Je me
fends, traditionnellement, d’une bafouille sur mon blog lorsque je rentre de
voyage, donner mes impressions en matière de proto-sociologie,
impressions, ressenti, état des lieux à propos d’un pays, d’une ville, une
région. Je l’ai fait un certain nombre de fois à propos de Berlin et je
chantais son charme, sa liberté, son agrément, etc. Cela fait plus d’une
semaine que j’en suis rentré, fatigué, lassé peut-être, il y a tout de même eu
de très bons moments, le pique-nique à l’ambassade de Suisse, la rencontre avec
Mme l’ambassadrice, le thé au Café Einstein de la Friedrichstrasse avec Frau
Dr. B. D., responsable d’un cours à la Humboldt Universität, la messe à St.
Thomas ou St. Ludwig, la superbe soirée au Literarisches Colloquium, le lieu
surtout, deux ou trois menus bonheurs… Plus d’une semaine, donc, et pas un
billet, pas la moindre envie d’en parler … Il y a eu les deux pauvres filles,
dans les vingt ans, moches, biscornues, trop nourries, mais surtout moches de
leur médiocrité gourmande, leurs réflexions toutes faites, « ça me soûle
trop », leur manière hargneuse d’être au monde et toujours leur
médiocrité. Si la présence de ces deux bécasses lausannoise ou environ s’était
signalée dans le 100 ou le 200, deux lignes de bus à toutous, je n’eusse pas
été choqué mais elles siégeaient dans leur graisse et leur stupidité parmi les
premiers rangs de l’impériale du M85, montées à Steglitz, là où normalement on
ne rencontre pas ce genre de bestiau ! Je me suis retrouvé dans le
cauchemar d’une ligne des TL (Transports Lausannois). En descendant à Kleist
Park, j’a regardé un peu autour de moi et me suis aperçu que Berlin était
devenue une ville comme une autre. Elle n’a plus besoin de moi, de ma plume
tout du moins. On ne va pas épiloguer ; se surimprime une course d’une
journée au Römerholz, la villa Reinhart,
Winterthur. Parti à 10h, rentré à 19h, à peu près, trois heures aller, trois
heures de visite, trois heures retour. J’étais, une fois de plus, le « wanderer »
de ma propre représentation du monde qui trouva, par un mercredi après-midi peu
fréquenté, la paix nécessaire à la cicatrisation de ses plaies … des égratignures
en fait. J’ai pu me raconter des histoires tout à loisir devant le portrait de
Mateu Fernández de Soto par Picasso, période bleue, une patte post-vangoghienne,
et un bouquet dans un vase transparent par Manet, quasi toute l’histoire de la
peinture parmi ces fleurs, quelques Van Gogh, pas de grande émotion picturale,
un certain confort esthétique, et le café sur la terrasse, la demi-solitude du
petit parc, le chemin de retour vers la gare à pieds ; à un croisement, quelques objets
proposés, donnés, offerts, proprement disposés dans un carton, une gentille
petite villa, des vêtements d’enfant sur cintre, une pancarte polie, comment vider
un fond de placard et faire des heureux. Je suis reparti avec un verre, une
coupe, cristal vraisemblablement, , et un livre de chants illustré, « Kindersang,
Heimatklang », mon Allemagne idéale, celle que je connus à Berlin et à
travers les « Buddenbrooks », fin XIXème, avant l’erreur,
fondamentale ; le XIXème s’est achevé en 1918 …
dimanche, août 28, 2016
vendredi, août 05, 2016
Quelque chose à dire, second extrait de "Credo"
Le passé est un thé noir, profond, genre Assam, qu’il faut
travailler longtemps avant qu’il ne puisse déployer son arôme complet. Je ne sais
pourquoi je me suis souvenu de Maigret au retour du sauna, ni même de mon désir
de banalité d’alors ? Le souvenir était cueilli, fermenté, séché,
conditionné et ma mémoire l’a infusé, et quand le thé est infusé, il faut le
boire ! Toujours mieux que de « boire le bouillon ». Trêve de
métaphore, jeux de mots, calembours, ‘ y a un truc qui, néanmoins, reste
coincé. Herr Dr. au cigare l’attend ; quant à vous, je n’en sais trop
rien, peut-être par curiosité mal-placée ? L’autofiction est un genre qui
repose sur le lavage de linge sale en public, sur la révélation crac-boum et
quelques effets lacrymaux. Pour preuve, cette quiche d’Edouard Belle-Gueule qui
nous a raconté du haut de ses vingt ans sa jeunesse de prolo gay victime de son
milieu mais qui baisait à qui mieux-mieux avec son cousin à grosse teub. Dans
un second opus, il nous racontait comment il avait été violé une nuit de Noël,
par un jeune Arabe beau comme un astre ! Dans le troisième, il va nous
annoncer sa séropositivité ? son mariage avec une femme enceinte de lui
dans le quatrième ? le divorce fracassant dans le cinquième ? la
garde des enfants dans le sixième ? sa tentative de suicide dans le
septième ? ses regrets dans le huitième, assorti de la VRAIE vérité ?
