lundi, décembre 31, 2007

Mon oeuvre, mon homme et ma paroisse


Des voeux !? Sacrifier à ces traditions d'une banale cordialité n'est pas vraiment dans le genre de la maison ... Je n'ai du reste pas l'impression que l'année s'est terminée; le chantier est immense et ce qui a été entrepris dès début 2007 verra un aboutissement d'ici - au moins - une dizaine d'années. Je regarde pourtant le Neujahrskonzert, une très ancienne habitude qui me renvoie à ces 1er janvier passés chez mes grands-parents, jarrets de veau au menu, et tout l'ennui familial rehaussé de quelques dorures télévisuelles ... Chère Vienne de mes amours contrariées, c'était le Nouvel An 2006 à Berlin, mon Märchenprinz viennois qui ne se racontait apparemment pas le même conte que moi. Chère Vienne moussue que je laisse à son lichen et à son apparat de circonstance. Je n'ai pas le temps de m'appesantir sur la célébration d'un passé obsolète, mon oeuvre m'attend, et deux ou trois combats dont je ne ferai pas l'économie.

Je me retrouve en cette nouvelle année avec des obligations littéraires, engagé sentimentalement et attaché à ma paroisse ! Je dois vieillir, ou manquer d'imagination ou m'être trompé de modèle ... Il n'y a rien à regretter, certes non, mais je ne peux me résoudre à oublier la page blanche de tous les possibles, cette espèce de "virginité" symbolique doublée de la toute puissance de pouvoir choisir la direction à donner aux choses. Il y a aussi la tentation du mot de trop, celui qui fera tiquer ou réagir ... Celui qui déclenchera les "événements" et imposera la primauté du verbe sur tout le reste. Ce peut aussi être le petit mot anecdotique et savoureux qui fera mouche, ou même la parole affectueuse. Et surtout, dans cette dimension-là, il n'est pas nécessaire de suivre une chronologie trop contraignante, on peut étendre une période donnée à l'infini et cultiver des atmosphères hors de saison.

Rien à déclarer pour 2008 ! Ah, si pitié, laissez-moi sortir, je n'ai pas envie de passer le reste de ma vie dans le petit univers sympathique et chaleureux façon roman provincial qui sent l'ail, les produits du terroir, "y'en a point comme nous" et toutes ces vilaines salades. Soit, je suis quasi "marié", boursier d'Etat par rapport à mon activité littéraire et ma foi catholique trouve à s'exprimer dans la paroisse Saint-Joseph mais moi ce n'est pas cette rondeur sympathique de l'homme "un peu" public qui a de l'accent pour dire des choses plates et rassurantes. Non et non, dans le fond il y a toujours la "pétasse" hautaine qui n'a pas de problème à regarder son monde de haut (hé, oui, une majorité de mes concitoyens et plus petite que moi) lorsqu'il lui glisse une vacherie bien tournée. Un peu de piquant dans le papet ! ça vous réveillera les papilles. Et allez voir ailleurs pour des bons voeux de Nouvel An.


vendredi, décembre 21, 2007

Discrétion de mise


La question fondamentale, la bonne vieille question de l'utilité du "blog", de cet "épanchement sentimentalo-exhibitionniste" selon les détracteurs du genre, cette question revient à chaque fois que je "prends le clavier". Je ne vais pas me mentir : on m'a sali le blog, on ... Il faut mêler la malveillance à la bêtise pour ne pas comprendre l'intérêt de la chose. On trouve de tout sur le net évidemment, le tri est nécessaire entre les blogs à l'orthographe approximative d'ados boutonneux ou les atermoiements de vieilles filles trop seules ou de messieurs taquinant la muse ! Et je ne parle pas de la fausse ingénuité des animaux politiques qui veulent faire "dans le coup" ou des petits trucages de la presse poubelle-gratuite. Le dernier pseudo-scoop en date, un inconnu avait inscrit les sept conseillers fédéraux à Face-Book, le gratuit-poubelle a mené l'enquête et, par miracle, retrouvé l'inconnu ! Quel talent et quelle esbroufe, 20 Minutes prend vraiment ses lecteurs pour des canards sauvages. Je n'aurai même jamais osé un coup pareil, un pote-complice, le coup du Face-Book et la pseudo enquête ...

Le blog, ce lien privilégié entre un "écrivant" et ses lecteurs, appelle des règles de pudeur et de discrétion. Soit, tout le monde passe au cabinet pour s'y "délasser", il s'agit d'une réalité physiologique et pas d'un secret d'Etat. Il n'est toutefois pas nécessaire de bruiter de manière sonore des flatulences à chaque fois que quelqu'un se glisse discrètement vers les lieux d'aisance. Il n'y a ni prosélytisme, ni scoop, ni croisade. Il n'y aucun enjeu, toute cette publicité vulgaire n'est qu'un manque de tact. La métaphore peut sembler choquante mais le blog est le produit de la digestion symbolique de nourritures intellectuelles; l'expérience est faite pour être partagée non pas offerte à la vindicte publique après avoir été galvaudée par les ayatollahs de la morale. Un propos intime ne supporte pas l'exposition prolongée. On retrouve l'esprit délateur d'une bourgeoisie dominante et complexée, souffrant elle-même de règles de conduite trop strictes et interdisant à ceux qui ne voudraient pas s'y soumettre d'inventer une alternative. Raccourcis et conclusions hâtives sont souhaités voire obligatoires.

