mercredi, juillet 24, 2019

L'homme sans autre qualité - chapitre 12

"New pink", Alex Katz

Au Brandhorst Museum, il y avait des merdes contemporaines de Cy Twombly, et jusqu’au patronyme de l’artiste qui ne tienne pas debout. Il y avait aussi un étage entier d’Alex Katz, de ces toiles d’une simplicité, d’une évidence, comme quand il avait seize ans, seize ans idéalement. Il y avait des villes de nuit, des femmes en grande capeline, des jeunes gens sportifs, des trucs qui lui parlent, au Stéphane, légèrement en roue libre il faut bien le dire. Il est entré dans « New Pink », une fille châtain de dos, des mèches blondes, imper beige, fond rose. La fille a parlé d’une vieille série, un soap opéra, l’un des premiers dont la qualité avait été jugée suffisante pour le diffuser en fin d’après-midi sur une grande chaîne publique francophone. C’était une sorte de Roméo et Juliette façon Côte Ouest, avec le meurtre en toile de fond du fils préféré, l’enfant prodige qui se révélera être une enflure et tata honteuse pour faire bonne mesure. Stéphane lui a encore demandé ce que ça avait avoir avec son enquête ? La fille a soupiré, "peut-être un plan - au sens de prise de vue - façon Roy Liechtenstein" et Stéphane s’est retrouvé seul dans la salle d’exposition, un peu con, avec les mains qui sentaient la mer, l’air du large, le lointain. Il n’y a pas à dire, il préférait tout de même l’époque quand il revenait de ses « visites » de tableaux en se pissant dessus mais avec des réponses concrètes. Soit, ça se passe au niveau du petit chose et de ce qui peut aller autour, de l’histoire que chacun se raconte, la mise-en-contexte avec ou sans sensiblerie. Et comme à son habitude, comme dans tous les romans du mec gazeux, alias le petit auteur romand, à la manière du « wanderer des bistrots », Stéphane a marché, une longue promenade jusqu’à ce qu’il s’installe dans un café bordé de deux cerisiers en fleurs, vaste ramure, une esthétique japonisante, un peut de soleil, la salle calme du café, une rue de Münich, touristique, même si décentrée car le tourisme est un cancer dont, peut-être, il souffre lui-même ?! Et il se raconterait des histoires ?! Il doit retourner voir du côté d’Oméga si c’est vrai.

jeudi, juillet 18, 2019

L'homme sans autre qualité - chapitre 11


Münich est une ville ennuyeuse à force d’être « cool », avec sa gentrification, ses hordes de blaireaux 2.0 à vélo, l’ à-quoi-bonnisme spirituel, les nouvelles évangiles de l’écologie et de la bienpensance. Stéphane est arrivé là il ne sait trop comment, le fameux tour de passe-passe translation-transit-youp-là-boum à moins qu’il n’ait pris le train !? Il se trouvait mieux en 1912-13  in Wien, dans sa maison sur le Ring, sa sœur foldingue, sa cousine vaginale, les chiens, les fiacres, l’avenir devant soi … Münich, évidemment, rapport à un traîne-misère autrichien venu là peu avant 14, pour la beauté du paysage et Wagner évidemment. Stéphane a froid. Il loge dans 26 m2 AirBed and Breakfast, un truc moche, de cette hygiène des classes moyennes allemandes. Les draps sont propres, la plonge, la cuvette des chiottes, le lavabo et la baignoire aussi mais tout le reste est en vrac. Et le lit ! Stéphane eût effectivement préféré un matelas gonflable. Et la « coolitude » va si mal aux Allemands, ils en sont déguisés.

« Fiel » écrivait l’éditeur dans sa lettre de refus. Le mot fait échos dans l’esprit de Stéphane, ça le touche. Il n’est pas auteur mais comment peut-on confondre l’expression de la réalité dans sa répugnante réalité et la pratique gratuite de la critique, de la calomnie ?! Stéphane se demande où a-t-on merdé ? A partir de quand et quoi n’a-t-il plus été possible d’être entre autre chose que victime ou bourreau ? Et tous ces couples mal assortis en voie de formation, des unions que cimentera la peur d’être seul, des pairs en devenir et en représentation après les premiers contacts sur une plateforme de rencontre. Stéphane est sur le point de jeter l’éponge. C’était tout de même plus marrant avec Friedhelm alpha, Friedhelm oméga et le gros con podagre de l’Agence. Il avait l’impression d’avoir son mot à dire, on le lui laissait croire. A présent, il n’est plus qu’un vieux jouet qu’une force inconnue balance ici ou là, jette contre le mur, à lui de ramasser les morceaux et de se recoller. La colère annule la tristesse et vice versa. Disons qu’il est « l’homme sans qualité » de Musil alors que la critique et l’exégèse voient dans Ulrich l’extrapolation de l’auteur. Mettons. Il est un type plus très jeune qui, à force d’aller d’Alpha en Oméga, y a laissé des plumes, son identité, sa mémoire récente, des amis peut-être, de la famille, allez savoir. On l’envoie depuis Oméga en Alpha, l’Alpha d’hier pour remettre la main sur Musil parce que ce perpétuel indécis aurait la clef d’une équation qui permettrait d’éviter qu’Oméga ne s’effondre sur Alpha sans crier gare et avec beaucoup de casse. Et Stéphane n’a toujours pas de super flingue laser ou tout autre type de rayon létal ou paralysant. En attendant, il se retrouve à crapahuter en Allemagne ou dans ses extensions Mitteleuropa. Il se souvient d’un épisode à Francfort où il a vomi des étoiles, de Berlin où, pour une soirée, il était pédé comme une banquise de phoques, de Lörrach où, pour un long séjour, il était obèse. Il a un souvenir münichois personnel, pas l’une de ces merveilleuses capsules que le «wanderer des bistrots » lui laissait sur le dessus de la pile lorsqu’il  se laissait posséder par … par qui il était alors ? Stéphane a le souvenir exact d’une promenade à travers la ville, une promenade dominicale, il fait lourd, l’orage menace, il marche sans but. Il passe devant la vitrine obscurcie d’un club. Un homme en est expulsé. Il est ivre. Il s’assoit un instant reprendre ses esprits et son équilibre assis contre la fameuse devanture. Stéphane poursuit son chemin et s’arrête à la terrasse couverte d’un café. Il sort un livre de son sac, un livre tiré de la bibliothèque de l’oncle alcoolique. Il ne se rappelle pas du titre. La pluie se met à tomber, il est à l’abri. Stéphane a toutefois le sentiment qu’il avait alors manqué sa mission. Le livre était d’un auteur allemand.

Stéphane a fait un musée, certainement pas le bon. Il doit trouver une balise temporelle, un tableau dans lequel plonger et on lui dira comment faire pour, peut-être, trouver celui qu’il cherche et, depuis lui, remonter jusqu’à l’incident initial.

mardi, juillet 09, 2019

"Credo", prochaine sortie à l'Âge d'Homme





J’avais 16 ans, je venais de mettre un point final à un bref recueil de textes à caractère plutôt olé-olé, Mylène Farmer chantait « Je suis libertine » et je rêvais d’être publié à l’Âge d’Homme. J’ai envoyé mon petit  recueil à la précitée maison d’édition, un manuscrit, soigneusement rédigé de ma main, avec les fautes d’orthographe d’origine. Quelques semaines après mon envoi, je recevais mon texte en retour avec une lettre de refus. Je ne me souviens plus du tout de son contenu ; je ne l’ai bien évidemment pas conservée. Je me souviens toutefois que ce message était … délicat. On avait pris la peine de me dire « non » tout en laissant la porte ouverte, pas même la grossièreté de conseils professionnels, genre soyez plus ceci ou cela, faites ainsi et pas comme ça. Non, rien de tout ça. On avait pris la peine de lire la prose d’un gamin de seize ans et de la lui renvoyer, de lui expliquer pourquoi, cette fois, on lui disait non sans pour autant le dégoûter de l’écriture. Une petite décennie plus tard, je publiais mon premier texte, « Appel d’Air », de l’autofiction et 33 ans plus tard, je m’apprête à publier,  avec « Credo », la conclusion de 25 ans d’autofiction chez … l’Âge d’Homme !

Et, oui, Mesdames et Messieurs, tout arrive : à l’approche de la  cinquantaine je réalise un vœu adolescent ; je rentre à l’Âge d’Homme. Je suis heureux d’y entrer avec ce texte-là, ce récit, cette réflexion à la fois sur la littérature, deux ou trois convictions, la peinture, le cinéma, un rien de politique. La référence à ma foi catholique est évidente, « Credo » désigne la profession de foi du croyant catholique, cela veut dire « je crois » en latin, « je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant … » Par extension, ce terme désigne .les principes sur lesquels on fonde sa conduite (Larousse en ligne). J’ai tenté juste une mise-au-point, sur les meilleures images de ma vie … euh, je m’égare. Il n’est pas question de tenir un catalogue de mes échecs amoureux, il n’est pas même question de mélancolie, à peine, on ne se refait pas. Vous y lirez le carambolage de situations parfaitement désassorties, des comparaisons fracassantes, rapprochements osés entre quelques mondes et, évidemment, deux ou trois vacheries chemisées. On ne se refait toujours pas.

J’ai tenté un discours de la méthode, on m’accuse d’en manquer. Et pas de clefs rouillées qui n’ouvrent que des portes qui ne mènent à rien. Vous retrouverez Cy., Lou’, Morges, la vie politique locale, un mot de ma mère par-ci, par-là, des villes allemandes, Barcelone, la mer et l’amertume, celle d’avoir été contraint, oui, contraint à la dépression. Peut-être essayé-je (essayer, verbe du premier groupe, lorsque l’on conjugue un verbe de ce groupe à la forme interrogative, son e muet en finale est remplacé par un é et, dans ce cas, il faut encore opérer la transformation du i en y) donc, peut-être, essayé-je de me justifier tout en témoignant des moindres choses. Trouver un modèle, entrer dans la maturité avec un rien plus de calme que lorsque je suis entré dans l’adolescence puis dans l’âge adulte.  

Notez dans vos agendas, sortie en novembre 2019, c’est après-demain. Dans l’intervalle, je me permettrai de revenir vers vous, vous entretenir de « Credo ».