Comme me l’a
dit Cy. qui, en ce moment, travaille à la maison, après l’énième appel d’un
client ayant contesté son relevé de compte, « on n’est pas prêt de
remettre le génie dans la bouteille », « tu penses, ils sont à la
maison, ils ont du temps et se mettent à tout contrôler ». Je ne peux qu’acquiescer,
pensant à l’une des vendeuses du « Fleur de Pain » d’à côté, m'interpellant
l’autre jour : « Vous n’en avez pas marre de toutes ces histoires ?
en plus c’est quoi ces statistiques ? je connais ma règle de trois,
imaginez, c’est comme si je faisais ma caisse le soir sans savoir combien il y
avait le matin ! » Je suis ressorti de la boutique ragaillardi dans l’opinion
que je me faisais de mes contemporains et un rien amusé.
Je pense à
toutes ces situations, à peu près satisfaisantes, boulot, petit copain,
appartement jusqu’à ce qu’arrivent un chefaillon imbitable, un défaut nouvellement
rédhibitoire chez l’autre, des voisins infernaux. Stop ou encore ? On en
prend son parti, entre paresse et philosophie puis le mot, la goujaterie, le
bastringue de trop, un demi-coup de gueule, une crise ou un silence résolu. Ne
reste plus qu’à tout – ou partie – balancer. Un risque sanitaire, une épidémie,
une pandémie passe encore ; se retrouver assigné à résidence, c’est un peu
limite mais la fin de la vie sociale, les menaces de puçage, big data,
vaccination obligatoire, interdiction de manifester, toujours pas de messe, de
cinéma, de boîtes, quasi interdiction de rire dans la rue parmi les slogans
hygiénico-totalitaires imposés avec une bienveillance insistante et gerbatoire :
la coupe est pleine. La voix débile et un peu efféminée du speaker électronique
du métro automatique M2 n’a de cesse d’inviter au port du masque, au respect
des distances au-dessus d’une foule la face nue, indifférente en apparence. Je remarque
chez chacun une petite ride de contrariété de plus en plus creusée à chaque
répétition du message préenregistré. Encore une semaine à ce régime-là et ils
monteront tous sur les sièges péter les haut-parleurs.
Mon sang
allemand me crie de briser mes chaînes, sortir boire un verre au Biergarten
après avoir fait une révolution spartakiste ou nationale . Quant à mon
sang juif, il est en alerte avec ces histoires de traçage, tris, parcage humain
et la furieuse envie d’aller voir ailleurs. Dans l’intervalle, ne sachant vers lequel
de mes héritages génétiques pencher, j’ai fait du ménage, rendu mon tablier du
Conseil de paroisse (ma lettre ouverte à l’évêque suit sous peu) et du comité d’une
association locale. J’ai même commencé à « faire mon permis »,
histoire d’aller nous installer dans la campagne avoisinante ou tracer à
travers l’Europe de l’Est comme un chevalier automobilo-teutonique, à moins que
je ne fuie …
En dépit de
mon ascendance Vallotton-Cornamusaz-Delacrétaz-Favre, se sont glissés deux ou
trois exotismes, le plus connu l’arrière-grand-mère de la Forêt Noire, mère de
mon grand-père maternel d’où une germanité « de sang ». Et la judaïté ?
En son temps, lorsque j’hésitais sur l’Eglise dans laquelle je ferai mon
baptême, j’aurais volontiers remonté le courant jusqu’à ses sources vétérotestamentaires.
J’ai toutefois la faiblesse d’être attaché à mon prépuce qui m’a fait bien de l’usage
jusqu’à présent et sur lequel je compte pour le reste de ma vie. Néanmoins, ainsi
que je l’ai appris fortuitement de la bouche de ma mère entre la poire et le
fromage, il y a deux-trois mois, un
arrière-grand-père séfarade algérien VRP dans le tabac avait séduit mon autre
arrière-grand-mère maternelle. Il naîtra de cette relation illégitime ma
grand-mère ! Le marchand de cigares abandonnera rapidement la mère et l’enfant.
J’ai de plus une preuve « génétique » de mon appartenance à la
communauté séfarade, une anémie hémolytique courante chez des populations issues
du bassin méditerranéen/Afrique du nord. Un médecin généraliste m’avait même lancé, en
son temps, « mais vous êtes juif ? » ?
Bref, on n’est
pas prêt de remettre le génie dans la bouteille et les lendemains s’annoncent …
épiques ? divertissants ? instructifs ? En tous les cas « étonnants »
comme le dirait Monsieur Cyclopède !
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