Plus jamais je ne
pourrai relire froidement le récit de l’armistice de 18, signé par un petit
matin brumeux, glacial : Erzberger, von Oberndorff, von Winterfeldt, von
Grünnel et Vanselow, reçus avec hauteur dans le wagon de l’état-major français,
la forêt de Compiègne, reddition sans condition. Ne nous cachons pas la vérité,
j’ai pris une veste aux dernières élections communales, et pas sûr qu’elle ne soit
bien taillée. Il faisait froid de même, devant l’hôtel de ville. Il a fallu
attendre, un verre à la main tout de même, et des résultats d’abord publiés sur
le site de l’Etat de Vaud, allez donc consulter la chose sur l’écran d’un
smartphone, et pas de classement par partis, un classement par candidats dans
l’ordre des résultats. 1, 2, 3, 4, 5, 6 … 10 sièges pour le parti sous la
bannière duquel je me suis présenté, il faut chercher parmi des cohortes de
socialistes, de libéraux-radicaux, d’écolos … Et il m’en manque un, refaire le
tour du listing déroulant, parmi les cris de joies et les trépignations d’élus verts découvrant leur accession au législatif
communal. Je ne serai pas des leurs. Je ne suis pas élu. Je me demande si les
verts triomphants feront montre d’autant d’allégresse lorsqu’ils seront
retenus, otages, d’une commission bout de tuyau avec des commissaires tatillons qui n’en finissent pas d’ergoter sur rien. Je me vois remplacé par
des nouveaux venus, des potes de copains de connaissances de candidats (tout parti confondu) , une joyeuse
clique que l’on rencontre collée sur toutes les terrasses de la Grand-Rue. Je tiens cette révélation de mon assistant lors du dépouillement, s'esclaffant à plus d'un bulletin, me signalant "Truc, Chose et Machin, et encore Bidule" qu'il croise parmi les habitués de tel ou tel débit de boissons. C’est ici qu’il faut s’avouer que la fréquentation de la messe et du fitness
rendent nettement moins populaire que la fréquentation de bistrots de
traîne-patins. Désolé, je n’ai pas de réseau de serveuses ou de potes de
bitures pour doubler mon nom (et/ou biffer celui des autres; pratique à propos de laquelle j'ai été affranchi il y a peu).
L’électeur a toujours
raison et s’il est mauvais, la faute aux politiques ! Mon homme, fraîchement
élu au sein d’un parti en vogue, m’explique encore que les Morgiens veulent de
nouvelles têtes, ou qu’ils ont voté bidule parce qu’il est beau, ou parce que
tout le monde le connaît … Je résume, je n’ai pas été réélu parce que je suis
un cageot que l’on ne connaît pas mais que l’on n’a plus envie de voir ?! Un détail m’échappe … Il paraît que c’est un plus, pour un parti,
que de renouveler ses troupes, ses élus; et, me dit-on encore, les
proches viennent-ensuite finissent toujours par siéger quand les nouveaux-venus
jettent l’éponge, rapport aux commissions bout de tuyaux trépidantes, ou quand
partent les vieux du parti qui ne se sentent plus chez eux. Dans les deux cas,
le signal n’est pas très engageant, cela fait légèrement « roue de
secours », ou pauvre à qui l’on fait la charité de ses vêtements vieux ou
passés de mode. Il faut encore affronter la tête des candidats qui vous connaissent et qui, après s’être
assurés de leur propre réélection, vous saluent avec ce petit quelque chose de
particulier que l’on adresse aux faillis ou aux perdants. Jusqu’à l’hypocri... euh, la diplomatie de certains qui hésitent avant
de monter dans leur voiture, se ravisent tout de même, s’en tiennent à des
propos d’une grande banalité, faisant mine de ne pas connaître les résultats,
ne s’étonnent même pas lorsque vous dites que votre parti a perdu un siège et
que ce siège était le vôtre. « Dans six mois, une année … », les
calendes grecques promises aux viennent-ensuite.
Premier conseil
communal d’après élection, le ton est léger, badin, quelques malades
diplomatiques, ballottage général à la municipalité, deux ou trois
interventions, des rapports expédiés en deux-quatre-sept. Les partants comptent
les conseils, les séances, les commissions dans lesquelles ils siègent ;
les réélus tirent des plan sur la comète, des alliances à venir, se demandent à
quoi ressembleront les nouveaux venus des autres partis … L’électeur a toujours
raison, même quand il a tort. Je ne parle pas pour moi, fermez-moi la porte au
nez, je rentrerai par la fenêtre, c’est un peu mon rôle de centriste, un
véritable 4x4 de la politique. Je pense avant tout à ces conseillers de longue date, investis et
désintéressés, sincères et balayés par un vote, parce que « pas assez sexy »,
pas de réseaux bistrot non plus, pas de titres, pas d’amis influents, pas de
profil sexy, selfie avantageux, etc. Balai neuf balaie bien, et le dévouement
civique ne vaut alors pas plus qu’une feuille morte.
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