samedi, juillet 23, 2016

"Interlude", extrait de "Credo"

Interlude. J’en ai le droit. Je suis l’auteur et blablabla … Je l’ai déjà écrit dans « Escales », je m’en souviens, suis pas encore gâteux. Villa Noailles, et tout serait dit, l’été, la vue sur Hyères, le souvenir de Marie-Laure, décédée en 1970, l’année de ma naissance. Accessoirement, j’ai 46 ans aujoud’hui. Le lieu est simplement beau, le luxe de l’évidence mais un malaise diffus, la France tout alentour peut-être ? la vanité des visiteurs ? Je leur ai damé le pion, j’ai moi-même fait selfies et autoportraits placés illico sur les réseaux sociaux parce que je me suis offert un forfait roaming 4G pour les vacances. Ni Cy., ni ses parents ne m’ont accompagné, On n’allait pas laisser le chien seul. Tant mieux. J’aime la visite solitaire des lieux de culture. Qu’ont fait les Noailles durant la guerre ? me demandé-je. La seconde, il s’entend ; le second volet de la Guerre mondiale et ça n’est pas, à mon avis, encore terminé. Ce n’est pas là l’origine de mon trouble. J’ai tant aimé la France, sa culture, Mitterrand, etc. L’impression d’avoir été trahi … on s’est bien foutu de nous ! Je n’en suis pas encore à l’abhorration, un dégoût toutefois, vous reprendrez bien un peu de dessert ? Burp. Il y a quelque chose de pourri au royaume de France, peut-être son anti-germanisme primaire et passé, son universalisme passé … son passé ?!

En matière de politique et /ou de société, on considère mes propos comme émanant de la bouche du dernier des débiles, on fait mine de ne pas m’entendre dans le fil de la conversation, je ne suis pas assez ceci ou cela, consensuel-mou du genou, couille-molle hypocrite, faux-cul flagorneur, courtisan en somme. J’ai eu adhéré au grand bazar paneuropéen, ça m’a vite passé, comme la mitterrandie. Depuis, j’ai un petit peu creusé la chose et de manière critique, l’histoire en indépendant, inculte à ses débuts. Bref, l’Europe Unie : non ! Le Saint-Empire dans sa dernière forme, l’Empire austro-hongrois : oui et virez-moi la perfide Albion qui s’est exclue d’elle-même du bazar, et la France peut sortir ; elle n’a aucun intérêt dans le Saint-Empire, elle peut y avoir une place d’allié privilégié mais son centralisme cocoricotant, son économie d’État ne sont pas adaptés à une collaboration sincère avec la nouvelle couronne des Césars, ou son avatar paneuropéen. Comment ce pays, à l’origine du démantèlement scandaleux de l’Autriche-Hongrie, pourrait se soumettre à l’évidence d’un nouvel empire. Elle porte la responsabilité du diktat de Versailles. Sans parler de sa coupable laïcité qui laisse la porte ouverte à une sorte de probabilisme religieux duquel n’émerge que la voix de celui qui gueule le plus fort. Sans le démantèlement de l’Autriche-Hongrie, il n’y eût pas eu de Seconde Guerre mondiale, ni de guerre des Balkans. Je ne lis pas notre réalité politique et sociale sur les trente, quarante dernières années, je la déchiffre dans le dégagement d’un profond champ narratif.

          
On s’est fourvoyé ! Quand je dis « on », je pense « eux », les baby-boomers, ceux qui nous ont tout bien bouffé nos perspectives d’avenir. Tant pis, j’assume pour eux, leur inculture, leur avidité, leur paresse et j’en passe. Surtout leur courte-visée et leur nature jouisseuse, l’orgueil des nantis, leur impiété aussi. Ah ! La villa Noailles, ses jardins, j’observe Hyères en contrebas ; on passe me prendre. Le grand soleil du Sud exalte le parfum des fleurs et enlumine l’horizon. Il faut se concentrer pour percevoir ces odieux clapiers à lapins concentrationnaires, du logement de pauvres, surtout du logement de méprisés, alors que la ville est si belle. Comment ne pas échapper à l’humiliation par la voie de la violence ? J’ai grandi dans une telle horreur, ma mère y vit encore. Avec la gentrification des quartiers prolos morgiens, ça a presque l’air élégant. On aurait pu faire mieux, tellement mieux pour guère plus cher. Tasser de la populace dans un clapier de pauvres me semble la marque ultime du dédain, surtout lorsque le politique vous antiphone les psaumes de la sainte laïcité républicaine. « Tous égaux mais vous êtes de la merde » semblent proclamer crânement les barres d’immeubles à la lisière de la ville historique de Hyères. Si l’on avait été injuste au nom de principes non-démocratiques, ça passerait mieux , style : voyez les Noailles, leur belle villa avant-gardiste, etc., c’est normal, ils étaient nobles, riches et catholiques, les trois à la fois … et pas vous !  

vendredi, juillet 08, 2016

"La Lumière des Césars", premier extrait.




"La Lumière des Césars", projet uchronique, se divise en trois romans, dans un premier temps, il y en aura peut-être d'autres. "L'Affaire Julia" est le premier roman de cette saga en devenir, prise de contact avec le personnage central, son univers, ses origines. Le passage ci-dessous et le tout début de ce texte.

« Le grand Thomas a dit sans les mains, le grand Thomas a dit sans les dents, le grand Thomas a dit avec la langue … » Steeve se soulève violemment de son oreiller, repousse les draps, reprend son souffle en se tenant la tête. « Merde ». Il entend encore la voix nasillarde lui crier les ordres d’un jeu obscène. Il jette une main devant lui, disperser la grimace d’un faciès de Grand-Guignol. Il fait trop chaud dans cette chambre, fenêtres fermées, store baissé. On entend nettement la musique qui s’échappe des voitures arrêtées aux feux, en contrebas. La circulation n’est pas plus dense que d’habitude. Steve se lève et renverse une bassine qui roule sous le lit. Le jour touche à son extrême fin. « L’heure bleue », susurre-t-il, « l’heure exquise des amants secrets … » Un « cinq-à-sept » pense-t-il in fine et reste nu dans la pénombre, ruisselant de sueur, aussi trempé que son plancher. Hier au soir, le couple de vieux maboules du dessus l’a inondé. Vieilles carnes négligées par leurs enfants pas loin d’être aussi grabataires qu’eux. A eux deux, les maboules font dans les 189 ans. Elle est sourde et prend de puissants somnifères ; lui a une ouïe encore bonne mais souffre de démence sénile. Chaque nuit, il déplace les meubles, joue avec le mixer, essaie du peu de force qui lui reste de mettre en fuite la mort qui passe des moments de plus en plus longs auprès de lui. Hier soir, à plus de 2h du matin, il n’a rien trouvé de mieux que de faire couler l’eau en cataracte. La colonne d’évacuation de la maison étant sclérosée par près de soixante-dix ans de vaisselle graisseuse et de restes alimentaires, l’évier des maboules du dessus a débordé jusque dans l’appartement de Steeve.