mardi, juillet 07, 2015

John Steed/Patrick Macnee: in memoriam


Une anecdote, exactement de celles qui me frappent et que je conserve pieusement. La scène est tirée des « New Avangers », la dernière mouture de « Chapeau melon et bottes de cuir ». Steed est à terre, on lui a tiré dessus ; Purdey a tout vu. Elle rejoint Steed, éplorée, persuadée qu’il est mort ; à peine décoiffé, notre homme reprend conscience et se relève. Purdey s’émerveille de ce miracle avant que Steed ne sorte de sa poche un étui à cigarettes et dise « Je ne fume pas moi-même mais je porte toujours ce genre de chose sur moi pour mes amis qui cultivent ce vice ». Je rêve aujourd'hui encore de pouvoir faire montre d'une telle souveraineté dans les contradictions de la vie. Le raffinement, l’élégance désintéressée du geste, de l’accessoire font de Steed un héros affable, faillible (on lui tira tout de même dessus) et paradoxalement invincible.

Patrick MacNee alias John Steed est présent dans mes plus lointains souvenirs. Il fut mon premier modèle, place à peine disputée par le très sexy Robert Conrad, alias James West (Les Mystères de l’Ouest). Un homme accompli ne pouvait que s’habiller, se mouvoir et parler comme Steed ; j’en étais convaincu à cinq ans, à sept ans, à quinze ans et jusqu’à aujourd’hui. Il me fut toutefois donné de constater assez tôt qu’il ne s’agissait pas du modèle dominant… Je me construisit en rapport avec ce personnage suranné, son univers choisi, son esprit décalé et sa préciosité. Quoique je fisse, je restai toujours un peu Steed - la Rolls antique, le respect et la situation en moins. Certains petits garçons choisissent Zorro, Musclor ou Ronaldo comme héros universel. Ils les portent, les vivent, en parlent, les imaginent dans toutes les circonstances de la vie. Mon héros était une figure aimable que, jamais, je n’imaginai en pyjama, dans son intimité ou, pire, dévêtu !!! Parfois, le téléspectateur pouvait  entrapercevoir Mr. Steed en « négligé », à savoir bras de chemise, gilet et cravate.

Mon héros, mon modèle, est une sorte de dieu flegmatique et plein d’humour, jouissant d’un sens de la répartie lui faisant dire « Vive la reine » alors que, découvert au milieu d’une assemblée de fanatiques nazis, il se voyait menacé. Dans un épisode de la période Tara King, il perdit la mémoire se rappelant néanmoins confusément de … « mère-grand », le chef de sa section, un étrange vieux bébé en chaise roulante. Steed se demanda goguenard et ironique s’il était donc un petit-fils indigne ? Chaque épisode portait son bon mot, sa chute amusante en épilogue, surtout du temps de Mrs Peel. On luttait contre l’ennemi de toujours, le communiste, le russe, le soviétique, un quarteron de nostalgiques du IIIème Reich, parfois un trafiquant d’opium chinois, des savants fous, des proscrits rancuniers, une tripotée de traîtres prêts à vendre jusqu’aux culottes de la reine pour quelques livres ou de simples espions aux méthodes fantasques. « Chapeau Melon et bottes de cuir » était l’une de ces institutions télévisuelles du samedi après-midi au même titre que « Cosmos 1999 » ou « Bonanza », l’une de ces machines à rêver qui m’ont appris à grandir avant de passer à Green, Mann, Mauriac ou Musil.



mercredi, juin 24, 2015

"Ohrtodhoxes" de Casimir M. Admonk

Casimir, c’est une rencontre, une présence, un sourire, un auteur. Il était assis derrière une table et découpait des mots, des phrases, des caractères dans l’un des exemplaires d’ Ohrtodhoxes, son roman, poésie en prose mais l’étiquette est un peu courte. Il faut imaginer Casim’, comme il signe ses courriels, sous un ciel menaçant, une terrasse en ville, un bunker improbable et la foule, la jeunesse des amis, ah ! les jambes des garçons …
 
« Trouver une nouvelle forme de combat. Trouver une nouvelle arme. La retourner contre soi. Pour aller plus loin, on peut toujours se répandre, en plus de textes, en plus du texte, je peux encore laisser cette tache dans ma main, et donner à voir ce sperme sur vos dents. » Tout est dit, je repense à la scène initiale de « A single man » de Tom Ford ; Casim’ a un petit air très couture et le talent de susciter des images, des mondes, des vérités. Son texte se déroule en volutes baroques, aussi riches que rares ; cette puissance évocatrice et cette langue envoûtante qui laissent le plus attirant des auditoires sous le charme, hypnotisé, obnubilé … L’orage même en reste interdit, suspendu au-dessus d’une terrasse improbable, un bunker en ville.
 
Comme dans toute parole précieuse, on ne peut évoquer Ohrtodhoxes que par son entour, les à-côtés du verbe et ce qu’il suscite chez le lecteur. Ce sont des couchers de soleil paradoxaux, des pleurs amers le sourire aux lèvres, la promesse d’une fin et le désespoir du bonheur. La pythie n’est pas clair ?! Elle joue seule de la guitare pour son singe, dans sa chambre, lors de la fête de la musique et c’est son privilège, royal, de délivrer la Vérité dans la forme qui lui plaît. Elle a décidé d’être séduisante et ses vers en prose ne sont pas une pochade. Le texte vous appelle, la pythie est aveugle. Ne voit-elle pas que son passé a pour elle les yeux de Chimène ? Ah ! les jambes des garçons, et des pâtes à la tomate, une soirée de printemps, les bunkers en ville tiennent du mythe, ne fermez pas les portes de votre esprit, Casim’ n’est de loin pas un innocent et Ohrtodhoxes vous séduira.

mardi, juin 09, 2015

"Ex_Machina" d'Alex Garland

Ex Machina, premier film de l’auteur britannique Alex Garland – surtout connu pour ses scénarios de 28 jours plus tard et 28 semaines plus tard – développe le thème de l’homme tout puissant se substituant, même, à Dieu. Le scénario est simple. Nathan (Oscar Isaac Hernandez), patron d’une grosse entreprise d’informatique, a organisé une loterie auprès de son personnel. Le prix : une semaine dans son domaine retiré, en sa compagnie, afin de participer à un mystérieux projet. Caleb (Domhnall Gleeson), jeune programmateur célibataire sans attache remporte le concours. Il est déposé par un hélicoptère au milieu de rien, entre un glacier, une rivière, des montagnes … Une maison tout de même, une sorte de bunker design et tendance pour magazine trendy, impression papier glacé. Commence alors un étrange huis-clos, troublant, sophistiqué et subtilement décadentiste entre l’innocent, le créateur, et sa créature : une androïde dotée d’une intelligence artificielle. A charge pour Caleb de déterminer si « Ava » (Alicia Vikander) est une simple machine ou si elle est dotée d’une intelligence autonome. Ce ballet à trois est complété par la présence de Kyoko (Sonoya Mizuno), une présence muette et soumise, une sorte d’esclave intégrale traitée n’importe comment par Nathan … qu’importe, elle est clairement une machine.

Ex Machina n’est pas un film d’anticipation de plus, c’est une question philosophique, un jeu hyper-connoté, comme une association libre de haut vol. Nathan s’est fait une place dans l’informatique en développant un moteur de recherche nommé Blue Book, en référence au « Cahier Bleu » du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein. Pas besoin d’aller chercher très loin, Blue Book évoque immédiatement chez le spectateur le spectre de Google, le moteur de recherche capable de recouper les données de toutes vos recherches afin de vous fournir des réponses aux questions dont vous n’avez pas même encore l’idée.
Nathan a tout du geek triomphant : parano, narcissique, manipulateur, névrosé, imbu de sa personne et à la merci de tous les tics de goûts et de comportement de cette nouvelle élite. Il soigne son physique, son look de vieux hipster un peu trop testostéroné, mange du sushi, du riz intégral, des smoothies antioxydants mais boit comme un trou pour calmer ses angoisses de branleur psychotique. Pour ce qui touche au sexe, il a sa poupée gonflable électronique, Kyoko, qui ne parle pas, ne comprend rien mais répond à une logique gestuelle. Si vous la touchez, elle se déshabille ; si vous mettez de la musique, elle danse. Scène d’anthologie, Nathan le gros naze de génie au physique de bœuf aux hormones qui exécute une chorégraphie à la Cloclo, parfaitement synchro’ avec sa péripatéticienne informatique sous le regard médusé de ce pauvre Caleb qui, ainsi qu’il était prévu dans le plan, tombe peu à peu amoureux d’Ava.

Cela finira mal, forcément. Il est nécessaire de s’arrêter sur quelques détails multi-référencés comme l’évocation de l’action painting de Pollock ou la présence du portrait de Margaret Wittgenstein par Klimt ; Margaret était la sœur du philosophe … Qu’est-ce à dire ? Cela nous renvoie invariablement aux sources de la catastrophe, dans cette Mitteleuropa k und k qui implosa à courir après de grandes idées, la nouveauté d’un mode d’expression inédit. Ava prouve l’autonomie de son intelligence par le surgissement de l’irrationalité du désir chez elle, un désir physique avant qu’il ne devienne général. Nous ne devrions pas jouer avec cette notion d’intelligence artificielle et, pourtant, nous finirons par la créer puis nous en perdrons le contrôle. L’action painting enseignait qu’il ne fallait pas réfléchir au geste créateur ; le sens apparaîtrait à postériori. Ex Machina comme une prophétie servie par un jeu d’acteur, une esthétique, un cadrage kubrickiens.



mardi, mai 26, 2015

" La Bête" de Jon Ferguson

Essayiste, basketteur pro, entraîneur révéré, peintre à ses heures, romancier, et bien d’autres choses, le jeune homme perpétuel qu’est Jon Ferguson nous offre avec son dernier titre bilingue, « La Bête »/« Beast » une sorte d’évangile à son athéisme tempéré. Le texte est divisé en « Miettes » et en « Bulles », autant d’aphorismes développés à la manière d’exempla, les médiévistes comprendront où je veux en venir, pour les autres, deux mots d’explication. Les ordres mineurs, qui sont aussi des ordres prédicants, les franciscains et les dominicains donc, partaient prêcher dans le monde, s’invitant au grand dam du clergé séculier dans les paroisses où ils expliquaient la morale chrétienne, le catéchisme, les symboles, les évangiles à grand renfort de récits légendaires et de scénettes. Pour s’en rappeler, ils recensaient toutes ces historiettes, ces exemples, dans de volumineux recueils. L’un des plus connus : La Scala coeli de Jean Gobi junior (neveu présumé de Jean Gobi sénior, père abbé du monastère dominicain de Saint-Maximin) n’est pas sans rappeler par la forme et le fond la « Bête » dont il est question.

John Ferguson n’est pas entré dans les ordres, même s’il mène une vie disciplinée de moine (se lever tôt, de l’exercice, un petit-déjeuner équilibré, travailler, une collation, un peu de repos, travailler, dîner, se coucher tôt sans excès de table ni de boisson). Toutefois, il a voulu condenser une vie d’observation dans ses miettes et ses bulles. L’homme ne sombre pas dans un émerveillement bébête ni dans une misanthropie poisseuse, il s’explique sur le fil de son émerveillement face au monde et de sa confiance en l’homme, aussi, tout de même. Pas de grandes phrases creuses, Ferguson est un pragmatique, un homme d’actions, pas du genre « tellement profond qu’on ne voit plus rien à la surface ». Il aime pourfendre les lieux communs du catastrophisme, les inquiétudes pseudo-scientifiques, une tendance eschatologique et régressive qui nous promet le grand crac-boum pour bientôt.


Notre auteur louvoie un peu, rapport à Dieu, la foi, le christianisme. Tantôt il prétend ne pas croire et tantôt laisse la porte ouverte tout en reniant la tiédeur de l’agnosticisme. Voici le seul reproche, léger, que je pourrais émettre sur le texte mais j’ai une lecture de catholique croyant. En bon misanthrope modérément réactionnaire, je ne peux que m’émerveiller par la confiance que Jon met en l’autre, tous les autres. Ce n’est pas « chou », il s’agit là du résultat d’un véritable sacerdoce, une volonté expresse d’ouverture. Question style, pas de fioritures mais une langue claire, parfois un peu raide, comme l’accent anglo-saxon dans la scansion du verbe. Cela en rajoute à la singularité du témoignage, à sa valeur, à sa saveur. « La Bête », essai précieux, catéchisme fergusonnien à lire en continu ou à glaner par le hasard des pages.

dimanche, mai 24, 2015

Revenir sur le "Journal de la haine et autres douleurs"

En ai-je trop dit ? ou pas assez ? Je me suis relu, comme à chaque fois, non pas dans un mouvement de satisfaction vaniteuse mais pour me persuader de l’existence du texte. M’y suis-je reconnu ? oui et non. Il y eut le temps des sentiments, des émotions, l’instant vécu, puis celui de l’évocation, du regret et, finalement, le temps de la rédaction. Au fil des pages, j’ai retrouvé des traces de ces trois strates, vestiges, archéologie. Finalement, Olivier – mon éditeur et, par conséquent sa lectrice Aurore – a cru au livre bien avant moi. D’une chose le texte mais le livre ! une autre affaire. Il y a une distance à présent entre le corps du texte et moi, rien de désagréable, une bonne centaine de page sous une couverture sobre, élégante.

Le texte existe, le livre a une présence physique, il est empilé en petits volumes dans la grande librairie de la place entre autres, la place Pépinet, Lausanne, où j’ai dédicacé hier après-midi, en compagnie de Daniel Fazan (nos romans sortent de concert). C’était sympathique, agréable, un peu vertigineux, les amis, les pairs, des parents venus partager un moment et le livre, une dédicace … mais le texte, la charge massive contre les autres, tous les autres, chacun a reçu son paquet comme dirait les personnages humiliés et revanchards de Mauriac. En ai-je trop dit ? ou pas assez ? pas assez de noms, de faits précis, de dates ? J’assume. Les complexes, les aveux sous-entendus, les manquements, la révolte, la violence du verbe : j’assume tout. L’autofiction porte toujours son petit parfum de soufre et de charogne, une odeur chaude et juste pas trop écœurante. Séduction.


« Un auteur, ça se met dans sa bibliothèque mais surtout pas à sa table ou, pire, dans son lit ! » avais-je écrit il y a quelques années de cela. « L’auteur est un rat » avais-je conclu et je me prouve à moi-même que j’avais raison. Je suis toutefois moins frappé par la violence de mon propos que par le charme puissant de « l’entre les lignes », ce qui s’immisce du souvenir de Vienne dans le récit et la douceur de Cy., sa présence, son attention. Ma huitième publication arrive vingt après la première, « Appel d’air », de l’autofiction de même. On peut me suivre ainsi à travers mes logements, mes mythes, mes amours de 1995 à aujourd’hui, en passant par « La Dignité », un triptyque autofictif où je dézinguais mon ex et mon ex-belle-famille ; j’avais alors la jeune trentaine. Finalement, je reste plutôt fidèle à moi-même dans l’expression de mon exécration, enfin une constante sur laquelle s’appuyer parmi mon champ de ruines perso’. 

mercredi, mai 13, 2015

"L'Homme sans qualité", première étape.

Quatre cents pages, un petit tiers de l’œuvre, à peine, « L’Homme sans qualité » n’est pas un texte qui s’offre au lecteur avec facilité. De chapitres en chapitres, il faut du temps car cette absence de qualité ne peut se définir en positif. Comme tous les concepts fondamentaux, il est nécessaire d’en circonvenir le contour en creux, inventorier ce que cette absence n’est pas. Chronique de la médiocrité annoncée, l’œuvre de Musil, fleuve et inachevée, dresse dès les années 30 l’inventaire de notre contemporanéité désabusée et ironique. L’action, commence par un long plan fixe sur la rue viennoise, la portion qu’Ulrich, notre non-héros, observe depuis la fenêtre de son logement, un petit palais de plaisance que la ville a englouti dans ses faubourgs. Le pitch ? Il s’agit du récit de la vie d’un jeune bourgeois contraint à un certain dilettantisme après avoir brisé toutes ses aspirations contre le roc indifférent de la vie.

Cette société « k und k » (pour kaiserlich und königlich / impériale et royale) ressemble par certains aspects à l’Europe Unie et à son usine à gaz administrative. En mieux toutefois. Musil y raconte en non-intrigue secondaire un gentil monde en recherche d’un grand projet, d’une idée, d’une ligne directrice afin de célébrer dignement les soixante-dix ans du règne de Franz Joseph. Mais l’empereur n’est plus un homme, il est le principe souverain de l’administration, et comment peut-on bien fêter une … administration ?! Toutefois, la Cacanie (petit non que Musil donne à sa caricature de l’Autriche-Hongrie) ne manque ni de bon sens, ni de panache. Dans ce pays idéal et complexe, on affecte pragmatisme et usages ; cela n’est pas sans rappeler de même un certain canton mou-du-genou, les ors impériaux et royaux en moins. Un coup à gauche, un coup à droite, et beaucoup de discussions, très longues d’où il ressort que l’on n’est ni pour ni contre mais bien au contraire. Il eût peut-être fallu être moins sage.

Ce roman, cette somme parle de nous ! Notre non-héros, par exemple, suite à la lecture du journal, relève qu’ « un cheval est génial ». Pourquoi donc les hommes auraient-ils encore du génie puisque c’est au tour des chevaux d’en avoir. Ulrich relève encore l’importance qu’ont prise les « sportifs » dans le débat public, l’importance qu’on leur accorde sur la seule foi de leurs exploits, de leur physique entraîné, de leur bonne mine bronzée. Au fil du non-récit, alambiqué et détourné de mille petits faits de rien, je reste stupéfait alors que j’en tourne les pages dans le train, métro-boulot-dodo, litanie usante préfigurée dans une chronique placée avant la grande catastrophe, la mère de tous les conflits et de tous les malentendus, la grande, celle de 14-18 … ou de 14-45, 14-92, affaire à suivre. Petit vertige des vérités si évidentes que l’on ne veut les voir ; et le train file, avec ou sans suicide sur les voies, avec ou sans glissement de terrain, déraillement de convoi chimique dangereux, etc. C’est un miracle que de pouvoir encore se leurrer, se dit-on en interrompant sa lecture, descendre du train, gare de destination.

Affaire à suivre, donc.



jeudi, avril 30, 2015

Solaris, l'opéra

Il y avait le film, un bon souvenir un peu flou, je l’avais vu à sa sortie, il y a bien dix ans. Le roman ? Je pratique la SF en BD, mangas, séries télé ou cinéma mais très rarement en version littéraire. Je ne sais pas trop pourquoi du reste, peut-être par fidélité à mon enfance, « Cosmos 1999 » oblige avec les sublimes et magnifiques Barbara Bain et Martin Landau. L’idée de perpétuer l’expérience SF par l’opéra n’était pas pour me déplaire. J’apprécie les œuvres contemporaines pour leur manière d’être « en phase », d’intégrer les contraintes et les possibles de notre temps. Je repense souvent au bon mot que Milos Forman avait glissé dans la bouche de son Mozart (Amadeus) : « les dieux sont si loin des hommes qu’ils chient du marbre », manière d’illustrer l’inadéquation des grands thèmes mythologiques aux préoccupations de ses contemporains, à savoir Les Lumières, un petit vent de pré-révolution, les changements de mœurs (voir Don Giovanni ou Les Noces de Figaro).

Solaris, l’opéra, un spectacle total, chorégraphié, 1h30 pour un puissant dialogue entre soi et LA question fondamentale : mais qui suis-je dans ce corps, sous cette identité, où se situe exactement l’être ? La partition de Dai Fujikura est magistrale, elle laisse la part belle à la tension émotionnelle et au jeu des chanteurs, six exactement. La prestation vocale de chacun était parfaite, ce dimanche 26 avril, Opéra de Lausanne. Je n’ai pas envie de me lancer dans une critique lyriqueuse où l’on mesure les coloratures de la soprano ou la puissance du baryton … Les dieux chient du marbre et les compteurs de petits pois font leur petit travail. On ne fait pas la critique d’un opéra contemporain avec des outils dépassés, les grandes œuvres, les grandes voix et blablabla. Pitié. Solaris offre autre chose que quelques morceaux de bravoure à se pâmer au milieu de trois heures de spectacles dont deux bonnes à jeter. Hélas, on ne peut plus, comme au XVIIIème et XIXème siècle, se lever, sortir, revenir avec de quoi  manger, faire la conversation avec son voisin ou profiter de l’intimité d’une loge pour d’autres activités. Je relèverai toutefois, en l’occurrence, la prestation de Sarah Tynan dans le rôle de Hari. Son fantôme vient hanter son mari, Kelvin, venu dans la station Solaris afin de répondre à l’appel de l’un des trois scientifiques sur place. Suicide, apparition, et la présence en creux de l’océan qui recouvre toute la surface de la planète Solaris, un être vivant avec lequel aucune communication n’a jamais été possible … jusqu’à la survenue des « mimoïdes », ces fantômes, sorte de doubles recréés à partir du souvenir de ceux qui portent le deuil de ces disparus.


Solaris est un spectacle total. Eclairage, atmosphère, musique et danse, chaque personnage est double, chaque chanteur a « son » danseur, illustration de notre diffraction corps-esprit, sans parler de la non-réalité des mimoïdes ! Jamais spectacle n’est mieux « tombé », je tourne à régime réduit depuis quelques temps, cela a un nom, deux, dix, cent … du surmenage très « Trente Glorieuses » à la décompensation nineties’ ou le très commun et actuel « burn out ». Les raisons ? elles sont ce qu’elles sont mais j’ai trouvé dans Solaris une illustration des effets, n’être qu’une surface ou un esprit diminué, tenter le dialogue avec un milieu mutique, hermétique et pourtant une conscience se manifeste, et l’individu redevient homme. Faire corps à nouveau avec soi, être un, exister pour l’autre dans une relation réinventée, et enrichie de la présence et la pratique de l’art, de la littérature, avec l’amitié et du repos.

samedi, avril 18, 2015

Retour de Dresde et Berlin

 
Retour de Dresde et de Berlin, retour en demi-teinte de mes terres allemandes tant plus variées que ce que l’on peut imaginer. Personne ne dirait à brûle-pourpoint à propos de la cuisine italienne ou espagnole « qu’elle est lourde et trop grasse». En plus de dix ans de fréquentations, je peux assurer que les Allemands mangent plus de légumes et plus équilibré qu’en Espagne. Néanmoins, hors les clichés, mes Allemagnes ont tendance à tourner en rond. Ce sont des gens frugaux par nature ; ils aiment la vie simple, passer du temps entre amis au café ou, mieux, sur une terrasse. Ils aiment acheter de la qualité mais sont passionnés à l’idée de faire de bonnes affaires. En Allemagne, on ne jette rien, on fait du troc, on revend au marché aux puces ou on dépose la chose propre et en état sur le trottoir avec un mot invitant à se servir.
 
Ces mêmes Allemands savent qu’il faut travailler pour vivre, et ils le font, comme ils trient leurs déchets, respectent la signalisation routière, l’ordre d’arrivée dans les files d’attente, les lois plus généralement et la sphère privée d’autrui, son intimité. Ils portent plus de cent ans de culpabilité sans broncher alors qu’ils n’étaient pas les instigateurs du conflit en 14 et que le traité de Versailles en a fait les fautifs historiques jusqu’à aujourd’hui. C’est un autre débat, ce n’est pas mon propos ici. Toutefois, difficile aujourd’hui de proclamer l’Allemagne seule et unique responsable du conflit de 39-45, impossible depuis que l’on connaît les complicités économiques alliées avec le régime nazi de 1933 à peu avant la guerre. Bref, les Allemands se devraient de sauver économiquement l’Europe, de faire barrage à la Russie et de consommer plus afin de porter, de surcroît, le commerce mondial !
 
On demande à ce pays d’être schizophrène ; ce pays qui nourrit une admiration sans borne pour la culture française, pour le Sud, ce pays qui a su intégrer ses migrants turcs, qui a su conquérir des foules de touristes de plus en plus denses devrait prendre en charge l’Europe unie sans pour autant avoir le droit d’y imposer sa marque : son parlementarisme, son consensus politique, son multi-confessionnalisme sans pour autant céder au dogme réducteur de la laïcité française. En attendant, le pays contrarié dans sa bonhommie naturelle et privé de toute vocation universaliste, sombre dans une sorte d’obésité sociale. On commémore à tout va, on s’auto-flagelle et on va se consoler en fréquentant les centres commerciaux qui fleurissent ici et là dans des formats inflationnistes. Je suis amateur de ce genre de lieux où l’on trouve toujours une bonne affaire à faire, des toilettes propres et des tea-rooms avenants. Pourtant, je n’en pouvais plus à Dresde. De la gare au Zwinger, ce n’est plus qu’un centre commercial géant, deux pour être précis, sans parler des grandes surfaces et des rues commerçantes. L’ensemble fait quelque peu disneyland pour grands enfants. On ne peut passer sa vie à faire du shopping même si c’est tout bénéfice pour l’économie. Cela ne présage rien de bon …

samedi, avril 04, 2015

"Les Parents terribles" de Jean Cocteau, par la compagnie "Deux Bleux de Bleu"

Jean Marais et Yvonne de Bray
Sous les répliques polies, amusées, drôles, pleines d’esprit, policées, mœurs bourgeoises obligent, le feu ! J’ai retrouvé pour une soirée, une représentation - compagnie de théâtre amateur - le feu de la grande adolescence qui couve sous l’innocence et la nouveauté du monde. J’ai retrouvé de mes seize, dix-sept, dix-huit ans lorsque je vivais à travers les classiques du cinéma à la télévision, et les premières lectures indépendantes, quoique j’aie été un lecteur tardif et très critique. Mais la légèreté coctélienne me parlait, le style apparemment évident, l’aura de l’auteur  me parlaient. Quant aux intrigues, immémoriales à tel point, qu’elles confinaient à la tragédie classique en mine de rien, de l’actuel à perpétuité.

« Les Parents terribles », l’étrange famille, de celle que l’on aimerait détester pour mieux l’aimer cinq minutes plus tard. Les comédiens sont si jeunes, ils campent les personnages d’Yvonne, Michel, Léo, Georges et Madeleine avec tant d’aisance, de justesse. Le premier quart d’heure est un peu étrange, qui sont les parents ? qui est le fils mais le jeu les maquillent avec perfection. J’ai cru voir Jean Marais, Gabrielle Dorziat, Yvonne de Bray, Marcel André et Josette Day, et percevoir  la narration de Cocteau, ces voix d’un autre temps, un phrasé, un style nasillard et toujours un peu ironique. Comment ce texte a-t-il pu parler à ces enfants de moins de vingt ans ? Leur jeu est si juste, la mise-en-scène efficace, poétique ce qu’il faut, un décor fait de lampes et lampadaires, et le lit, le cœur de la « roulotte » ; l’œuvre n’a pas pris une ride. Le texte est peut-être un peu « intello » me confiait un spectateur (ce n’était pas Cy.) mais ces échanges pleins d’esprit, pour reprendre le début du billet, sont la marque d’une époque quand on avait encore de la syntaxe.

La jeunesse parle à la jeunesse. Cocteau n’a jamais été vieux. Le désir, l’enthousiasme et les débordements l’ont conservé parmi la troupe brillante des jeunes gens, ceux que l’on croise un peu partout et qui vous dépassent en trois enjambées élastiques. Je me suis souvenu pourquoi je m’étais tant pris d’affection pour l’œuvre littéraire et filmée de Cocteau. J’ai, le temps d’une soirée, remarqué que cette jeunesse s’était ensablée dans ma mémoire, avec le souvenir de mes seize, dix-sept, dix-huit ans et plus, l’appartement familial, le ciné-club de FR3 le dimanche soir, les lectures tardives dans ma chambre, fenêtre ouverte et, selon le vent, le clocher du temple de Morges ou d’un village avoisinant sonnant deux heures. Cocteau m’offrait à vivre des rapports humains si vrais, crus quasiment, débarrassés des convenances ou du vulgaire des situations défavorisées, un monde idéal où l’on est pauvre parce que l’on n’est pas riche mais pas parce que l’on manque de tout. Et je pouvais rêver de ce Paris en noir et blanc, d’une grande ville aux manières douces et aux sentiments emportés.

