vendredi, décembre 21, 2007

Discrétion de mise


La question fondamentale, la bonne vieille question de l'utilité du "blog", de cet "épanchement sentimentalo-exhibitionniste" selon les détracteurs du genre, cette question revient à chaque fois que je "prends le clavier". Je ne vais pas me mentir : on m'a sali le blog, on ... Il faut mêler la malveillance à la bêtise pour ne pas comprendre l'intérêt de la chose. On trouve de tout sur le net évidemment, le tri est nécessaire entre les blogs à l'orthographe approximative d'ados boutonneux ou les atermoiements de vieilles filles trop seules ou de messieurs taquinant la muse ! Et je ne parle pas de la fausse ingénuité des animaux politiques qui veulent faire "dans le coup" ou des petits trucages de la presse poubelle-gratuite. Le dernier pseudo-scoop en date, un inconnu avait inscrit les sept conseillers fédéraux à Face-Book, le gratuit-poubelle a mené l'enquête et, par miracle, retrouvé l'inconnu ! Quel talent et quelle esbroufe, 20 Minutes prend vraiment ses lecteurs pour des canards sauvages. Je n'aurai même jamais osé un coup pareil, un pote-complice, le coup du Face-Book et la pseudo enquête ...

Le blog, ce lien privilégié entre un "écrivant" et ses lecteurs, appelle des règles de pudeur et de discrétion. Soit, tout le monde passe au cabinet pour s'y "délasser", il s'agit d'une réalité physiologique et pas d'un secret d'Etat. Il n'est toutefois pas nécessaire de bruiter de manière sonore des flatulences à chaque fois que quelqu'un se glisse discrètement vers les lieux d'aisance. Il n'y a ni prosélytisme, ni scoop, ni croisade. Il n'y aucun enjeu, toute cette publicité vulgaire n'est qu'un manque de tact. La métaphore peut sembler choquante mais le blog est le produit de la digestion symbolique de nourritures intellectuelles; l'expérience est faite pour être partagée non pas offerte à la vindicte publique après avoir été galvaudée par les ayatollahs de la morale. Un propos intime ne supporte pas l'exposition prolongée. On retrouve l'esprit délateur d'une bourgeoisie dominante et complexée, souffrant elle-même de règles de conduite trop strictes et interdisant à ceux qui ne voudraient pas s'y soumettre d'inventer une alternative. Raccourcis et conclusions hâtives sont souhaités voire obligatoires.

Cela faisait bien longtemps, mon lecteur, que je n'avais pensé à toi dans les termes simples de celui avec qui je partage quelques instants, comme une conversation de boudoir, revenir en "mine de rien" sur une année riche en coups de théâtre et en émotions. Je préférais - évidemment - l'époque bienheureuse quand nous étions sûrs de ne pas être épiés mais qu'importe. On n'est pas prêt de me faire taire, on n'est pas prêt de nous séparer ! Tu auras reconnu dans ce "on" une tournure ramuzienne, un usage faussement simple et rural, le "nous" de la puissance complexée de l'Etat de Vaud, cher pays que je porte quasiment en moi. Je t'écris de mon lit, comme il se doit, dans mon vieil appartement, des vêtements épars sur la bergère de satin brun, du linge dans la salle de bains, une tasse sur la table de la cuisine, des livres un peu partout et des notes de cours. Mon cher lecteur, je t'ai un peu négligé, je ne t'ai pas oublié, j'ai donné de mon temps à mes élèves, et Gayromandie, et les travaux de retouche, la préparation de la publication de "La Dignité", le fameux texte par lequel le scandale est arrivé, et encore ma présidence à la tête de l'Association Vaudoise des Ecrivains, et mon année jubilaire !

Te souvient-il, mon lecteur, lorsque je te parlais de la vie réglée de Thomas Mann, le grand modèle qui en toute circonstance n'a jamais dévié de sa trajectoire d'homme de lettres, jusqu'à refouler son homosexualité. Je crois, parfois, toucher à cet idéal. Je n'ai pas encore les coudées aussi franches mais je sais que rien ne viendra infléchir ma volonté à construire une oeuvre. Je ne suis plus seul dans cette tâche et je ne compte pas travestir ma sexualité. Je l'assume et la porte jusqu'à l'Eglise en compagnie de Cr. Il a en tête de faire monter ma pièce "L'Autre, comédie métaphysique". J'apprends donc cette vie plus "assise", plus réglée et confortable que celle que j'ai menée jusqu'à présent. Je n'écris plus pour un mais pour deux, pense pour deux et suis même tenté de concevoir une nouvelle sphère familiale.

Aucun commentaire: