[…] Non, trois fois non, il n’ira pas à Berlin, il n’ira
plus à Berlin. Le petit auteur romand pense pareil, parce que Nino l’a mis dans
la confidence de ses hésitations. Le petit auteur lui a fait l’inventaire de tout
ce qui avait disparu et pourquoi c’était mieux « avant », comme
disent les vieux qu’ils ne sont pas encore, et tout se tient dans les limites
du « encore ». C’est un charmant inventaire à la Prévert, dans lequel
défilent d’humbles tea-rooms, des maisons de légende, des cafés-brocantes, des
salles de cinéma, des bars à culs, des saunas gay, des soirées mythiques, des
circonstances, des couchers de soleil depuis un pont, qui n’est pas un pont et
ne s’appelait pas encore « Warschauer Brücke ». Il y a encore des WG
à Friedrischshain, de folles amours, un prince charmant, des chagrins baroques,
des courses dans le Kaiser’s du coin, le Palais de la République, des places,
des rues … Rien, vraiment rien, le temps n’a rien respecté, surtout pas les
espoirs d’un jeune auteur au talent littéraire en pleine formation.
Objectivement, Nino ne pourrait pas se rendre à Berlin ; il paraît que le
restaurant turc en-dessous de chez Shlomo, littéralement le stamm de ce
dernier, ne va pas fort, désaffection populaire. Depuis le soutien massif de la
diaspora turque à l’élection de Recep Tay-machin truc, on se méfie de ces cafés
où les hommes parlent trop fort et semble prendre de haut la clientèle
allemande et les touristes. Il paraît que Shlomo traverse la rue en babouches –
rue devenue quasi piétonne, avec des espaces de jeux à mioches protégés par d’épais
blocs de béton barbouillés de couleurs – il traverse donc pour se rendre dans
un autre café turc, pile en face, décors kitsch de rigueur, musique kitsch,
très bonne cuisine et une clientèle féminine exotique, maquillée à la manière
de bagnoles volées et pas le moindre voile à l’horizon. Friedhelm et Ditmar ont
quasi déménagé à Cologne ; Friedhelm s’apprête à intégrer l’alma mater de
la Colonia Claudia Ara Agrippinensium et Ditmar a trouvé du travail dans une
clinique du centre. Monsieur Robert et Eldrid pense laisser les rênes de l’Institut
Benjamenta à « Présence suisse », à son faiseur de directeur et se
retirer au Tessin. Magda et son second époux se sont fait construire une jolie
maison en bois au bord de la plage, à Warnemünde. Nino n’a d’aucune manière
participé à la légende, il a pris le train en marche. Il ne va pas se mettre à
courir après un mirage. Il y aura encore des printemps magnifiques à Berlin,
des étés paresseux, de romances merveilleuses et des grosses tantes anglophones
qui aboient bruyamment à la fin de chaque phrase aussi. Tout ça se fera sans
Nino et sans que l’intéressé n’en conçoive le moindre regret.
lundi, juillet 16, 2018
mercredi, juin 27, 2018
"Le génie et la déesse" de Aldous Huxley
Aldous
Huxley n’est pas qu’un auteur de SF à caractère New Age, c’est un homme de
l’ère victorienne qui a réussi à s’échapper de son siècle. Il témoigne de sa
stature morale, entre autres, à travers un bref opus : « Le génie et
la déesse ». Le volume m’est tombé entre les mains je ne sais trop
comment, une bibliothèque à débarrasser ou un achat dans une brocante. Quoiqu’il
en soit, j’étais sûr de la qualité du texte, ce petit rien d’ironie, un solide
fondement philosophique et logique. Il faut tout de même « rentrer dans le
texte », genre deux vieux qui se racontent leurs faits d’arme, une touche
de condescendance, notre auteur a passé 60 ans, il est malade, ça commence à
sentir le sapin, du coup on peut excuser l’apprêt pontifiant de l’incipit.
Donc, deux
vieux, du whisky, des souvenirs, un peu de psypsy à la sauce freudienne,
invocation de ce bon vieux Sud, on se croirait passé dans un roman de Julien
Green. Il y a un jeune scientifique plein de morale et de piété ; il y a
un grand génie distrait, asthmatique et infantile, sa femme, Kathy, superbe,
elle pourrait être sa fille et deux enfants, une adolescente poétisant et un
jeune garçon. Ne surtout pas oublier la vieille Beulah, la nounou servante
noire qui veille à tout. Le jeune scientifique est bâti comme un dieu, il va
sans dire. Il s’agit de l’un des deux vieux pontifiant qui se racontent leur
vie. Tout comme Julien Green, il expose à quel point il pouvait être quiche à
20 ans, tout pétri de principes pieux et
moisis. Ah ! les ravages de la bonne morale protestante, là où la
sensualité catholique et le pardon de la confession représentent un véritable
progrès. Le sujet du « Génie et de la déesse » n’est toutefois pas
là.
La belle
Kathy est une femme à l’attitude olympienne, une mortelle qui se comporte comme
une déesse. Promise à un grand mariage, elle a préférée épouser un vieil
hurluberlu, un scientifique infantile porté sur la chose, comme un nourrisson
qui ne peut s’empêcher de sucer son pouce. Le type est totalement déconnecté de
la réalité, il est au-dessus de ça. Question, l’esprit est-il supérieur à la
vie, la sensualité propre à tout existence humaine ? réponse huxleyenne :
non, lorsque l’amour et la sensualité ne sont plus présents, le génie tourne à
la manie, une succession d’anecdotes montées en boucle. Evidemment, la belle
Kathy finira par coucher avec le jeune puritain au corps de dieu grec et il n’y
a aucun scandale dans ce fait. Son mari le génie est au tapis, malade,
quasiment mort ; son épouse doit lui insuffler le souffle vital qui lui
manque et comment le faire si elle est elle-même à bout de souffle ? Se
reconnecter à son corps, jouir, dormir, manger, être en santé et faire déborder
cette santé dans la personne de son époux.
Huxley
semble deviner le tournant moral coincé du … ce que vous pensez des prochaines
décennies. Le récit est implacable, les ravages d’une morale sociale bornée alors que le grand charme de la
bourgeoisie s’exprime dans la coulisse. Moralité, à présent que le sexe est
devenu une pratique publique, galvaudée, étalée, il n’est plus libre, il est
contraint, frustration, compensation, déraison et obésité des foules à la clef.
Pour être heureux … baisons caché !
jeudi, juin 21, 2018
Discours de fin de présidence au Conseil Communal de Morges
Monsieur le syndic, Mesdames
et Messieurs les municipales et municipaux, Mesdames et Messieurs les conseillères
et conseillers communaux, l’usage veut que le président sortant, lors du
dernier conseil qu’il préside, fasse un discours. J’ai été un président très
avare de ses discours, je n’en ai pas fait plus de trois, et une ou deux
interventions au débotté. Ce sera donc le quatrième discours de mon mandat
présidentiel, j’en ai un cinquième d’ici la fin de la semaine. Le temps du
bilan est venu mais, non, pitié, l’évocation
par le menu des mille et un petits riens de la présidence n’a rien de
folichon. J’ai pensé, pour vous distraire et vous édifier, vous lire un
florilège de mon œuvre mais je vous laisserai le plaisir de découvrir mon style
inimitable dans l’opus que je ne manquerai pas d’écrire suite à l’expérience de
la présidence et je dois vous remercier pour toute cette matière que vous
m’avez offerte, je n’en ai pas manqué une miette depuis le perchoir.
Plus sérieusement, la
présidence n’est pas une fonction personnelle, du moins je ne l’ai pas conçue
ainsi. Quelqu’un m’a demandé « mais pourquoi salues-tu toujours la
secrétaire et sa suppléante et l’huissier et son suppléant alors qu’ils ne sont
pas tous présents ? » Et pourtant oui, ils sont présents, peut-être pas
de manière physique mais dans le travail du bureau élargi. La présidence, c’est
la voix du bureau élargi ou le chef de chœur. Sans le bureau, pas de
présidence. Le bureau élargi est un lieu de dialogue privilégié inter-partite,
une zone de porosité qui permet des échanges vitaux à la bonne marche du
Conseil. Si j’étends ma logique, la présidence, c’est vous tous, aussi et pour
tout le travail accompli durant cette année, je vous propose d’applaudir les
membres du bureau et de vous applaudir par la même occasion.
