mercredi, avril 11, 2007

Orat et laborat

C'est bon ! Les suppôts moscovites (rapport l'oeil de Moscou), les pauvrets de C. (village où vécut Mme de S.) et mes contempteurs : je leur ai servi à tous leur paquet ! Et pour leur gouverne, celui qui prend la plume en cet instant se trouve être le vice-président de l'Association Vaudoise des Ecrivains et le nouveau lauréat de la bourse d'écriture que l'Etat de Vaud accorde chaque année. Me voilà auteur accompli, reconnu et par mes pairs et par l'autorité cantonale. Je ne tire aucun orgueil particulier de ce nouvel état de chose; je suis simplement heureux et fier de récolter ce que j'ai cultivé durant de longues années, je suis ému de la confiance et du respect que l'on me porte et je me sens lavé des sarcasmes et des insultes (à peine voilées) auxquels j'ai été en butte ces derniers mois. Mêmes les pense-menus n'ont jamais nié mon talent, ils le reconnaissaient avec une complaisance presque ... obséquieuse. Je me sais plus d'amis que la pauvre poignée de détracteurs qui gigotent et croassent dans leur marais d'obscurantisme. La peste des intégristes de tout poil ! Il leur faudra déployer des trésors de patience car ils vont encore entendre parler de Frédéric Vallotton. Je leur laisse la surprise de mes prochaines activités journalistico-littéraires.
Mais rompons ici, je retrouve la paix et la dignité de Thomas Mann; il est vrai qu'il me manque encore un conjoint afin de régler les affaires du ménage, s'occuper des mille riens qui distraient de l'oeuvre. Je dis cela avec humour et sérieux à la fois; quelqu'un pour gérer et la dactylographie des manuscrits, les histoires de linge, de course, les tasses sales qui traînent, les factures à régler, le suivi du courrier ... ce quelqu'un me serait d'un grand secours et aurait toute mon affection. Je me rappelle du mot de la veuve Ramuz, lorsqu'on lui fit remarquer que jamais son époux n'avait parlé d'elle dans son oeuvre. Elle répondit "Mais si, là, dans son journal, il est écrit on m'apporte le thé, le on c'est moi !" Je pense aussi à la l'industrieuse Katia Mann-Pringsheim, qui sut élever cinq enfants et assurer le calme parfait dans la maison, le silence dont l'auteur avait besoin. Elle ira jusqu'à ravaler sa frustration sexuelle par amour pour Thomas. La littérature est un sacerdoce pour l'auteur et toute sa maisonnée ... Je n'ai malheureusement pas réussi à retenir grand monde auprès de moi. Quelques amis, dont deux à Berlin, ma mère ... Et le demi désordre de mon vieil appartement, les manuscrits en cours, les projets ... Un vêtement fatigué sur une patère de l'entrée. Et parmi tout ça : le respect de mes pairs, la reconnaissance de mon talent, "une plume courageuse" m'a-t-on glissé ce matin au téléphone. Voilà le plus beau compliment que l'on ne m'ait jamais fait, une récompense encore plus grande que la bourse allouée. Cet argent sera tout de même le bienvenu. Lorsque Thomas Mann reçut le prix Nobel, il acheta, entre autres choses, deux voitures et un phonographe. Je me suis offert une belle paires de chaussures, noires, de fabrication suisse, un modèle indémodable au cuir très luisant et un disque dur externe, assurer une sauvegarde de mes fichiers, éviter de tout perdre dans la déroute prochaine de mon vieil ordinateur ...

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