« Libérer la parole !», berk,
concept de loosers geignards, là où la victime devient le héros, un héros en
crotte de nez, en nouilles trop cuites, en algues moisies. Instinctivement, il
est permis de supputer qu’il y a manipulation, une façon d’enfermer une fois
pour toute la victime dans son rôle. Le seul état de victime acceptable, être
victime du sort, du « destin », « des dieux » mais les
dieux sont morts, emportés par leurs affaires de turlutes foireuses, leurs
petites jalousies, leurs manies sacrificielles, leur amour immodéré de l’or,
des honneurs. Il n’y a plus de « victimes » qui soient depuis que l’Autre,
Celui qui mangeait des galettes de blé et un peu de poisson grillé, Celui qui a
foutu dehors les prévaricateurs du Temple, Celui qui, un jour, a planté ses
parents pour aller faire la leçon aux ergoteurs de la loi alors qu’il n’était
encore qu’un gamin, Celui qui s’est laissé insulter, malmener, épingler sur du
bois, est mort, est descendu aux enfers, est ressuscité d’entre les morts, est
monté aux Cieux, est assis à la droite du Seigneur (et pas « saigneur »)
(Son Père soit dit en passant) d’où il viendra juger les vivants et les morts. Il
paraît du reste que nous sommes fait à l’image de ce Père et que, par
extrapolation, nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs. Je
n’ai pas de compte à régler, je gère mes finances à vue. Il y a eu des
circonstances qui ont fait que … et voilà, à l’approche de la cinquantaine, je me
retrouve parmi plein de toiles achetées sur ricardo et anibis, à regarder « Le
jour du Seigneur », dimanche matin, avec deux petits chiens dans le lit alors que j’entends Cy. prit, une
fois de plus, de déménagite aigüe qui pousse les meubles.
dimanche, novembre 18, 2018
lundi, octobre 08, 2018
Trois titres : "Le voyage à Paris", "Poussière demain", "L'ordre du jour"
L’Ordre du jour, d’Eric Vuillard, prix Nobel 2017, un bref opus, pour une fois, d’habitude les prix de la rentrée sont des pavés. Le sujet est très simple, un rien de politique fiction et beaucoup, beaucoup de recherches historiques. Vuillard, avec le petit air de ne pas y toucher, rhabille les alliés pour l’hiver, et très chaudement, ce qui explique peut-être l’accueil un rien froid d’une certaine intelligentsia, dont font partie ceux qui savent, les thuriféraires de la bien-pensance officielle. Vuillard remet à sa juste place les « crimes » de la méchante Allemagne. On y voit les complicités de l’économie déjà mondiale, la lâcheté des uns des autres, le désespoir des « coupables ». Petit ouvrage subtile et jouissif pour l’historien ou l’iconoclaste quasi professionnel que peut être votre serviteur. Le style est alerte, sophistiqué sans qu’il n’y paraisse, parfaitement rythmé. Enfin UN Goucourt à glisser dans toutes les bibliothèques.
Le voyage à Paris, de Raphaël Aubert, chez
art&fiction, un titre à la Borgeaud pour un précieux livre, un très bel
objet, l’hommage d’un fils à son père, Pierre Aubert, peintre et graveur. Le
fils nous emmène dans ses souvenirs familiaux, nous ouvre à l’intimité de son
père, relate des extraits des notes de voyage de ce dernier et, surtout, nous le
laisse suivre dans son « voyage à Paris ». Il s’agit d’un leporello,
vingt croquis au stylo, du 29 novembre au 2 décembre 1968, des scènes attrapées
sur le vif, un Paris trop beau pour être vrai. Aubert
fils nous fait revivre la ville avec minutie, une précision d’enquêteur, pas un
élément qui ne soit lancé à la légère, la reconstitution est exacte !
Comment expliquer mon émerveillement à retrouver ce Paris que j’ai eu aimé mais
que je n’aime plus. Mon dernier séjour était un cauchemar, un hôtel en
pseudo-chic péteux, minable au final, la pression de la foule, partout, écœurante,
répugnante. Les mots du fils, les dessins du père m’ont profondément émus,
retrouver une personne que l’on croyait … morte. Et quand bien même elle le
serait, laissez-moi, encore un instant, serrer sur mon cœur ces quelques belles
pages, plus qu’un souvenir.
Poussière
demain,
sous-titré « Les aventures d’Europe : de Zeus à l’UE », un
ouvrage non pas sorti de la cuisse de Jupiter mais de l’outil scriptural très
fécond de Pierre Yves Lador ! Il s’agit d’une somme, quasiment le
couronnement de l’œuvre littéraire du grand PYM, de l’inaltérable et du
magistral auteur qui, de ses hauteurs, nous délivre sa weltanschauung. Le
monde, l’infini stellaire, l’humour, quelques-uns et moi-même
vraisemblablement, dans le personnage de Frédéric le catholique se retrouvent
au fil des 354 pages du joli volume des Editions Morattel. Si notre auteur
avait quelques velléités à se lancer dans une carrière de gourou, son Poussière demain - ou une cosmogonie à l’usage
des contemporains et des générations futures - ferait un récit prophétique et
révélatoire tout ce qu’il y a de plus crédible. On y trouve tout ce qui peut
concerner la nourriture spirituelle mais, de plus, la nourriture physique !
Lador a la précision de l’artisan horloger pour évoquer le menu de dîner et
goûter, une cuisine magique, propre à accompagner de roboratives conversations
philosophiques en mine de rien Et vous vous languirez de connaître bientôt les
vertus gustatives de l’impératoire (en tarte).
dimanche, septembre 09, 2018
Introduction à l'histoire (vaudoise, suisse, etc.)
A quoi sert l’histoire ?
L’instant présent n’est pas issu d’une succession de hasards,
d’incidents plus ou moins prévisibles ou de coups de chance. Soit, le hasard a
sa place dans l’histoire mais l’époque dans laquelle nous vivons est le
résultat d’une succession d’événements, les uns emboîtés dans les autres à la
manière d’un jeu de construction en perpétuelle évolution. Déclarer à propos de
l’histoire que « ça ne m’intéresse pas » ou que « ça ne sert à
rien » est aussi idiot que de ne pas vouloir se servir de ses deux yeux.
L’être humain s’inscrit dans un plan géographique et dans un plan historique.
Ne pas connaître l’histoire revient à avancer dans une rue, dans une ville sans
avoir aucune notion d’où l’on se trouve. L’histoire sert donc à s’orienter dans
le temps.
Comment
raconter l’histoire ?
Le récit de l’histoire n’est pas
neutre. Cette neutralité est un mythe véhiculé par les livres d’histoire
officiels, à croire qu’il existe UNE HISTOIRE. En fait, l’histoire dépend
étroitement du point de vue de celui qui la raconte. On peut dire qu’il s’agit
d’une manipulation mais il s’agit avant tout des choix moraux des historiens
qui étudient les événements et les interprètent selon leur regard, leur
conviction. Le récit de l’histoire est honnête lorsque son auteur explique sous
quel angle il a étudié son sujet, quelles sont ses convictions et, surtout, il
doit assumer son texte en le signant.
A chaque grande évolution de notre
société, nous pouvons réécrire l’histoire dans son entier. Notre morale a
changé, notre vision du monde aussi. Parfois, des découvertes archéologiques
viennent contredire ce que l’on considérait comme une vérité éternelle. Pendant
longtemps, par exemple, on a cru que les constructeurs des pyramides étaient
des esclaves. Faux, des fouilles sur le plateau de Gizeh ont prouvé que les
ouvriers étaient fort bien traités, bien nourris et salariés. Un Egyptien ne
pouvait refuser d’aller travailler sur les chantiers de pharaon, c’était une
sorte de conscription.
Un autre exemple, Philippe d’Orléans,
Régent de France. A la mort de Louis XIV, son successeur, Louis XV, n’avait que
cinq ans. On désigna Philippe son cousin régent jusqu’à la majorité du roi.
Cela veut dire que Philippe d’Orléans était une sorte de roi temporaire. Cet
homme était ce que l’on nomme un « viveur », il aimait la fête et la
vie libertine. Il a tenté de mener plusieurs réformes, invention de la bourse,
introduction du papier monnaie en France, etc. C’était un homme intelligent et
avisé. L’histoire a retenu de lui un portrait très contrasté. A la fin du
XIXème siècle, on le considérait comme un précurseur, au début du XXème comme
un débauché et, de nos jours, on considère qu’il n’avait pas une vie très
réglée mais que ses réformes économiques étaient bonnes mêmes si elles n’ont
pas toujours abouti. Vous voyez qu’une même personne, que les mêmes actions
peuvent être jugées tour à tour de manière positive ou négative.
L’histoire,
une construction (souvent) artificielle.
Le récit de l’histoire est devenu, dès
le mi-XIXème siècle, un enjeu des politiques nationales. Les pays tels que nous
les connaissons aujourd'hui sont souvent l’agglomération d’Etats plus petits,
plus anciens ou de territoires conquis, pris aux Etats voisins. De ce fait, toutes les nations ont
intérêt à raconter leur histoire sous l’angle d’une unité immémoriale. On
raconte une version de l’histoire qui tend à prouver que chaque pays existait
depuis l’antiquité. En France, on cultive l’idée que la Gaule faisait un Etat
homogène qui, petit à petit, deviendra le pays que nous connaissons. Pareil
pour l’Italie, l’Espagne, etc. Ce n’est pas faux en soi, c’est une sorte de
manipulation qui permet de se faire une idée générale de l’histoire d’un pays.
Ce serait beaucoup trop compliqué de connaître tous les aléas de la formation
d’un Etat. Le plus simple et le plus juste serait de connaître les grandes
lignes de l’histoire régionale, nationale et internationale. Pour reprendre
l’image du premier paragraphe de cette introduction, vous connaissez
parfaitement bien la rue dans laquelle vous vivez, bien la ville dans laquelle
vous vivez, assez bien le pays dans lequel vous vivez et plus ou moins bien le
reste du monde. L’histoire procède de la même manière.
L’histoire
suisse, un cas particulier ?
La Suisse est formée de 26 cantons,
fonctionnant chacun comme un petit Etat. La Suisse n’est pas tout à fait une
exception sur ce plan-là. Chaque pays
est composé de sous-ensembles plus ou moins autonomes. L’Espagne est organisée
en provinces autonomes qui cultivent des différences culturelles et/ou
linguistiques comme la Catalogne par exemple. L’Allemagne est divisée en
Länder, ces derniers étant la survivance de nombreux royaumes indépendants plus
anciens comme la Bavière par exemple. La France en tant qu’entité politique
centralisée s’est construite dès le Vème siècle, à partir du règne de Clovis,
le premier roi des Francs. Cette construction va se poursuivre jusqu’au XIXème
siècle lorsque la Haute-Savoie va être cédée par le roi d’Italie à Napoléon
III, le dernier empereur français.
Quant à la Suisse, elle n’est devenue
un véritable Etat organisé que de manière très tardive, après une guerre
civile, la guerre du Sonderbund qui eut
lieu en 1847 et dura trois semaines. Cette guerre doit être regardée
comme un cri de détresse de la part de petits cantons ruraux catholiques (UR,
SZ, NW/OW, LU, ZG, FR, VS) qui ne se sentaient pas reconnus par les riches
cantons urbains et protestants. Après cette guerre, la Suisse proclama sa
première vraie constitution, se dota d’une capitale (Berne), d’un tribunal
fédéral, d’une école polytechnique et « s’inventa » une histoire.
C’est-à-dire que cette nouvelle Suisse fédérale choisit parmi l’histoire de ses
cantons les éléments les plus marquants et les plus consensuels. On transforma
quelques mythes en vérité historique incontestable et on minimisa les anciens
antagonismes entre cantons. Par exemple, le pacte du Grütli de 1291 est, selon
certains experts, une copie du Moyen-âge d’un original disparu et certainement
moins éclatant. Ce pacte proclamait une alliance défensive entre les cantons
d’Uri, Schwyz et Unterwald qui se considéraient très différents les uns des
autres. A l’époque, ces trois cantons ne défendaient aucun idéal de liberté ou
de démocratie. Cette interprétation date de 1848.
Cette pratique à la limite de la
manipulation perdure encore aujourd’hui dans les livres d’histoire suisse à
caractère scolaire. Toutefois, ce genre consensuel a ses limites.
Dans « Histoire suisse »,
édition LEP, page 31, sous le paragraphe consacré aux deux guerres de Kappel,
on peut lire le paragraphe suivant :
•
1531- Un véritable affrontement a lieu deux ans après au même endroit
(Kappel). Zwingli veut réformer toute la
Confédération mais, isolés militairement, les Zurichois ne peuvent prendre que des
mesures économiques en fermant leurs marchés aux cantons catholiques. Ceux-ci
réagissent en écrasant les Zurichois à Kappel. Zwingli meurt dans la bataille.
Apparemment, ce texte semble clair et
cohérent. Toutefois, il traduit d’une manière diplomatique une réalité
historique un peu dérangeante, c’est-à-dire la volonté hégémonique de Zürich
sur ses voisins en se servant de la foi protestante comme justificatif. Faisons
de l’analyse de texte. A la fin de la première ligne, on nous dit que Zwingli,
un pasteur réformateur zurichois, veut imposer la Réforme dans toute la
Confédération. Lorsqu’on est un homme de religion et que l’on veut convaincre
son auditoire en matière de foi, on le fait par des arguments. A la deuxième
ligne, le texte nous dit que « les Zurichois sont isolés
militairement ». Etrange ! Nous parlions de religion. Depuis quand
faut-il des troupes pour évangéliser ? Et dernier hiatus, lignes deux et
trois, il est dit que « Ceux-ci (les Zurichois) ne peuvent prendre que des
mesures économiques » pénalisant les cantons catholiques. On voit ici où
voulait vraiment en venir Zürich : imposer sa domination économique sur
ses voisins. Zürich finit par être battu par les cantons catholiques qui témoignent
en dépit de leur victoire de leur forte dépendance économique à leur
« ennemi ».
L’histoire
vaudoise, un cas particulier ?
Avant que vous ne passiez à l’étude de la Révolution vaudoise,
sujet assez peu consensuel et, donc, traité de manière relativement succincte
dans les livres d’histoire officielle, il est nécessaire de connaître les
grandes lignes de l’histoire suisse de 1517 à 1798. Vous pouvez vous référer au
livre d’ « Histoire suisse », édition LEP, illustré par Mix et
Remix, pages 30 à 39. Même si les faits historiques y sont interprétés d’une
manière que l’on peut discuter, voire contester, les faits relatés restent
exacts. Il me semble toutefois que l’on ait « oublié »
deux ou trois choses. A aucun moment, on n’explique que le Pays de Vaud fut
envahi par les troupes bernoises sans autre raison que de le soumettre et en
exploiter les riches ressources. A aucun moment, on n’explique que les Bernois,
aidés des confédérés, vont chasser les prêtres catholiques et les religieux
catholiques du canton, piller les églises, fermer et détruire les cloîtres et
les monastères et imposer par les armes le protestantisme. Nulle part, on ne raconte
que les Vaudois furent privés de leurs droits civiques, qu’il leur fut interdit
de pratiquer leur folklore, de porter de la dentelle, des bijoux et, même, de
se marier sans le consentement de l’autorité bernoise. Ces faits sont pourtant
historiques même s’ils peuvent être regardés comme trop critiques envers Berne
et ses alliés. Il ne faut pas oublier que les tensions entre cantons étaient
très importantes jusqu’en 1848. Il en existe encore aujourd’hui mais chacun a
appris à en minimiser la portée. C’est peut-être une raison pour laquelle on ne
présente jamais l’histoire suisse que sous un angle très consensuel.