Notre Conseiller
fédéral Ueli Maurer a récemment dit lors d’un congrès « Il ne faut pas
avoir peur de s’ouvrir aux bonnes idées, qu’elles viennent de gauche ou de
droite, une bonne idée reste une bonne idée ». Poursuivant dans cette
logique, j’ai un vœu à formuler, avant que nous ne passions à ceux de la Cogest
et ceux de la Cofin, vous excuserez la naïveté de ce vœu, mettez-la sur le
compte de ma relative nouveauté parmi vous, j’ai rejoint ce cénacle en février
2015 - à ce propos, je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de conseillers qui ont accédé à la présidence après avoir siégé seulement deux ans et demie au Conseil et, qui plus est, issu à deux reprises de la liste des viennent-ensuite - vous avez
fait preuve de pas mal d’audace, vous avez eu bien raison de vous applaudir …
Donc, pour en revenir à ce vœu, pourriez-vous, lors de chaque intervention,
essayer de vous mettre à la place de l’intervenant, essayer de comprendre son
intervention de l’intérieur avant de bondir le contredire. Vous pourrez
intervenir pour améliorer sa proposition, la compléter ou la préciser car il y
a bien plus de choses qui nous réunissent dans l’entier du Conseil que de
choses qui nous séparent.
jeudi, juin 14, 2018
"Maîtres anciens" de Thomas Bernhard
![]() |
Image tirée de la BD "Maîtres anciens" par le dessinateur allemand Mahler. |
La question
pertinente : mais pourquoi lire « Maîtres anciens » aujourd’hui,
plus de trente ans après sa publication, après avoir clairement basculé dans le
m… le b… du siècle suivant ? N’y a-t-il pas d’autres livres, d’autres
auteurs à honorer de sa lecture ? Je vous laisse le choix de vos
lectures, à la mode ou pas, classiques, reconnues, populaires, obligatoires et
autres mais MA lecture est plutôt lente, c’est un acte volontaire, réfléchi
qui, depuis peu, m’impose le port de lunettes. Je ne vais pas lire n’importe
quoi et cet opus de Thomas Bernhard m’avait échappé lorsque, il y a quelques
années, je découvrais cet atrabilaire de grand talent. La forme du texte
m’avait peut-être rebuté, un long flux, sans chapitre, comme un dialogue
intérieur ininterrompu, Atzbacher qui évoque pour lui son ami Reger, un homme
d’un autre temps (lui aussi) qui, tous les deux jours « sauf le dimanche
et le lundi » se rend au musée d’Arts Anciens, s’installe dans la salle
Bordone, sur la banquette en face de « L’homme à la barbe blanche »
du Tintoret. Il trouve toujours la banquette libre, le gardien de musée
Irsigler la lui réserve. Il y a de l’allégorie là-dessous, bien
évidemment ! Entre le vieux monomaniaque, le gardien de musée psychorigide
et impressionnable et Atzbacher, journaliste et auteur qui ne publie pas et ne
soumet jamais sa prose à la lecture, le trio permet d’évoquer mille et une
figures d’autorité et de sujétion.
Avec le
temps, la sagesse dit-on, on se « vieux-connifie » surtout parce que
le monde tend à nous échapper, son interprétation nous échappe. Reger est un
modèle ! Avec lui, chacun reçoit son paquet, il n’épargne personne. Faites
l’expérience, changer le destinataire de l’une ou l’autre des diatribes regeriennes
(regerienne : de Reger, personnage central de ce roman), essayez, à tout
hasard, la Suisse ou le canton de Vaud à la place de l’Autriche, remplacez
catholique par protestant ou la religion que vous voulez et ça marche, la
critique fait tout de même sens ! C’est fabuleux. Bernhard a mis au jour
la critique universelle ! Ne prêtez pas trop d’importance à mon
enthousiasme, je suis prêt à tout passer à cet auteur, y compris sa mauvaise foi.
Cependant, vous pouvez me suivre dans ma laudation quant au style, la scansion
bernhardienne est une musique sophistiquée et rare, primordiale et salutaire
dans un monde plus versé dans les
refrains simplets calinothérapeutiques que dans l’éducation de son oreille aux
accents de la vérité ou de ce qui s’en approche. Un dernier mot à propos de Reger, ce n’est pas un mauvais
homme, il est vieux, il s’accroche à la vie tantôt par réflexe tantôt par
nostalgie, l’espoir de revivre encore une fois ce qu’il connaît, qu’il a tant
aimé et qui disparaîtra sous peu.
Bernhard se
montre aussi … sentimental dans cet ultime texte. On le connaissait cinglant,
querelleur, d’un verbe assassin, ironique, hâbleur, amuseur pour la galerie à l’occasion
mais pas sentimental, ni vulnérable. Soit, il n’était pas croyant, j’irai tout
de même brûler pour lui un cierge, je ne souhaite aucun repos à son âme, certainement
encore trop occupée à dénoncer la couardise, la médiocrité, la petitesse et,
surtout, l’absence de finesse de nos dirigeants, quels qu’ils soient ; j’irai
brûler un cierge pour que le Très-Haut lui offre un peu de cette douceur dont
il s’est toujours défié.
mardi, mai 08, 2018
De la densification et autres errements
La
densification, le mot est lâché, d’un sobre aspect pour une réalité qui rime
avec chantiers perpétuels, nuisances, bouchons et perte d’identité. Le sujet
est éminemment politique mais fait globalement consensus dans les partis
majoritaires. Pour nos autorités, il s’agit de l’œuf de Colomb ou de la poule
aux œufs d’or : plus d’habitants, plus de rentrées fiscales, plus de
consommation, plus d’immobilier, etc. Et la qualité de vie ? l’âme de la
ville ? Victimes co-latérales, « il ne faut pas être
passéistes » et c’est reparti pour le couplet des lendemains qui chantent,
à tue-tête, circulez, il n’y a rien à voir, les esprits chagrins n’ont qu’à
retourner à leurs albums d’images Belle Epoque.
Concrètement,
à Morges, la densification signifie le double chantier du quartier de la Gare,
le complexe sis à la place de l’ex-Fonderie Neeser, le tout prochain chantier
de La Prairie-L’Eglantine, le futur hôtel de la Blancherie, et deux ou trois
autres interventions de moindre ampleur mais parfois bien plus dommageable sur
le tissu historique de la ville et la circulation. Les autorités ont une
explication, « évolution en escalier », Morges serait du genre belle
endormie entre deux crises de croissances aigües.
Encore plus
concrètement, le quartier des anciennes Halles, qui devrait porter le nom de
quartier des Cheminots est un bon projet. Il s’agit d’une friche urbaine propre
à accueillir du logement proche du centre. L’îlot Sud présente d’autres
problèmes : destruction de la maison Richard, construction d’une tour
disproportionnée par rapport au tissu urbain avoisinant, à savoir le bourg
historique de Morges et, surtout, un calendrier de construction aberrant !
On ne lance pas deux chantiers aussi proches en même temps dans une zone aussi
sensible au niveau circulation que la gare ! Et quand tout sera fini, ça
continue, avec la reconstruction d’une gare-centre commercial.
En dehors
des questions de nuisance durant les chantiers (on en a pris pour cinq ans
fermes, sans parler des prochains grands projets qui risquent de démarrer
durant ce laps de temps), il y a la future circulation à travers Morges et la
perte irrémédiable d’identité. Le principal risque réside dans une
disneylandisation du bourg historique, le déplacement de la plus grande partie
des activités économiques vers le quartier des Halles et ses très, très, très
nombreuses surfaces commerciales. Les arcades de la vieille ville courent le
double risque de la désertification ou de la récupération par des grandes
enseignes du prêt-à-consommer alimentaire.
Dans la
pierre, le béton armé en l’occurrence, le problème se situe au niveau du choix
de l’agencement urbanistique, on n’étend pas la surface habitable d’une ville
en y jetant pêle-mêle des plots par-ci, par-là, il faut étirer le tissu
existant entre autres en passant à un ordre de construction continu, histoire
de former rues, avenues et boulevards, intégrer l’existant à ce qui sera. On a
manqué une belle occasion de faire du projet de l’Eglantine une véritable
extension à la ville, sortir de l’entassement de constructions disparates par
l’aménagement d’une place, unité de style, dialogue avec les maisons historiques
de La Prairie et de l’Eglantine.
Pour
terminer, permettez-moi de tordre le cou à ce faux bon calcul : plus
d’habitants (classe moyenne supérieure si possible) signifie plus de rentrées
fiscales et plus de consommation sur place. Ces nouveaux Morgiens vont tout de
même coûter en infrastructure, en services publics, places en crèches, écoles,
voirie, soins, etc. Et vont-ils considérer leur nouvelle résidence comme un
lieu où vivre ou juste dormir, après avoir fait le minimum syndical de courses
chez un discounter allemand qui a annoncé son arrivée prochaine dans le
quartier des Halles ? J’espère sincèrement me tromper et voir jaillir de
cette nouvelle expansion une créativité architecturale propice à l’enracinement
de ces nouveaux Morgiens qui enrichiront pratiquement et métaphoriquement notre
terreau.
mercredi, avril 11, 2018
De trois choses l’une : retour de Cologne, Ueli Maurer, Alexandre Astier (Kaamelott)

Cela fait bien deux semaines que je réfléchis à un billet à propos de notre dernière Assemblée des délégués à Klosters, évoquer le discours d’Ueli Maurer, le
discours d’un chef puis la rediffusion de Kaamelott, livre VI m’en a distrait,
envie d’écrire à nouveau quelque chose à propos du génialissime Alexandre
Astier et, finalement, Cologne, cinq jours, une respiration, le Wallraffs
Museum, le Dom, les 12 basiliques romanes qui ceinturent la ville.
Rien
d’exotique, Cologne a des airs morgiens, le délire bétonnesque des autorités de
la ville lémanique en moins. A Cologne, tout comme à Morges, on aime les salons
de thé, l’antiquaille et le dormir tranquille. Néanmoins, on connaît la valeur
du passé, on en prend soin, le soubassement de cette bonne vie, chaque pierre
préservée représente une victoire sur les forces du néant, le mal quel que soit
son déguisement, certainement un effet de la présence de Notre très Sainte Mère
l’Eglise. Et comme souvent dans les centres catholiques, on rencontre un milieu
universitaire et un milieu gay épanouis. Je suis passé d’une basilique à l’autre
chapelle, Mittagsgebet à St-Martin, messe du deuxième dimanche de Pâques à la
cathédrale, vénération des reliques de saint Kunibert et de sainte Ursule,
présence de la sainte dans l’église du même nom, littéralement la « petite
ourse » en latin, Bärlin pourrait-on dire en allemand , une certaine ville
à laquelle je suis attaché et mon animal totem.
Fin
mars, les Grisons, Klosters, assemblée des délégués de l’UDC. L’occasion était
plaisante d’aller jouer à Thomas Mann (référence à son roman Zauberberg dont l’action se déroule à Davos,
tout à côté). Nous y sommes allés pour le week-end avec Cy. et les petits
chiens. Personnellement, l’alpage me laisse de marbre … de granit, enfin de
glace. Cette manie d’aller se briser des membres et d’attraper la mort au-delà
de mille mètres m’est incompréhensible. Je suis persuadé que l’on envoyait les
malades en altitude pour les achever et non pour les soigner. L’assemblée
valait largement le déplacement, il était question de l’élection de la
direction du parti, du départ de certains et surtout de la prestation d’un
chef, Ueli Maurer, Ulrich de son vrai prénom, comme le personnage du grand
roman de Musil, quelques traits de caractère en commun avec ce dernier. Le
Conseiller fédéral Maurer aime observer, écouter, comprendre les autres, une
attitude dynamique aussi, c’est d’un pas élastique qu’il est monté à la
tribune, plaisantant sur le fait qu’il avait besoin d’une petite estrade afin d’être
à la bonne hauteur derrière le pupitre. Je n’avais jusqu’alors aucune opinion
particulière quant à lui, quelques vagues préventions nourries par la presse. Il
a énoncé un discours drôle, érudit et sensible, un petit triptyque oratoire d’un
gros quart d’heure dans lequel il a évoqué la qualité de l’eau, en métaphore de
la qualité de nos institutions démocratiques, qualité qui n’a cessé de croître
en un siècle, puis ce fut l’évocation d’un tube alpestre en dialecte, « Ewige
Liebe », gros succès dans les charts allemands. Ueli Maurer illustrait par
là l’amour inconditionnel des Suisses pour leur démocratie directe. Il a conclu
par la légitimité de nos institutions politiques, légitimité fondée sur la
qualité du système (première partie) et l’attachement de la population (deuxième
partie), CQFD. De plus, le Conseiller fédéral Maurer s’est attaché à la seule
référence historique légitime quant à la Nation suisse : la Constitution
de 1848 ! Combien d’autres se seraient perdus dans les brumes légendaires
un rien vaseuses de la pseudo-Suisse de 1291, de la résistance à l’étranger, le
méchant Habsbourg, une dynastie qui a régné sur le plus grand empire au monde
de 1273 à 1918, une dynastie … suisse. Habsbourg est un village d’Argovie et le
berceau de la famille du même nom. Le clou du discours, une phrase, presque
anodine à force de bon sens : « … n’ayons pas peur de nous ouvrir aux
bonnes idées qu’elles viennent de gauche ou de droite, et de les soutenir ».
Je vous l’ai dit, le discours d’un chef !
« Kaamelott,
Livre VI », après la gaudriole, la gaudriole grinçante, la tragi-comédie,
la tentative de suicide du roi Arthur, sa quasi agonie et le récit ultime qu’il
livre à propos de sa vie, un flash-back qui vient éclairer avec tendresse et
justesse l’épopée du roi de Bretagne. Que dire de la prestation, de l’intelligence
du jeu d’Alexandre Astier. Un jour prochain, je vais lui adresser une lettre
ouverte pour lui dire toute mon admiration. Il est un peu le grand frère que j’aurais
aimé avoir, l’ami idéal, le complice dont j’aimerais parfois recueillir l’avis.
Rien ne sonne faux dans sa saga, surtout pas la musique, de lui. J’ai déjà dû l’écrire.
J’ai aussi loué le glissement épisode court/divertissement vers épisode
long/émotion. A chaque fois que je « tombe » sur le Livre V ou le
Livre VI, je ne peux m’empêcher de regarder encore et encore alors que je
connais chacune des répliques. Et le récit pénètre plus profond, le sens
fondamental de l’œuvre s’impose à moi. Arthur, le Graal, la Table Ronde, le
royaume de Logres … une métaphore de notre vie, avec ses aspirations, ses
manquements, une fin, inéluctable, un échec ? Nous sommes tous Arthur,
nous avons tous été choisis par « les dieux » afin de retirer l’épée
du rocher de notre existence, d’en prendre le pouvoir, de l’unifier, de lui
donner un but. Combien de fois allons-nous nous trahir, pire, trahir nos
idéaux, compromission, fatigue, lâcheté … Reste la foi, dans notre propre
histoire, des principes ou un Messie, l’amour. Ça n’excuse rien. Les dernière
paroles de la série : Arthur sera de nouveau un héros. Relever la tête,
une évidence. Plus encore pour le croyant ou le politique, ou le croyant en
politique. Un jour, le bon candidat triomphera, la bonne idée l’emportera sur
les petits calculs et l’électoralisme. Les menteurs seront confondus. Un jour,
les vrais fautifs seront désignés, un jour … Et, pour terminer, la confidence
de l’empereur romain au centurion Arturus (Astier souscrit en partie à l’option
romaine de l’origine d’Arthur, option soutenue par certains philologues), plus
qu’un mot d’ordre, quasi une profession de foi politique . « Des
bons, des mauvais, des pleines cagettes il y en a mais une fois de temps
en temps il en sort un, exceptionnel. Un héros, une légende, il y en a presque
jamais, mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun, tu sais ce que c’est leur
pouvoir secret, ils ne se battent que pour la dignité des faibles."
vendredi, mars 16, 2018
Enquête en abattoir suisse - Moudon
Je vais
tenter d’être bref, je ne veux pas diluer ma colère ni cacher sous les mots ma
honte, honte d’être le témoin de la torture, de la terreur d’un être sensible
et innocent. La première réaction, le premier mouvement intérieur, un certain
agacement devant cette image, pourquoi ce journal, le vôtre m’impose cette
photo atroce. Votre rédaction fait de moi un témoin, quasi un complice puisque
je ne pourrais jamais venir en aide à cet animal, ce veau terrorisé, prostré
dans un angle de la pièce, une salle d’abattage carrelée jusqu’au plafond,
faïence blanche, clinique, pour un nettoyage complet, une hygiène parfaite
après … après, quand on aura équarri, emporté des bouts de viande qui, quelques
instants auparavant, étaient encore un être vivant, un animal dont le QI et,
surtout, le QI émotionnel sont égaux, voire supérieurs à ceux d’un chien.
Vous aurez compris que je fais
référence à votre article du vendredi 16 mars sur l’abattoir de Moudon, sa
pratique institutionnalisée de la maltraitance animale, article illustré de ce
cliché terrible, trois veaux, l’un abattu, gisant dans son sang, un autre, au
premier plan, assis ou accroupi, le dernier dans le coin supérieur droit du
cliché, acculé, j’ai rapidement tourné la page, image insoutenable, à peine
entrevue. Je pourrais me frapper, me griffer, me battre et hurler dans la rue,
j’aurais voulu être dans cette pièce, cette salle et laisser libre cours à ma
colère, la laisser fondre sur les criminels, ceux-là mêmes que l’on devrait … Je n’y étais pas et mon impuissance
s’est retournée ce soir contre une catelle de la salle de bain, fendue, enfoncée,
j’ai mal, le tranchant de la main, j’aurai un bleu demain matin, ça tape mais
ça fait moins mal que la photo, moins mal que la terreur d’un animal cerné par
l’odeur du sang et la certitude de son
supplice prochain.
Je suis historien, j’ai toujours en
stock une image, de quoi illustrer une situation, ce à quoi nous pouvons tous
être confrontés. En l’occurrence, je comprends – toute proportion gardée – la
honte de ces femmes, ces hommes, la population endimanchée d’Ottstedt am Berge
ou d’un autre village voisin de Buchenwald, population forcée par l’état major
américain à visiter le camp, à voir, à sentir l’horreur, concevoir ce qu’ils
avaient méticuleusement tenté d’ignorer depuis 1937. Longtemps, j’ai essayé de
regarder ailleurs, nier la souffrance animale, ce n’est pas moi qui tue ces
bêtes et maintenant qu’elles sont mortes, ce serait dommage de gâcher la
viande. Cela fait une bonne année que je ne mange plus la chaire de mammifères
ou d’ovipares terrestres et, ce soir, je m’aperçois qu’il ne me suffit plus de
m’abstenir. Il faut entrer en résistance contre la souffrance animale. Merci à
la rédaction du 24H pour avoir confronté ses lecteurs à l’horreur de cet
abattoir, ce lieu atroce, les raclures qui y travaillent. Ils ne s’en tireront
pas comme ça, il y aura des suites et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir
de citoyen pour que les sanctions soient exemplaires.
mercredi, février 28, 2018
Billag, No Billag, No No Billag
Personne ne
peut détester la télé de son enfance. Je me souviens du générique d’ouverture
des programmes, l’air le plus célèbre du « Devin du village » de
Jean-Jacques Rousseau. Je me souviens aussi du « Village englouti »,
du « Renard à l’anneau d’or », des séries maison, jamais rediffusées.
Je me souviens aussi de la face de carême de Catherine Wahli et de son hystérie
catastrophiste qu’un capitaine de la CGN a calmé de suite en empoignant un banc
en bois suivi du commentaire « Je vous le fous à l’eau, ça flotte et vous
n’aurez qu’à vous y accrocher jusqu’à ce qu’arrive les secours. On n’est pas au
milieu de l’Atlantique. » Mythique. Ça vaut bien une année de redevance. Personne
ne veut la mort de la RTS ou TSR ou de la TV romande, de la télévision suisse
par extension. Par contre, tout le monde veut la peau de Billag, une bande de
gougnafiers qui allaient fliquer dans les couloirs des bâtiments des quartiers
populaires, à l’affût d’un téléspectateur qui aurait échappé au racket. Ces
gens sont à la limite de la malhonnêteté, lançant des poursuites pour emmerder
et ne faisant même pas main levée en cas d’opposition. Et les frais ? Pour
la pomme de tous ceux qui paient leur redevance. Si l’on en retranche tous les
truqueurs parasites de Zürich, Genève, Bâle, Lausanne, Olten, etc. qui
prétendent n’être qu’en résidence secondaire et retourner dans leur cambrousse
natale tous les week-ends, ça fait un gros manque à gagner. En attendant, les
prolos qui ne peuvent prétendre d’une adresse à Niederbipp ou Sambrancher l’ont
dans l’os et bien profond au vue des montants exorbitants exigés par Billag. L’idée
de voir cette association malfaisante écrasée d’un vote vengeur est trop jouissive
pour dire non à No Billag.
Plus
sérieusement, j’en veux aux chambres et au Conseil Fédéral de n’avoir proposé
aucune contre-initiative. L’occasion était belle pourtant, un parfait timing
pour présenter un financement de la télévision suisse via l’impôt fédéral
direct sur lequel on se prononce le 4 mars de même, un impôt juste, un impôt
qui épargne les plus modestes. De plus, on nous chante les vertus de la
télévision nationale, ferment de la cohésion nécessaire y compris à ceux qui ne
regardent jamais la télévision nationale suisse. Donc, la télévision est une
nécessité au même titre que les autoroutes et le réseau ferroviaire. Donc, on
peut la financer via l’impôt, une majoration d’un point suffirait.
Partons
dans l’hypothèse d’une télévision sans publicité et à moindre coup. Je réponds :
méthode Arte. Une chaîne unique, en quatre langues, traductions simultanées
dans les émissions-débats en direct, doublage pour tout le reste. Disons que l’initiative
passe, la Confédération ne peut plus financer la télévision … Elle n’a qu’à
financer des sociétés de productions fondées pour chacune des grandes émissions
de débats ou de divertissement. Nous pourrions intensifier des collaborations
avec d’autres télévisions nationales, et pourquoi ne pas initier une version
3Sat (télévisions allemande, autrichienne et suisse) avec la France et la Belgique
(même si ce dernier pays n’est pas limitrophe). Les pistes ne manquent pas. Et
pour financer cette vaste réforme dans un premier temps ? On vend les
studios de Zürich, Berne et Genève pour partir s’installer à … Soleure ou
Bienne ? ou Granges nord ?
Quant à la
radio, une chaîne d’information quadrilingue du genre de ce que fait France Info,
une rédaction issue de toute la Suisse et des programmes traduits. Les chaînes
musicales à thèmes retirées du réseau DAB pour les placer sur le net, réception
sur abonnement, le bouquet pour 20.- par an. Et ma chère Espace 2 en version
quadrilingue, elle doit avoir son pendant dans les trois autres zones
linguistiques, financement via des sociétés de productions ou, directemenet,
par l’impôt.
Votez oui,
votez non, votez selon vos convictions, néanmoins le débat ne sera pas clôt
passé le 4 mars.
mercredi, février 21, 2018
" Dernier vol au départ de Tegel", genèse d'un roman
Il en reste deux ou
trois chapitres sur ce blog, comme un teaser, appâter le chaland, témoigner
publiquement du texte. J’avais commencé à écrire « Dernier vol au départ
de Tegel » suite à l’abandon subit d’un projet littéraire ; on
m’avait signifié par SMS que le roman quasi signé, agendé, ne serait pas
publié, que c’était trop de travail et qu’il n’était pas assez
« bankable » en filigrane. Pas grave. Ce roman refusé s’intitule
« Canicule Parano », il a trouvé un autre éditeur, il existe depuis
quelques années et j’en suis très fier. Entre l’abandon de ce projet et sa
reprise, histoire d’exister malgré tout en tant qu’auteur, de partager avec des
lecteurs, j’ai commencé à publier en feuilleton le manuscrit sur lequel je
travaillais, une petite idée que j’ai poursuivie de Lausanne à Berlin. C’était
un rendez-vous hebdomadaire, un rite, trouver une illustration en rapport,
presque un jeu, et découvrir au fil du récit tout une galerie de personnages. Je
ne suis pas allé les chercher très loin, j’ai juste appris à les connaître. En
ce temps-là, on annonçait encore la fermeture de l’aéroport de Tegel dans un
délai de six mois, nous habitions encore à Lausanne avec Cy. et je lisais du
Edvard von Keyserling.
