En ai-je trop dit ? ou pas assez ? Je me suis
relu, comme à chaque fois, non pas dans un mouvement de satisfaction vaniteuse
mais pour me persuader de l’existence du texte. M’y suis-je reconnu ? oui
et non. Il y eut le temps des sentiments, des émotions, l’instant vécu, puis
celui de l’évocation, du regret et, finalement, le temps de la rédaction. Au
fil des pages, j’ai retrouvé des traces de ces trois strates, vestiges,
archéologie. Finalement, Olivier – mon éditeur et, par conséquent sa lectrice
Aurore – a cru au livre bien avant moi. D’une chose le texte mais le
livre ! une autre affaire. Il y a une distance à présent entre le corps du
texte et moi, rien de désagréable, une bonne centaine de page sous une
couverture sobre, élégante.
Le texte existe, le livre a une présence physique, il est
empilé en petits volumes dans la grande librairie de la place entre autres, la
place Pépinet, Lausanne, où j’ai dédicacé hier après-midi, en compagnie de
Daniel Fazan (nos romans sortent de concert). C’était sympathique, agréable, un
peu vertigineux, les amis, les pairs, des parents venus partager un moment et
le livre, une dédicace … mais le texte, la charge massive contre les autres,
tous les autres, chacun a reçu son paquet comme dirait les personnages humiliés
et revanchards de Mauriac. En ai-je trop dit ? ou pas assez ? pas
assez de noms, de faits précis, de dates ? J’assume. Les complexes, les
aveux sous-entendus, les manquements, la révolte, la violence du verbe :
j’assume tout. L’autofiction porte toujours son petit parfum de soufre et de
charogne, une odeur chaude et juste pas trop écœurante. Séduction.
« Un auteur, ça se met dans sa bibliothèque mais
surtout pas à sa table ou, pire, dans son lit ! » avais-je écrit il y
a quelques années de cela. « L’auteur est un rat » avais-je conclu et
je me prouve à moi-même que j’avais raison. Je suis toutefois moins frappé par
la violence de mon propos que par le charme puissant de « l’entre les
lignes », ce qui s’immisce du souvenir de Vienne dans le récit et la
douceur de Cy., sa présence, son attention. Ma huitième publication arrive
vingt après la première, « Appel d’air », de l’autofiction de même.
On peut me suivre ainsi à travers mes logements, mes mythes, mes amours de 1995
à aujourd’hui, en passant par « La Dignité », un triptyque autofictif
où je dézinguais mon ex et mon ex-belle-famille ; j’avais alors la jeune
trentaine. Finalement, je reste plutôt fidèle à moi-même dans l’expression de
mon exécration, enfin une constante sur laquelle s’appuyer parmi mon champ de
ruines perso’.
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