Cocteau est précieux parce que fragile, fragile parce que subtil, subtil parce que sensible et la sensibilité, la nuance ne sont plus à la mode en matière de littérature. Ce ne sont pas des valeurs porteuses dans notre globalité culturelle molle. Il faut jouir de la jeunesse, celle qui donne de la souplesse à l’esprit et de la force dans les échanges pour aimer Cocteau et peut-être même le jouer.



                     

mardi, mars 24, 2015

L'ombre du sénateur Buddenbrook

Depuis peu, je suis membre du législatif communal, ma bonne ville de Morges. Le Conseil ne se réunit pas dans un noble parlement, plafond à caissons et stalles armoriées au chiffre des grandes familles patriciennes. Nous siégeons dans une vilaine salle – fort commode au demeurant – le foyer n°1 du théâtre de Beausobre. Nous ne sommes pas au sénat de Lübeck, nous ne présidons pas aux destinées commerciales d’une riche ville hanséatique, ni ne travaillons à l’unité de l’empire … toutefois il y a ce je ne sais quoi de dignité propre à la gestion de la chose publique. J’ai toujours une pensée pour le sénateur Buddenbrook, sa fierté à gouverner parmi ses pairs. Cela me rapproche de mon idéal « mannien », tout particulièrement lorsque je rentre à pied à la maison, traverser la place de l’Hôtel de Ville endormie, sentiment très « Mitteleuropa », nous pourrions être dans le Bade-Wurtemberg, ou même le Brandbourg, la Poméranie ? la Silésie ? un faubourg de Varsovie ! Toutes les bonnes villes se ressemblent dans leur sommeil.

Je n’y avais pas tant prêté attention mais la salle dans laquelle se réunit le Conseil Fédéral – sottement surnommée le « chalet » du fait de ses boiseries sombres – avec ses pupitres au décor néo-Renaissance, ses sièges profonds et son horloge encastrée au fronton d’une bibliothèque ressemble au bureau d’un négociant en grains, une entreprise honnête et intègre, du solide, aussi solide que les vertus wilhelminiennes. On fait des Etats et des démocraties de ce bois-là, on aurait pu en faire une Europe Unie avant l’heure sans l’affairisme boursicoteur et la compromission populiste. Notre exécutif fédéral devrait être sauf de ces travers ; il est élu par le parlement, là où  la volonté du peuple se voit renforcée par la conscience politique. Je m’interroge tout de même : la polarisation partisane gauche-droite profite-t-elle au pays ?


Le Conseil Communal n’est pas exempt de harangues vitriolées, de quelques passes d’arme et d’accrochages en aparté mais rien qui ne dure, rien qui n’empêche la bonne marche des affaires de la ville. Notre municipalité compte même un élu indépendant, c’est dire si la raison préside, ce bon sens qui trouverait encore à s’exprimer au « chalet », la collégialité des sept, je n’en suis pas convaincu, je n’en suis plus convaincu. On ne gère pas un pays à la façon d’un fond de pension ou d’une holding. Le sénateur Buddenbrook négligea ses affaires au profit de sa charge publique. Il mit une pointe de fatuité à siéger, la dignité de la charge mais la probité de l’homme. Dommage que l’ombre du sénateur ne passe de temps à autre sur les lambris foncés du « chalet ».

lundi, mars 16, 2015

"Barcelona !" de Grégoire Polet

Vous ne l’avez peut-être pas vu parmi la pléthore de nouveautés des avant-dernière et dernière rentrées littéraires ? un gros volume pourtant, du sérieux en jaquette Gallimard avec un titre accrocheur, pensez donc, l’une des capitales festives européennes : « Barcelona ! » Et l’auteur ? non plus ?! Pareil pour moi, le titre m’a interpelé et j’étais déjà la tête à Barcelone, l’une de nos stations balnéaires favorites, à nous autres romands, merci les trolleys volants (la compagnie orange à la ponctualité aussi relative qu’une ligne de trolleybus des TL, comparable à la susmentionnée entreprise de transport urbain sur le plan du confort et de l’amabilité de son personnel !!!). Mais voler vers Barcelone reste toujours un plaisir, une expérience à la fois anodine et merveilleuse, c’est un ailleurs très proche, qui est autre et se veut tout autre (on est dans une Espagne qui se réclame Catalogne).

Après chaque atterrissage, il faut traverser les nombreuses salles hypostyles de l’aéroport surdimensionnés et toujours cette question, je ne peux m’empêcher de me la poser à chacune de mes arrivées : mais qu’est-ce que je fous là ! On n’est ni à Berlin, Münich, Vienne ou Frankfort. Les Buddenbrook, c’est au bord de la mer baltique, pas en Méditerranée. J’attends mon bagage, de nouveaux couloirs et le large trottoir, la vue sur des montagnes dont je ne connais toujours pas le nom, un découpage aux courbes gracieuses comme le Jura, même orientation, même lumière de fin du jour que sur le Jura, et je reconnais la basilique de Tibidabo au sommet de l’un de ces monts. Il y a toujours un léger courant marin qui agite les palmiers du parking, comme un salut et je sens le parfum salé de l’air du large qu’oublie bien vite mon odorat, à peine quelques heures après mon atterrissage. Je sais alors que je suis dans l’un de mes chez-moi, et je comprends mon affection, ma proximité avec le « Barcelona ! » de Grégoire Polet.

Il s’agit d’un roman choral, d’une succession de portraits qui se juxtaposent et s’entrecroisent. On y assiste à l’accession au pouvoir du président de la généralité de Catalogne, on y suit l’une de ses filles, ses questionnements moraux, les amies de cette dernière, le mariage de l’une, le succès professionnel de l’autre, un couple d’expat’ français qui peinent tout de même à comprendre l’entier de l’âme catalane, une serveuse célibataire de cinquante ans, un vieux libraire, un veuf guide touristique à ses heures, un journaliste sportif divorcé, un policier auteur d’un polar historique, un stagiaire journaliste ambitieux, un vieux professeur de littérature américain pigiste à ses heures, une galeriste, une peintre célébrée, un médecin-légiste, un petit voyou débrouille, des romaninchels, un médecin allemand qui exerce aux States, un sans-papier qui ramasse de la ferraille dans la rue, un navigateur aux longs cours, sa vieille mère, son vieux chien et tant d’autres sous-personnages, de silhouettes rencontrées çà et là, tout un monde sur près de cinq cents pages, le souffle de la ville, cette haleine un peu lourde et cette douceur, malgré tout, en dépit de tout, une caresse, et toujours le vent de la mer et l’ondoiement des palmiers.

Le style est sobre, plaisant, élégant jusqu’à se faire oublier. Polet est un peintre ; il n’a pas la froideur des intellectuels en bibliothèque. Il est plein de bienveillance pour ses personnages, pour les vies qu’il a su « attraper » autour de lui. Ne lisez pas « Barcelona ! » si vous êtes à la recherche d’un texte incisif et rageur, si vous êtes un blaireau de hipster anorexique ou une fashionista vénéneuse. Vous allez vous ennuyer ! De plus, notre auteur glisse mine de rien ses référents littéraires : Shakespeare par-ci, Musil par-là … Les quelques fois lorsqu’il est ironique, il réserve ses traits à l’engeance touristique qui noie la ville sous un flot continu de bidochons sans égard pour les lieux ni les habitants. Pour avoir rencontré, par un hasard fortuit, l’homme dans la meilleure librairie française de Barcelone (Jaimes), je peux vous assurer qu’il s’agit d’une nature sympathique et ouverte, en parfait accord avec son roman. Il vous sourit, rougit presque sous l’effet des compliments, témoigne d’une curiosité, d’une empathie, pour les auteurs qu’il aime, et l’espièglerie d’un bon gamin en sus. Son roman est si efficace, que l’on ne voit pas défiler les cinq cents pages ; après en avoir tourné la dernière, on se retrouve un peu seulet et l’on se surprend, le lendemain matin, sous la douche, à se demander si telle protagoniste va trouver à se reloger sur Barcelone, si le ferrailleur va épouser sa belle, si les médecines alternatives vont sauver tel autre, si le président de la généralité va continuer de surfer sur une vague indépendantiste ? Et, dans un premier mouvement, on ne s’interroge pas à propos de tous ces autres fictifs comme on évoquerait les personnages d’une série, dans l’attente de la prochaine saison, mais comme à de vraies personnes, des voisins, des connaissances, des people dont on pourrait prendre des nouvelles par le téléphone, la télé ou radio-couloir.

Cerise sur le gâteau, parmi les grands textes évoqués au fil de « Barcelona ! », « L’homme sans qualité » de Robert Musil, deux tomes plus qu’épais ; j’en ai acheté le premier chez Jaimes. Je n’avais plus rien à lire et j’ai trouvé amusant d’acheter un livre en français à Barcelone. J’ai donc poussé la porte de la meilleure librairie française de la place, ce qui m’a donné le plaisir de rencontrer Grégoire Polet puis le choc d’un roman essentiel totalement  «exotique » dans la capitale catalane. Quoique … Il existe une certaine langueur viennoise sur les larges « carrer » bordés de façades néo-classiques, modernistes ou Art Nouveau. Mauri (restaurant-pâtissier-confiseur-salon de thé) n’a pas le chic d’un Demel mais il y a un quelque chose. La Barcelone de Morand a du reste ce même quelque chose de Münich ou Berlin en pleine crise culturelle et sociale. Grégoire Polet vient donc d’ancrer définitivement Barcelone dans ma cosmogonie littéraro-géographique.


mardi, mars 03, 2015

Barcelone versus Berlin, et Morges aussi

« J’ai deux amours » chantait la Baker, j’en ai deux aussi, en matière de séjour il s’entend ; pour le reste, j’ai Cy. Les habitués connaissent peut-être l’un des plus anciens billets de ce blog, une série de photographies de Barcelone, pas même un commentaire, juste des ombres qui s’allongent sur une plage, le soleil bas d’un début décembre, la mer et cette atmosphère légère de villégiature hors saison, un cadeau inespéré qui me marqua profondément. C’était mon second séjour dans la capitale catalane, le premier remontait à mes années de gymnase, c’était avant les jeux olympiques. Il y eut un troisième, un quatrième séjour, un cinquième peut-être et ce dernier, ces quelques jours de février, les premiers dividendes d’un été à venir. J’ai retrouvé cette douceur propre au sud, comme une langueur gracquienne dans le paysage, les palmiers aux mouvements paresseux, et les badauds, les touristes mêlés à ceux qui vont ou sortent du travail par les grands boulevards rectilignes de l’Eixample. J’ai retrouvé « Mauri » le restaurant tea-room au coin du carrer de Provenca et de la rambla de Catalunya, et les rayons plutôt chic d’El Corte Inglès, son vaisseau spatial atterrit plaça de Catalunya. Effet du franc fort, je suis allé au ballet, et au concert : William Forsythe au Liceu et du Mendelssohn, du Schubert, du Schumann au Palau de la Música catalana. Le ballet était prenant, graphique, enthousiasmant mais le concert, un choc ! Tant le lieu que le programme m’ont subjugué, j’ai même inscrit ce lieu sur ma liste des merveilles du monde (j’en tiens cinq désormais). Imaginez une précieuse dentelle de vitraux, de balustrades de verre, d’albâtre ciselé, de fleurs en céramique stylisées, de coursives en faïence, et tout un décor fantastique s’échappant de la scène. Je n’ai toutefois pas eu le temps de rendre visite aux archanges romans du musée national d’art catalan ni revoir, une fois de plus, les postimpressionnistes barcelonais, Rusinol ou Casas.
 
 
Il faudrait aussi évoquer la bonne rencontre de Grégoire Polet, un auteur francophone installé à Barcelone depuis … suffisamment longtemps pour comprendre la ville et en faire partie. Il est du reste l’auteur de « Barcelona », beau roman choral dont je reparlerai dans un prochain billet. J’avais acheté ce gros volume à Paris, mise-en-jambe à mon séjour. La rencontre s’est tout naturellement faite … dans une librairie française, Jaimes, carrer de Valencia, à côté de chez Navarro, le plus grand fleuriste d’Europe dit-on, comme on dit que Payot Lausanne est la plus grande librairie d’Europe. J’étais allé chez Jaimes pour deux raisons, y trouver une méthode de catalan pour francophone et y faire connaître mon dernier roman, « Canicule parano » ; il m’arrive parfois de jouer les vrp de mon œuvre. Alors que je disais tout le bien que je pensais du  « Barcelona » de Polet à la libraire, l’homme – un habitué des lieux – est entré à ce moment-là.
 
Et Berlin dans tout ça ? car je rentre de Berlin (le second amour, toujours rapport à mes résidences européennes), ma petite ourse adorée et pataude, quasi mon port d’attache ; j’entretiens avec elle une relation  dont la durée a déjà dépassé de quelques années celle que j’ai eu avec Lausanne. J’ai fait un saut dans mon chez-moi allemand pour ne pas perdre l’aller d’un aller-retour acheté en vue d’un festival suisse en Pologne, festival malheureusement reporté, une petite manifestation à laquelle j’avais été invité. Raison boiteuse, mauvais prétexte, il m’a fallu réserver et payer un nouveau retour, et par Bâle. Dans le fond, je suis allé à Berlin pour exactement 46 heures par esprit d’équité, ne pas rendre ma petite ourse jalouse, car je prête des sentiments aux villes. C’était bref mais plaisant, quoique fatigant et plein de tracas, un avion de la compagnie des trolleys volants est resté cloué au sol lors du départ, une histoire de filtre hydraulique bouché, il a fallu attendre un appareil de remplacement, quatre heures de retard. A Berlin, j’ai tout de même eu le temps de prendre un petit-déjeuner avec Libussa, de boire un verre de vin rouge chez Jacques, d’assister à la messe dominicale anticipée de 18h à Sankt Hedwig et de dîner avec Christine et Jeff, le restaurant indien de « Canicule parano », près de la Winterfeldstrasse. J’ai passé la case shopping, je ne disposais que d’un bagage en cabine.
 
Et Morges dans tout ça ? car je suis un élu de la « Coquette », petit nom qui décrit bien le petit genre de ma bonne ville, ancienne résidence des comtes et ducs de Savoie. Ces perpétuelles pérégrinations berlino-barcelonaises risquent de donner de moi l’image d’un conseiller communal bien inconstant, toujours absent, entre deux valises, deux romans, deux publications ; quelle place reste-t-il à l’intérêt de la chose publique ? Je n’ai jamais mieux su percevoir les qualités et les quelques défauts de mon terroir que depuis que je prends un peu de champs, observer à plus de mille kilomètres et comparer avec ce qui se fait ici ou là, Morges vaut bien – toute proportion gardée – la comparaison avec de grandes capitales, elle possède déjà des salons de thé dignes de grandes capitales !

samedi, février 14, 2015

"Merci pour ce moment" de Valérie Trierweiler

L’actualité récente m’a fait reporter ma promesse d’une critique du témoignage de l’ex-compagne du Président de la République française. Les assassinats à la rédaction de Charlie Hebdo avaient rendu, dans un premier temps, toute évocation de ce récit de la douleur amoureuse superfétatoire. Quoique. La mécanique du mépris de l’autre mise en œuvre est tout à fait d’actualité. La goujaterie et l’intégrisme connaissent quelques ressorts communs, un certain machisme par exemple.

J’ai parlé, pour la première fois, publiquement de « Merci pour ce moment » dans le train, avec le Professeur Calame, sortant même l’objet, le livre de mon sac. Et le professeur de s’exclamer « Oh, c’est formidable, c’est à croire que ce texte n’existe pas, il y a un tabou qui l’entoure, c’est un objet que l’on nie, on cache mais ça n’en reste pas moins un livre ! » Et, chers lecteurs, pour peu que vous me suiviez depuis quelques temps, vous devez savoir que je n’ai jamais eu peur d’affronter ni « tabous », ni controverse. Je ne pense pas, du reste, que Mme Trierweiler ait écrit quoi que ce soit de scandaleux, honteux ou déplacé. Qui peut juger du désespoir et de la légitimité de la colère d’une femme trahie !

En propos liminaires, parlons du style. Trierweiler est une journaliste politique, une journaliste d’investigation. Sa plume est claire, sans affectation, un peu sèche mais efficace. « Merci pour ce moment » ne peut être rangé dans la catégorie si particulière de l’autofiction, sous-genre du roman français, une pratique réservée aux auteurs littéraires, manière de rendre une réalité émotionnelle dans un style très écrit. Trierweiler nous livre un reportage en « je », précis et circonstancié. Une amie me disait qu’elle n’avait lu qu’une cinquantaine de pages ; elle avait été frappée par les expressions qu’emploie l’autrice pour parler de sa peine amoureuse, des tournures que cette amie trouvait plus propres à une fille de quinze ans qu’à une femme. Oui, Valérie était une femme amoureuse, comme une gamine, une enfant grandie trop vite dans un milieu très modeste, une femme qui n’eut pas droit à la légèreté adolescente. Selon son témoignage, elle se rattrapa auprès de l’espiègle François, l’idéaliste Hollande, le pitre de la classe socialiste.

Je peux attester de la douleur amoureuse, de la cuisante trahison, du mensonge – et je ne parle pas de la tromperie légère, du trempage de nouille accidentel ou non – je vous parle du mépris organisé de l’autre, au sein même du couple, de la dualité et de l’irrespect provenant de celui que l’on aime et que l’on connaissait pourtant. Je comprends Valérie Trierweiler, je suis Valérie Trierweiler lorsque, amante éconduite, conjointe révoquée par une dépêche de l’AFP, elle cherche une trêve à l’offensive totale de la douleur sentimentale dans le sommeil et l’oubli. Je suis plus auteur que journaliste (journaliste d’opinion et non d’investigation) et, lorsque j’ai été congédié sans explication d’une relation de cinq ans, j’ai connu cette même dévastation, le sentiment d’exclusion ; je n’avais toutefois pas 66 millions de citoyens contre moi. Je m’en suis remis tant bien que mal, j’ai décidé d’agir plutôt que « d’être agi ».  J’en ai écrit « La Dignité », puis à la suite d’un autre ratage sentimental, cela a donné « Journal de la Haine et autres douleurs » (à paraître). Valérie, dans cette même logique, a investigué sur son cas, l’a raconté de l’intérieur en toute sincérité, en toute transparence. Elle en a bien le droit, sa vie privée a déjà été vilipendée par les tabloïds. Elle doit dresser le portrait des protagonistes : François, Ségolène, Julie et elle, la femme amoureuse et humiliée. Elle revient sur les vingt mois de son lynchage médiatique dans le rôle – usurpé selon l’opinion – de première de dame. Parmi tout ce qu’elle avance, rien n’a été réfuté, pas de procès en diffamation, tout est passé, à peine recouvert par un voile de réprobation moralisatrice. Tous les faits rapportés, les centaines de textos éplorés (postérieurs à la rupture) et les paroles du président de la République peuvent être tenus pour vrais. Trierweiler est journaliste, elle connaît l’importance de sources fiables, elle a certainement conservé les preuves.