Le texte a connu une
seconde vie en ligne… Au tout début, il avait été évoqué une publication dans
l’espace abonnés et pas dans l’antichambre-débarras-entrepôt des blogs des amis
et soutiens du nouveau média. Je ne pense pas y avoir rencontré beaucoup de
lecteurs. « Dernier vol … » y vivait en attendant de trouver un
éditeur, une place en librairie et dans les bibliothèques. Je ne vous ai pas
refilé une vieillerie, le manuscrit a été retravaillé, amélioré, question de
format. Et à chaque relecture, j’ai redécouvert les vertus de mon onzième
titre, sa voix singulière et l’utilité du récit. Il entre dans mon cycle
berlinois, la ville en contrepoint de la Suisse et de ses raideurs. Robert,
Eldrid, Ditmar, Friedhelm, Magda et les autres, mes personnages ont fini par
sortir des pages. Je les ai peut-être révélés par mon récit mais ils ont leur
propre existence, ils sont vivants, ils sont même devenus des amis. Je me suis
battu pour leur assurer la possibilité que vous les rencontriez. Ils ont
beaucoup à vous donner, ce sont des personnes bien, parfois embarrassées
d’elles-mêmes, parfois maladroites mais jamais amères.
« Dernier vol … »
est le roman des familles recomposées, des tribus patchwork et de la
réconciliation avec les origines, le terreau natal ou celui dans lequel ont poussé
les générations précédentes ; il est question de l’unité de l’individu. Le
récit commence par les craintes de Robert, l’ombre de la maladie… C’est la
Réunification qui l’a appelé en Allemagne et il a adopté ce pays à moins qu’il
ne fût un Allemand qui s’ignore ? Qui sommes-nous ? La somme des
gênes qui nous ont été légués ? la somme de nos expériences multipliées
par nos sentiments le tout divisé par nos souvenirs ? ou une combinatoire
entre hasards et possibilités ? Suivez Robert, il a quelque chose à vous
apprendre.
« Dernier vol au
départ de Tegel », éditions Mythraz, 22.-, ISBN 978-2-8399-2173-2,
disponible dans toutes les librairies depuis le 15 février dernier.
mercredi, février 14, 2018
Intervention à propos du "Livre sur les quais".
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Je suis descendu de
mon perchoir afin de vous faire part d’une ou deux réflexions propres à
éclairer votre vote.
70'000.- voire même
100'000 francs pour un événement qui porte loin à l’aronde le nom de Morges, ce
n’est pas cher payé. Dans cette même fourchette de prix, nous ne pourrions pas
nous offrir une campagne de promotion touristique aussi efficace ni aussi prestigieuse.
Il serait regrettable de mettre en péril une manifestation aux retombées
positives et il faut effectivement opter pour une professionnalisation de son
organisation. Voilà la raison pour laquelle il a été fait appel à « Grand
Chelem Event SA ». Ce nouvel intervenant n’est pas une organisation de
bienfaisance mais une société anonyme, une entreprise à but lucratif. Elle a commencé
par éponger les dettes du « Livre sur les quais » et nous l’en
remercions. Il est naturel qu’elle compte rentrer dans ses frais le plus
rapidement possible et dégager un bénéfice par la suite. Elle s’est du reste
déjà fait payer ses services d’un professionnalisme indiscutable. Ce même professionnalisme
lui a dicté d’introduire un «pass » d’entrée payant lors de l’édition de
2017.
Que la commune
subventionne « Le livre sur les quais » à hauteur de 70'000.- ou de
100'000 francs, il n’en demeure pas moins que les acteurs centraux de cette
manifestation restent négligés. Des visiteurs sont venus pour les écouter, pour
les entendre s’exprimer sur tel ou tel sujet, ces visiteurs ont même payé 15.-
francs pour cela l’année dernière et les auteurs n’ont rien touché !
Hormis, une minorité qui a eu les honneurs de la salle Belle Epoque, des
croisières ou des petits-déjeuners au Beau-Rivage Palace. Tant mieux pour
eux ; ils sont au moins rémunérés pour leur travail. D’autres auteurs ont
parfois la chance d’être salariés ou largement défrayés par leur maison
d’édition, de ces grandes maisons au solide budget promotionnel. Ce n’est malheureusement pas dans les moyens de nos
maisons romandes, même les plus prestigieuses, en dépit du soutien très actif
du canton de Vaud et des communes vaudoises. Vous me direz que tout ce qui
touche aux auteurs est du domaine de la direction artistique du « Livre
sur les quais ». Effectivement, cette instance, de sa propre volonté ou
sur proposition des maisons d’éditions, délivre ses invitations. C’est à la
fois un honneur et un devoir pour un auteur romand de répondre présent, du
moins c’était un honneur. Depuis l’entrée de Grand Chelem Event SA dans la
danse, comme un parfum de duplicité s’est mis à flotter sur les quais. Grand
Chelem Event SA aurait donc à gérer, aussi, la rémunération, même symbolique,
des auteurs renommés ou non.
Je me permets encore
de vous rappeler qu’être auteur est une activité professionnelle tout comme
être un élu de l’exécutif morgien, un employé de commerce au Centre patronal
vaudois, un employé de commerce de détail à la Coop ou un agriculteur. Et
encore plus sûrement que dans cette dernière profession, l’auteur ne vit pas du
fruit de son labeur. En quoi consiste son travail ? L’auteur rédige des
textes ou construit son œuvre, il soumet son travail à une ou plusieurs maisons
d’édition. Parfois, rarement, il répond à une commande, et pour cela touche un
à-valoir, une somme forfaitaire correspondant à une avance sur ses droits
d’auteurs. Les droits d’auteurs varient entre 10 et 15% du prix de vente selon
le contrat type proposé par les maisons d’éditions suisses. On parle de 8% en
Allemagne. On considère qu’une œuvre romande vendue à 2000 exemplaires est un
rare succès. La plupart des auteurs romands connaissent des ventes de 400 à 500
exemplaires. Si l’on fixe le prix moyen d’un volume de littérature romande à
25.- , je vous laisse faire les comptes. L’auteur travaille encore avec
l’éditeur à l’ajustement de son texte, parfois donne son avis sur le graphisme
de la couverture. Après publication, il accepte la charge de la promotion, à
savoir des séances de dédicaces et, parfois, des interviews dans la presse
écrite, à la radio ou à la télévision/chaîne Youtube, etc. Ces interventions à
caractère publicitaire sont soit courtes, soit peu impliquantes. De plus, les
extraits de son ouvrage qui seront lus à ce moment-là sont rémunérés et les
droits perçus par l’organisation professionnelle Pro-Litteris. Le travail de
l’auteur s’arrête ici. Si ce dernier est invité dans une école ou dans une
manifestation à caractère gratuit, il accepte occasionnellement d’intervenir
gracieusement. S’il s’agit d’une institution universitaire, il sera rémunéré,
quitte à ne toucher qu’un centaine d’euros. L’auteur doit être rémunéré dès
qu’il assure le show, qu’il s’agisse d’une conférence, d’une table ronde, d’un
« parloir », « confessionnal » ou autre « speed
dating » selon les appellations propres au Livre sur les Quais. Si modeste
soit la rémunération, c’est une question de respect, respect dont témoignerait
une manifestation locale à l’attention de la forte délégation romande. L’association
professionnelle des Autrices et Auteurs de Suisse, faitière des écrivains de ce
pays milite de même pour une rétribution de toute activité sortant du cadre de
la promotion.
En résumé et pour
conclure, Mesdames, Messieurs, chers collègues, si vous votez une augmentation
de la subvention communale à la manifestation du Livre sur les Quais, ce n’est
pas cher payé aux vue des retombées promotionnelles pour notre ville mais
n’oubliez pas que pas une miette de cet appétissant gâteau ne reviendra aux
auteurs, les principaux acteurs de cet événement. Merci de votre attention.
mercredi, janvier 31, 2018
Le quai sous les livres

Pratiquement,
Morges a gagné une fantastique renommée à travers « Le livre sur les
quais ». Jamais nous n’aurions eu les moyens de payer une campagne de
promotion comparable à la publicité que nous offre notre salon littéraire. A ce
propos, une commission du Conseil Communal réfléchit à l’opportunité d’octroyer
un nouveau subventionnement extraordinaire de 100'000.- Entre le plaisir de la
population, les retombées en matière de tourisme et d’image, ce ne serait pas
cher payé.
Personne
n’ignore les difficultés que la manifestation a traversée ni le risque de la
voir disparaître. Aujourd’hui, une société dans l’événementiel est venue
remettre à flots l’association du « Livre sur les quais ».
Evidemment, cette société ne l’a pas fait par philanthropie ; elle s’attend
à dégager si ce n’était sur l’édition 2017 du moins dans un délai raisonnable,
elle s’attend donc à faire du bénéfice. Cette année, léger faux pas, elle a
demandé un prix d’entrée à celles et ceux qui souhaitaient assister à une table
ronde, un débat. Ce n’est pas dans l’esprit de la manifestation, du reste
la fréquentation en a souffert. En 2018,
l’événement devrait retrouver son caractère complètement gratuit.
Le patrimoine
immatériel peut disparaître du jour au lendemain pour cause de désintérêt, pour
raison financière mais aussi par rapport à l’image véhiculée. Le livre, la
littérature ont et auront toujours une image positive. Les grands noms drainent
la foule qui, parfois, s’attarde devant les ouvrages d’auteurs moins connus.
« Le livre sur les quais » est à la croisée des chemins. Soit il
devient un événement institutionnel qui rapporte, où l’on défraie les auteurs,
on paie le personnel d’accueil et les subventions servent à garantir la
gratuité au public ; soit il reste un événement de qualité, à dimension
humaine, où l’accueil est assuré par des bénévoles, la fréquentation reste
gratuite et les subventions serviraient à payer la prestation de la
société d’events et le défraiement de
tous les auteurs ayant participé à une table ronde, un débat, etc., histoire
que ces derniers ne soient pas les dindons de la farce.
Article paru dans le bulletin 76 de l'Association de Sauvegarde de Morges
dimanche, janvier 21, 2018
"Barbara, la vraie vie" de Jean-François Kervéan
Je ne suis
pas « barbarophile », je ne suis pas particulièrement versé dans la
chanson à texte, je suis encore moins rive gauche ou droite, ou … je les
confonds et je m’en fous. La gloriole gauloirisante de l’après-guerre me laisse
de marbre, je ne peux m’empêcher de penser aux foules pétainistes et
collaborationnistes. La mentalité en cul de sac des années 50, 60. La chanson,
oui, pourquoi pas, de la variétoche, Cloclo, Dalida bien sûr, Annie Cordy,
Carlos, Joe Dassin, le Big Bazar de Michel Fugain, du popu, de la paillette et
de la gaudriole pour prolo, je retrouve mon jus. Donc Barbara, la grande dame
brune. Jusqu’à son surnom éveille chez moi une certaine suspicion. Ma mère
nourrissait contre l’artiste des préventions, quasi les mêmes que pour Jeanne
Moreau. Ce n’est pas que je n’aime pas Barbara. J’ai quelques souvenirs de
chansons bêlées par la dame dans le grand âge, le fameux hymne pour bar
lesbien, et le reste de chansons à clefs pour des serrures qui m’indiffèrent. De
plus, « Barbara » est le prénom d’une pouffe de ma connaissance, pas
une mauvaise fille, une pouffe de l’entourage de mon ex’, mon Dieu, quelle
période. Je n’avais pas 30 ans et j’étais pourtant loin du bonheur.
Bon, avec un
livre, même s’il porte le titre de « Barbara, la vraie vie », pas
besoin de l’écouter et la biographie est signée Jean-François Kervéan. J’ai eu
le plaisir d’offrir un verre de vin au monsieur à la maison lors d’une édition
du festival « Le Livre sur les Quais » ; Christophe Girard me l’avait
présenté. Nous nous sommes échangés nos volumes respectifs du moment et j’ai
découvert un grand auteur, une manière d’appréhender la matière littéraire qui
me plaît, avec sincérité, sans toile peinte derrière laquelle planquer la
personne de l’auteur. Authenticité, donc, et une plume déliée, un style souple,
de l’originalité mais rien de forcé, de bonnes trouvailles plutôt, une
véritable élégance. Evidemment, j’eusse préféré qu’il m’envoyât une biographie
de Julien Green, de Truffaut ou de Montserrat Caballé mais la dédicace est si
charmante, elle m’interdit de sortir l’une de mes excuses bidons, « ça n’est
jamais arrivé », « on me l’a emprunté et je ne l’ai pas encore revu »,
« il est passé par la fenêtre ouverte du train dans un cahot ». En plus, le bouquin est épais, il va encore
me traîner aussi longtemps que le Onfray, écrit à l’arrache et d’un antichristianisme
qui confine à la connerie, qui encombre une chaise depuis bientôt cinq mois en
compagnie d’« Un Président ne devrait pas dire ça » et, sous la
chaise, une tripotée de trucs romands illisibles. Kervéan a le mérite d’être
toujours parfaitement lisible, et j’ai promis un billet ; l’auteur manque
de publicité selon moi. Ce sont toujours les mêmes vantards du marigot littéraro-parigo-parisien
qui l’ont ouverte, occupent le champ médiatique et ne laissent pas tant de
place aux autres. Je vais tout de même corriger le tir auprès de la petite
douzaine d’improbables lecteurs qui jetteront une œil sur ces lignes.
Vous ne
devinerez jamais quoi ?! Comme on le dit par ici, j’ai été déçu en bien !
Jean-François Kervéan donne/re-donne une voix à la chanteuse à la rose, brosse
un portrait vivant de la chanteuse de minuit, et s’entrecroisent les
témoignages de ceux qui fréquentèrent la dame brune. Kervéan paie de sa
personne, il n’a pas choisi de pondre une biographie de l’artiste parce que l’on
célèbre les 20 ans de sa disparition. Il a cherché à aller au-delà d’une émotion,
un concert à Pantin, en 1981, sous un chapiteau, les promesses de la
mitterrandie et tout ça. Je n’ai pas envie de casser l’ambiance mais on est
bien revenu de l’euphorie de cette époque, comme disait grand-maman « les
belles paroles, ça rend les fous joyeux ». Bref, Kervéan avait 19 ans, à
Paris, on promettait de changer le monder, réinventer la société. A son âge et
à sa place, j’aurais peut-être aimé Barbara et j’aurais eu envie de raconter sa
vie au plus proche de l’émotion qu’elle m’offrit lors de ce concert, à Pantin.
Attention, ce n’est pas une hagiographie pour fans qui nous est proposée mais
une enquête au cours de laquelle Monique Serf cherche sa voie, cherche à
exprimer, à évacuer cet orage d’émotions qui parfois l’étouffe. Elle ne veut
pas finir comme sa mère, elle est royale, elle veut un destin, son royaume, une
couronne. Elle veut être libre, aimer librement, se réchauffer auprès de tous
les hommes dont elle aurait envie.
Après le
cul de sac des années 50, 60, Kervéan nous déroule la « success story »
d’une diva de la chanson dont la seule vraie histoire d’amour c’était lui, son
public. Françoise Sagan est aussi invitée à ressusciter, nous raconter avec
drôlerie et un cathare du fumeur les hauts et les bas d’une amitié avec
Barbara. Après avoir refermé le livre, je comprenais mieux les préventions de
maman tout en les trouvant sans fondement. J’avais surtout envie de réécouter « Il
pleut sur Nantes » ou « Göttingen ».
dimanche, décembre 31, 2017
Meilleurs voeux express
Un quart d’heure
pour vous souhaiter tout le meilleur pour la nouvelle année à venir. Je ne suis
pas très porté sur les pratiques de la joie institutionnalisée, quasi
obligatoire. J’ai échappé à quelques prises d’otage noëlliennes, je n’ai fait
qu’UN Noël, chez ma sœur, avec Cy, ma mère, les chiens, neveu, nièce,
petites-nièces et beau-frère. Sympathique, efficace.
Donc, pour
en revenir à la raison de ce billet : tous mes vœux pour la nouvelle
année, que 2018, bla-bla-bla-bla (veuillez placer ici le vœu que vous souhaiter
réaliser). Vous comprendrez que le chapitre du passage d’une année à l’autre m’enthousiasme
autant que la fête familialo-commerciale de Noël. Toutefois, je vous souhaite à
tous, famille, quelques amis, mes bons collègues de gloubiboulga (enseignants
de culture générale), à ceux de l’expographie, à tous mes nouveaux camarades de
jeu en soin et santé communautaire, à mes élèves, aux membres du Conseil
Communal morgien, à la muni morgienne (après un voyage épique à Vertou, j’ai eu
l’occasion de mieux les connaître), au bureau du Conseil Communal, à ma famille
politique UDC bricolo où l’on est nettement moins raide de la nuque que l’on n’imagine,
à vous, mes lecteurs, que vous me connaissiez par ce blog ou quelque autre
écrit, à vous tous, bonne année 2018. Le mot d’ordre : soyez fidèles à
votre liberté de croire ! Vous avez 365 jours pour développer. Vous
remarquerez le léger paradoxe de la confrontation des items « fidèles »,
« liberté » et « croire ». On frise le double oxymore. A
vous de voir. Retour des copies au 31 décembre 2018, 23h59 dernier délai.
