mardi, juillet 31, 2007

Tant pis


Tant pis, tant pis pour les mensonges lénifiants, pour le fourvoiement, pour le réagencement, tant pis et tant mieux si cela contribue à rebroder nos existences, leur donner le lustre, l’éclat, la richesse qu’elles méritent car nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs. J’ai même lu dans un album de photos, un livre d’art feuilleté à la librairie de la Hamburger Bahnhof (le musée d’art contemporain de Berlin), ai donc lu que nous étions tous des anges, selon le témoignage d’une jeune fille israélienne de 25 ans, brûlée aux 70% de la surface de sa peau. Elle porte une sorte de bustier couleur chair qui doit palier les déficiences de son épiderme.
Nous venons de rentrer de la séance « Mongay » au Kino International avec C. Elle est sous la douche, le temps de ce billet, avant que nous ne prenions le thé. Nous sommes allés voir Angel le dernier film de François Ozon, assez mal reçu par la critique qui ne comprenait pas … La critique ne comprend jamais, il faut tout lui expliquer, même lui dire ce que l’on doit trouver beau. Angel est romancière, elle l’a toujours été, elle a reçu ce talent … Elle ne lit pas, elle n’en a pas le temps ; elle a les goûts et les manières frustes des laborieux … Qu’importe, elle n’est pas critique, elle est l’autrice. Et, comme tous les gens de lettres, elle invente sa vie. Elle la tricote au fil de sa plume. C’est une vie kitsch et Ozon nous fait partager l’esthétique romanesque de son héroïne, le rêve qu’elle a fait de son propre destin. Alors qu’elle a juste rencontré son futur époux, un peintre du genre artiste maudit, il lui jette à brûle-pourpoint : « Je connais votre secret, vous ne dialoguez pas avec vos lecteurs mais vous vous racontez une histoire ! » Et l’histoire finira mal bien, je veux dire avec le tragique qui sied aux grandes destinées les lavant ainsi de tout soupçon de kitsch.
Je repense au banal lénifiant des parents, des grands-parents évoqué dans le précédent billet. Ils n’étaient soit pas gens de lettres, ils n’ont pas su rêver leur talent assez fort. Ils y croyaient juste assez pour se persuader que le monde allait bien ainsi. Et il allait miraculeusement bien après deux guerres mondiales ! Il faut dire qu’on avait su convaincre le bon peuple que tout ce bonheur découlait de son obscur travail. Si, si, il s’acquittait fort bien de toute tâche subalterne. Et il n’aurait de toute façon pas eu le talent de faire autre chose, le bon peuple !

