Je ne suis
pas « barbarophile », je ne suis pas particulièrement versé dans la
chanson à texte, je suis encore moins rive gauche ou droite, ou … je les
confonds et je m’en fous. La gloriole gauloirisante de l’après-guerre me laisse
de marbre, je ne peux m’empêcher de penser aux foules pétainistes et
collaborationnistes. La mentalité en cul de sac des années 50, 60. La chanson,
oui, pourquoi pas, de la variétoche, Cloclo, Dalida bien sûr, Annie Cordy,
Carlos, Joe Dassin, le Big Bazar de Michel Fugain, du popu, de la paillette et
de la gaudriole pour prolo, je retrouve mon jus. Donc Barbara, la grande dame
brune. Jusqu’à son surnom éveille chez moi une certaine suspicion. Ma mère
nourrissait contre l’artiste des préventions, quasi les mêmes que pour Jeanne
Moreau. Ce n’est pas que je n’aime pas Barbara. J’ai quelques souvenirs de
chansons bêlées par la dame dans le grand âge, le fameux hymne pour bar
lesbien, et le reste de chansons à clefs pour des serrures qui m’indiffèrent. De
plus, « Barbara » est le prénom d’une pouffe de ma connaissance, pas
une mauvaise fille, une pouffe de l’entourage de mon ex’, mon Dieu, quelle
période. Je n’avais pas 30 ans et j’étais pourtant loin du bonheur.
Bon, avec un
livre, même s’il porte le titre de « Barbara, la vraie vie », pas
besoin de l’écouter et la biographie est signée Jean-François Kervéan. J’ai eu
le plaisir d’offrir un verre de vin au monsieur à la maison lors d’une édition
du festival « Le Livre sur les Quais » ; Christophe Girard me l’avait
présenté. Nous nous sommes échangés nos volumes respectifs du moment et j’ai
découvert un grand auteur, une manière d’appréhender la matière littéraire qui
me plaît, avec sincérité, sans toile peinte derrière laquelle planquer la
personne de l’auteur. Authenticité, donc, et une plume déliée, un style souple,
de l’originalité mais rien de forcé, de bonnes trouvailles plutôt, une
véritable élégance. Evidemment, j’eusse préféré qu’il m’envoyât une biographie
de Julien Green, de Truffaut ou de Montserrat Caballé mais la dédicace est si
charmante, elle m’interdit de sortir l’une de mes excuses bidons, « ça n’est
jamais arrivé », « on me l’a emprunté et je ne l’ai pas encore revu »,
« il est passé par la fenêtre ouverte du train dans un cahot ». En plus, le bouquin est épais, il va encore
me traîner aussi longtemps que le Onfray, écrit à l’arrache et d’un antichristianisme
qui confine à la connerie, qui encombre une chaise depuis bientôt cinq mois en
compagnie d’« Un Président ne devrait pas dire ça » et, sous la
chaise, une tripotée de trucs romands illisibles. Kervéan a le mérite d’être
toujours parfaitement lisible, et j’ai promis un billet ; l’auteur manque
de publicité selon moi. Ce sont toujours les mêmes vantards du marigot littéraro-parigo-parisien
qui l’ont ouverte, occupent le champ médiatique et ne laissent pas tant de
place aux autres. Je vais tout de même corriger le tir auprès de la petite
douzaine d’improbables lecteurs qui jetteront une œil sur ces lignes.
Vous ne
devinerez jamais quoi ?! Comme on le dit par ici, j’ai été déçu en bien !
Jean-François Kervéan donne/re-donne une voix à la chanteuse à la rose, brosse
un portrait vivant de la chanteuse de minuit, et s’entrecroisent les
témoignages de ceux qui fréquentèrent la dame brune. Kervéan paie de sa
personne, il n’a pas choisi de pondre une biographie de l’artiste parce que l’on
célèbre les 20 ans de sa disparition. Il a cherché à aller au-delà d’une émotion,
un concert à Pantin, en 1981, sous un chapiteau, les promesses de la
mitterrandie et tout ça. Je n’ai pas envie de casser l’ambiance mais on est
bien revenu de l’euphorie de cette époque, comme disait grand-maman « les
belles paroles, ça rend les fous joyeux ». Bref, Kervéan avait 19 ans, à
Paris, on promettait de changer le monder, réinventer la société. A son âge et
à sa place, j’aurais peut-être aimé Barbara et j’aurais eu envie de raconter sa
vie au plus proche de l’émotion qu’elle m’offrit lors de ce concert, à Pantin.
Attention, ce n’est pas une hagiographie pour fans qui nous est proposée mais
une enquête au cours de laquelle Monique Serf cherche sa voie, cherche à
exprimer, à évacuer cet orage d’émotions qui parfois l’étouffe. Elle ne veut
pas finir comme sa mère, elle est royale, elle veut un destin, son royaume, une
couronne. Elle veut être libre, aimer librement, se réchauffer auprès de tous
les hommes dont elle aurait envie.
Après le
cul de sac des années 50, 60, Kervéan nous déroule la « success story »
d’une diva de la chanson dont la seule vraie histoire d’amour c’était lui, son
public. Françoise Sagan est aussi invitée à ressusciter, nous raconter avec
drôlerie et un cathare du fumeur les hauts et les bas d’une amitié avec
Barbara. Après avoir refermé le livre, je comprenais mieux les préventions de
maman tout en les trouvant sans fondement. J’avais surtout envie de réécouter « Il
pleut sur Nantes » ou « Göttingen ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire