mardi, septembre 25, 2007

Pas plus de 25 ans


Petite pluie comme au joli temps de l'innocence internautique, quand il ne fallait pas traîner truc, chose et machin, et machin-chose de l'autre côté de l'écran. Ni mieux ni pire, tout est juste différent à part le délicieux bruit des pneumatiques d'une voiture solitaire dans la rue ... A tout bien considérer, je suis un indécrottable passéiste. C'est ainsi que je retourne aux "bonnes vieilles" séries allemandes parce qu'elles me racontent une logique, un monde disparu; le crime y a toujours quelque chose de noble, si loin, bien loin de la mauvaise compagnie des mois passés. Les impers, par exemple, dans ces séries, ont un je ne sais quoi de fabuleux, on dirait des capotes militaires rendues à la vie civile et tout empesées des horreurs de la guerre. Cette fameuse, la seconde, il a tant fallu batailler pour la faire un peu oublier et aujourd'hui elle est une sorte d'anecdote bravache, un temps béni où on faisait "bien"; on vient de réhabiliter Staline ...
J'entends le temps, je l'entends s'égrener, s'égoutter, glisser ... J'entends son échos ancien, les veillées, la littérature, la bonne télévision et j'ai vingt-cinq ans. Comme les non-héros de mon autofiction, j'ai vingt-cinq ans, je les aurais toujours, trente-deux peut-être d'ici quinze ans. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont mes jeunes amants de vingt ans, ça les rassure et ça me flatte ! C. n'est pas plus âgée, l'air de Berlin conserve, le feu de la bataille et les confidences nocturnes, la gourmandise, la mignardise, l'aimable confiserie dispensée avec grande parcimonie sur les conseils de mon éditeur, de mon agent, de mon délégué syndical et de quelques autres. Il paraît qu'à vingt-cinq ans, on a mieux à faire : jouer à Thomas Mann par exemple ou promener le Greg, le vieux cocker de Cr., un animal agréable, obéissant qui aime se rouler sur la carpette devant le lit avec contentement. Je ne regrette pas même que le Greg ne soit pas un grand caniche (le chien du grand Thomas lorsqu'il vivait en Californie). A vingt-cinq ans, on commence à se choisir un état - c'est fait - et on entre en relation avec les bonnes personnes - c'est aussi fait.
Je n'ai pas vu filer 2007, une saison inégale, un rien tourmentée avec de belles éclaircies. Il faudra que je retourne voir la mer en novembre et que je garnisse un arbre pour Noël, quoiqu'il arrive, parce que dans mon monde, on aime la Méditerranée hors saison et les fêtes de famille à connotation religieuse. Parmi les gens de bonne compagnie, on laisse passer le populisme, la vulgarité, l'irréligion et quelques autres vices des gens dits de pouvoir. Quand on a vingt-cinq, on regarde avec pitié ces jeunes vieux s'agiter mais on a déjà suffisamment de bon sens et encore assez de hargne pour ne pas tomber dans une indifférence molle et charitable. Les jeunes vieux et les vieux vieux disent que cela passera avec l'âge mais cela fait déjà plus de douze ans qu'ils déchantent.

dimanche, septembre 09, 2007

Samedi soir


J'observe les murs jaunis, renversé sur le lit, les objets, le satin fatigué du fauteuil, les tableaux aux murs comme si je les découvrais... Il suffirait de choisir ? Rien ne vaut le silence, à peine traversé par le battement d'une horloge, tout le familier charmant, les menus détails qui témoignent si bien de l'intimité. Je ne parle pas de ce genre papier-glacé-catologue-Ikéa-Maison&Jardin-Elle-Déco-pouffe-pédé-mode. Je pense à l'appartement de ma grand-mère, le mien y ressemble : deux pièces, des rituels domestiques et parfois un murmure ou le coup de fil à un proche. Il y a cette normalité assoupie, la douceur du temps accumulé.
Je reviens de la réunion du comité des Archives Gaies de Suisse. N'en déplaise aux culs pincés et à l'hypocrisie homophobe, dans ce pays on honore et respecte aussi la culture gay. On étudie même, décortique et met à jour les mécanismes de domination morale petit-bourgeois à travers les études de genre. Il ne s'agit pas de choisir entre "gayland" et l'appartement de grand-maman ... Des forces réactionnaires et irrationnelles sont à l'oeuvre, aussi verbeux que l'expression puisse paraître. Nous (je+communauté gay+autres minorités) ne pourrons pas faire l'économie d'un combat ... d'une lutte d'opinion, il va sans dire. Alors que j'écris ces lignes, je me souviens d'un certain sourire satisfait, mauvaise denture, vieille face chiffonnée, un très léger défaut de prononciation, des cheveux un peu trop rares et ce mauvais rinçage des salons de coiffure de province qui moire de mauve les cheveux gris. L'animal se reconnaîtra s'il me lit. Il fera mine de ne pas comprendre, prendra pour lui-même des airs faussement désolés et ne pourra s'empêcher de rester confusément inquiété.
Il a raison d'être inquiet car, "Monsieur, là où votre nom finit, le mien commence !" dixit Voltaire. Il y aura toujours des carrelages à damiers familiers et rassurants dans de discrètes entrées de service, il y aura toujours la puissance disproportionnée de la musique de Wagner mais pas de répit pour les pense-menus réactionnaires. Accessoirement, j'ai appris que ce pauvre Henri Guisan, notre général, était l'otage de son état major. Ce n'était apparemment qu'une pauvre coquille vide souffrant de Parkinson, nommé au commandement suprême en raison même de sa vulnérabilité. Faudrait-il y voir une généralité ?

dimanche, septembre 02, 2007

Les oubliés, les disparus et les autres



Une fois de plus, je reste subjugué par le ciel immense qui se déploie depuis mes fenêtres, de ce couchant qui n'en finit pas, de la moire du lac, de l'embrasement des crêtes du Jura, l'ouest vers lequel file immanquablement le jour. Il y a peu, je parlais de la vue que l'on a depuis le pont Chauderon, ce fameux couchant, le même dégagement, le même feu, la même fascination que sur le "Warschauer Brücke". Je poursuivis le parallèle et, puisque l'angle de vue est le même, à la même heure, Berlin se trouve dans cette direction et j'indiquai l'ouest ... P. se mit à rire, en corrigeant que Berlin se trouvait de l'autre côté... Depuis le pont Chauderon, je ne regarde pas Berlin, Berlin m'observe, c'est un révolution copernicienne. En quoi le théâtre de la vie lausannoise pourrait intéresser Berlin ... ma Berlin, que mon dernier séjour me manque. Je viens de recevoir un courriel de C., elle me l'aura envoyé depuis l'internet café Treffpunkt 6, sur la Weitlingstrasse. J'ai l'impression qu'il s'est passé trois mois déjà ...
Les "grandes manoeuvres" m'ennuient, la mise au point de stratégies, les tractations discrètes voire mêmes secrètes me laissent interdit et abasourdi. Il y a aussi la gestion du portail, le média internet gay leader en terre romande et ... Eric de Montmollin, connaissez-vous cet auteur ? Il fête cette année ses cent ans. Il écrivit sur la Chine, il y vécut, y enseigna. Cet homme, comme le disait un peu pompeusement l'un de mes camarades du comité, " ... a donné plus de quarante ans de sa vie à l'association vaudoise des écrivains", il en tint la présidence et je n'avais jamais entendu son nom, ni lu une ligne de son oeuvre, je vais pallier à ce manque demain, j'irai travailler un peu au Palais de Rumine, la salle de lecture et les quotidiens internationaux sur la galerie de gauche.
Cr. est endormi sur le canapé du séjour, derrière moi, je travaille installé au secrétaire. Je viens de mettre de l'ordre dans les fichiers photographiques : Bernau, Rostock, Berlin, l'appartement de J. à Berlin, Lichtenberg et tout ce que je pus faire durant mon séjour. Tant de riens, les promenades, le temps qui passait, Chopin dans la grande salle chez C., la lecture de Walser (un autre oublié), "Die Geschwister Tanner" fut du reste écrit à Berlin ... Je pourrais partir demain, retrouver ces ombres plutôt que me laisser disperser par la médiocre agitation de la "scène lausannoise".