lundi, juillet 30, 2007

La relique



J’aime particulièrement les riens qui font cette ville, quelque chose en deçà de l’anecdote, la simple réalité du métro par exemple, sa lenteur et certaines de ses lignes profondes chauffées comme une serre. Hier soir, cela tombait bien … Il pleuvait, un petit vent aigre refroidissait sévèrement les touristes mais pas les locaux, attachés à leur T-shirt comme à l’esprit libertaire qui flotte sur Berlin parce que, voyez-vous, sur le calendrier, il est écrit « été ». Je sortais d’une kneipe gay ; un établissement comme n’importe quelle autre kneipe, avec de la bière à flots, de la fumée, des rires gras et des manières un peu rustaudes mais version gay. On y voit de solides garçons travaillant certainement dans la construction ou la voirie s’embrassant à pleine bouche.
Wittenbergplatz-Alexanderplatz en U2, vingt-cinq minutes de trajet, de la lecture et, pourquoi pas, de la musique. Je n’ai pas refait la programmation de mon lecteur numérique depuis mon arrivée à Berlin, je picore de ceci, de cela parmi les 120 titres stockés … Ce n’est là que du détail … Imaginez, je suis en train d’avancer dans la lecture des Enfants Tanner, du Walser, « un auteur contestataire » selon le mot d’un agent de l’appareil d’état auquel j’ai eu affaire il y a quelques mois de cela. Je rentre donc chez moi, chez C., mon adresse berlinoise. J’entame ma troisième semaine de séjour, je ne vais rentrer qu’à la mi-août, j’ai laissé un tas d’ennuyeux et leurs mauvaises raisons quelque part bien plus à l’ouest. Je travaille en ce moment aux mémoires de Frédéric-César de la Harpe. Et il y a les soirées, boîtes et bars ; et il y a F., il y a l’autre C., il y a P., des garçons charmants. Du détail encore …
Imaginez déboulant au détour de tout cela Maître Cappellovici ! Qui se rappelle aujourd’hui encore des Jeux de 20H ? Oui, j’ai en stock un florilège de génériques de séries et émissions télévisées françaises. Quelque part à la hauteur de Hausvogteilplatz, je me suis retrouvé avec le souvenir de soirées d’enfance, de la lumière de la fin du jour, lumière rasse d’été, 1979 ou 1980, le salon familial, les fauteuils, le canapé de skaï blanc, profonds. Pendant que je regardais Les Jeux de 20H, à l’époque quand la France d’après 68 franchouillait gentiment, Berlin existait ; cette ligne de U existait, à moitié peut-être, ou l’une de ces lignes avec des stations fantômes. Il y avait des troupes françaises stationnées du côté de Spandau, je crois, des militaires et leur famille, avec peut-être d’autres petits garçons qui regardaient aussi Les Jeux de 20H, pour peu que l’on retransmettait à ces téléspectateurs un peu spéciaux les programmes de FR3. Il faudrait que je me renseigne. En ce temps-là, Berlin était coupée, mutilée, les gays au placard mais le monde allait, presque propre, presqu’en ordre, chacun dans sa petite boîte. Serions-nous arrivés à de nouveaux temps héroïques ? Faudra-t-il pamphlétiser puis prendre les armes ? Comment pourra-t-on jamais nous affranchir de toute cette touchante banalité, de cette logique bidon et douillette dans laquelle mes parents, mes grands-parents avaient endormi leur conscience, et je préfère ne pas parler du quarteron bourgeois néo-révolutionnaire des fils et filles de famille qui, après avoir fait un joli mois de mai, ce sont empressés d’en inventer une relique à placer au-dessus de la cheminée, répondre ainsi à leur logique atavique de classe.

vendredi, juillet 27, 2007

Le vide-poches


Avec J., j’ai appris un certain nombre de raffinements pratiques, tel que le … vide-poche ! Ce genre d’objet de rien, catégorisé de la façon la plus vague, permet de rassembler et tenir nos miettes existentielles en un seul lieu, dans un espace ouvert et confiné à la fois, laissant le plan de nos existences le plus lisse possible. De plus, lorsque l’on cherche une chose ou l’autre, il suffit d’aller voir dans LE vide-poche : clefs, bijoux de pacotille, portable, listes, tickets et autres, et tout ce dont on a toujours besoin, de l’élastique au trombone, à de la menue monnaie, tout y tient !
Ce matin, en sortant de chez F., ma première idée : trouver un vide-poche ! Hier déjà, au Karstadt de Charlottenbourg, j’ai soupesé tout ce qui, de près ou de loin, aurait pu en tenir lieu. Plats, assiettes, corbeilles, boîtes, coupes, cartons, tout je vous dis ! Le vide-poche navigue entre l’Arlésienne et le truc, tantôt ça n’existe pas, tantôt tout fait l’affaire ! J’ai finalement trouvé une coupe de laiton émaillée qui, comme le dirait ma mère, « fera la rue Michel », un objet d’occasion doublé d’une bonne action provenant du Tierheim Trödel, une brocante en faveur d’un foyer pour animaux abandonnés.
Je pense ramener l’objet en Suisse, je le regarderai comme un trophée … Rien à voir avec F., le beau et jeune F., ce teint si clair, la souplesse d’un corps de 24 ans, une allure et des questions en mine de rien « Hast du viele Freunden in Lausanne ?» Je pourrais imaginer bien des choses pour ces yeux pervenche, pour cette douceur … Ma victoire se situe ailleurs … Et je n’en suis qu’au début. Je placerai le vide-poche dans l’entrée, sur le petit meuble à tiroir, y jeter négligemment mes clefs à chaque fois que je rentrerai.
Chez Walser, il est question de menus détails domestiques, de pièces de vêtement, de la qualité du papier, de porte-plumes, de buvards et de taille-crayons et d’un peu de vaisselle. Je me souviens que, dans la description de la maison Mann, à Münich, tous ceux qui l’ont fréquentée parle d’un ours empaillé au bas de l’escalier, dans l’entrée, portant un plateau d’argent où déposer les cartes de visite. Guibert me semble jouir d’un vide-poche, Mauriac en pourvoit ses anti-héros bourgeois. Il y aura désormais dans mon autofiction un vide-poche, discret témoignage de ma victoire.

mardi, juillet 24, 2007

Mein Schatz


J’ai vu … j’ai vu des choses bien trop précieuses pour les livrer ici. Je vais les garder dans le secret momentané des chroniques berlinoises, je vais les garder pour moi, à moi, encore un peu, juste le temps d’en croire la mémoire de mes yeux, de me remémorer la saveur si rare de cet instant, de cette situation pourtant banale au demeurant ; pensez donc, une scène de bus ! Je regrette presque d’avoir tant fait de bruit autour de Berlin, de l’avoir galvaudée alors qu’elle est faite pour l’entre-deux somptueux de révélations entre gens introduits, je veux parler de la porte entrouverte sur un ailleurs à propos duquel les connaisseurs s’entendent … Ensuite viennent les considérations du vrai et du faux Berlin mais les quartiers à touristes noceurs, buveurs et vomisseurs de bière font partie de la réalité, du lyrisme de la ville. Tout cela n’a, toutefois, rien à voir avec mes précieuses chroniques … L’authenticité : du blabla d’hebdomadaire sans imagination au mieux, avec tests comparatifs de prix et deux ou trois choses tout aussi inintéressantes et pas même l’adresse de la kneippe où l’on sert la bière la moins chère. Tenez, je ne suis pas avare, ça, je vous le donne, Die Franken, un stübli en face du SO-36, en plein Kreutzberg.
Ne pas en rester là … Imaginez ce qui, un roman de Walser à la main, dans le bus 240, au retour de Friedrischshain, a bien pu me frapper. Essayez de concevoir, avec ce que je porte, avec mes romans (pour ceux qui les auraient lus), ma situation, la politique allemande, les particularités berlinoises, le poids historique de la société wilhelminienne, de ses vestiges, essayez donc de concevoir le trésor qui m’a été confié. Ç’aurait presque pu être tiré des Enfants Tanner, ma lecture du moment.
Je tiens mon motif, quelque chose de discret, de subtil. On pourra dire « mais oui, c’était le séjour, celui de six semaines avec l’histoire du bus », tout le reste en banal, une vraie vie avec des caddies que l’on remplit pour rien chez Kaufland, avec des meublés tout en Ikéa, avec la rencontre de F. et le courrier, et les affaires qu’un homme de lettres est toujours obligé de régler même à distance.

vendredi, juillet 20, 2007

Vol de nuit


Une phalène frappe le plafond, cherche sa place ; j’écoute l’épaisseur de la nuit. J’aime la posture de « l’homme de lettres », une façon très avantageuse de paraître – d’être – à soi-même. J’aime la musique économe de ces quelques phrases, le début du roman, de l’aventure, un départ immédiat pour des ailleurs séduisants voire mystérieux, pour l’univers paradoxal du récit (à la façon du sommeil paradoxal).

Je me trouve donc à mille lieues de mes débats clochemerlesques, de la vendetta molle des suppôts moscovites et de la lecture approximative d’un certain jeune publique forcé de s’enivrer le week-end, donner ainsi un rien de relief à sa courte vie et oublier les manipulations parentales. Et je les comprends tous, de bien braves gens, somme toute, pas vraiment homophobes ou racistes ; on va dire pusillanimes. Et je suis persuadé, on me jurera le contraire évidemment, qu’ils vont continuer de se mettre la tête à l’envers, s’interrogeant sur la question de la limite, du public, du privé, de l’image et toute cette sorte de choses pour bien une année encore, si ce n’est plus.

La phalène se rappelle à mon attention, quelque chose l’a tirée de son court repos. La pièce dans laquelle je dors est vaste, haute de plafond ; l’insecte ne va pas tarder à se poser … Parfois, il cherche une nouvelle route, traverse l’air avec effort et volonté, il doit être fatigué d’évoluer de-ci, de-là, il vient de se poser quand bien même la place ne lui plaît pas. Je me plais à peu près partout, je ne fatigue pas : je ne suis objectivement pas une phalène. Et les phalènes ne goûtent pas la poésie walserienne du rien, quelque chose du sublime du rien suisse, une petite touche … Les franges de l’abat-jour, le lampadaire à côté de mon lit par exemple, leur petit balancement parallèle lorsque je bouge un peu, le mouvement passe du matelas au sommier, aux pieds du canapé-lit, au parquet, à la canne du luminaire jusqu'à son abat-jour frangé.

