vie était plus facile à porter; on courait à travers avec l'aisance d'un chien fou et l'avenir comme un vaste salon, profonde moquette beige, TGV, Paris, Catherine et Jean-Paul. Victoires et galeries Vivienne ! Pour Catherine, il faut dire Catheriiiine en se pâmant à demi. Depuis, on a bien été trompé. Le confort des colonies, les soirées de juillet et la revue de minuit sont passés au passé. Les Champs by night, le bras royal sur la portière arrière, glace baissée, l'après était encore digne de l'avant sur les flans du vallon.
Je suis indéniablement un homme du siècle passé mais d'un siècle qui croyait en l'avenir. Je garde donc une longueur d'avance ... Il serait si facile de sombrer dans le geignard. Il ne faut pas cesser de croire à l'arrivée de calmes héros qui, mine de rien, viendront sauver une certaine idée de l'avenir, de la société, de la démocratie dans le parfum léger de l'adoucissant, un peu de circulation, sur fond de clochers sonnant midi.

dimanche, juin 03, 2007

Dans dix ans, dans vingt ...


... je n'ai pas eu le courage de m'asseoir au clavier, travailler de suite en ligne à ce journal ... Je m'y sens salement épié et je n'ai pas à commettre mon talent - oui, mon talent, reconnu officiellement, et je n'ai pas à me le cacher - je n'ai donc pas à commettre mon talent dans une entreprise de dénigrement. Mes amis attendent la prochaine publication de "La Dignité" (les deux journaux et le "Récit de la Vie d'un jeune homme vaudois à la dérive") et retrouvent ma plume acerbe dans le webzine (magazine en ligne) dont je suis le rédacteur en chef. Je dirige ma petite équipe avec entrain, cela me change des chausses-trappes administratives et de la malveillance provinciale que je méprise au passage.
En attendant F., sur une terrasse ensoleillée et crasseuse de la Riponne, je profite de la dernière page d'un cahier pour rédiger mon message dominical ... Peu avant, j'ai "rencontré", j'ai plutôt vu M.B., installé au fond de la voiture de son ami, serrant une béquille contre lui, l'air vague et maussade. Il a détourné les yeux alors que je lui faisais un salut de la tête. Cela n'a rien à voir avec moi en particulier, M.B. ne doit pas se rappeler de moi, il ne m'a rencontré que deux ou trois fois et du fait de son immense notoriété, de sa carrière encore plus grande, on a dû lui présenter des centaines de garçons dans mon genre. Connaissant sa psychologie, le regard fuyant exprimait plutôt la honte de la déchéance physique, du temps qui passe et détruit. M.B. n'avait pas envie d'être vu ainsi, d'être reconnu.
Cette "rencontre" inopinée éclaire ma relation déçue à Lausanne. Dès son installation en 1987, M.B. a beaucoup contribué au prestige de la ville. J'aimais tant, en ce temps-là; je cherchais un certain regard turquoise et trouvais que la capitale vaudoise lui faisait un parfait écrin ... C'était sans compter ce mal sans nom, virulent et létal, plus avilissant que le temps : le syndrome intellodéficitaire acquis. Il réduit les facultés de ceux qu'il touche; ces derniers attrapent alors la première idéologie venue et, en l'absence de défense, en meurent, psychologiquement du moins ...
Mais on se fout de ces belles théories, quel que soit son âge, sa "condition" ou son état de santé; on ne cherche jamais qu'à être dans la plénitude de sentiments et de sensations. On n'attend jamais que l'étreinte de bras forts et souples, un regard franc, tout ce qu'ignore les pisse-froids, les pauvres petites victimes d'une crétinerie institutionnalisée. Le grand M.B. se traîne avec une béquille, Jean-Claude Brialy est mort et une caricature présidentielle s'agite à l'Elysée ! Ma jeunesse est belle et bien morte et le talent, si grand soit-il, ça ne vous enlace pas dans le secret de la nuit. J'aurais beau courir de Berlin à Barcelone, à Zürich, ça ne fera pas revenir l'horloge en arrière, si bénis aient été les temps passés. A chaque déchéance, à chaque décès, on devrait oublier ... A trente-huit ans, mes morts me pèsent et mes "avant, c'était mieux" aussi; comment vais-je faire dans dix ans, dans vingt ...