mercredi, juin 24, 2015

"Ohrtodhoxes" de Casimir M. Admonk

Casimir, c’est une rencontre, une présence, un sourire, un auteur. Il était assis derrière une table et découpait des mots, des phrases, des caractères dans l’un des exemplaires d’ Ohrtodhoxes, son roman, poésie en prose mais l’étiquette est un peu courte. Il faut imaginer Casim’, comme il signe ses courriels, sous un ciel menaçant, une terrasse en ville, un bunker improbable et la foule, la jeunesse des amis, ah ! les jambes des garçons …
 
« Trouver une nouvelle forme de combat. Trouver une nouvelle arme. La retourner contre soi. Pour aller plus loin, on peut toujours se répandre, en plus de textes, en plus du texte, je peux encore laisser cette tache dans ma main, et donner à voir ce sperme sur vos dents. » Tout est dit, je repense à la scène initiale de « A single man » de Tom Ford ; Casim’ a un petit air très couture et le talent de susciter des images, des mondes, des vérités. Son texte se déroule en volutes baroques, aussi riches que rares ; cette puissance évocatrice et cette langue envoûtante qui laissent le plus attirant des auditoires sous le charme, hypnotisé, obnubilé … L’orage même en reste interdit, suspendu au-dessus d’une terrasse improbable, un bunker en ville.
 
Comme dans toute parole précieuse, on ne peut évoquer Ohrtodhoxes que par son entour, les à-côtés du verbe et ce qu’il suscite chez le lecteur. Ce sont des couchers de soleil paradoxaux, des pleurs amers le sourire aux lèvres, la promesse d’une fin et le désespoir du bonheur. La pythie n’est pas clair ?! Elle joue seule de la guitare pour son singe, dans sa chambre, lors de la fête de la musique et c’est son privilège, royal, de délivrer la Vérité dans la forme qui lui plaît. Elle a décidé d’être séduisante et ses vers en prose ne sont pas une pochade. Le texte vous appelle, la pythie est aveugle. Ne voit-elle pas que son passé a pour elle les yeux de Chimène ? Ah ! les jambes des garçons, et des pâtes à la tomate, une soirée de printemps, les bunkers en ville tiennent du mythe, ne fermez pas les portes de votre esprit, Casim’ n’est de loin pas un innocent et Ohrtodhoxes vous séduira.

mardi, juin 09, 2015

"Ex_Machina" d'Alex Garland

Ex Machina, premier film de l’auteur britannique Alex Garland – surtout connu pour ses scénarios de 28 jours plus tard et 28 semaines plus tard – développe le thème de l’homme tout puissant se substituant, même, à Dieu. Le scénario est simple. Nathan (Oscar Isaac Hernandez), patron d’une grosse entreprise d’informatique, a organisé une loterie auprès de son personnel. Le prix : une semaine dans son domaine retiré, en sa compagnie, afin de participer à un mystérieux projet. Caleb (Domhnall Gleeson), jeune programmateur célibataire sans attache remporte le concours. Il est déposé par un hélicoptère au milieu de rien, entre un glacier, une rivière, des montagnes … Une maison tout de même, une sorte de bunker design et tendance pour magazine trendy, impression papier glacé. Commence alors un étrange huis-clos, troublant, sophistiqué et subtilement décadentiste entre l’innocent, le créateur, et sa créature : une androïde dotée d’une intelligence artificielle. A charge pour Caleb de déterminer si « Ava » (Alicia Vikander) est une simple machine ou si elle est dotée d’une intelligence autonome. Ce ballet à trois est complété par la présence de Kyoko (Sonoya Mizuno), une présence muette et soumise, une sorte d’esclave intégrale traitée n’importe comment par Nathan … qu’importe, elle est clairement une machine.

Ex Machina n’est pas un film d’anticipation de plus, c’est une question philosophique, un jeu hyper-connoté, comme une association libre de haut vol. Nathan s’est fait une place dans l’informatique en développant un moteur de recherche nommé Blue Book, en référence au « Cahier Bleu » du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein. Pas besoin d’aller chercher très loin, Blue Book évoque immédiatement chez le spectateur le spectre de Google, le moteur de recherche capable de recouper les données de toutes vos recherches afin de vous fournir des réponses aux questions dont vous n’avez pas même encore l’idée.
Nathan a tout du geek triomphant : parano, narcissique, manipulateur, névrosé, imbu de sa personne et à la merci de tous les tics de goûts et de comportement de cette nouvelle élite. Il soigne son physique, son look de vieux hipster un peu trop testostéroné, mange du sushi, du riz intégral, des smoothies antioxydants mais boit comme un trou pour calmer ses angoisses de branleur psychotique. Pour ce qui touche au sexe, il a sa poupée gonflable électronique, Kyoko, qui ne parle pas, ne comprend rien mais répond à une logique gestuelle. Si vous la touchez, elle se déshabille ; si vous mettez de la musique, elle danse. Scène d’anthologie, Nathan le gros naze de génie au physique de bœuf aux hormones qui exécute une chorégraphie à la Cloclo, parfaitement synchro’ avec sa péripatéticienne informatique sous le regard médusé de ce pauvre Caleb qui, ainsi qu’il était prévu dans le plan, tombe peu à peu amoureux d’Ava.

Cela finira mal, forcément. Il est nécessaire de s’arrêter sur quelques détails multi-référencés comme l’évocation de l’action painting de Pollock ou la présence du portrait de Margaret Wittgenstein par Klimt ; Margaret était la sœur du philosophe … Qu’est-ce à dire ? Cela nous renvoie invariablement aux sources de la catastrophe, dans cette Mitteleuropa k und k qui implosa à courir après de grandes idées, la nouveauté d’un mode d’expression inédit. Ava prouve l’autonomie de son intelligence par le surgissement de l’irrationalité du désir chez elle, un désir physique avant qu’il ne devienne général. Nous ne devrions pas jouer avec cette notion d’intelligence artificielle et, pourtant, nous finirons par la créer puis nous en perdrons le contrôle. L’action painting enseignait qu’il ne fallait pas réfléchir au geste créateur ; le sens apparaîtrait à postériori. Ex Machina comme une prophétie servie par un jeu d’acteur, une esthétique, un cadrage kubrickiens.