J. apprécie aussi ce genre de détail insignifiant. Berlin lui parle donc beaucoup, par la lumière, la qualité du sensible, la beauté des garçons. Je l’ai laissé dans son appartement, il est souffrant, il a pris froid, coup de grippe … Il n’est pas plus déçu « que ça » de la tournure de son séjour. Il explore l’éventualité de sa frustration et lit quelques pages de Paul Auster. Berlin offre une paix contemplative à ses habitants, soient-ils occasionnels … La phalène a encore changé de place, après l’arrière d’une rangée de livres, elle vient d’opter pour la rosace de plâtre, au centre du plafond. Je vais l’y laisser, je vais éteindre.

lundi, juillet 16, 2007

L'art et la manière


Samedi, 14 juillet
Il est question de manières … et d’habitude : je n’arrive pas à me glisser dans la peau d’un homme de lettres en vacances à la recherche de repos et de distraction. Je suis chez J., l’appartement qu’il a loué pour la semaine, Wilhelmstrasse, une bâtisse honeckerienne fin de règne, à peine ripolinée ; les apparatchiks étaient apparemment assez bien logés. L’intérieur est commode, presqu’élégant, de l’Ikea à peine fatigué et deux ou trois bonnes idées décos. En entrant dans la chambre, un peu auparavant, j’ai réalisé la vue étonnante, le monument aux victimes juives d’Europe, Potsdamerplatz … J’attends la venue de J. J’ai fait des courses, aéré, arrangé les rideaux, préparé un plateau, grignotage, il n’a encore rien mangé depuis ce matin. Il vient de m’appeler, il était dans le taxi, à peine sorti de Schönefeld.
En vérité, je suis seul avec mon envie – ou non – d’écrire, produire une œuvre, tenir le blog, diriger un portail internet, faire carrière ? J’ai des vacances « impressionnistes », brefs instants, effleurement léger, l’aile du soupçon et, pourtant, il y a toute cette bonne vie à laquelle je m’adonne, le bien manger, le sensuel, la bonne compagnie, le repos, l’amabilité des gens que je rencontre dans mon séjour de Lichtenberg parce que, dans le Brandebourg, on est nettement plus aimable avec le client que par Lausanne ou Genève. Dans ces instants-là, je me reconnais pleinement et mille idées d’articles se bousculent, j’ai envie de me mettre immédiatement aux « Mémoires d’un Révolutionnaire », je pense à quelques lettres qu’il me faudrait écrire, des renseignements à prendre, puis l’enthousiasme retombe. Je m’assois à la cuisine, la jolie cuisine de C. avec son banc d’angle et des coussins à fleurettes sur fond grenat. Je me dis que je vais changer de profession, vendre des machines à laver, j’aime beaucoup l’électroménager.

vendredi, juillet 13, 2007

Zurück nach Berlin


De retour à Berlin … de retour et non « à nouveau ». Plane le souvenir de mon précédent séjour estival, j’étais en pleine rédaction de La Dignité. Impression que, depuis, les mots se sont éteints. Je logeais chez une artiste indépendante, une Suissesse, femme de talent et de caractère jouissant d’un appartement assez peu commode mais plein de charme. Il y a aussi l’appartement de la Weserstrasse qui me manque. La co-location était amusante, il y avait toujours quelques spécimens très berlinois qui traînaient dans la cuisine avec quelques cadavres de bière. Je ne sais toujours pas ce que je viens chercher en dehors de mon jeu de rôle littéraire dans cette ville ? De l’exotisme, du divertissement, des rencontres faciles, l’évidence de tous ces garçons … oublier la souillure d’une administration qui s’est plue à me vilipender, l’empoisonnement lent et certain de myriades de toutes petites choses. Mes chaussettes, par exemple, la série de sept paires portant sur le haut de la cheville le nom du jour adéquat. Elles me rappellent un quotidien répugnant, des transits ferroviaires à potron-minet, tout le sordide propre à la classe laborieuse qui devrait dire merci pour avoir le droit de gâcher ainsi son temps sous la houlette d’une hiérarchie inique …

Je retrouve auprès de C. un peu de la vie que je menais à Morges chez mes parents, j’essaie de retrouver l’allant de cette époque aussi, qui était avant tout marquée par une francophilie parigote. A croire que tout Vaudois doté d’un peu de cervelle se devait de se préoccuper de la politique spectacle du grand voisin. Quelle blague ! Le gauchisme caviardesque a juste contaminé la classe dirigeante romande d’alors, nous précipitant dans des abîmes de médiocrité intellectuelle. Il n’est pas donné à tout élu de Jack-Languiser à qui mieux mieux. Cela requiert de l’aisance et du subtil talent de ne pas paraître y toucher.

