lundi, novembre 06, 2017

Retour de Budapest et à propos de la consultation de mon blog


J’eusse aimé … mais pas le temps, pas le temps entre la présidence du Conseil Communal et toujours quelques projets littéraires. Donc, sous l’impulsion de l’association des employés de l’établissement où « j’évangélise », j’ai visité la capitale hongroise. Je n’ai pas vu mes collègues, léger problème d’organisation, on ne change pas une équipe qui gagne surtout quand elle perd … Bref, j’ai découvert Budapest, versant touristique, difficile d’aller au-delà, quelques ouvertures toutefois, lorsqu’on dépasse la barrière de la langue. La ville a retrouvé l’éclat d’une capitale d’empire, le cosmopolitisme K und K de l’universalité en mode germanique, cette vision du monde capable d’intégrer au-delà de son groupe culturel. Quoiqu’en l’occurrence … Beaucoup de touristes, beaucoup de sécurité, pas de mendiants, pas un seul dealer, quelques SDF, âgés et locaux. Je peux imaginer toutes les détresses que cache cette situation quasi idyllique mais le flâneur y trouve son compte. J’ai déambulé dans cette ville qui m’est étrangère comme il y a trente ans dans Lausanne. Il est vrai que je n’ai pas visité la banlieue. Atterri samedi après-midi, envolé le mardi suivant en début de matinée. Dans l’intervalle, j’ai sillonné la Váci utca, hybride de la rue de Bourg, de Saint-Denis et du faubourg Saint-Honoré, à la fois chic, pute et touristique qui débouche sur la Vörösmarty tér, belle place bornée par une institution : le salon de thé Gerbaud, établissement de tradition fondé en 1858, fournisseur officiel de maisons royales. Le décor n’a pas changé, ni les gâteaux, ni l’atmosphère. Budapest a grandi sitôt devenue la capitale du royaume hongrois et, parallèlement, une villégiature pour la cour, la bonne société autrichienne. On continue, du reste, de vous servir en allemand au Café Gerbaud alors que l’anglais a tout supplanté ailleurs.

La bulle touristique budapestoise a donc imposé l’anglais comme une garantie d’émancipation de la Hongrie nouvelle, maîtresse de son destin, quasi triomphante sous la férule de son guide Viktor Orbán et, surtout, indépendante de Bruxelles ! De l’autre côté, le « viktator » fait la chasse aux institutions étrangères installées sur sol hongrois. Comment se glisser de l’autre côté du rideau ? Effleurer la réalité budapestoise outre les échanges standards avec serveurs, vendeurs, chauffeurs de taxi et hôtesse d’accueil ? Trois séquences. La première, messe dominicale à la basilique Saint-Etienne, fête de Notre Dame de Hongrie. De vieux habitués aux premiers rangs, la nef est pleine, une foule fervente, belle participation, communion dans la foi, l’histoire et l’identité nationale, toujours douloureuse après l’occupation ottomane et son martyr consécutif, la partition du territoire post-diktat de Versailles, l’entrée dans l’Axe en 1940 (totalement assumée et paradoxalement problématique) et pour finir l’abandon à la dictature stalinienne. La chute du mur et l’intégration européenne représentaient une libération, Bruxelles est conçue comme une tentative de domination supplémentaire. Et encore de l’anglais, une traduction de l’homélie, les Hongrois sont conscients de la difficulté et de la rareté de leur langue. Deuxième séquence, une conversation de bistrot avec un autochtone voulant s’informer de la provenance de mon sac et l’échange s’est poursuivi sur des considérations sociales. Mon interlocuteur est issu de la minorité roumaine, il fait une formation d’assistant dentaire. Il me dit que la vie est chère mais la ville est belle, sa fréquentation est douce. Pas un mot quant aux discriminations auxquelles cette frange de la population hongroise est en bute. Nous parlons encore des nombreuses églises de la ville, mon assistant dentaire est catholique, pratiquant, il me l’a dit, il porte une croix et une médaille autour du cou. Troisième séquence. En redescendant de la colline de Buda, envie de m’arrêter dîner dans un restaurant végétarien de quartier. Il faut que je retire de l’argent liquide, une banque m’ouvre son guichet électronique à côté, un espace criard et trop éclairé, la porte ne répond pas à ma postcard, une femme derrière moi me baragouine quelque chose en anglais, je pense à une gentille siphonnée, SDF selon la denture, l’absence de denture et les sacs plastiques superposés. Un client qui sort me tient cette fichue porte, la femme me suit. Elle cherche certainement un abri pour la nuit. Elle me demande quelle langue je parle, elle pratique le français, à un très bon niveau, une langue émaillée de quelques expressions maladroites. J’attends sa demande, une obole, j’ai un billet de 500 forints en poche, un peu moins de deux francs suisses, le distributeur de la banque ne m’a gratifié que de très grosses coupures. La conversation avance. Toujours pas de demande, cette femme me raconte qu’elle était enseignante, je veux bien la croire. A part les dents, les sacs et un trou dans la manche de son manteau, elle présente un aspect normal, presque coquet. Elle parle poésie, me demande mon adresse, pour m’écrire, toujours aucune demande d’argent. J’ai l’impression de tourner une scène du « Rideau déchiré » et la comtesse Kuchinska de demander une adresse, voudrait-elle d’un répondant afin de pouvoir quitter le pays ? Légère honte, je suis pris au dépourvu, je donne l’une de mes anciennes adresses lausannoises, j’accepte la sienne, une sous-location apparemment, dans un village de la banlieue éloignée. Je lui tends le billet de 500 forints avec une pièce de 200, elle me demande pourquoi ce geste ? Je lui rétorque que je suis moi-même enseignant, que je sais les retraites extrêmement maigres dans les pays de l’ex-bloc soviétique, c’est un geste de solidarité entre gens de la même profession, je lui désigne le trou sur sa manche et lui dis avoir deviné que sa situation ne doit pas être facile tous les jours. Nous échangeons quelques propos sur la politique hongroise, elle baisse la voix et me glisse « Orbán est un malade mental ». Les Hongrois ne parlent pas de politique, en tout cas pas avec des étrangers, très peu de slogans dans la rue. Du reste, il n’y a quasi pas de tags, pas d’affichage sauvage, uniquement la retape officielle pour des élections futures en format international sur les grands boulevards d’accès, sinon rien. La bulle.

