dimanche, février 28, 2016

Retour de Toulouse

"David" par Antonin Macié
Pas facile de trouver quelques jours de libres en pleine campagne communale vaudoise, d’autant plus que je ne suis pas le seul à me présenter devant les électeurs, Cy. a été appelé par un parti de droite. Nous occupons donc le pavé le samedi matin, jour de marché, dans des stands différents. Et pour les relâches, nous sommes partis quatre jours à Toulouse avec ses parents. La ville rose … ocre délavé sous la pluie, la météo n’étant pas radieuse.

Difficile de vraiment « communier » avec les lieux lorsque l’on est en  groupe. A plus de deux, le nombre importe sa propre logique, ses conversations, ses équilibres. Toutefois … parfois … une fenêtre, un moment vide à la table d’un restaurant, une brasserie, quelques mots de la conversation voisine. Toulouse fait indéniablement  partie du réseau des bonnes villes de France, de ces capitales régionales, à la personnalité propre et en constant dialogue avec LA CAPITALE, tantôt jalouse, tantôt prétentieuse, un petit jeu touchant qui laisse Paris de marbre et force ces bonnes villes à s’interroger sans cesse sur leur place dans le monde et dans le cœur de leurs habitants.

Arrivée par un après-midi pluvieux, taxi, gymkhana sur l’autoroute de contournement, appart’hôtel à deux pas de la Halle aux Grains, encombrée de camions de France télévision, « Victoires de la musique classique » oblige. La ville s’offre assez facilement aux visiteurs occasionnels, il suffit de se diriger vers le centre pour tomber sur une référence locale, « Père Léon », un lieu aimé des Toulousains, une majorité de locaux dans la salle, une vaste terrasse chauffée sur laquelle s’arrêtent des fumeurs mi-pressés, le temps d’un express, le temps d’une cigarette assis et à l’abri.

Scène de rue, des punks à chiens qui mendient mine de rien, avec leur bête au poil soigné, des animaux doux et timides, surtout doux, comme leurs maîtres, d’un naturel sympathique, un peu honteux des aboiements de leurs compagnons. La police veille au grain et défile lentement en voiture dans les rues piétonnes. Il pleut toujours. Les agents observent tout de leur véhicule, se contentent de quelques signes à un Rom, plus loin, assis sur un carton, devant une grande enseigne, la sébile tendue sans conviction. Et le Rom de regimber silencieusement par quelques grimaces à l’adresse de la maréchaussée qui insiste d’un froncement de sourcil. Et le Rom de partir en soupirant, son carton pose-fesses sous le bras. Mes punks à chiens avaient déjà filé. Et cet autre Rom, pieds nus, couché, recroquevillé, la tête couverte et mimant maladroitement des tremblements de froids. La pluie avait cessé et la température devait avoisiner les … 12°. Le lendemain, temps dégagé, soleil intermittent, 15°, et mon Rom toujours pieds nus, ou plutôt en lambeaux de chaussettes, toujours dans son rôle d’homme réfrigéré, mimant tant bien que mal le grand froid. Détail piquant, il avait le peton  soigné, propre, propre ! alors qu’il est sensé aller … pieds nus et, de plus, la plante lisse, sans cale, un pied qui saurait certainement attendrir les fétichistes de ce genre d’extrémité.


La foule toulousaine est … urbaine, réceptive à son milieu, bourrue lorsqu’elle est pressée, le plus souvent pleine d’attention. Et lorsque le Toulousain est en service, il est d’une parfaite amabilité (restaurants, musées, magasins) ; il aime son métier et ne fait pas/ne semble pas faire de différence entre le local et le touriste. Pas un tag sur les murs, une ville calme et heureuse … Quoiqu’un nombre non-négligeables d’arcades commerciales étaient fermées, faillies, barrées de vieilles planches, sur la place du Capitole même. Peu de femmes voilées mais, au détour de rues moins fréquentées, de ces jeunes hommes en survêtements de marque, ce genre que l’on prête à … la banlieue. Ils ont l’air d’attendre ou de comploter. Ils n’aiment pas le touriste, ni le passant du reste, pas de geste inconsidéré, pas un mot, juste un regard et cette mine fermée propre à ceux qui se méfient de l’irruption soudaine des forces de l’ordre. Je ne connais rien de la politique locale, de l’étiquette des gouvernants. Il s’agit peut-être d’un calme trompeur … Il faut encore évoquer le grand nombre d’églises historiques, les ravages de la Révolution et de l’affairisme sur celles-ci, deux musées assez bons, l’un public et l’autre privé, quelques belles toiles dans les deux, une salle entière consacrée à Bonnard dans la fondation privée, un David vainqueur de Goliath, héros des plus jeunes et troublant au détour d’un escalier dans le musée public ; l’œuvre est d’un artiste du cru, Antonin Mercié. Voici tout le charme de la province officielle, capable de produire et admirer benoîtement ce qui, objectivement, ressort de l’érotisme le moins avouable.

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