Je n’arrive pas à concevoir que ce lit que je connais si bien, cette couche où je repose près de soixante nuits par an se trouve quelque part du côté de Lichtenberg, Berlin … Je suis en passe de m’y endormir la tête pleine de cartes postales … Ne plus croire au voyage, à la belle saison, aux rencontres

mercredi, juillet 04, 2007

4 juillet, 12°


Le ciel n’est qu’acier et vapeurs romantiques, il pleut sur la ville une fatigue si ancienne, à la fois confortable et aigre … Fatigué comme un vendredi soir, envie de s’accouder à la fenêtre, un instant, rien qu’un instant, boire la noble désolation du panorama, une promesse sans désirer pour autant le soleil … Je songe au grand désordre, au fracas de l’été passé, Weltmasterschaft et canicule, la ville entière livrée à une stupide bacchanale.
Petite musique, tambourinement discret, liquide, gouttelettes invisibles et parfois le passage mouillé d’une voiture anonyme. Envie de s’assoupir dans l’attente d’un été impossible, d’une gloire si brillante qu’il nous faudrait bien un siècle de repos pour trouver la force de l’admirer. Je n’arrive pas à quitter la vue cataclysmique de ma fenêtre, des montagnes charbon et comme une colère spectaculaire prête à exploser et si seulement …
A la salle de sport, au hasard d’une chaîne musicale, mcm, j’ai vu le clip de Beautifull de Christina Aguilera, l’histoire du mal-être universel, les riens qui vous font vous prendre en horreur face à une norme verticale impossible. La chaîne avait pris la liberté de sous-titrer les paroles, belles et touchantes, de la chanson. Un vieux trav’, une anorexique, un adolescent rachitique … souffrir de soi parce que l’on arrive plus à habiter cette surface à laquelle on s’arrête.
Envie de réécouter cette chanson. L’un de mes élèves m’avait donné l’adresse – fort commode – d’un site musical gratuit, une phonothèque géante en libre accès ; je n’ai pas perdu mon année ! Et après Christina, encore envie d’un détour par un titre de Danny Brillant, découverte de la délicatesse rêveuse de Danny Elfmann avant de retourner vers le faux vintage si plaisant de Brillant, ne me manque plus qu’un gin-fizz pour parfaire cette soirée un peu fraîche.

dimanche, juillet 01, 2007

Les mots de rien


Ne pas se laisser déborder par ... le contingent, les fausses urgences, les fausses priorités quoiqu'il puisse en coûter à l'homme de lettres. Dans cette étrange profession, vivre est un impératif, et vivre aux limites de son milieu, de la logique, de la cité, du monde dit "civilisé" ... Jamais l'on n'a vu une carte géographique blanche sur son pourtour. L'auteur doit, sans cesse, élargir son territoire, se rendre aux limites de celui-ci afin d'en témoigner. Inventer ces limites tiendrait de la broderie, de l'occupation pour dame désoeuvrée l'après-midi ...
Je ne crois donc pas au roman, genre bâtard et inutile, coquille vide, effet de manche littéraire. La fable ou la parabole mais jamais, au grand jamais, la pauvre invention d'histoires abracadabrantes, de ces fariboles un peu historiques ou culturelles. Je m'engage, avec Les Mémoires d'un révolutionnaire, sur la sente étroite d'un jeu avec mes propres interdits littéraires. Il n'est pas questions d'un récit édifiant pour adolescent de bonne famille mais de rendre la parole à Laharpe, un homme trop poli peut-être, un héros qui n'a pas voulu charger ses compatriotes ... C'est une leçon dictée par la mauvaise humeur, c'est aussi le récit d'un amour déçu, d'une rencontre ratée.

Hier soir, sur Arte, j'ai entendu parler d'une auteur de BD (autrice ? auteure ? auteuse ? je vote, sans malice, pour autrice) d'une autrice, donc, qui ne peut rien dessiner si elle n'a pas vécu la scène. L'autofiction vient donc d'aborder une nouvelle terre. En filigranne, le charme du banal, dessiner le quotidien avant qu'il ne passe. Rendre la poésie des jours comme la séduction des mots de rien, les seuls capables de laver l'outrage de ... l'outrage, ce n'est plus le temps de la polémique.