mercredi, juin 27, 2018

"Le génie et la déesse" de Aldous Huxley


Aldous Huxley n’est pas qu’un auteur de SF à caractère New Age, c’est un homme de l’ère victorienne qui a réussi à s’échapper de son siècle. Il témoigne de sa stature morale, entre autres, à travers un bref opus : « Le génie et la déesse ». Le volume m’est tombé entre les mains je ne sais trop comment, une bibliothèque à débarrasser ou un achat dans une brocante. Quoiqu’il en soit, j’étais sûr de la qualité du texte, ce petit rien d’ironie, un solide fondement philosophique et logique. Il faut tout de même « rentrer dans le texte », genre deux vieux qui se racontent leurs faits d’arme, une touche de condescendance, notre auteur a passé 60 ans, il est malade, ça commence à sentir le sapin, du coup on peut excuser l’apprêt pontifiant de l’incipit.

Donc, deux vieux, du whisky, des souvenirs, un peu de psypsy à la sauce freudienne, invocation de ce bon vieux Sud, on se croirait passé dans un roman de Julien Green. Il y a un jeune scientifique plein de morale et de piété ; il y a un grand génie distrait, asthmatique et infantile, sa femme, Kathy, superbe, elle pourrait être sa fille et deux enfants, une adolescente poétisant et un jeune garçon. Ne surtout pas oublier la vieille Beulah, la nounou servante noire qui veille à tout. Le jeune scientifique est bâti comme un dieu, il va sans dire. Il s’agit de l’un des deux vieux pontifiant qui se racontent leur vie. Tout comme Julien Green, il expose à quel point il pouvait être quiche à 20 ans, tout pétri de principes pieux  et moisis. Ah ! les ravages de la bonne morale protestante, là où la sensualité catholique et le pardon de la confession représentent un véritable progrès. Le sujet du « Génie et de la déesse » n’est toutefois pas là.

La belle Kathy est une femme à l’attitude olympienne, une mortelle qui se comporte comme une déesse. Promise à un grand mariage, elle a préférée épouser un vieil hurluberlu, un scientifique infantile porté sur la chose, comme un nourrisson qui ne peut s’empêcher de sucer son pouce. Le type est totalement déconnecté de la réalité, il est au-dessus de ça. Question, l’esprit est-il supérieur à la vie, la sensualité propre à tout existence humaine ? réponse huxleyenne : non, lorsque l’amour et la sensualité ne sont plus présents, le génie tourne à la manie, une succession d’anecdotes montées en boucle. Evidemment, la belle Kathy finira par coucher avec le jeune puritain au corps de dieu grec et il n’y a aucun scandale dans ce fait. Son mari le génie est au tapis, malade, quasiment mort ; son épouse doit lui insuffler le souffle vital qui lui manque et comment le faire si elle est elle-même à bout de souffle ? Se reconnecter à son corps, jouir, dormir, manger, être en santé et faire déborder cette santé dans la personne de son époux.

Huxley semble deviner le tournant moral coincé du … ce que vous pensez des prochaines décennies. Le récit est implacable, les ravages d’une morale sociale  bornée alors que le grand charme de la bourgeoisie s’exprime dans la coulisse. Moralité, à présent que le sexe est devenu une pratique publique, galvaudée, étalée, il n’est plus libre, il est contraint, frustration, compensation, déraison et obésité des foules à la clef. Pour être heureux … baisons caché !



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