On a de quoi tenir. Remarquez, avec moi aussi, d’ici que j’aie fait halte dans
toutes les bonnes villes d’Allemagne et du reste du Saint-Empire ! Et les
croisières, la Thaïlande qui forcément arrivera, la Bretagne, Saint-Pétersbourg
en solo, plus toutes les expositions de peinture. Ha ! J’ai plus de coffre
que l’autre petit affabulateur.
Depuis la Café Kandler bruissant du claquement de dentiers
de retraitées en rosâtre ou orangeasse, j’ai la vue sur la Marktplatz, le grand
et très cher magasin Breuninger. Je bois une petite théière de « Theodore
Fontane », un mélange de ce qu’il y a de mieux en Assam, Ceylan et Darjeeling.
Voilà mon idéal : les livres de Fontane, un emballage pseudo-romanesque,
quasi pas d’intrigues, des personnages bien campés mais, surtout, le témoignage
de son temps. Je n’ai rien à raconter de spécial, je suis incapable de nouer la
moindre intrigue, je n’y crois pas. Je vois les éléments s’aligner, se
juxtaposer mais ça ne vous tricote pas le moindre bout d’histoire. J’empile,
comme la vaisselle, des images, des instants, des situations, des atmosphères ;
je réalise parfois des assemblages mais rien de percutant, pas le moindre secret,
ni amant, meurtre, vice inavouable, rien ! Je vais vous laisser un
instant, le temps de me rendre au « Museum der bildende Kunst »,
poursuivre l’empilage et le rien … Je laisse la place alors qu’un stabilo
géant, 28-30 ans (pantalon pomme, sweat à
capuche vert fluo, chaussettes moutarde à pois, baskets bleues à lacets
turquoise) vient de s’attabler face à moi. Il est d’un physique avenant, blond,
yeux bleus, une alliance acier et noir, gay plus qu’assurément. Il a
certainement, lui, des choses difficiles à raconter … avec une telle attifée.
Il parle discrètement à une blonde, cinq kilos de trop, même âge, de la
confidence, un truc qui doit lui plomber le moral et, thérapeutiquement, il s’entoure
de couleurs criardes.
La folie de Lovis Corinth ! Voilà un type qui en avait
à raconter, avec ses six ou huit mioches, son goût des grands formats, l’énergie
de son trait et un penchant pour la boisson, présumé-je. Je le retrouve dans
une salle du Museum précité, une petite salle où se réunissent quatre toile du
maître, scène de descente de croix, portrait de Jean le Baptiste, Salomé avec
la tête du précédent et portrait de Mme Douglas, bien comme il faut, correcte,
assise sur une chaise, chapeau, robe de mousseline, collier de perles de dame
vraiment très comme il faut mais le regard ! Des yeux cernés profond de
bleu, comme une tête de lendemain d’hier. Le regard pèse une tonne et elle est
sur le point de nier. C’est bien elle qui a servi de modèle pour Salomé, les
seins offerts, le regard embué car elle avait bu ou pris de l’opium. Elle
portait des fleurs dans les cheveux, comme une prostituée, l’ivresse afin de
supporter le client ; et que je vous trifouille la tête, la paupière du
défunt encore chaud, en deux parties, le corps aux pieds tordus qu’on
débarrasse et le chef dans un large plat, offert à l’autre garce ; une
dame de sa suite fait de l’œil au bourreau, bon boulot, qui lui rend l’œillade sans
s’arrêter sur les nichons exhibés et ballotant de la trop stone. Le bourreau,
comme tous les mecs qui aiment le cul, veut une femme vivante, pas un orifice
passif … Elle doit avoir à en raconter, Mme Douglas. Couche-t-elle avec Lovis ?
Voudrait-elle coucher avec lui ? Corinth le géant que je conçois croyant
et fidèle à son épouse a-t-il joué de l’autre pinceau dans le feu de l’action ?
Inscription à :
Articles (Atom)