Série choc,
véritable événement télévisuel, « The Young Pope » est une merveille
de dix épisodes, casting de grande classe, photographie impeccable, dialogues
ciselés, bande originale subtile et éclectique, le tout au service d’un message
coup de point. Du grand art produit par Canal+ et réalisé par Paolo Sorrentino.
Un léger
coup de mou, comme une impression d’être crucifié de l’intérieur, et c’était
avant Berlin, ciel bas, la saison m’a fait refluer dans la paix de mes petits
appartements, au lit, sous une sainte famille par Pierre et Gilles, avec le
chien sur ou sous la couette et les dix épisodes de « The young Pope »,
coffret DVD disponible à la vente dès le 10 décembre, pile le jour quand j’ai
reçu la commande passée en ligne quelques jours plus tôt.
Sorrentino,
évidemment, « La grande Bellezza », le goût d’une mise-en-scène
sophistiquée, onirique et touchante … prophétique. En tête de gondole, on
trouve Jude Law en jeune pape sexy-pétasse réactionnaire, grand amateur de la
pompe à la Pie XII, rite tridentin, éventails, baldaquin, trône porté à épaules
d’homme et tout le tralala de brocart de la garde-robe pontificale. Il est
secondé par la religieuse qui l’a élevé, Sœur Mary interprétée par Diane
Keaton. Gravitent autour de Sa Sainteté une responsable de la communication
(Cécile de France), l’épouse d’un garde suisse (Ludivine Sagnier). On peut
encore citer une tripotée de cardinaux, entre l’ex-mentor amer car coiffé au
poteau dans sa course à la tiare papale (James Cromwell), un cardinal
secrétaire d’Etat, Voiello (Silvio Orlando), le véritable maître du Vatican, et
comme un petit air de Joseph Bergoglio le goût du faste en plus. Il y a aussi
le doux cardinal Gutierrez (Javier Cámara), effrayé face au monde, légèrement
porté sur la bouteille et gay.
Et que fait
tout ce petit monde ? Il cherche Dieu, il l’invoque, le convie, interprète
ses silences et s’enivre de ses miracles. Le Saint Père est peut-être le plus
incrédule de tous. Il déambule dans les jardins, les couloirs, clope au bec, et
foudroie qui un cardinal, un proche, une religieuse dévouée à son service avec
la même violence que le Yahvé du deutéronome, privilège de la jeunesse aimante
et jalouse. Il se cache quelques mini-intrigues entre deux déclarations lapidaires
de Sa Sainteté. Lorsqu’il ne fait pas la chasse aux gays, il excommunie les
femmes qui ont avorté. Il prend le peuple des fidèles de haut, se moque de tout
plan marketing et reste obnubilé par la recherche de ses parents, qui l’ont
abandonné à l’âge de huit ans. C’est un homme tour à tour malheureux, saint thaumaturge,
philosophe de l’amour ou cynique comme deux Dr. House.
Où se
posent les après-midis de mai ? Ici, répond la Vierge désignant une
chapelle vaticane. Et, entre deux démonstrations d’intolérance, sectarisme, la
grâce d’une révélation, quelques paroles, simples, une image, délicate, douce,
évidente et belle comme une promesse réalisée, la grâce que, nous, le peuple
des croyants, les baptisés au sein de Notre Sainte Mère l’Eglise, recevons,
parfois, lors de la messe, les petits riens de notre relation au Christ. « The
young Pope » nous les offre avec quasi la même charge mystique. Et quel
décor ! quelle composition, l’œil et le goût infaillible de Sorrentino.
L’Eglise a
pour devoir d’aller vers l’autre, le tout autre, y compris le pécheur, surtout
le pécheur, et le sourire de Dieu pour seule réponse, entre ironie et amusement
face aux interdits de la morale catholique. On ne ressort pas indemne de « The
young pope », à la fois blessé et guéri, touché et interrogé. Je ne sais
pas ce qu’en dit l’Eglise, le Saint Siège, une fiction de plus, une sorte de
conte émerveillé et peut-être la meilleure préparation à la venue de Notre
Sauveur … Un conte pour l’Avent.
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