La Révolution vaudoise, élément précurseur du
renouveau suisse
14 juillet 1789, date que l’histoire a retenue comme
étant le début de la Révolution française ! En fait, il s’agit de la prise
de la Bastille, prison royale dans laquelle le roi de France pouvait faire
enfermer qui il voulait sans autres formes de procès. On parle d’un symbole de
l’absolutisme. Absolutisme ? Oui, il s’agit du système politique qui avait
cours dans quasiment toute l’Europe, y compris en Suisse dans une forme un peu
spéciale. En substance, le pouvoir politique ne s’appuie pas sur la volonté
populaire mais sur la volonté divine, sur l’Eglise tant catholique que protestante.
Si le roi règne, c’est que Dieu lui a confié la direction de son peuple, du
pays. Dans le canton de Vaud, les représentants du pouvoir bernois que la
population vaudoise devait appeler « Leurs Excellences de Berne »
prétendaient aussi diriger le canton de Vaud selon la volonté de Dieu.
La Révolution française va ébranler
toute l’Europe. Le système va s’emballer et sombrer dans les pires excès (La
Terreur). Un homme va s’imposer en France dès 1795 (période du Directoire), il
s’agit de Napoléon Bonaparte. Il se fera connaître en tant que brillant général
révolutionnaire avant de devenir un homme politique incontournable. A la fin du
XVIIIème
siècle, la France donne le ton. Il s’agit de la plus grande puissance
européenne continentale. Lorsqu’on toussote à Paris, c’est un séisme dans les
capitales étrangères.
Or, en 1789, le précepteur des
grands-ducs Alexandre et Constantin, petits-fils de la grande Catherine,
impératrice de toutes les Russies, reçoit la nouvelle de la prise de la
Bastille. Il ne cache pas son enthousiasme et voit dans cet événement la
promesse de la libération de son propre pays, occupé par une oligarchie
autocratique. Cet homme se nomme Frédéric-César de la Harpe (1754-1838), sa
patrie est le Pays de Vaud occupé depuis 1536
par Leurs Excellences de Berne. Les Bernois ont obtenu la domination du Pays de
Vaud par conquête militaire. Les Vaudois étaient des citoyens de seconde zone
vis-à-vis des Bernois. Privée de certains droits fondamentaux (liberté de
pratiquer sa religion, son folklore, liberté de se marier) la population ne
vivait pas dans la misère mais elle n’était pas libre. Il était interdit à ses
élites d’accéder aux postes à responsabilité de la République de Berne. Il y
avait donc une inégalité de traitement. C’est la raison pour laquelle
Frédéric-César de la Harpe avait quitté la Suisse. Il était pourtant avocat et
plaidait les affaires en appel à Berne.
Depuis la cour de Russie à
Saint-Petersbourg, Frédéric-César de la Harpe écrivit des pamphlets contre la
domination bernoise en terres vaudoises qui circulèrent dans la presse
européenne. Il rédigea aussi des
pétitions à l’adresse de ses concitoyens vaudois, exhortant les
autorités bernoises à accorder une égalité de traitement entre Bernois et
Vaudois. Leurs Excellences de Berne n’en furent pas très heureuses et se
plaignirent auprès de la grande Catherine. Cette dernière ne renvoya pas le
bouillant précepteur de ses petits-fils, elle l’appréciait énormément. Elle le
pria de se tenir à l’écart de la chose politique vaudoise, ce qu’il fit.
Toutefois, sa réputation de révolutionnaire força l’impératrice à se séparer de
ce précieux pédagogue. La Harpe rentra en Suisse, à Genthod, sur le territoire
genevois où il acquit un domaine. Il ne pouvait résider en terre vaudoise sous
peine d’être arrêté par l’occupant bernois.
Alors qu’il ne comptait se consacrer
qu’aux techniques agronomiques modernes, à la lecture et à une vie paisible
auprès de son épouse Dorothée, le hasard mit La Harpe en contact avec le
général Bonaparte. Sur l’un des flancs de l’Arc de Triomphe, à Paris, on peut
lire le nom d’Amédée de la Harpe, général mort durant les guerres d’Italie. Cet
homme se trouve être le cousin de Frédéric-César de la Harpe. A sa mort, il
laissa une veuve et des orphelins fort démunis en terre vaudoise lorsque
l’autorité bernoise saisit les biens de feu le général. Impossible à sa veuve
d’aller demander un soutien quelconque du gouvernement français, on ne l’aurait
certainement pas laissée rentrer sur le
territoire vaudois. Elle pria donc son cousin d’aller plaider sa cause auprès
du général Bonaparte qui tenait Amédée de la Harpe en haute estime. Non
seulement, Napoléon fit verser une rente à la veuve de feu son ami le général
Amédée de la Harpe mais il retint auprès de lui Frédéric-César de la Harpe qui
en profita pour plaider la cause du pays de Vaud.
Le gouvernement bernois reçut un
ultimatum du Directoire français : Berne devait quitter le territoire
vaudois sous peine de représailles françaises. Le 24 janvier 1798 fut proclamée
l’indépendance vaudoise. Laharpe (dès lors Frédéric-César de la Harpe
orthographia ainsi son patronyme) avait gagné ! Le pays de Vaud était
libre. Les troupes françaises trouvèrent tout de même un prétexte pour pénétrer
le territoire helvétique.
La révolution se répandit à travers tout
le pays. Bonaparte voulait, en sus de ses motivations idéologiques, s’assurer
le contrôle des cols alpins et les ressources du pays. Il organisa la Suisse en
un Etat moderne et centralisé. Toutefois, cette organisation ne convint pas aux
cantons trop accoutumés à une grande indépendance les uns par rapport aux
autres. Bonaparte donna encore à la Suisse (nommée alors République Helvétique)
sa première constitution fédérale : l’Acte de médiation. La Suisse
retrouva alors une certaine paix, une unité et une cohésion qu’elle n’avait encore
jamais connue mais n’en demeura pas moins un Etat satellite de la France (voir
pp. 44-45 du livre d’Histoire Suisse Mix & Remix).
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jeudi, août 09, 2018
"Parcours" de Jacques Dubochet
Nous ne
sommes pas du même bord politique, nous n’intervenons pas forcément sur les mêmes
points au Conseil Communal mais c’est avec un plaisir sincère que j’ai
officiellement salué notre prix Nobel au début de notre séance du mercredi 6
décembre 2017. J’ai, par la suite, eu le plaisir encore plus grand de le voir
vêtu d’un frac ! Habituellement, notre homme donne plutôt dans le look père
Noël en chemise hawaïenne. Cela m’a beaucoup touché qu’il m’offre un exemplaire
de « Parcours », son essai autobiographique scientifique fourre-tout.
Le texte est sympa, comme l’auteur, échevelé, comme souvent l’auteur, drôle,
pertinent, optimiste, toujours comme l’auteur et, indépendamment de la volonté
de l’auteur, un rien aveugle sur certaines choses. On mettra ça sur le compte
de l’optimisme.
