samedi, août 25, 2007

Graffiti


A l'époque quand les femmes portaient du rouge-à-lèvres trop rouge et trop parfumé, il y avait des p'tits marlous rockers avec des écharpes écossaises autour du cou. On ne savait pas encore la suite, on ne connaissait rien d'un certain cancer de la prostate. Les après-midis finissaient dans le chocolat froid, des couchers automnaux infinis et des certitudes tout aussi confuses que les lendemains. Des murs et des rideaux sont tombés, la perfide Maggie en a fait la gueule et l'amour se trouvait au coin de la jungle, après la voie du chariot.
Encore ... et toujours vingt ans, parce que le chiffre est rond et qu'il n'y avait, encore, pas de disparus. La vie était plus facile à porter; on courait à travers avec l'aisance d'un chien fou et l'avenir comme un vaste salon, profonde moquette beige, TGV, Paris, Catherine et Jean-Paul. Victoires et galeries Vivienne ! Pour Catherine, il faut dire Catheriiiine en se pâmant à demi. Depuis, on a bien été trompé. Le confort des colonies, les soirées de juillet et la revue de minuit sont passés au passé. Les Champs by night, le bras royal sur la portière arrière, glace baissée, l'après était encore digne de l'avant sur les flans du vallon.
Je suis indéniablement un homme du siècle passé mais d'un siècle qui croyait en l'avenir. Je garde donc une longueur d'avance ... Il serait si facile de sombrer dans le geignard. Il ne faut pas cesser de croire à l'arrivée de calmes héros qui, mine de rien, viendront sauver une certaine idée de l'avenir, de la société, de la démocratie dans le parfum léger de l'adoucissant, un peu de circulation, sur fond de clochers sonnant midi.

mercredi, août 22, 2007

Travail de bureau


Au risque de tout perdre, je préfère rédiger mes messages directement en ligne, en mode brouillon soit, mais à la merci du premier couac electrico-informatico-internautique; la communication serait coupée et le texte perdu ! Je n'ai jamais eu peur de ce genre de "risques", cela fait partie du métier ... L'autre soir, j'ai pris un verre avec P.M., mon éditeur. Il me disait avec satisfaction "être devenu" un auteur à part entière : il a récemment reçu des insultes (anonymes, il va sans dire). Il a pensé à moi, à mes pauvres contempteurs, et aux autorités dont je dépendais, qui "se mordaient la queue" en quelque sorte; la même administration capable d'un côté de reconnaître mon travail et, de l'autre, de m'en faire grief ! Fabuleux, soviétique, kafkaïen, walsérien, helvétique, très vaudois !
Dieu que je connais cette terre, et trop bien ... Je la voudrais un rien plus surprenante, je me dis paresseusement qu'il adviendra forcément quelque chose, qu'un Bonaparte local se lèvera et je le suivrai, ou une vraie cause, un projet fou et fantastique, un rien inutile et très subtil à la fois; on viendrait alors me demander d'y participer, forcément ... Rien. Et toujours ce panorama à la Hodler, le lac, les nuages ineffables, le bruit de la ville, le vent sur la campagne, jusqu'au donjon du château de Vufflens que j'aperçois sans peine à l'oeil nu au-dessus de Morges, depuis mon phalanstère d'une avenue éponyme. Je pourrai laisser filer la journée depuis mon lit, "mon vrai bureau", de la sorte. Entre les plateaux, les livres, les notes, l'ordinateur ... Une vie, ça se dirige souverainement depuis ses appartements privés, sa couche. Tout le reste tient de la parade. Ou de la campagne militaire.
Je mets un point d'honneur à cultiver cette "paresse" de surface et réponds ostensiblement "rien" à la question " ... que fais-tu dans la vie ?". En général, cette demande n'est que rhétorique, une vague amorce au cours d'un échange de drague. A ce rien, je fais suivre quelques propos prompts à initier un rapprochement physique avec le questionneur, propos que la décence (et la pudibonderie d'un lectorat non averti) m'interdit de reproduire ici. Je peux juste vous confirmer leur efficience puisque l'affaire se conclut "au bureau".


dimanche, août 19, 2007

Temps ordinaire


Je n'aime plus Lausanne, vieille histoire faite de rendez-vous manqués et de malentendus ... Toutefois, je me suis découvert attaché au quartier de Prélaz, à la paroisse Saint-Joseph, à mon vieil appartement "de poupée". Le quartier n'a rien pour lui, un fouillis urbain délaissé, traversé par une route cantonale et un traffic mal maîtrisé. Pourtant, lorsque je porte les yeux sur le paysage de ma fenêtre, je vois ce tas de "baraques", de "clapiers" préfabriqués, de hangars surmontés d'un ciel de gloire, d'une fabuleuse perspective. Je ne veux plus de la beauté facile et dévoyée des "beaux quartiers", de ce chic banal ...
Cela fait longtemps que je sais voir ce que la plupart ne remarque pas; je n'ai que peu de mérite ... Il s'agit d'une vertu propre aux minorités. Puis il faut passer outre, et l'autre, le tout autre, sans devenir pareil, devient un prolongement baroque de soi. Vous n'imaginez pas ma joie à retrouver le bâtiment "New Age" de la paroisse Saint-Joseph, et le curé, les bancs trop étroits et mes co-réligionnaires, les gens du quartier que je connais de vue, à force, à qui je donne parfois la communion. Un étrange sentiment de chez soi.
C'était la première fois que je passais autant de temps à l'étranger, cinq semaines ... L'étranger ne veut plus rien dire. Finalment, on finit toujours par s'installer. Vingt fois, j'ai imaginé mon logement "lausannois" incendié, le bâtiment effondré, le quartier englouti, la ville disparue, même ... Puis je me disais que j'avais bien assez de moi-même pour reprendre racine, pour inventer sur la ruine passée quelque chose de neuf. Pour repartir et retrouver tous les riens qui peuvent m'enchanter ... un certain ton de la lumière ... le parfum à peine perceptible d'une floraison, la pleine jouissance d'un temps ordinaire.