Quant au fond, Valérie la compagne trompée, rejetée n’en reste pas à des propos de femme amère. Elle en tient, parfois, s’en explique tout en faisant la part des choses. Sous sa plume, « Flamby », chef de la France molle sort de son rôle de bon gros arrivé là par hasard ; il prend une stature d’homme d’État, d’amant passionné, de séducteur impénitent ( ?!), de figure torturée. Le lecteur est introduit dans le secret de la relation royalo-hollandaise La mère des enfants de François est son vampire politique ; leur jeu pervers à tous deux est une succession de « je t’aime, je te tue médiatiquement ». L’ex’ envahissante versus le politique discret, calculateur et patient. Trierweiler nous donne encore deux autres clefs importantes afin de comprendre l’énigme de la personnalité présidentielle : le désir irrépressible de François d’être aimé et son snobisme de grand bourgeois. Ces deux éléments contradictoires expliquent la quasi-totalité des cafouillages publics du candidat et du président élu. Hollande paraît plus victime de son formatage intellectuel que de son incompétence. Il ne sait jamais se poser en chef d’État. Mise au point de la part de Valérie aussi. Non, elle n’est pas fille de famille, elle n’est pas froide, orgueilleuse, dirigiste. Elle est naïve. Elle croyait que l’homme avec qui elle vivait resterait le même homme privé après avoir franchi le seuil de l’Elysée.


Accessoirement, Trierweiler nous offre une chronique enlevée de la présidentielle 2012, le jeu des alliances, les petits mots, les hésitations, les reculades et le coup de tonnerre de l’affaire DSK. Puis les premières semaines de règne avec la formation du gouvernement, les premiers mois avec les remaniements, les scandales et le fonctionnement du Palais, l’aile Madame, le personnel, le souvenir des prédécesseurs. Trierweiler est une journaliste politique chevronnée et, au fil des pages de « Merci pour ce moment », elle se rembourse de vingt mois de silence imposé. Sa disgrâce ne l’a pas pour autant dégoûtée du socialisme ni même du candidat Hollande. Elle analyse, soupèse et, lorsqu’un inconnu vient l’assurer de sa sympathie dans la rue et lui avoue ne pas avoir voté socialiste lors du premier tour des municipales, Valérie lui rétorque qu’elle a voté socialiste et l’enjoint de ne pas perdre de vue l’intérêt national. L’homme repart convaincu et promet de voter pour le parti à la rose au deuxième tour. « Merci pour ce moment », une mise au point thérapeutique doublée d’une chronique politique de première main.  

jeudi, février 05, 2015

"Soumission" de Michel Houellebecq

Il est des vieilles gens qui, sur le déclin, dans l’incapacité de saisir le monde, retournent leur attention sur leur assiette, ce qu’il y a dedans, la météo et la longue litanie de leurs petits bobos. Houellebecq, dans « Soumission », campe un personnage de cet acabit, un intellectuel, enseignant en Sorbonne, spécialiste de Huysmans, flapissant dans un entre deux âges égayé par un peu de sexe, de la turlute à peine jouissive. Et pourtant, le narrateur de « Soumission » n’est pas si vieux, la quarantaine et demie, à peu près, mais il est aussi éteint que l’intelligentsia médiatique française. On sent insensiblement les préoccupations de vieux de l’auteur passer dans son personnage (quoique Houellebecq n’ait que 57 ou 59 ans même s’il en paraît 68 fatigués). Le lecteur a droit à sa platée habituelle de réflexions rances, de constat social désespérant et de scènes de culbute aussi trépidantes que la lecture des pages jaunes à l’ère de Google. Cela réjouira certainement le quarteron de fidèles phallocrates, du plus réac au rockabilly rechampi, tatoués ou non, baroudeurs ou non, plutôt buveur et fantasmeur à la petite semaine sur de fortes poitrines de 15 ans si possibles, sur lesquelles il est permis d’étaler sa semence avec son engin (vigoureux, forcément, merci viagra). Bref du Houellebecq.

Le scénario est aussi simple que bancal. La France aux abois, après une longue période d’alternance gauche molle droite molle, plutôt que de se livrer au FN, préfère une large coalition menée par Mohamed Ben Abbes, le candidat de la Fraternité Musulmane (le FM !). Le monsieur, une fois président, impose à l’éducation nationale une morale toute musulmane. Tous les enseignants se doivent d’être musulmans, plus de femmes enseignantes, plus de femmes du tout dans le monde du travail du reste. Ben Abbes par le biais de filières islamo-mafieuses remet de l’ordre dans les cités et avec toutes ces femmes qui ont dû quitter leur emploi, le chômage diminue de manière spectaculaire. Et partout, dans la rue, des silhouettes couvertes, des jeunes filles en pantalons. Fini le bal des minijupes. Il y a peut-être moins à reluquer mais les hommes, surtout ceux occupant une position sociale importante, ont droit à deux ou trois femmes. Leur vieille femme pour la popote, une intermédiaire pour ? jouer aux cartes et une très jeune (mineure même) pour le divertissement sexuel. Evidemment, comme il s’agit d’un monde islamisé sur un mode houellebecquien, il est encore permis de boire et, même, de se mettre la tête en dedans. Selon l’imagination délirante de l’auteur, le projet de Ben Abbes : reformer l’empire romain via l’Europe Unie version musulmane ! En gros, la France retrouverait son universalité et tant pis pour l’islamisation. Houellebecq, en sus de ses préoccupations de vieux (nourriture, météo, bobos) et de ses tendances pédopornographiques en rajoute avec le couplet de la grandeur de la Frannnnnnce ! Restons-en là pour le pitch.

On m’a dit « oui, mais bon, c’est un roman, il invente ce qu’il veut, il n’y a pas de quoi en faire une histoire ». Ok, néanmoins « Soumission » n’est ni un conte, ni un roman de SF, on parle d’uchronie mais ce genre repose sur la modification d’un élément du passé et ce n’est pas le cas du texte en question. On donne dans la politique fiction foireuse teintée de l’inculture crasse de son auteur. Houellebecq, en dépit de ses coups de gueule, de griffes, etc. croit encore à la superbe de la République notre voisine. Il est incapable de considérer l’histoire européenne sans un filtre hexagonal. Comment ose-t-il seulement imaginer que l’Allemagne, le Danemark ou l’Estonie, ou la Pologne dans une certaine mesure pourraient accepter parmi l’Europe unie un pays qui, non seulement, ne serait plus laïque mais islamique de surcroît ! Ça n’a pas traversé l’esprit borné et hétérocentré de l’auteur que ces pays, du fait de leur histoire, de leur sensibilité sont très impliqués dans la défense de la cause des femmes, des minorités religieuses et sexuelles. Houellebecq n’est pas à proprement parler homophobe, il est complice par le silence ou la négation de cette frange de la population mondiale (entre 5 et 10% selon ce que la sociologie admet). Il surfile sa pochade expliquant que le nationalisme est mort (je suis d’accord), que l’Europe ne peut s’en tirer qu’avec un grand projet (toujours d’accord), genre un empire à la mode romaine ou bonapartiste (encore et toujours d’accord) et que la France musulmane, alliée aux pays du Maghreb entrés dans l’Europe unie avec l’Egypte et la Turquie, cette France imposerait la langue française au reste de l’union (je reste sans voix …) Effectivement, un empire sauvera l’Europe, renouvellera son Union mais son centre se trouvera à l’Est, Berlin ou Vienne, ou Copenhague et l’empire aura pour langue officielle l’allemand. Cet ensemble s’inspirera du Saint Empire romain-germanique, des grandes heures du règne des Habsbourgs dont le pouvoir s’étendait sur quasi toute l’Europe, l’Amérique et de nombreux comptoirs en Asie.

Néanmoins, le style alerte de Houellebecq fait à nouveau mouche. « Soumission » est une lecture plaisante, à l’atmosphère marquée, à la désespérance accorte. L’auteur ne se renouvelle pas vraiment. De plus, il manque par moment de vocabulaire. Il parle de « petits visages souriants » dans un courriel ! Cela s’appelle un émoticône. Il faudrait aussi que quelqu’un lui explique qu’un « costume à fines rayures », quelle que soit la couleur de l’étoffe et de la « fine rayure », cela s’appelle un costume à rayures tennis.

L’hétéro de base mais un peu lettré tout de même, le mec qui lit du vrai, du lourd, du couillu, du burné, le mec qui se réserve sa petite séance de lecture avec cigare (berk) et whisky (re-berk), le vrai mec avec peut-être même moto, tattoos ou qui pratique un sport de combat, je caricature un peu … à peine, ce mec-là va a-do-rer « Soumission ». Il trouvera ça drôle et mordant. Je ne fume plus, je n’aime pas le whisky même lorsqu’il coûte un bras, je n’ai toujours pas de permis de conduire et ne suis pas assez inconscient pour aller risquer ma vie sur un deux roues, quant au sport de combat, cela sous-entend rentrer en contact avec le corps d’un autre (berk) ou exécuter des figures imposées … euh, non, je préfère mes machines de musculation ou mes appareils de cardio avec télévision intégrée pour regarder un épisode de Derrick. J’aurais toutefois aimé aimer « Soumission » mais comment faire ? Il m’a suffi de modifier un point du scénario et de mettre de côté un élément fondamental de mon identité. « Soumission » est un roman en « je », il est donc d’autant plus facile pour le lecteur mâle hétéro – avec ou sans les qualités précédemment citées – d’entrer dans le texte et de revêtir ce « je ». Pour ce faire, j’ai mis de côté ma conviction religieuse catholique et, de la même manière que Houellebecq a imaginé un islam alcoolisé, j’ai imaginé un islam reprenant à son compte le mariage pour tous version charia. Et ça change tout ! Pour sûr, la bonne poilade, je ferais partie des mâles dominants, je me serais converti à l’aide d’une formule en arabe dans la mosquée du coin, j’aurais conservé mon prépuce (autre accommodement houellebecquien avec l’islam). J’aurais conservé mon homme pour faire la cuisine, tenir la maison. J’aurais fait appel à un marieur qui m’aurait trouvé un deuxième, voire un troisième époux, les deux dans les dix-huit ans … non, allez, un de seize, soyons houellebecquien jusqu’au bout. On viendrait me dérouler le tapis rouge, me doubler mon salaire et me couvrir d’honneurs (ah, ben oui, je fais partie de l’élite culturelle locale), le pied ! Sans parler du délire de politique fiction expansionniste après lequel je pourrais me mettre à rêver. Vous trouvez ma version personnelle de « Soumission » gerbeuse ? aberrante ? de mauvais goût ? insultante ? amorale ? Vous auriez raison, je suis de votre avis du reste, pour peu que vous qualifiez la version originale des mêmes adjectifs épithètes.

vendredi, janvier 30, 2015

Paris, Paris ...

Vendredi 23 janvier, 17h30, Gare de Lyon. Les occupants du TGV en provenance de Genève s’éparpillent sur le quai, hall 2, rien à signaler. Nous nous engouffrons dans la station du métro, dédalle de couloirs, deux militaires en treillis, l’arme à la main au détour d’un tapis roulant. Ils se fondent dans le décor, rien à signaler. La foule est très calme, un peu moins nombreuse que d’habitude peut-être, les couloirs sont propres, pas de papiers par terre, vraiment rien à signaler. Ligne automatique M 14, direction Olympiades, descente à la station Bercy-Village et ce calme toujours, beaucoup de politesse, étrange … L’impression se confirme sur les Grands Boulevards, quasi déserts. Il fait froid, soit, mais les soldes ?!

Week-end à Paris, pas de « geste de solidarité » particulier ou de super-shoping mais une comédie musicale agendée depuis quelques mois. J’ai lu un peu dans le train, « Soumission » et ne peux m’empêcher de regarder la ville à travers un prisme houellebecquien. A l’entrée des magasins, les vigiles nous saluent très poliment. Les endeuillés entre eux ont toujours beaucoup d’usage. Le 7 janvier leur a « cassé les pattes », les Parisiens me semblent en état de choc. Une foule légère dans le Marais, quelques touristes et les habitués de l’un ou l’autre bar gay, les rares endroits où l’on peut voir une si grande concentration de barbus, mode oblige. Je n’ai vu que des faces glabres dans la fourmilière des halles, et pas un seul voile alors qu’il s’y mêle habituellement toutes les populations de la capitale, tous les styles.

L’impression ne cessera de se renforcer durant tout le samedi, et toujours cette politesse inaccoutumée, cette obligeance qui fait fleurir des « Excusez-moi » et des « Pardon » à la bouche de policiers qui nous coupent le chemin et nous effleurent au détour d’une rue ! Et partout d’immenses affiches, des toiles peintes sur les échafaudages de façades en travaux « Je suis Charlie » ou des photos gigantesques du défilé du 11 janvier.

Dimanche, messe à Notre Dame de la Nativité de Bercy, une assemblée très pieuse, très calme aussi, une dizaine de scouts en culottes courtes au premier rang, exhortation à la tolérance, au respect d’autrui, au respect de ses convictions … Je n’épilogue pas. Sur la placette, devant l’église, un petit marché. Les badauds font calmement leurs courses. Le prêtre salue ses ouailles sur le parvis, il me sert chaleureusement la main, comme à tous, se tient bien en vue au pied du court escalier. Sentiment de vacance, oui « vacance », il y a désormais un avant et donc un après fréquenté par quelle foule parisienne ? Mystère. Celle d’hier a laissé la place, elle n’occupera plus l’espace de sa rumeur, de ses convictions ou non-convictions militantes, de ses signes de ralliement, d’une certaine liberté d’être.

J’entre au Centre Pompidou sans attendre, mon billet coupe-file était inutile. Nous sommes pourtant dimanche 13h, derniers jours de la rétrospective Jeff Koons. Je ne suis pas venu pour voir cette brocante-là, j’y suis venu pour les collections permanentes, pour le lieu, la vue, Paris, tout autour, de l’Hôtel de Ville au Sacré-Cœur, à travers les tubes de l’escalator et des couloirs extérieurs. Les rues, depuis mon point d’observation, tout paraît  assoupi sous le froid et un soleil argentin. Je ne rencontre que deux visiteurs typés méditerranéens, Sud du bassin méditerranéen. Deux grands ados, très garçons fleur, amants ? amis ? Ils photographient les œuvres de Koons en les commentant avec une gouaille banlieusarde très typée aussi. Ils ont l’air libres … Effet du franc fort, je me suis encore offert – par paresse – le luxe d’un déjeuner chez Georges, le café-restaurant du cinquième étage, un décor design rigoureux, élégant, musique lounge, serveuses et –eurs recrutés dans des agences de mannequins, hamburger succulent, très bon vin, service efficace et une note conséquente qui passe tout de même grâce au nouveau taux de change.


L’heure du retour approche. Les premières femmes couvertes entrevues de tout le séjour attendent aussi un train. Et toujours ce sentiment de patience, jusqu’à la résignation. Les voyageurs font la queue pour être servis aux étals des boulangers ; personne ne fait mine de vouloir même anticiper son tour, court-circuiter la file si bien ordonnée. L’une de nos connaissances, un jeune comédien vivant à Paris, nous a racontés la paranoïa des habitants. En dépit des mots d’ordre du gouvernement et du ton plutôt détaché des médias, les gens ont peur, ils sortent moins, ou plus, chacun part travailler et rentre bien vite dans son quartier. Durant le trajet, je n’arrive pas à reprendre la lecture de « Soumission ». Je voudrais me plonger dans l’intégrale de « Mafalda » mais le volumineux opus se trouve au fond de la valise de Cy. Je me rabats sur le « Têtu » de février (pas un mot à propos de Charlie ?!) et le Figaro du week-end.

mercredi, janvier 21, 2015

"Droit de l'O.H.M. et devoir d'humanité" de Didier Delaleu

Alors que, par courriel, je faisais part à Didier Delaleu de tout le bien que je pensais de son pamphlet, « Droit de l’O.H.M. et devoir d’humanité », relevant la qualité des paradoxes, il me répondit :

Dans mon vocabulaire, les paradoxes sont des états des systèmes qui les obligent à progresser. Ce que j’essaie de mettre en évidence, c’est ce que j’appelle l’état «schizoïde» de notre système actuel attaché à maintenir ces pathologies (puisque les métastases font vendre des pathologies). La Faculté ne m’ayant pas décerné le titre de médecin, je ne me sens pas autorisé à employer le terme « schizophrénie».

Tout est dit ! Le fond pertinent, la forme humoristique et ce je ne sais trop quoi au-delà de la science économique (pour peu que l’économie soit une science) et du mot d’esprit, une perspective vers d’autres possibles socio-économiques, une échappée vers un modèle conscient, en réforme, sans pour autant promettre des lendemains hystériques qui chantent ou la tabula rasa révolutionnaire. Delaleu est un passionné et un tendre, un humaniste amusé qui propose à son lecteur une mystique sociétale. Il abat au passage les idoles trompeuses de l’économie libérale, la fameuse et fumeuse pyramide de Maslow par exemple, qui explique qu’il faut avoir pour être !

Notre homme est anthropologue et économiste de formation, il a fait de la recherche et, aujourd’hui, donne dans la ressource humaine quand il ne pamphlétise pas. En bon pédagogue, il exemplifie admirablement bien son propos qui, jamais, n’est sec ou rébarbatif. Il s’en tient à la limite des choses, lorsqu’elles s’apprêtent à glisser dans la rêverie et l’idéal. Mais Delaleu contrebalance immédiatement l’évanescence de sa démonstration, il n’a pas qu’un message esthétique à faire passer mais une nouvelle lecture des faits. Il avance des chiffres (vérifiables), démonte des théories, pose des définitions et amène son lecteur à une prise de conscience dont il fera ce qu’il voudra bien.

Je ne suis pas un consommateur de théories, d’exégèses, etc. Étant un grand garçon depuis très longtemps, je sais fabriquer ce genre de choses et n’avale pas de blablas pré-mâchés. Delaleu m’a éclairé sur quelques présupposés et autres doutes que je traînais depuis longtemps ; il a scientifiquement exposé ce que j’avais raconté dans « Tous les états de la mélancolie bourgeoise », mensonges et faux-fuyants. Il n’en tire pas même un constat d’amertume, ou une prophétie alarmiste : il éveille avec douceur la conscience de son lecteur, lui offrant ce petit plus d’humanité que le système qu’il déconstruit lui refuse, même lorsque ce système offre des « prestations sociales » aux chômeurs, invalides, retraités, blessés de la vie. Par charité ? non. Pour ne pas perdre un client.


