lundi, mars 28, 2016

Lettre ouverte aux (politiques) Morgiens/nes

Je suis venu à la politique de manière tout à fait « abracadabrantesque », selon la formule chiraquienne consacrée. Peu après mon réveil, opération des sinus, les vapeurs de la narcose, et une question, via msn, un ami facebookien, à peine une connaissance qui me demandait si j’étais intéressé à entrer au conseil communal morgien ? Je dis oui et, sous les couleurs de « Morges Libre », je suis entré en tant que vient-ensuite au conseil, parmi le groupe de l’ « Entente Morgienne », le bon parti centriste local, 50 bougies soufflées il y a peu, une formation ayant rejoint la mouvance « Vaud Libre », mouvance à laquelle « Morges Libre » appartient … Vous me suivez ? Il y aurait donc sur le territoire morgien deux partis centristes, l’un bien installé et l’autre tout neuf, à peine quelques membres, dont moi recruté via facebook afin de sceller dans les faits par mon entrée au sein du législatif communal l’union de tous les centres en terres morgiennes. Nous voilà rendu là où le récit devient épique, baroque, picaresque, totalement branque. « Morges Libre » avait alors un bouillant président, celui-là même qui me proposa mon entrée en politique, une sorte de touche-à-tout, homme orchestre plutôt sympathique quoique s’adonnant à des stratégies byzantines auxquelles je n’ai toujours rien compris. Dans la foulée, le monsieur me fit prendre la place qu’il occupait au sein du comité de « Vaud Libre », peu après avoir déclenché une brouille avec l’Entente, me mettant ainsi dans une situation inconfortable. Je ne vais pas entrer dans les détails politico-politiciens, je ne peux que vous dire mon embarras croissant car le bonhomme trouva à se brouiller avec Vaud Libre avant de claquer la porte de Morges Libre. Il y eut quelque échange de nom d’oiseau, mon embarras grandissait encore, et me voilà président de Morges Libre, réorienté structure centriste au niveau du district de Morges. Je ne vous dis pas les sourires que mon joli titre de président d’une coquille vide –  le parti est en passe d’être activé pour les élections cantonales de 2017 – suscita chez mes collègues de parti et du Conseil Communal. J’avais nettement l’impression d’être le président installé par une grande puissance à la tête d’une république bananière. Et la presse, évidemment, en rajouta une couche, faisant d’une brouille politique une véritable affaire d’Etat. Sur ces entrefaites arrivent les élections communales, l’Entente Morgienne perd un siège, le mien apparemment, je ne suis pas réélu, manque de visibilité, de réseau, que sais-je. Je suis donc le président d’une coquille vide, sans siège, membre du comité d’un parti centriste aux assemblées duquel je n’arrive pas à participer, pris par le temps. De plus, je fais doublon puisque l’Entente a l’un des ses membres qui représente les intérêts locaux au sein de la fédération de Vaud Libre.

