Je vais
tenter d’être bref, je ne veux pas diluer ma colère ni cacher sous les mots ma
honte, honte d’être le témoin de la torture, de la terreur d’un être sensible
et innocent. La première réaction, le premier mouvement intérieur, un certain
agacement devant cette image, pourquoi ce journal, le vôtre m’impose cette
photo atroce. Votre rédaction fait de moi un témoin, quasi un complice puisque
je ne pourrais jamais venir en aide à cet animal, ce veau terrorisé, prostré
dans un angle de la pièce, une salle d’abattage carrelée jusqu’au plafond,
faïence blanche, clinique, pour un nettoyage complet, une hygiène parfaite
après … après, quand on aura équarri, emporté des bouts de viande qui, quelques
instants auparavant, étaient encore un être vivant, un animal dont le QI et,
surtout, le QI émotionnel sont égaux, voire supérieurs à ceux d’un chien.
Vous aurez compris que je fais
référence à votre article du vendredi 16 mars sur l’abattoir de Moudon, sa
pratique institutionnalisée de la maltraitance animale, article illustré de ce
cliché terrible, trois veaux, l’un abattu, gisant dans son sang, un autre, au
premier plan, assis ou accroupi, le dernier dans le coin supérieur droit du
cliché, acculé, j’ai rapidement tourné la page, image insoutenable, à peine
entrevue. Je pourrais me frapper, me griffer, me battre et hurler dans la rue,
j’aurais voulu être dans cette pièce, cette salle et laisser libre cours à ma
colère, la laisser fondre sur les criminels, ceux-là mêmes que l’on devrait … Je n’y étais pas et mon impuissance
s’est retournée ce soir contre une catelle de la salle de bain, fendue, enfoncée,
j’ai mal, le tranchant de la main, j’aurai un bleu demain matin, ça tape mais
ça fait moins mal que la photo, moins mal que la terreur d’un animal cerné par
l’odeur du sang et la certitude de son
supplice prochain.
Je suis historien, j’ai toujours en
stock une image, de quoi illustrer une situation, ce à quoi nous pouvons tous
être confrontés. En l’occurrence, je comprends – toute proportion gardée – la
honte de ces femmes, ces hommes, la population endimanchée d’Ottstedt am Berge
ou d’un autre village voisin de Buchenwald, population forcée par l’état major
américain à visiter le camp, à voir, à sentir l’horreur, concevoir ce qu’ils
avaient méticuleusement tenté d’ignorer depuis 1937. Longtemps, j’ai essayé de
regarder ailleurs, nier la souffrance animale, ce n’est pas moi qui tue ces
bêtes et maintenant qu’elles sont mortes, ce serait dommage de gâcher la
viande. Cela fait une bonne année que je ne mange plus la chaire de mammifères
ou d’ovipares terrestres et, ce soir, je m’aperçois qu’il ne me suffit plus de
m’abstenir. Il faut entrer en résistance contre la souffrance animale. Merci à
la rédaction du 24H pour avoir confronté ses lecteurs à l’horreur de cet
abattoir, ce lieu atroce, les raclures qui y travaillent. Ils ne s’en tireront
pas comme ça, il y aura des suites et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir
de citoyen pour que les sanctions soient exemplaires.
1 commentaire:
Horrible on devrait leurs faire la même chose des assassins.criminels ces animaux sont innocents qu on les respectes au moins j ai honte de mon pays
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