dimanche, mars 26, 2017

Alors, facho ? Campagne d'élection au Grand Conseil vaudois


La campagne vient de commencer, un premier, un second marché, chez moi, à Morges, une distribution de pommes un lundi matin, tôt, 6h30-7h30 à la gare, avec le candidat Nicolet et un petit flyer glissé sur FB, trois fois riens, mon portrait suivi du logo de … l’UDC-Vaud !

Pour faire simple, je rappelle à la foule en délire que l’UDC est le premier parti de Suisse et que, donc, si je suis facho, je fais partie d’une majorité de fachos. Quel plaisir de faire, pour une fois, partie de la majorité ! Habituellement, je suis un croyant dans un océan d’impiété, un catholique pratiquant au milieu de foules hérétiques, un végétarien sans cesse en bute à la majorité carniste et un gay, assumé, casé, très pépère dans notre mode de vie avec Piou-Piou et le chien, notre Lou’, dans une société hétérocentriste. Laissez-moi juste trente secondes pour jouir du très rare bonheur de faire partie d’une majorité. Rhaaaaaa.

Plus sérieusement, la sus-mentionnée majorité, plus précisément l’extrait que nous représentons sur le district de Morges est composé … de gens, d’individus, ni bas-plafond, ni extrémistes ni, forcément, agriculteurs. Soit, il y en a, il s’agit du corps de métier le mieux représenté dans notre groupe mais notre canton n’est-il pas entré dans l’ère industrielle grâce à son agriculture ? Herr Dr. Nestlé n’a-t-il pas lancé le premier grand programme industriel du canton du fait même de sa production laitière ? Sans vaches, pas de lait condensé. A la section, nous donnons donc dans la viti-, l’agri- et la culture ! et deux ou trois autres bricoles.

Un quart d’agriculteurs, deux œnologues, un caviste, un entrepreneur indépendant, un chef d’entreprise, un représentant en produits phytosanitaires, un paysagiste, un retraité, un mécanicien sur machines agricoles, un enseignant spécialisé, un enseignant du post-obligatoire, une libraire et un auteur : ce qui nous fait un total de 17 ! Avec la liste n°2 UDC-district de Morges, on vous propose 17 casquettes pour 16 candidats. Qui dit mieux ? Et encore, je n’ai pas fait la liste des attributions politiques, on va du conseiller communal au député en passant par la syndicature. On manque peut-être de dames mais nous ne sommes pas du genre à remplir artificiellement une liste d’une moitié de candidates prétextes. Question diversité, on est pas mal, on compte tout de même un Hongrois. Vous me direz qu’il y en a qui se targuent de présenter une Uruguayenne à l’exécutif. Pas mal, mais attendez que je sois candidat au National, l’UDC-PAI Vaud pourra se vanter de présenter un péquin qui a lu les 2000 pages de « L’Homme sans qualité » de Robert Musil. Combien de partis sont aussi lettrés ?

Je tiens à relever que je n’ai aucune ambition politique, je m’arrêterai au Conseil Fédéral où j’irai faire avec Piou-Piou la tournée des pays homophobes, présentant à des rangées de dignitaires apoplectiques mon homme, le chien sous le bras. Ça fera jazzer mais c’est le but, et je leur ferai la morale, sur deux ou trois autres points encore : antisémitisme, misogynie, violence contre les populations autochtones. J’aurai le droit, je m’en fous de ma cotte de popularité ; quand on ferraille en politique sous les couleurs de l’UDC, la susmentionnée cotte ne dépasse en général pas le deuxième sous-sol. D’ici là, si je suis recalé au scrutin du 30 avril, je n’en ferai pas une maladie. Sur la base de certaines données, j’ai calculé que j’avais à peu près 7,2% de chance d’être élu. Deux sortants sur trois se représentent, le climat est propice à l’obtention d’un quatrième siège, donc deux sièges hypothétiques pour 14 candidats, une chance sur 7 qu’il faut encore modaliser rapport à certains candidats nettement plus en vue que moi. La dame de la liste par exemple, l’exécutif vaudois enrôlerait là une excellente recrue. Avec moi, il ne gagnerait que des surnoms piquants pour une grande partie de ses 150 députés.