Qu’on ne se méprenne pas, je n’ai aucun compte à régler. J’ai siégé durant une année parmi une équipe sympathique et très soucieuse du bien public. « Ni de gauche, ni de droite » dit l’Entente et c’est vrai. Il faut voir le respect qui entoure cette formation atypique. Pareil pour Vaud Libre, pas une rancœur à leur encontre à vous livrer, rien, pas même au bouillant ex-président de ma coquille vide. On pourra dire ce que l’on voudra de son comportement, il n’empêche qu’il a un flair politique extrêmement sensible et qu’il avait senti deux ou trois choses. Parallèlement à cela, Cy. décida, lui aussi, de se mêler de la chose politique. Il hésitait, il penchait pour les méchants, les vilains, le petit groupe tout à la droite de la salle du conseil, non, pas les anciens libéraux du groupe PLR, les autres … Si, si, ceux-là même. Il faut dire qu’ils venaient de recruter un excellent candidat à la municipalité, quelqu’un pour qui j’ai respect et sympathie. Et le reste du groupe ne m’est pas antipathique. La couleur politique, dans un exécutif communal, n’est de loin pas aussi tranchée qu’au parlement. A Morges, l’ambiance de travail du conseil est particulièrement cordiale. Les bonnes idées de tout bord rencontrent toujours un large consensus. Il y a bien un léger effet de blocs - je pense au bloc rose (pâle) et au bloc bleu (de même pâle), effet qui se signale par une ou deux demi-lubies sur les votes en séance ; à côté trois autres formations de petites tailles, chacun comptant une dizaine de conseillers, un peu plus ou un peu moins, à savoir les Verts, l’Entente et – roulement de tambour – l’UDC ! les méchants du conseil qui, après observation, n’ont de méchant que l’étiquette. Pour un parti a la réputation xéno- et homophobe, il fait fort. On compte dans ses rangs des Suisses d’origine : américaine, russe, portugaise, italienne et, peut-être française, je ne suis pas sûr de cette dernière nationalité ; la présidente de la section morgienne porte un patronyme portugais, elle a épousé un Portugais. Les femmes représentent 40% des membres du groupe élu. « Last but not least », mon homme est venu compléter pile à temps la liste des candidats et devinez quoi ? Il a été élu ! La section UDC Morges compte certainement le taux le plus élevé d’étrangers et de gay(s) dans les rangs des partis morgiens.

Retour sur les bons moments de la campagne, les marchés du samedi matin, je fis bravement le planton de 10h à 12h30-13h parmi les tentes des cinq formations (plus un indépendant) actives sur l’échiquier morgien. Nous avons tous passé des moments formidables. J’eus ainsi l’occasion de « pratiquer » mes collègues d’une manière plus informelle et de les découvrir taquins, drôles, de bonnes commandes, dévoués quel que soit le parti. Il y avait aussi des « anciens édiles» de Morges et des communes avoisinantes venus soutenir les candidats de leur parti d’élection, au sens propre et figuré. C’est ainsi que j’appris de la bouche d’un député UDC retraité le pourquoi de la disparition des bintjes de nos tables, la précieuse pomme-de-terre à tout faire, la variété s’est épuisée à force d’exploitation. Dans ce coin de Suisse, l’UDC est la nouvelle déclinaison de l’ancien parti des Paysans, Artisans et Indépendants ; des gens à la tête froide, parfois rétifs à ceci ou cela mais jamais vindicatifs. On reste entre « honnêtes gens ». Le plus drôle, durant la campagne des élections communales, un débat organisé avec tous les candidats (treize) à la municipalité de Morges sur le plateau de la télévision locale. Un mot de présentation à propos de chaque candidat, la présidente de la section UDC Morges faisait partie des treize, le journaliste évoque sa franchise de ton et d’opinion, reprend l’un de ses propres termes, « je suis UDC par défaut », lui demande si cette affirmation est vraie ? « Oui » Silence d’une à deux secondes du journaliste décontenancé par … autant de franchise.

Il faut savoir qu’un parti politique, n’importe lequel, a tendance à fonctionner comme une équipe de foot de ligue. Lorsqu’on estime qu’un joueur est de qualité, on essaie de l’obtenir. En politique, ça ne se monnaie pas, pas de manière sonnante et trébuchante, on propose des postes de candidat, une liberté d’actions, de pensées, de paroles, etc. On fait cela pour tout nouveau venu ou tout venu qui n’est pas encore figé dans une trop longue habitude de son parti. Les propositions perdurent si vous êtes un centriste et reviennent métronomiquement si vous vous acquittez correctement et activement des tâches dévolues à tout conseiller lambda (commissions, réunions, rapports, interventions, etc.). Tous les partis, groupes, tendances m’ont fait du pied de manière plus ou moins marquée, me vantant les mérites de leur formation, y compris l’UDC qui présageait sans malignité aucune la diminution du nombre d’élus de l’Entente. « Viens chez nous, il y aura des sièges à repourvoir … » Les urnes ont parlé, dix candidats, onze sièges, celui perdu par l’Entente, et moi dessus.