Je vous
demanderai à tous d’avoir un souhait pour 2018, de tous penser à l’une de mes
collègues, une personne admirable, sympathique pour qui j’ai respect et, même
affection ; cette personne attaque la nouvelle année par un combat contre
la maladie. Croyez aux forces de l’esprit, au miracle de la prière. Essayez et
associez-vous à ma propre prière, que ma collègue traverse l’épreuve de la
maladie et s’en remette. Je vous tiendrai au courant et ce sera notre victoire
en 2018
lundi, décembre 04, 2017
Lettre ouverte à l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud
![]() |
Festivité du schisme luthérien aux portes de Notre Dame de Lausanne |
A l’occasion
des cinq cents ans du schisme luthérien, tu as fêté cet anniversaire en tenant
des stands ici ou là au marché. Je t’y ai rencontrée et ai échangé quelques
paroles avec des tes représentants, une femme entre-autre, soit femme de
pasteur, soit pasteur ou pastrice, je ne sais pas exactement quel titre tu
donnes à tes ministres du culte de sexe féminin. En quelques paroles, le ton
est monté. La dame encaissait assez mal la réalité historique qui a mené à ta
naissance, à savoir que tu étais l’Eglise de l’occupant bernois, que cet
occupant s’est surtout servi de toi à des fins de domination politique et de
contrôle social. Tu as fait ta place dans le Pays de Vaud car l’ours de Berne
avait interdit la pratique de la foi catholique en dépit du profond et fidèle
attachement des Vaudois pour Notre Sainte Mère l’Eglise, celle de Rome, celle
qui a construit ce pays, qui a planté les vignes au Lavaux. La dame (pastrice,
épouse de pasteur ou fidèle enthousiaste) a encore eu le mauvais goût de
ressortir le fameux … fumeux et poussiéreux récit de la Dispute de Lausanne.
Une dispute ? un procès stalinien plutôt. Notre sainte Mère l’Eglise
catholique romaine et apostolique s’était refusé à participer à cette
pantalonnade. Farel et Calvin accompagné de Pierre Viret sont allés quérir un
obscur moinillon inculte pour le soumettre à leurs trucs et astuces de
sophistes lettrés … Ce bon Pierre Viret était surtout la caution locale de
cette comédie grotesque. Sais-tu, chère Eglise évangélique réformée du canton
de Vaud, pourquoi le prédicateur français Farel traînait par chez nous ?
Non ?! Il avait été engagé, salarié par Berne pour aller répandre la bonne
parole protestante à Neuchâtel et dans le Pays de Vaud. Il s’agissait d’exciter
les bourgeois à rejeter les autorités ecclésiastiques catholiques afin de se
mettre leurs biens dans la poche et déstabiliser au passage le pouvoir politique du duc de Savoie, notre bon maître
du Pays de Vaud. Quant à Calvin … Il est arrivé à Genève une peu par hasard,
appelé par Farel avant d’en être chassé avec ce dernier pour des histoires de pain
azyme, célébration de l’eucharistie. Je n’ai malheureusement pas remis la main
sur la source qui laisse sous-entendre d’autres raisons au renvoi de Calvin. Il
reviendra pour le malheur de Genève. Le reste de sa vie sectaire, les
condamnations au bûcher ou à l’estrapade qu’il exigea à plusieurs reprises ne
rendent pas le calvinisme très engageant …
![]() |
La dispute de Lausanne, par F. Bocion, selon le récit de la légende officielle |
Pour en
revenir à la « Dispute », le moinillon se fit embrouiller en moins de
deux et Berne déclara qu’il avait ainsi été prouvé que le protestantisme avait
raison sur Notre sainte Mère l’Eglise. Depuis quand la vérité mystique d’une
religion, la sincérité de l’attachement d’un peuple à sa foi se prouvent sur la
base des conclusions d’une dissertation publique ? L’Amour de Dieu, la
Communion, la communauté des chrétiens catholiques ne se réduisent pas à une
joute verbale. Le site jean-calvin.org expose du reste à la va-vite cet
épisode, et d’une manière si caricaturale que j’en ai honte pour toi. Pour
revenir à ta servante, la dadame pasteurisant ou épouse de pasteur, le ton est
encore légèrement monté lorsque je lui ai exposé que, nous autres catholiques
vaudois, membres de la communauté religieuse majoritaire dans ce canton,
aimerions bien retrouver une partie de nos lieux de culte historique (la
cathédrale Notre Dame de Lausanne, l’Eglise Saint-François, l’église abbatiale
de Payerne ou de Romainmôtier), que nous cultivons un sens historique et que,
après la réforme tridentine et Vatican II, nous pourrions ainsi boucler la
boucle. Nous avons admis nos erreurs. Il ne s’agit pas de te chasser des tes
lieux de culte, il s’agit de partager, de revenir dans ces lieux saints du
catholicisme vaudois que, souvent, tu as pillé et dénaturé au nom de tes
convictions iconoclastes. La dadame était alors hors d’elle, m’assurant que ce
genre de décision ne m’appartenait pas, ni à elle, mais à l’autorité politique.
« Je suis un petit peu l’autorité politique et je compte interpeler
Mme la conseillère d’Etat Béatrice Métraux à ce propos. » La dadame est
restée sans voix et a fait mine de ne plus me voir. Le pasteur avec qui j’avais
aussi échangé, un homme de foi, un serviteur sur qui tu peux compter, a tenté
de détendre l’atmosphère par des propos œcuméniques avant d’entendre,
sincèrement, ma demande qui est la demande de tous les catholiques vaudois.
Rendez-nous au moins l’accès à notre cathédrale, nous pouvons sans autre la
partager comme nous partageons déjà la chapelle Saint-André, une construction
récente des hauts de Lausanne où sont célébrés tant la messe que le culte.
Chère
Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, je peux bien te le dire, je ne t’aime
pas. Néanmoins, je te respecte. Je pourrai me battre pour assurer ta pérennité
en terre vaudoise. Depuis quelques années, la Constitution vaudoise te force à
partager le gâteau de l’impôt ecclésiastique avec nous autres, ceux que tu
appelais il y a encore un demi-siècle les « papistes ». Je ne t’aime
pas mais j’en suis triste. J’aimerais t’aimer si seulement tu pouvais admettre tes
origines discutables, si tu assumais la part d’arbitraire, de totalitarisme qui
a mené à ta naissance ; quand regarderas-tu enfin en face et sans
faux-fuyant ton histoire. C’est un catholique qui te le dit. Regarde Notre … Ma
très sainte Mère l’Eglise catholique romaine qui, depuis Vatican II, a décidé d’assumer
TOUTE son histoire et même d’amener de la lumière sur les zones les plus
sombres de son existence. J’ai été très touché quand tu as cloué le bec de tes
fidèles évangéliques homophobes en adoptant la pratique d’une bénédiction
devant Dieu des couples de même sexe. Je t’ai aimé un peu ce jour-là. J’ai été
très fier que tu sois vaudoise.

Chère
église évangélique réformée du canton de Vaud, tu excuseras le ton très franc
voire même provocateur de ma lettre. J’ai décidé de te parler sans ménagement
dans l’espoir de, peut-être, m’entendre enfin avec toi. Je ne rejoindrai jamais
tes rangs, je ne reviendrai pas sur ma confirmation. Du reste, si j’avais été
baptisé dans ton culte, je ne t’aurais pas quittée. Peut-être serais-je même
devenu pasteur. Je viens témoigner de l’attente de mes coreligionnaires, à
savoir laisse-nous à nouveau célébrer les mystères de notre foi dans cette
cathédrale que nous avons construite, dans ces églises, ces chapelles dans
lesquelles nous avons affermi notre foi. Nous pouvons partager; ces lieux sont
devenus aussi les vôtres. Une messe par an à la cathédrale, c’est bien trop
peu. Laisse-nous y donner une messe par semaine, le samedi en milieu d’après-midi,
lorsque ça ne dérange pas le calendrier des cultes ou en semaine, pourquoi pas,
le jeudi par exemple, n’importe quand nous ira mais, par pitié, assume ton
histoire et ne nous prive pas de la nôtre en nous fermant la porte de nos
église ancestrales.