« Droit de l’O.H.M. et devoir d’humanité », un petit volume vert pâle nécessaire à votre culture politique, sociale et économique ; pour être moins bête la prochaine fois que l’on vous exploitera.

samedi, janvier 17, 2015

07.01.15

Je suis un professionnel du verbe, un virtuose même, je peux le dire ; je suis un auteur que l’on loue pour son style plus que pour son bon esprit du reste. Vous l’aurez remarqué ? Cela fait presque deux semaines que je n’ai rien posté, pas le moindre petit billet alors qu'il en arrive un nouveau chaque semaine, d'une manière aussi régulière que la messe dominicale. Je suis très fidèle à ce type de rendez-vous : vous – mes lecteurs, la messe et le fitness. Cela fait partie de mon hygiène de vie.

Deux semaines donc, car je ne trouve plus les mots et je suis fatigué de ce « je » que j’assume en toute circonstance mais auquel je ne vois aucune légitimité dans le cadre des événements du 7 janvier. J’aurais aimé être le nous, le nous qui agit, qui intervient, qui risque sa vie dans l’uniforme des forces de l’ordre, le nous des urgentistes qui prennent en charge et soignent les blessés, le nous des amis, des proches qui consolent et entourent les survivants, le nous qui trouve les mots d’apaisement et de courage lors de la prière du vendredi, le nous qui se ressaisit un crayon à la main et qui se mobilise pour défendre les valeurs d’une république complexe, diverse et profondément blessée. J’aurais aimé être ce nous qui a su mettre les choses à plat sur les réseaux ; on y lit de bons commentaires lorsqu’on y a des amis plein de bon sens. J’aurais aimé être ce nous qui comprend au-delà de la peine et /ou du choc. Je n’ai pas su quoi dire, les paroles sont restées coincées quelque part entre les tripes et la gorge. Silence.

Mercredi 7 janvier, il faisait un temps magnifique, une après-midi hivernale ensoleillée, cette belle lumière dorée un rien brumeuse. Je suis descendu en gare de Lausanne, marcher au bord du lac. C’était beau comme dans un roman de Keyserling. Je suis allé prendre un café dans le centre-ville avec une amie rencontrée par hasard. De retour à la gare, sur le quai, en attendant le train pour Morges, j’ai reconnu le Pr. Calame. Il avait l’air songeur et absent. Je l’ai tiré de ses rêveries par un mot amusé. Il m’a confié « Je suis atterré » puis nous avons devisé, économie entre autres, pour les quelques minutes du voyage. J’étais aussi atterré que mon interlocuteur, et le suis encore. J’étais incapable à ce moment de le dire.

Je ne suis pas lecteur de Charlie Hebdo, je vous avoue être quelque peu étranger à son humour potache double-gras, vulgus sur les bords et pas très fin sur le milieu. Je ne goûte que peu à la satire quoique, lorsque ce genre de publication me tombe sous la main, je la lis, en ris bruyamment tout en remarquant pour moi-même que ce n’est pas de bon goût. Blessé dans ma foi catholique ? non, certainement pas. Le journal est athée, « pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Je donne dans  l’« ironie », et même l’« ironie cinglante » afin d’illustrer mon opinion, ce qui m’a déjà valu quelque embarras. On n’a pas à s’excuser d’être gay, catholique ou d’avoir des convictions morales, non ?! Et Dieu vomit les tièdes. Bon, je m’égare. En tant que croyant, j’ai du respect pour la foi d’autrui. L’athéisme étant une position religieuse comme les autres, je la respecte. Je préférerais toujours les caricatures de Charlie Hebdo aux obscurantismes religieusants de chapelles haineuses. ET ON NE TRANSIGE PAS AVEC LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.

J’ai connu, en son temps, les affres de la censure. On a épluché mon blog, recherché d’un œil inquisiteur matière à plainte mais rien, que pouic, j’avais déclenché l’ire de petits milieux (dont je tairais la confession et la zone géographique par charité chrétienne) parce que j’avais écrit une vérité historique, un général de la Grèce antique qui briguait le commandement suprême, commandement qui lui fut refusé car jamais il n’avait connu de pratiques sexuelles anales et passives. Peut-on seulement faire confiance à de tels hommes ? A cette époque, il s’entend bien. On n’est toutefois pas venu me régler mon compte à coup de kalachnikov ce qui m’aurait directement renvoyé auprès de Notre Seigneur et m’aurait fait l’économie de quelques charrois de péchés (cette histoire est arrivée il y a une dizaine d’années de cela). Je ne recherche pas le martyre mais je sais être capable d’aller très loin pour défendre mes convictions les plus intimes. Je pense que je n’abjurerai pas ma foi catholique même s’il me fallait payer cette conviction de ma vie. Je ne peux pas affirmer que je ne renierai jamais ma foi, on peut tout faire dire et faire à un homme savamment torturé, nous en connaissons un rayon dans notre très sainte Mère l’Église, rapport à l’Inquisition….

Je suis Charlie quand bien même je ne suis ni Français, ni athée, ni socialo-bon-teint, ni raisonnable, diplomatique, multikulti, etc. Et je pleure de honte, de rage, de dépit, d’impuissance avec tous les croyants musulmans pris en otage par ceux qui, le 7 janvier, prétendaient défendre leur foi. Je ne peux rien en dire de plus, je ne suis non plus pas expert en géo-socio-ethno-politico-blablatique. Je reste choqué par la violence du geste, par le contexte de cet assassinat. Je suis limité dans son interprétation, les limites de mes propres connaissances et de mon opinion qui n’amèneraient qu’un tas de mots supplémentaires à tout ce qui a été dit vingt fois et plus, et en mieux. Je n’ai plus de mots, ou très peu sur le 7 janvier 2015, je viens de vous les livrer. Je tenais à répondre, en tant qu’auteur, bloggeur et journaliste (sur le tas) à cet appel à la résistance … un mot bien grand pour un billet de plus dans la blogosphère. Je tenais surtout à ne pas être complice par le silence.

PS : Je ne suis pas devenu aphone pour autant et reste très disert quant aux barbotines, Mauriac, la peinture de Peter Doig ou « Chic », le dernier film dans lequel apparaît Fanny Ardant. Vous trouverez mille mots à ces sujets dans les prochains billets de ce blog. J’en ai d’autres encore, des mots terribles que je réserve à un prochain texte autofictif. J’y suis allé à la kalachnikov littéraire, canardant à tout va dans un cri. Mon éditeur estime aussi que c’est bien de crier pour autrui.


jeudi, janvier 08, 2015

The Riot club

Des gamins mal-élevés, trop riches, trop beaux, si talentueux et si peu sûrs d’eux-mêmes. La mode et l’époque leur donnent raison, même l’intelligentsia, même la littérature a pour les jeunes merdeux violents les yeux de Chimène. Soyez méprisants, cassants, violents, soyez grossiers, hautains et orgueilleux, soyez au-dessus, contre et toujours mieux, si vous avez un nom, de l’argent, du prestige vous êtes donc un « winner » !

« The Riot Club », vu lors d’une après-midi vaseuse d’après-fête, ne m’a pas attiré par son affiche – pas un acteur que je connaisse ; toutefois, je les reconnais tous, déjà vu dans une série télé ou une production qui tache – sa réalisatrice (Lone Scherfig) ne me dit rien non plus … C’est peut-être la subtile et délicate atmosphère d’Oxford, décor du récit, qui m’a interpelé. Plus prosaïquement, l’horaire de la séance m’arrangeait bien.

Le scénario est efficace, léché, aussi bien ficelé que celui d’un téléfilm, première partie de soirée. Des jeunes gens entrent à l’université et on se répète la légende de Lord Ryot, viveur, buveur, coureur et brillant scientifique qui au XVIIIème s’est fait embrocher par un énième mari trompé qui ne goûtait pas l’esprit du bonhomme. Depuis la mort de ce débauché, en mémoire de son inconduite « glorieuse », ses proches amis de soûlerie fondèrent le Riot Club. Dix étudiants, les plus brillants, les plus délurés se succèdent  de génération en génération autour de la table des libations de ce cénacle. Il s’agit juste d’un petit club élitiste de « happy few » snobinards qui se donnent des airs … Avec la rentrée à Oxford, nous suivons deux étudiants que tout oppose. L’un est issu d’une grande lignée, il se doit de porter son titre, son rang, d’être au niveau de la réputation de sa maison. Et l’autre, un bon garçon, bon milieu soit, mais une conscience qui prime sur le titre. Les deux vont être reçus nouveaux membres au sein du « prestigieux » Riot Club.

En quoi consistent les activités d’un tel cercle ? Boire, vomir, vandaliser une salle de restaurant, témoigner de son rang en arrosant les éventuels plaignants de leur sale argent et passer à tabac le patron du bistro, à défaut d’une pipe collective, la professionnelle convoquée ayant refusé de travailler dans de telles conditions. Frustration. Dans ce monde si poli, si élevé, si choisi, de jeunes coqs ne trouvent rien de mieux que de témoigner d’une violence gratuite, une histoire hormonale certainement, moyen comme un autre d’évacuer l’énergie d’une sexualité confuse et contrariée. Etre riche et casser du prolo comme être islamiste et assassiner des journalistes, question de libido pervertie, de lacune éducative et de pose pseudo-morale, défendre des valeurs qui n’en sont pas … Je m’égare.


D’une certaine façon, la future classe dirigeante n’a-t-elle pas l’obligation d’être formée au mépris ? Histoire de pouvoir exercer le pouvoir, le jour venu, sans inutile sensiblerie ? Lone Scherfig soutient semble soutenir cette thèse, dans une scène finale subtile, qui laisse songeur  et anglophobes. La conscience exclura le gentil, le cynisme et l’esprit de clan ouvrira des portes à l’immoral. Un mauvais conte d’une belle photographie.