Jacques
Dubochet est un excellent vulgarisateur, il s’intéresse à plus d’un domaine
hors de sa zone de confort, il fait l’effort de débrouiller ce qui lui paraît
obscur et, du coup, devient à son tour une référence ressource pour ses
lecteurs. L’éthique dans les sciences, la génétique, le changement climatique
sont des sujets à propos desquels notre illustre Morgien réfléchit, beaucoup,
et construit une opinion personnelle argumentée à valeur universelle. L’auteur
possède son style fait de ruptures, d’humour, d’à-coups et d’une syntaxe
décontractée ; c’est une voix et on aimerait l’écouter encore plus
longuement dans ses recensions scientifiques, ça ferait une excellente rubrique
dans la presse locale – pour une fois que l’on y lirait quelque chose
d’intelligent qui ne chlipote pas la plus grossière des manœuvres politiques –
bref, ce serait faire œuvre d’éveil public.
« Parcours »
traite aussi du … parcours de son auteur. Ce dernier l’admet, il a eu de la
chance, c’est toujours une grande chance de naître dans une famille éduquée,
sensée, sans problème financier… Ça vous change la perspective. Jacques
Dubochet a même réussi à faire de sa
dyslexie un atout, il l’avoue. Il a eu la chance d’être « tombé » sur
les bons enseignants. J’en connais qui, grandis dans des clapiers moisis,
quartier de prolos, n’ont fréquenté que les écoles primaires et secondaires de
prolos avec, il va sans dire, l’enseignement assorti et qui n’ont jamais pu
jouer de l’excuse avérée ou non d’une dys-je-ne-sais-trop-quoi-ie. Personnellement,
j’ai découvert il y a peu que j’étais dysorthographique si ce n’est dyslexique
ce qui expliquerait pas mal de choses. Enfin, les prolos qui n’ont pas de
chance, les HLM de lapins et l’éducation publique à l’avenant, ce n’est pas
chez nous, ce n’est pas à Morges, ça se saurait … Tenez, la preuve, même sans avoir été
correctement diagnostiqué j’ai réussi à devenir président du Conseil Communal.
Bref, les chats ne font pas de chiens et les socialistes ne font pas d’UDC.
Revenons à
l’angle mort, une certaine vision d’une réforme écologique qui se trompe d’étage.
Oui, les histoires d’empreinte carbone, de surconsommation des ressources, de
développement durable et autres sont de première importance mais il faut
regarder le problème dans son ensemble avec un rien de distance. Le climat a
toujours changé, l’activité humaine n’est qu’un facteur, aggravant diront
certains, l’historien vous dit qu’il y a des cycles et que chaque problème
appelle une solution, et le problème, en l’occurrence, s’appelle
surpopulation ! Pour revenir aux susmentionnés lapins, il faudrait
peut-être arrêter de se multiplier. Quelle est l’empreinte carbone de chaque
nouvelle vie ? Il faut que le consommateur soit responsable et pourquoi
cette exigence de responsabilité ne s’étend-elle pas aux
géniteurs/trices ? Notre économie saurait très bien faire avec une main
d’œuvre de robots pour une production durable de qualité destinée à une
population appelée à diminuer à terme. Evidemment, ça ne fait pas le jeu de la
finance, de ses promesses à courte visée et de son modèle basé sur une
croissance perpétuelle. Il faut rompre avec la pression sociale qui veut qu’une
vie de couple aboutie donne du fruit, une descendance ! Et si vous tenez
absolument à transmettre votre nom, adoptez, il y a bien assez d’orphelins malheureux
dans les pays en voie de développement. Ce droit impérieux à « avoir des
enfants » à tout prix se fait au détriment de notre avenir commun. 7,55
milliards d’individus humains sur terre au 1er juillet 2017 !
Je n’ose imaginer à combien s’élève ce chiffre aujourd’hui. Pour qu’un individu
humain puisse devenir un être humain, il a besoin de minimas : attention,
éducation, espace, projets, avenir. Sans cela, on oscille entre le bout de
viande et la machine, une machine en viande, berk.