Je vous laisse relire mon billet « La Veste », dimanche d’élections, les résultats en soirée, l’air satisfait de certains. J’accompagnais Cy., quelques membres de son parti, ils attendaient les résultats à la maison. Peu après la publication des chiffres, un nouvel élu/réélu se tourne vers l’un de nos invités et l’interpelle goguenard quant au bon score de son parti, « Il faudra assurer ! », petit geste du menton, l’air de dire « l’UDC a gagné ces voix par hasard, vous ne serez pas capable de tenir un rôle sérieux au conseil ». J’hésitais encore mais cette simple démonstration de suffisance moralisatrice me décida : j’acceptai ce siège vide.

J’en ai parlé, ici ou là, j’ai eu droit à un charroi de réactions … dogmatiques, assortis de mise en garde. Parmi le florilège des plus débiles je retiens « que vont penser les gens de toi ? », bof, en tant que gay et catholique, j’ai déjà tout entendu ; « tu cautionnes la politique fédérale de l’UDC », non, de toute manière entre la section morgienne de l’UDC et le groupe parlementaire, il y a un monde, quelques galaxies, deux ou trois univers même. Au cas où il y aurait éventuellement interaction, j’expliquerai à Messieurs Maurer et Parmelin mon point de vue sur un certain nombre de sujets. Si l’on part de l’idée qu’un parti transforme ses adhérents, les adhérents ont de même la compétence de transformer le parti. C’est assez peu me connaître que d’imaginer qu’on puisse ainsi me « changer ». Les Vallotton sont des Vallorbiers, des têtes de pioche. Plus sérieusement, j’ai déjà expliqué mes motivations à qui était prêt à les entendre. Après une année de conseil communal, je commence enfin à comprendre le fonctionnement global de la chose, à maîtriser les dossiers en cour, à connaître et reconnaître les différents acteurs politiques et au sein de l’administration communale. Si je raccrochais de suite, ce serait aussi idiot que de quitter la salle de sport après l’échauffement. Je suis un vient-ensuite dans la liste de l’Entente et je pourrais attendre sur le banc de touche une année ou deux, ou trois que l’on me rappelle aux affaires et d’ici là, j’aurai perdu le fil. Plus vraisemblablement, je me serai lassé et aurai laissé tomber. Il faut battre le fer quand il est chaud et tant pis pour ma « réputation politique », je n’ai pas d’ambition particulière dans ce domaine, une législature complète et je passerai la main. Dans l’intervalle, je poursuivrai dans mon action, à savoir « à problème pratique, solution concrète ! » Au conseil, tout le monde se pose les mêmes questions : à quoi ça sert ? combien ça coûte ? Selon les réponses, on dit oui ou non. Le fait que l’UDC soit une petite formation au conseil communal morgien représente un autre critère qui m’a poussé dans ses rangs. Les Verts m’auraient fait la même proposition, j’aurais accepté, d’autant plus que j’apprécie particulièrement le courant décroissant de ce groupe.

Fais-je preuve d’opportunisme politique ? Si consacrer une vingtaine d’heures par mois pour quatre cents francs par an en moyenne au risque de se faire appeler Arthur est une opportunité, alors oui. Les conseillers communaux sont des miliciens, je ne connais pas exactement les motivations de mes petits camarades de jeu, elles ne sont certainement pas très éloignées des miennes. Je suis entré en politique afin de payer mon écot, assumer ma part dans une société qui garantit les libertés fondamentales, paie mon salaire, assure un cadre perfectible mais agréable à ma vie, subventionne parfois et même très souvent la publication de mes romans. A ma mesure, je rembourse en me préoccupant d’histoire de peinture de réverbère et de crottes de chien sur les quais. Je poursuivrai selon mes convictions et l’Ente, et Vaud Libre trouveront toujours un ami politique en ma personne. Cela me rappelle une charmante anecdote citée par le père Joseph, de ma bonne paroisse berlinoise de Sankt Ludwig : un jeune séminariste débarque tout énervé dans le bureau de l’évêque et futur saint François de Sales et lui demande inquiet que peut-il faire pour la paix, la paix confessionnelle, la paix dans le diocèse de Genève d’où les fidèles catholiques ont été chassés, et François de répondre « Commence par fermer doucement la porte ! » Pour conclure, je dois vous avouer que j’aime beaucoup l’idée que mon homme et moi siégions ensemble au conseil, dans les rangs d’un parti, et je me répète, dit « homophobe ». 

dimanche, mars 20, 2016

Rénovation du bâtiment n° 1-3 de la rue Saint Louis, à Morges


Retour sur une rénovation réussie au cœur de Morges. Là où se signale un authentique travail d’architecte, mieux qu’une réhabilitation, une révélation.