Budapest m’a profondément touché, la ville est incontestablement belle, je l’ai un peu « cartographiée », je suis allé de-ci de-là, multipliant les moyens de transports et cette barrière de la langue, à l’oral mais aussi pour comprendre ce qu’indique les enseignes, les panneaux. Je sais que j’y reviendrai, non pas pour ses « ruin bars » ou pour aller trempatouiller dans de l’eau tiède avec des obèses russes et des chinois aux conceptions hygiéniques exotiques, je me baigne soit lorsque j’ai chaud ou que je suis sale. Si j’ai froid, je me mets sous la couette avec quelques chiens en guise de bouillotte et l’affaire et faite. Non, je reviendrai à Budapest car, sur le pont Margit, sous les derniers rayons du soleil, la ville parlait, elle raconte ses collines, ses quartiers, son histoire, sa grandeur même si elle y croit bien moins que tous les dirigeants politiques qui se sont succédés dans ses palais. Elle est une étape, un relais, près à être réactivé un jour prochain et je compte en être témoin.


Second point que j’avais envie d’aborder dans ce billet – j’eusse pu en écrire un second mais par économie de temps, je vous fais un combo – second point donc, la fréquentation de mon blog. Si vous-même êtes contributeur d’une publication en ligne, vous savez que dans la coulisse, vous pouvez obtenir toute sorte de renseignements statistiques, entre autres l’origine nationale de vos lecteurs. Bizarrement, la consultation du « Monde de Frevall » a explosé outre-Atlantique dès l’élection de Donald Trump à la présidence ?! Ce n’est peut-être qu’un hasard mais j’imagine les p’tits gars de la NSA, l’un des préposés au groupe de surveillance en français tombant sur ma prose et s’en entichant, une petite fiche de signalement afin de satisfaire sa curiosité de lecteur tout à son aise. Peut-être qu’il s’agissait d’une mission de renseignement en vue du voyage de POTUS en Europe ? Dès l’arrivée de l’intéressé sur le vieux continent, le nombre des consultations chute drastiquement et mon blog retourne dans sa confidentialité originelle. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Figurez-vous que, depuis août, la fréquentation remonte grâce à mes visiteurs … russes ! On peut donc légitimement imaginer que les aléas de la politique morgienne soient connus du FBI, de la CIA et du FSB (nouvel avatar du KGB).