Essayiste, basketteur pro, entraîneur révéré, peintre à ses
heures, romancier, et bien d’autres choses, le jeune homme perpétuel qu’est Jon
Ferguson nous offre avec son dernier titre bilingue, « La
Bête »/« Beast » une sorte d’évangile à son athéisme
tempéré. Le texte est divisé en « Miettes » et en
« Bulles », autant d’aphorismes développés à la manière d’exempla,
les médiévistes comprendront où je veux en venir, pour les autres, deux mots
d’explication. Les ordres mineurs, qui sont aussi des ordres prédicants, les
franciscains et les dominicains donc, partaient prêcher dans le monde,
s’invitant au grand dam du clergé séculier dans les paroisses où ils
expliquaient la morale chrétienne, le catéchisme, les symboles, les évangiles à
grand renfort de récits légendaires et de scénettes. Pour s’en rappeler, ils
recensaient toutes ces historiettes, ces exemples, dans de volumineux recueils.
L’un des plus connus : La Scala
coeli de Jean Gobi junior (neveu présumé de Jean Gobi sénior, père abbé du
monastère dominicain de Saint-Maximin) n’est pas sans rappeler par la forme et
le fond la « Bête » dont il est question.
John Ferguson n’est pas entré dans les ordres, même s’il
mène une vie disciplinée de moine (se lever tôt, de l’exercice, un
petit-déjeuner équilibré, travailler, une collation, un peu de repos,
travailler, dîner, se coucher tôt sans excès de table ni de boisson).
Toutefois, il a voulu condenser une vie d’observation dans ses miettes et ses bulles. L’homme ne sombre pas dans un émerveillement bébête ni dans
une misanthropie poisseuse, il s’explique sur le fil de son émerveillement face
au monde et de sa confiance en l’homme, aussi, tout de même. Pas de grandes
phrases creuses, Ferguson est un pragmatique, un homme d’actions, pas du genre « tellement
profond qu’on ne voit plus rien à la surface ». Il aime pourfendre les
lieux communs du catastrophisme, les inquiétudes pseudo-scientifiques, une
tendance eschatologique et régressive qui nous promet le grand crac-boum pour
bientôt.
Notre auteur louvoie un peu, rapport à Dieu, la foi, le
christianisme. Tantôt il prétend ne pas croire et tantôt laisse la porte
ouverte tout en reniant la tiédeur de l’agnosticisme. Voici le seul reproche,
léger, que je pourrais émettre sur le texte mais j’ai une lecture de catholique
croyant. En bon misanthrope modérément réactionnaire, je ne peux que m’émerveiller
par la confiance que Jon met en l’autre, tous les autres. Ce n’est pas « chou »,
il s’agit là du résultat d’un véritable sacerdoce, une volonté expresse d’ouverture.
Question style, pas de fioritures mais une langue claire, parfois un peu raide,
comme l’accent anglo-saxon dans la scansion du verbe. Cela en rajoute à la
singularité du témoignage, à sa valeur, à sa saveur. « La Bête »,
essai précieux, catéchisme fergusonnien à lire en continu ou à glaner par le
hasard des pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire