Aldous
Huxley n’est pas qu’un auteur de SF à caractère New Age, c’est un homme de
l’ère victorienne qui a réussi à s’échapper de son siècle. Il témoigne de sa
stature morale, entre autres, à travers un bref opus : « Le génie et
la déesse ». Le volume m’est tombé entre les mains je ne sais trop
comment, une bibliothèque à débarrasser ou un achat dans une brocante. Quoiqu’il
en soit, j’étais sûr de la qualité du texte, ce petit rien d’ironie, un solide
fondement philosophique et logique. Il faut tout de même « rentrer dans le
texte », genre deux vieux qui se racontent leurs faits d’arme, une touche
de condescendance, notre auteur a passé 60 ans, il est malade, ça commence à
sentir le sapin, du coup on peut excuser l’apprêt pontifiant de l’incipit.
Donc, deux
vieux, du whisky, des souvenirs, un peu de psypsy à la sauce freudienne,
invocation de ce bon vieux Sud, on se croirait passé dans un roman de Julien
Green. Il y a un jeune scientifique plein de morale et de piété ; il y a
un grand génie distrait, asthmatique et infantile, sa femme, Kathy, superbe,
elle pourrait être sa fille et deux enfants, une adolescente poétisant et un
jeune garçon. Ne surtout pas oublier la vieille Beulah, la nounou servante
noire qui veille à tout. Le jeune scientifique est bâti comme un dieu, il va
sans dire. Il s’agit de l’un des deux vieux pontifiant qui se racontent leur
vie. Tout comme Julien Green, il expose à quel point il pouvait être quiche à
20 ans, tout pétri de principes pieux et
moisis. Ah ! les ravages de la bonne morale protestante, là où la
sensualité catholique et le pardon de la confession représentent un véritable
progrès. Le sujet du « Génie et de la déesse » n’est toutefois pas
là.
La belle
Kathy est une femme à l’attitude olympienne, une mortelle qui se comporte comme
une déesse. Promise à un grand mariage, elle a préférée épouser un vieil
hurluberlu, un scientifique infantile porté sur la chose, comme un nourrisson
qui ne peut s’empêcher de sucer son pouce. Le type est totalement déconnecté de
la réalité, il est au-dessus de ça. Question, l’esprit est-il supérieur à la
vie, la sensualité propre à tout existence humaine ? réponse huxleyenne :
non, lorsque l’amour et la sensualité ne sont plus présents, le génie tourne à
la manie, une succession d’anecdotes montées en boucle. Evidemment, la belle
Kathy finira par coucher avec le jeune puritain au corps de dieu grec et il n’y
a aucun scandale dans ce fait. Son mari le génie est au tapis, malade,
quasiment mort ; son épouse doit lui insuffler le souffle vital qui lui
manque et comment le faire si elle est elle-même à bout de souffle ? Se
reconnecter à son corps, jouir, dormir, manger, être en santé et faire déborder
cette santé dans la personne de son époux.
Huxley
semble deviner le tournant moral coincé du … ce que vous pensez des prochaines
décennies. Le récit est implacable, les ravages d’une morale sociale bornée alors que le grand charme de la
bourgeoisie s’exprime dans la coulisse. Moralité, à présent que le sexe est
devenu une pratique publique, galvaudée, étalée, il n’est plus libre, il est
contraint, frustration, compensation, déraison et obésité des foules à la clef.
Pour être heureux … baisons caché !
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