Comme me le disait l’une des élues morgiennes du parti typiquement morgien que j’ai quitté : « Tu n’as aucune chance ! ». Merci. Je le sais déjà. On ne se lance pas dans une campagne au législatif pour sa propre pomme. On le fait pour le groupe, je le fais pour ce groupe qui, n’en déplaise aux détracteurs de l’UDC, ne trouve strictement rien à redire à mon mode de vie, ni à la couleur de mes chaussettes, ni au fait que je suis sans cesse obligé de leur quémander le transport (n’ayant pas de voiture et il faut toujours qu’on se réunisse au diable-vaux-vert, ce qui n’est pas pour me déplaire, la campagne vaudoise, le pied du Jura sont si beaux). Bref, ce sont de bonnes gens, sincèrement, et j’espère en faire entrer un maximum dans notre parlement cantonal. Accessoirement, je ne suis pas contre le fait d’y entrer moi-même.



dimanche, mars 12, 2017

La Lumière des Césars - extrait

Le type gazeux rentre faire des bulles à la maison, suivi de son petit chien trottinant, le pas encore plus alerte qu’à l’aller, le contact a été pris, on ne risque plus l’implosion. Le type se fait une tasse de thé et interpelle sa moitié à propos du voisin, rencontré derrière une plate-bande de « Weisse Berliner ». La moitié s’en fout, prend toutefois la peine d’émettre un « mmmh », genre « oui-oui » ou « ah, tiens ». Le type gazeux l’a dit pour le dire, comme s’il s’agissait d’une révélation miraculeuse, en prendre conscience par le simple effet d’une verbalisation. En Oméga, une pièce claire, une maison blanche en retrait de la plage, « Poble sec », Barcelone, l’immédiateté impériale de la Catalogne, un homme est penché sur son journal. Il écrit : Nous mesurons le monde qui nous entoure à l’aune de nos perceptions, et ce monde n’est jamais plus vaste que lorsque nous interrogeons notre cœur.  A côté de lui refroidit une autre tasse de thé, il lève la tête, fixe l’horizon, voir au-delà, au-delà des formes, du règne, des malheur du règne. Il n’est pas doué, tant mieux, il n’aurait pas pu tenir sa place avec le don, le talent d’un Steeve. Il sait toutefois, il ressent cet autre, à l’autre bout, cet apaisement et l’appel incoercible de l’unité, celle qui sera un jour, car « je suis l’Alpha et l’Oméga » a dit le Très Haut, d’où la mission « AEIOU » des Habsbourgs, et des deux côtés afin d’être assuré que survive la double dynastie pour mener à bien le projet. Il ne sait pas quand … lui peut-être ? ou son neveu ? son petit-neveu ? Franz Ferdinand der Zweite pense à son double, le type gazeux, son innocence et l’immense privilège  qu’il lui a obtenu, mieux qu’un royaume, la jeunesse éternelle ou le courage du lion, un petit chien en apparence. Il reprend son récit. La figure de Juda n’est pas celle du traitre mais celle de l’infini sacrifice ; comment le miracle de la Résurrection et le don gratuit de la Rémission eussent pu illuminer la Création sans l’intervention de Juda, le réprouvé. J’ai rencontré mon « assassin ». Les circonstances de son forfait lui sont encore troubles. Il fallait cet acte – fondateur – pour que suive sa venue en Oméga et toutes les péripéties dont il a été témoin et/ou l’acteur. Les signes sont clairs … « Nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs. »

Le bruit du ressac emplit la pièce, Franzi pose ses lunettes, se lève, respirer l’air du large, se sentir vivre, sans uniforme, sans protocole. L’Espagne (et accessoirement la Catalogne) est une terre éminemment habsbourgeoise. Franzi, comme son double, aime marcher dans le sable, voir s’allonger les ombres au sol. Barcelone le lui rend bien, peut-être un effet de l’immédiateté impériale mais plus certainement un effet de la bonne vie espagnole, un cœur chaud et la tête froide, du sens pratique avec le sens de l’honneur et la commisération propre aux petits peuples catholiques, c’est encore plus vrai en Alpha. L’empereur n’a pas le droit de transiter, c’est constitutionnel, même le slide est proscrit, le souverain garantie suprême de l’unité et de la permanence de l’empire car la fin contient le début mais le début ne peut présumer de la fin. « Je suis l’Alpha et l’Oméga » proclamait le Très Haut, via l’Apocalypse, prémisse de la Grande Conjonction mais Franzi laisse la mystique aux professionnels de la chose, il se contente d’envier Steeve, en pleine « illumination », selon le vocabulaire consacré, fixant une plate-bande de « Weisse Berliner », et les vastes prairies de l’histoire s’étendant à l’Ouest, vers l’avenir, la course du soleil. Franzi se raconte une histoire, s’invente une petite, toute petite vie, de celle qui tienne debout, sur deux jambes, tout enroulées autour du corps d’un garçon, avec du poil brun, un peu de barbe, des yeux intelligents et une lueur mélancolique, un garçon avec des goûts de garçon, un peu moins de trente ans, le prototype de l’ « honnête homme », selon l’archétype moliérien. En Oméga, Molière est un philosophe du Grand Règne, l’un des premiers auteurs français à avoir compris l’intérêt, la nécessité de la domination impériale. Trêve d’histoire … Franzi retourne à sa songerie, une bonne gueule, un corps sain, un peu de culot mais, surtout, sa vie en Alpha parce que la jeunesse est du côté d’Alpha, même quand on est vieux.