lundi, novembre 06, 2017
Retour de Budapest et à propos de la consultation de mon blog
J’eusse
aimé … mais pas le temps, pas le temps entre la présidence du Conseil Communal
et toujours quelques projets littéraires. Donc, sous l’impulsion de l’association des employés de
l’établissement où « j’évangélise », j’ai visité la capitale
hongroise. Je n’ai pas vu mes collègues, léger problème d’organisation, on ne
change pas une équipe qui gagne surtout quand elle perd … Bref, j’ai découvert
Budapest, versant touristique, difficile d’aller au-delà, quelques ouvertures
toutefois, lorsqu’on dépasse la barrière de la langue. La ville a retrouvé
l’éclat d’une capitale d’empire, le cosmopolitisme K und K de l’universalité en
mode germanique, cette vision du monde capable d’intégrer au-delà de son groupe
culturel. Quoiqu’en l’occurrence … Beaucoup de touristes, beaucoup de sécurité,
pas de mendiants, pas un seul dealer, quelques SDF, âgés et locaux. Je peux
imaginer toutes les détresses que cache cette situation quasi idyllique mais le
flâneur y trouve son compte. J’ai déambulé dans cette ville qui m’est étrangère
comme il y a trente ans dans Lausanne. Il est vrai que je n’ai pas visité la
banlieue. Atterri samedi après-midi, envolé le mardi suivant en début de
matinée. Dans l’intervalle, j’ai sillonné la Váci utca, hybride de la rue de
Bourg, de Saint-Denis et du faubourg Saint-Honoré, à la fois chic, pute et
touristique qui débouche sur la Vörösmarty tér, belle place bornée par une
institution : le salon de thé Gerbaud, établissement de tradition fondé en
1858, fournisseur officiel de maisons royales. Le décor n’a pas changé, ni les
gâteaux, ni l’atmosphère. Budapest a grandi sitôt devenue la capitale du
royaume hongrois et, parallèlement, une villégiature pour la cour, la bonne
société autrichienne. On continue, du reste, de vous servir en allemand au Café
Gerbaud alors que l’anglais a tout supplanté ailleurs.
La bulle
touristique budapestoise a donc imposé l’anglais comme une garantie
d’émancipation de la Hongrie nouvelle, maîtresse de son destin, quasi
triomphante sous la férule de son guide Viktor Orbán et, surtout, indépendante
de Bruxelles ! De l’autre côté, le « viktator » fait la chasse
aux institutions étrangères installées sur sol hongrois. Comment se glisser de
l’autre côté du rideau ? Effleurer la réalité budapestoise outre les
échanges standards avec serveurs, vendeurs, chauffeurs de taxi et hôtesse
d’accueil ? Trois séquences. La première, messe dominicale à la basilique
Saint-Etienne, fête de Notre Dame de Hongrie. De vieux habitués aux premiers
rangs, la nef est pleine, une foule fervente, belle participation, communion
dans la foi, l’histoire et l’identité nationale, toujours douloureuse après
l’occupation ottomane et son martyr consécutif, la partition du territoire
post-diktat de Versailles, l’entrée dans l’Axe en 1940 (totalement assumée et
paradoxalement problématique) et pour finir l’abandon à la dictature
stalinienne. La chute du mur et l’intégration européenne représentaient une
libération, Bruxelles est conçue comme une tentative de domination
supplémentaire. Et encore de l’anglais, une traduction de l’homélie, les
Hongrois sont conscients de la difficulté et de la rareté de leur langue.
Deuxième séquence, une conversation de bistrot avec un autochtone voulant
s’informer de la provenance de mon sac et l’échange s’est poursuivi sur des
considérations sociales. Mon interlocuteur est issu de la minorité roumaine, il
fait une formation d’assistant dentaire. Il me dit que la vie est chère mais la
ville est belle, sa fréquentation est douce. Pas un mot quant aux
discriminations auxquelles cette frange de la population hongroise est en bute.
Nous parlons encore des nombreuses églises de la ville, mon assistant dentaire
est catholique, pratiquant, il me l’a dit, il porte une croix et une médaille
autour du cou. Troisième séquence. En redescendant de la colline de Buda, envie
de m’arrêter dîner dans un restaurant végétarien de quartier. Il faut que je
retire de l’argent liquide, une banque m’ouvre son guichet électronique à côté,
un espace criard et trop éclairé, la porte ne répond pas à ma postcard, une
femme derrière moi me baragouine quelque chose en anglais, je pense à une
gentille siphonnée, SDF selon la denture, l’absence de denture et les sacs
plastiques superposés. Un client qui sort me tient cette fichue porte, la femme
me suit. Elle cherche certainement un abri pour la nuit. Elle me demande quelle
langue je parle, elle pratique le français, à un très bon niveau, une langue
émaillée de quelques expressions maladroites. J’attends sa demande, une obole,
j’ai un billet de 500 forints en poche, un peu moins de deux francs suisses, le
distributeur de la banque ne m’a gratifié que de très grosses coupures. La
conversation avance. Toujours pas de demande, cette femme me raconte qu’elle était
enseignante, je veux bien la croire. A part les dents, les sacs et un trou dans
la manche de son manteau, elle présente un aspect normal, presque coquet. Elle
parle poésie, me demande mon adresse, pour m’écrire, toujours aucune demande d’argent.
J’ai l’impression de tourner une scène du « Rideau déchiré » et la
comtesse Kuchinska de demander une adresse, voudrait-elle d’un répondant afin
de pouvoir quitter le pays ? Légère honte, je suis pris au dépourvu, je
donne l’une de mes anciennes adresses lausannoises, j’accepte la sienne, une
sous-location apparemment, dans un village de la banlieue éloignée. Je lui tends le billet de 500 forints avec une pièce de 200,
elle me demande pourquoi ce geste ? Je lui rétorque que je suis moi-même
enseignant, que je sais les retraites extrêmement maigres dans les pays de l’ex-bloc
soviétique, c’est un geste de solidarité entre gens de la même profession, je
lui désigne le trou sur sa manche et lui dis avoir deviné que sa situation ne
doit pas être facile tous les jours. Nous échangeons quelques propos sur la
politique hongroise, elle baisse la voix et me glisse « Orbán est un
malade mental ». Les Hongrois ne parlent pas de politique, en tout cas pas
avec des étrangers, très peu de slogans dans la rue. Du reste, il n’y a quasi
pas de tags, pas d’affichage sauvage, uniquement la retape officielle pour des
élections futures en format international sur les grands boulevards d’accès,
sinon rien. La bulle.
Budapest m’a
profondément touché, la ville est incontestablement belle, je l’ai un peu « cartographiée »,
je suis allé de-ci de-là, multipliant les moyens de transports et cette
barrière de la langue, à l’oral mais aussi pour comprendre ce qu’indique les
enseignes, les panneaux. Je sais que j’y reviendrai, non pas pour ses « ruin
bars » ou pour aller trempatouiller dans de l’eau tiède avec des obèses
russes et des chinois aux conceptions hygiéniques exotiques, je me baigne soit
lorsque j’ai chaud ou que je suis sale. Si j’ai froid, je me mets sous la
couette avec quelques chiens en guise de bouillotte et l’affaire et faite. Non,
je reviendrai à Budapest car, sur le pont Margit, sous les derniers rayons du
soleil, la ville parlait, elle raconte ses collines, ses quartiers, son
histoire, sa grandeur même si elle y croit bien moins que tous les dirigeants
politiques qui se sont succédés dans ses palais. Elle est une étape, un relais,
près à être réactivé un jour prochain et je compte en être témoin.
Second
point que j’avais envie d’aborder dans ce billet – j’eusse pu en écrire un
second mais par économie de temps, je vous fais un combo – second point donc,
la fréquentation de mon blog. Si vous-même êtes contributeur d’une publication
en ligne, vous savez que dans la coulisse, vous pouvez obtenir toute sorte de
renseignements statistiques, entre autres l’origine nationale de vos lecteurs.
Bizarrement, la consultation du « Monde de Frevall » a explosé outre-Atlantique
dès l’élection de Donald Trump à la présidence ?! Ce n’est peut-être qu’un
hasard mais j’imagine les p’tits gars de la NSA, l’un des préposés au groupe de
surveillance en français tombant sur ma prose et s’en entichant, une petite fiche
de signalement afin de satisfaire sa curiosité de lecteur tout à son aise. Peut-être
qu’il s’agissait d’une mission de renseignement en vue du voyage de POTUS en
Europe ? Dès l’arrivée de l’intéressé sur le vieux continent, le nombre des
consultations chute drastiquement et mon blog retourne dans sa confidentialité
originelle. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Figurez-vous que, depuis août, la
fréquentation remonte grâce à mes visiteurs … russes ! On peut donc
légitimement imaginer que les aléas de la politique morgienne soient connus du
FBI, de la CIA et du FSB (nouvel avatar du KGB).
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