dimanche, décembre 30, 2012

Dernier Vol ... - 70

Eglise Sankt Matthias sur la Winterfeldplatz, Berlin
Magda et son second époux sont partis pour un long voyage, une sorte de lune de miel tardive. Ils en parlaient depuis la vente de leur affreuse maison. Ils ont laissé leur appartement de la Schönhäuser Allee à Friedhelm ; il y vit avec Ditmar. Friedhelm étudie l’histoire, le français et la sociologie à la Humboldt Universität. Il fait aussi du théâtre, des spectacles expérimentaux dans un cabaret de Nollendorf. Il se produit avec Ditmar, un numéro dont le magazine gay Siegesaüle a fait une excellente critique.

Eldride s’est découvert des talents d’organisatrice qu’elle ne se connaissait pas. Elle enchaîne les galas, les soirées et autres activités néo-festives afin de financer la publication de la revue de l’Institut, publication de plus en plus épaisse, luxueuse et fréquente. Et Robert regarde passer le temps à travers les rideaux ventre-de-biche de son bureau. Pour lui, son dernier vol au départ de Tegel, c’était hier et sa fréquentation amoureuse de Paris avant-hier. Il vit une autre forme de temps, plus long, plus sage, plus détaché. Il voit passer les saisons parmi les frondaisons qui encadrent la silhouette sombre, énigmatique de Sankt Matthias. Il fait le tour de cette église, de la Winterfeldplatz tous les soirs, peu avant de se coucher. Il écoute le chuchotis des feuilles, offre une caresse aux chiens qui viennent la lui réclamer, des habitués de la promenade nocturne. Robert n’a pas déménagé, Eldride campe avec lui. Elle aimerait bien trouver quelque chose de moins commun mais n’en a pas le temps. Les chroniqueurs et journalistes des pages culturelles de la presse quotidienne et magazine défilent régulièrement dans la cuisine design de Robert, le Spiegel en a même publié quelques clichés, sous le titre « Ce à quoi ressemble la cuisine littéraire ». Et tous s’émerveillent devant ce « manifeste du design domestique », cet « exercice de rigueur et d’élégance allemande ».

Robert regarde aussi les saisons lorsque, tous les deux mois, il va à Dresde, contrôler le bon déroulement des projets immobiliers du second époux de Magda. Il y passe la nuit et flâne par les rues, attentif à la moindre manifestation du sortilège. Il descend à l’Hôtel du Monde, dans la Louisenstrasse, ses cafés, ses terrasses, son atmosphère toujours très conviviale, très sud même, quoique la nuit s’arrête sur le coup des vingt-trois heures, à part au « Times Square Dresden », un café-théâtre signalé par les nombreux néons de sa façade.