Une citadelle ? un cloître ? une maison forte ? Une construction simple, sans artifices, ornement, effets  verre-acier, etc. Le bâtiment des n° 1 et 3 de la rue Saint-Louis, dans sa version réactualisée ne souffre que d’un défaut : il n’a pas de nom. Ce n’est pas un édifice construit ex-nihilo, il est le résultat de la mue adroite et élégante du bâtiment « Bataillard ». Dans sa forme première, ce locatif du centre ville était l’exemple parfait du niveau 0 architectural. Façades jaunasses au crépi, de trop nombreuses petites fenêtres garnies de volets bruns, un immeuble qui n’aurait pas même valu le prix de sa démolition. A force, on ne le voyait plus, il était devenu une verrue sèche – pas même purulente – au coin des rues Charpentier et Saint-Louis. Un truc moche.

Lorsque l’on vit quelque agitation autour de la chose, plus d’un Morgien bénit le bienfaiteur qui prenait à sa charge la démolition de ce manifeste de la médiocrité architecturale : que nenni ! On ne démolissait pas, on rénovait, et avec quel talent ! ARCK Architecture SA, sur une base aussi indidgente, a réussi le tour de force d’une réhabilitation élégante. Le bâtiment a gagné un penthouse, signalé par un bandeau anthracite de la largeur de l’étage. L’existence de la terrasse est révélée par des escaliers métalliques en vis côté square des Charpentiers. Ce dernier étage a la particularité d’avoir été entièrement réalisé en bois. Il jouit de plus d’une plus grande hauteur sous plafond que les étages inférieurs. Côté rue des Charpentiers, il porte un oriel carré ; les fenêtres de ce dernier niveau reprennent le rythme des façades sans pour autant reproduire la disposition disgracieuse des fenêtres d’origine. Les magiciens de chez ARCK auraient peut-être aimé les ordonner différemment mais il eût fallu revoir tout l’aménagement intérieur. Toutefois, afin d’atténuer l’effet « casemate » et tromper l’œil du passant, donner du caractère à une façade qui n’en avait aucun, chaque meurtrière … chaque fenêtre, pardon, a été pourvue d’un volet métallique rouge ! Effet garanti sur la façade blanche.


La présence d’un bâtiment dans le tissu urbain implique bien plus qu’une façade quelconque à tel ou tel numéro d’une rue. Il s’inscrit dans un ensemble, il apporte sa voix à un dialogue renouvelé, promenade urbaine, déambulation. La « citadelle Bataillard » (j’opte pour ce surnom) « dépasse » ici ou là, signale sa présence et enrichit le point de vue par les effets du talent d’ARCK Architecture SA.