Cela faisait bien longtemps, mon lecteur, que je n'avais pensé à toi dans les termes simples de celui avec qui je partage quelques instants, comme une conversation de boudoir, revenir en "mine de rien" sur une année riche en coups de théâtre et en émotions. Je préférais - évidemment - l'époque bienheureuse quand nous étions sûrs de ne pas être épiés mais qu'importe. On n'est pas prêt de me faire taire, on n'est pas prêt de nous séparer ! Tu auras reconnu dans ce "on" une tournure ramuzienne, un usage faussement simple et rural, le "nous" de la puissance complexée de l'Etat de Vaud, cher pays que je porte quasiment en moi. Je t'écris de mon lit, comme il se doit, dans mon vieil appartement, des vêtements épars sur la bergère de satin brun, du linge dans la salle de bains, une tasse sur la table de la cuisine, des livres un peu partout et des notes de cours. Mon cher lecteur, je t'ai un peu négligé, je ne t'ai pas oublié, j'ai donné de mon temps à mes élèves, et Gayromandie, et les travaux de retouche, la préparation de la publication de "La Dignité", le fameux texte par lequel le scandale est arrivé, et encore ma présidence à la tête de l'Association Vaudoise des Ecrivains, et mon année jubilaire !

Te souvient-il, mon lecteur, lorsque je te parlais de la vie réglée de Thomas Mann, le grand modèle qui en toute circonstance n'a jamais dévié de sa trajectoire d'homme de lettres, jusqu'à refouler son homosexualité. Je crois, parfois, toucher à cet idéal. Je n'ai pas encore les coudées aussi franches mais je sais que rien ne viendra infléchir ma volonté à construire une oeuvre. Je ne suis plus seul dans cette tâche et je ne compte pas travestir ma sexualité. Je l'assume et la porte jusqu'à l'Eglise en compagnie de Cr. Il a en tête de faire monter ma pièce "L'Autre, comédie métaphysique". J'apprends donc cette vie plus "assise", plus réglée et confortable que celle que j'ai menée jusqu'à présent. Je n'écris plus pour un mais pour deux, pense pour deux et suis même tenté de concevoir une nouvelle sphère familiale.

samedi, décembre 01, 2007

Poésie versus engagement


Il y a toujours cette vue sublime, le lac, les Alpes, une toile de Hodler en dépit du dépotoir architectural qui s'étale juste au-dessous, plus de cinquante ans d'urbanisme lausannois déficient et mal-inspiré. Il suffirait de raconter le ciel au coucher, tout à l'ouest, alors que la crête du Jura se découpe avec précision et que le cordon de l'avenue de Morges s'embrase, éclairage public et circulation. Il suffirait de raconter cela, les infimes modifications de ce tableau, à travers les saisons pour avoir touché ... à l'essentiel. Toutefois, le temps n'est plus aux pâmoisons pré-romantiques ni à la contemplation. Sous divers prétextes (de l'inutilité à la bienséance, à l'hygiène, la prévention de tout ce que vous voulez), des ayatollahs masqués exigent çà et là une limitation de la liberté d'expression. Il n'est donc plus temps de pleurer sous des clairs de lune !

Le dernier exemple en date : un édile cantonal ne supporte pas de voir son action critiquée dans un blog, mal écrit soit, mais en rien ordurier ni calomniateur. Faut-il rappeler au potentat politique que son action est publique, que leur personne est publique et que, donc, ils est normal d'être en butte à une critique publique. L'Etat de Vaud réclamerait la fermeture du blog ! De quel droit ? Cela n'est pas sans rappeler des méthodes "stasiesques", l'instauration d'une conspiration du silence afin de ne pas déranger le récit de la petite histoire du gentil petit pays "Y'en a point comme nous". Nous - citoyens d'adoption, de fraîche date ou de souche ancestrale - qu'avons-nous à gagner dans l'entretien de ce conte ? L'incompétence n'est pas rédhibitoire, un faux pas reste toujours excusable mais la censure d'état n'est pas acceptable. Dans le camp des magistrats, on se gargarise avec le "devoir de réserve" ? J'estime, et mes confrères auteurs aussi, que le bon fonctionnement de l'Etat est l'affaire des citoyens, qu'une plainte, ou que le mécontentement d'un service entier, est toujours recevable. A condition, soit, de ne pas dénigrer, insulter ou salir l'honneur du magistrat en cause.

Cette affaire n'est pas sans rappeler l'attitude d'un autre édile, qui lui se mure dans le silence et fait mine de ne pas avoir reçu les doléances de syndicats, preuve à l'appui, et ose clamer son incompréhension par voie de presse ! Cette dernière n'a pas les coudées franches, soit, les journaux sont nombreux en Suisse et particulièrement en terre romande. La survie de chacun dépend du bon fonctionnement du consensus, histoire que tout le monde s'y retrouve, une sorte de gentlemen agreement qui interdit les éclats sains d'un "Canard enchaîné". Pourtant, les journalistes, sans rompre les subtiles règles de cet équilibre, trouvent tout de même le moyen de faire leur travail, citent des faits, des noms. Il est donc permis d'espérer.

L'horizon s'est refermé, il pleut, le lac, les montagnes, le ciel ... Une toile grise, sale, accordée aux façades détrempées, sans grâce. Jusqu'à la saison nous engage donc à des préoccupations plus politiques.