jeudi, mai 18, 2006


Minuit et demie, les bus rentrent au dépôt les uns à la suite des autres. Je ne suis pas sorti ce soir, l'anniversaire de Sébastien et de Denis au sommet de la colinne Montriond ... J'ai sommeillé en travers de mon lit, à peine le courage de me faire à manger. Au hasard de la télévision restée allumée, un documentaire historique, Arte, le milieu à Berlin durant les années folles, la mécanique du rejet social, la déportation des gays durant la seconde guerre mondiale : un étrange mélange à la fois libertaire, abusif, expiatoire et tabou. Le nazisme, à ses débuts, avait une tendance très "gay friendly", vite abandonnée du fait des attaques répétées des communistes qui traitaient les chemises brunes de pédé, critique reprise en sourdine par le centre bourgeois ...
Il y avait des témoignages, douloureux et pleins de verdeur à la fois, des hommes qui racontent qu'il était naturel d'avoir des relations avec d'autres garçons dans le scoutisme, même de coucher avec le cheftain, et puis les corps libérés, beaux, triomphants, une découverte de soi qui ne choquait personne ou si peu. Un survivant expliquait qu'après avoir connu la prison pour homosexualité en 34 ou 35, rendu à la liberté, il s'est engagé dans l'armée parce qu'il n'y avait plus que des femmes autour de lui et qu'il avait besoin d'une présence physique masculine. En racontant cela, il souriait et montrait des photos de superbes hommes, nus, ses camarades de troupe, batifolant dans l'eau ou s'ébrouant dans les lavabos de la caserne ...
Je me suis senti minable et honteux après ce documentaire, surtout après le récit à propos du jeune juif blond, la partie d'échec, la dernière nuit d'amour avant l'arrestation. Je me suis senti minable parce qu'empêtré dans des problématiques qui n'en sont pas et honteux parce que je vis dans une époque dite "ouverte" et que j'ai laissé passer mon adolescence contraint par les bons discours compréhensivo-castrato-petit-bourgeois et parce que je n'ai pas le courage de me lever et de dénoncer le prêchi-prêcha bien pensant actuel ... Soit, je l'ai fait en partie à travers "My life is a soap opera". On pourrait du reste prendre au pied de la lettre l'une ou l'autre de mes sentences, on pourrait m'en demander une explication, il me suffirait de répondre "littérature" ... et puis non, non, je défendrais mes opinions, jusqu'à la prison s'il le fallait ... ce serait toujours mieux que d'écouter mon oreille crépiter dans la crainte d'une tumeur imaginaire.