lundi, mars 14, 2016

"La part de l'autre" de Eric-Emmanuel Schmitt

Je ne savais pas le bon, le doux et toujours souriant Eric-Emmanuel germanophile ? peut-être plus que moi ! étonnant pour un auteur français, certainement un effet de son ascendance alsacienne. Dans son roman uchronique, La part de l’autre (mi-pochade, mi-travail littéraire),  le bonhomme nous tricote le double récit de Hitler peintre reçu à l’Académie de Beaux-Arts de Vienne et de Hitler, le dictateur classique. Nous suivons les deux protagonistes de 1908 à leurs morts respectives. Le procédé est en théorie intéressant, il l’est de fait pour les jeunes années du Hitler historique et du Hitler peintre. Leurs vies sont si proches, si peu les différencie. Schmitt s’est bien documenté, l’époque est peinte avec de belles couleurs, le détail est truculent, les vicissitudes de l’un comme de l’autre sont drolatiques. J’ai ri et pour de vrai.
Les trois-cents première pages passent comme de rien, on en redemanderait presque. La Première Guerre offre de véritables morceaux de bravoure. Le Hitler historique et son chien, Foxl, qui sera mortellement blessé  par l’ennemi, le Français planqué de l’autre côté de la tranchée ; au petit matin, Hitler se résout à l’achever d’une balle. Pas un mot de faux dans cette tragédie anodine et universelle, fondamentale pour la psyché romancée du futur chancelier Hitler. Je serai incapable de relire ce passage tant il me bouleverse. Le plus obtus des lecteurs ne pourra que vivre la détresse, la douleur et la peine de la situation. Vérité de l’émotion, rigueur syntaxique, saveur originale du verbe. Ça se gâte par la suite ; l’auteur nous assomme de son petit genre artisteux et donne dans la rallonge inutile, de la phrase à caractère littéraire, une sorte d’amoncellement d’images cocasses et boiteuses. C’est un festival … disons plutôt une brocante de métaphores bricolées à contre sens de la phrase-même. On finit sur du grotesque et de la pantalonnade, le Hitler historique devenu sourd suite au dernier attentat, ou percevant déjà l’échec de sa guerre et, illico après, un nouvel et bref épisode de littérature, « Der Untergang », la fin du Führer dans le bunker de la chancellerie.

Notre auteur s’est tout de même fendu d’un justificatif historique, une bafouille tendant à prouver que son invention tient la route, à peu près, plus ou moins. La fin uchronique de Hitler peintre n’est pas pour me déplaire. Berlin est la New York de cette autre possibilité, Babelsberg Hollywood, le premier homme à avoir marché sur la lune est allemand, und so weiter. Deutschland über alles, ce qui, aujourd’hui, hormis les deux ou trois petits riens show-off de la culture populaire dominante, est le cas. Notre doux Eric-Emmanuel va jusqu’à rendre à l’Allemagne les territoires indûment attribués à la Pologne après le Première Guerre mondiale. Y aurait-il de sa part une certaine inimitié envers les Polonais ?! Pas un mot sur les Sudètes. Dans sa rondeur, notre bon écrivain a encore replâtré l’hypothèse que, durant tout le IIIème Reich, les civils allemands n’étaient pas au courant de l’extermination massive des juifs !? Le Hitler dictateur serait devenu par hasard antisémite, suite à la lecture d’une revue pangermaniste … Mouais, voilà une interprétation plutôt olé-olé des événements qui permet au lecteur (français) de faire l’économie de l’antisémitisme crasse de la France d’avant 1945.

Dernier point, une question que vous pourriez vous poser : pourquoi diable me suis-je embarqué dans la lecture des 500 pages de « La part de l’autre » ? Par ouverture d’esprit, pardi, à force de me gausser en classe de l’œuvre de M. Schmitt qui, au demeurant, est un homme charmant et des plus sympathiques en dépit de son succès irritant, œuvre donc que l’on a tenté de faire remonter dans mon estime en me vantant le titre dont il est  question ici. Pari perdu et, du coup, mes élèves du gymnase du soir se retrouvent avec cette lecture au programme ! Il faut aussi qu'ils se frottent à de la littérature populaire.

