L’accroche n’était pas des plus vendeuses,
façon curiosité socio-historico-sexuelle : le premier transsexuel de l’histoire
… Je conçois, je comprends mais me trouvant très à l’aise dans mon sexe et mon
orientation sexuelle… voilà, bof. Je me rappelle du terrible et émouvant
« Miss Mona » ou du subtil et féérique « Rose ». Il me faut
avouer avoir aimé tous les films que j’aie vus traitant de la transsexualité.
« The danish girl », toutefois, a pour lui un contexte, un décor
extraordinaire. Il s’agit d’une histoire de peinture, d’une émotion artistique
servie par une photographie de grand talent.
Côté fiche technique, la réalisation est
signée Tom Hooper (Le discours d’un roi),
la distribution repose sur un casting international et tout particulièrement
sur les très frêles épaules d’Eddy Redmayne, un jeune prodige qui avait déjà
interprété un Stephan Hawking plus vrai que nature. Eddy est the danish girl, si
convaincant et si pudique, un jeu fait de sourires las, de tressaillements,
d’une voix, d’un geste, le tout si vivant qu’il crève l’écran. Généreux dans la
performance, il laisse la part belle à ses partenaires, la Suédoise Alicia
Vikander (Ex-machina et Des Agents très spéciaux) son épouse, et
l’Allemand Sebastian Koch ( La Vie des autres) le chirurgien qui lui
fera changer de sexe.
L’histoire est authentique, elle débute au
Danemark, chez un couple de peintres, Einar et Gerda Wegener. La lumière,
l’atmosphère, Hooper a travaillé son sujet ; la référence à l’œuvre d’Hammershøi est évidente mais subtile, le petit plaisir d’un
amateur de peinture aux spectateurs amateurs de peinture ; certaines
scènes reproduisent l’une ou l’autre toile du maître danois. Ce sens artistique
exacerbé est du reste le fil rouge de la narration. Einar a du succès avec une
œuvre introspective, post expressionniste, baignée de sécessionnisme, un
paysage, quasi toujours le même, répété à l’envi, une grève, des arbres
dénudés, un ciel. Gerda peine à s’imposer, son œuvre est plus Art Nouveau, une
sorte d’Otto Dix féminin et par le mode de traitement, et par les thèmes. Lorsque
par jeu – en partie sexuel, voir la scène de la chemise de nuit en soie – Gerda
pousse Einar à s’habiller en femme, un bal d’artistes, elle comprend tout de
suite, se récrie et tient son sujet à la fois. Elle accouche de Lili, le double
féminin de son époux ; elle lui donne une identité, une existence à
travers les portraits qu’elle fait d’elle, des toiles qui remportent le succès.
Le reste du
récit est fait de lumière, d’amour, de souffrance et d’espoir … surtout de
souffrance. Comment comprendre le transsexualisme alors que, dans l’entre-deux
guerres, on croyait encore à l’hystérie féminine ! De spécialistes en
spécialistes, Einar reçoit les diagnostiques les plus fantasques, se soumet à
des traitements improbables alors que grandit Lili en lui. Gerda sent
s’éloigner son époux mais ne peut s’empêcher de peindre jusqu’à l’écœurement cette
Lili qui lui vole son mari. Après un fastueux épisode parisien, Lili
rencontrera le Dr. Warnecros, praticien à Dresde, chirurgien expérimental du
changement de sexe. Il sera celui qui permettra à Einar de … mourir dans le
corps d’une femme !
« The
danish Girl » nous raconte une époque, quand le XIXème siècle durait
encore dans le confort de la modernité du XXème. Il faudrait encore parler des
costumes, de la bande son, des seconds rôles, des décors … Une réussite
délicate, tout à l’image du traitement du sujet.
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