samedi, mars 05, 2016

Elections communales vaudoises 2016 ou la veste

Plus jamais je ne pourrai relire froidement le récit de l’armistice de 18, signé par un petit matin brumeux, glacial : Erzberger, von Oberndorff, von Winterfeldt, von Grünnel et Vanselow, reçus avec hauteur dans le wagon de l’état-major français, la forêt de Compiègne, reddition sans condition. Ne nous cachons pas la vérité, j’ai pris une veste aux dernières élections communales, et pas sûr qu’elle ne soit bien taillée. Il faisait froid de même, devant l’hôtel de ville. Il a fallu attendre, un verre à la main tout de même, et des résultats d’abord publiés sur le site de l’Etat de Vaud, allez donc consulter la chose sur l’écran d’un smartphone, et pas de classement par partis, un classement par candidats dans l’ordre des résultats. 1, 2, 3, 4, 5, 6 … 10 sièges pour le parti sous la bannière duquel je me suis présenté, il faut chercher parmi des cohortes de socialistes, de libéraux-radicaux, d’écolos … Et il m’en manque un, refaire le tour du listing déroulant, parmi les cris de joies et les trépignations d’élus verts découvrant leur accession au législatif communal. Je ne serai pas des leurs. Je ne suis pas élu. Je me demande si les verts triomphants feront montre d’autant d’allégresse lorsqu’ils seront retenus, otages, d’une commission bout de tuyau avec des commissaires tatillons qui n’en finissent pas d’ergoter sur rien. Je me vois remplacé par des nouveaux venus, des potes de copains de connaissances de candidats (tout parti confondu) , une joyeuse clique que l’on rencontre collée sur toutes les terrasses de la Grand-Rue. Je tiens cette révélation de mon assistant lors du dépouillement, s'esclaffant à plus d'un bulletin, me signalant "Truc, Chose et Machin, et encore Bidule" qu'il croise parmi les habitués de tel ou tel débit de boissons. C’est ici qu’il faut s’avouer que la fréquentation de la messe et du fitness rendent nettement moins populaire que la fréquentation de bistrots de traîne-patins. Désolé, je n’ai pas de réseau de serveuses ou de potes de bitures pour doubler mon nom (et/ou biffer celui des autres; pratique à propos de laquelle j'ai été affranchi il y a peu).

L’électeur a toujours raison et s’il est mauvais, la faute aux politiques ! Mon homme, fraîchement élu au sein d’un parti en vogue, m’explique encore que les Morgiens veulent de nouvelles têtes, ou qu’ils ont voté bidule parce qu’il est beau, ou parce que tout le monde le connaît … Je résume, je n’ai pas été réélu parce que je suis un cageot que l’on ne connaît pas mais que l’on n’a plus envie de voir ?! Un détail m’échappe … Il paraît que c’est un plus, pour un parti, que de renouveler ses troupes, ses élus; et, me dit-on encore, les proches viennent-ensuite finissent toujours par siéger quand les nouveaux-venus jettent l’éponge, rapport aux commissions bout de tuyaux trépidantes, ou quand partent les vieux du parti qui ne se sentent plus chez eux. Dans les deux cas, le signal n’est pas très engageant, cela fait légèrement « roue de secours », ou pauvre à qui l’on fait la charité de ses vêtements vieux ou passés de mode. Il faut encore affronter la tête des candidats qui vous connaissent et qui, après s’être assurés de leur propre réélection, vous saluent avec ce petit quelque chose de particulier que l’on adresse aux faillis ou aux perdants. Jusqu’à l’hypocri... euh, la diplomatie de certains qui hésitent avant de monter dans leur voiture, se ravisent tout de même, s’en tiennent à des propos d’une grande banalité, faisant mine de ne pas connaître les résultats, ne s’étonnent même pas lorsque vous dites que votre parti a perdu un siège et que ce siège était le vôtre. « Dans six mois, une année … », les calendes grecques promises aux viennent-ensuite.

Premier conseil communal d’après élection, le ton est léger, badin, quelques malades diplomatiques, ballottage général à la municipalité, deux ou trois interventions, des rapports expédiés en deux-quatre-sept. Les partants comptent les conseils, les séances, les commissions dans lesquelles ils siègent ; les réélus tirent des plan sur la comète, des alliances à venir, se demandent à quoi ressembleront les nouveaux venus des autres partis … L’électeur a toujours raison, même quand il a tort. Je ne parle pas pour moi, fermez-moi la porte au nez, je rentrerai par la fenêtre, c’est un peu mon rôle de centriste, un véritable 4x4 de la politique. Je pense avant tout à ces conseillers de longue date, investis et désintéressés, sincères et balayés par un vote, parce que « pas assez sexy », pas de réseaux bistrot non plus, pas de titres, pas d’amis influents, pas de profil sexy, selfie avantageux, etc. Balai neuf balaie bien, et le dévouement civique ne vaut alors pas plus qu’une feuille morte.