« Parcours »
ou un chemin de réflexion pour son lecteur.
lundi, juillet 16, 2018
Zauberberg II, extrait
[…] Non, trois fois non, il n’ira pas à Berlin, il n’ira
plus à Berlin. Le petit auteur romand pense pareil, parce que Nino l’a mis dans
la confidence de ses hésitations. Le petit auteur lui a fait l’inventaire de tout
ce qui avait disparu et pourquoi c’était mieux « avant », comme
disent les vieux qu’ils ne sont pas encore, et tout se tient dans les limites
du « encore ». C’est un charmant inventaire à la Prévert, dans lequel
défilent d’humbles tea-rooms, des maisons de légende, des cafés-brocantes, des
salles de cinéma, des bars à culs, des saunas gay, des soirées mythiques, des
circonstances, des couchers de soleil depuis un pont, qui n’est pas un pont et
ne s’appelait pas encore « Warschauer Brücke ». Il y a encore des WG
à Friedrischshain, de folles amours, un prince charmant, des chagrins baroques,
des courses dans le Kaiser’s du coin, le Palais de la République, des places,
des rues … Rien, vraiment rien, le temps n’a rien respecté, surtout pas les
espoirs d’un jeune auteur au talent littéraire en pleine formation.
Objectivement, Nino ne pourrait pas se rendre à Berlin ; il paraît que le
restaurant turc en-dessous de chez Shlomo, littéralement le stamm de ce
dernier, ne va pas fort, désaffection populaire. Depuis le soutien massif de la
diaspora turque à l’élection de Recep Tay-machin truc, on se méfie de ces cafés
où les hommes parlent trop fort et semble prendre de haut la clientèle
allemande et les touristes. Il paraît que Shlomo traverse la rue en babouches –
rue devenue quasi piétonne, avec des espaces de jeux à mioches protégés par d’épais
blocs de béton barbouillés de couleurs – il traverse donc pour se rendre dans
un autre café turc, pile en face, décors kitsch de rigueur, musique kitsch,
très bonne cuisine et une clientèle féminine exotique, maquillée à la manière
de bagnoles volées et pas le moindre voile à l’horizon. Friedhelm et Ditmar ont
quasi déménagé à Cologne ; Friedhelm s’apprête à intégrer l’alma mater de
la Colonia Claudia Ara Agrippinensium et Ditmar a trouvé du travail dans une
clinique du centre. Monsieur Robert et Eldrid pense laisser les rênes de l’Institut
Benjamenta à « Présence suisse », à son faiseur de directeur et se
retirer au Tessin. Magda et son second époux se sont fait construire une jolie
maison en bois au bord de la plage, à Warnemünde. Nino n’a d’aucune manière
participé à la légende, il a pris le train en marche. Il ne va pas se mettre à
courir après un mirage. Il y aura encore des printemps magnifiques à Berlin,
des étés paresseux, de romances merveilleuses et des grosses tantes anglophones
qui aboient bruyamment à la fin de chaque phrase aussi. Tout ça se fera sans
Nino et sans que l’intéressé n’en conçoive le moindre regret.
mercredi, juin 27, 2018
"Le génie et la déesse" de Aldous Huxley
Aldous
Huxley n’est pas qu’un auteur de SF à caractère New Age, c’est un homme de
l’ère victorienne qui a réussi à s’échapper de son siècle. Il témoigne de sa
stature morale, entre autres, à travers un bref opus : « Le génie et
la déesse ». Le volume m’est tombé entre les mains je ne sais trop
comment, une bibliothèque à débarrasser ou un achat dans une brocante. Quoiqu’il
en soit, j’étais sûr de la qualité du texte, ce petit rien d’ironie, un solide
fondement philosophique et logique. Il faut tout de même « rentrer dans le
texte », genre deux vieux qui se racontent leurs faits d’arme, une touche
de condescendance, notre auteur a passé 60 ans, il est malade, ça commence à
sentir le sapin, du coup on peut excuser l’apprêt pontifiant de l’incipit.
Donc, deux
vieux, du whisky, des souvenirs, un peu de psypsy à la sauce freudienne,
invocation de ce bon vieux Sud, on se croirait passé dans un roman de Julien
Green. Il y a un jeune scientifique plein de morale et de piété ; il y a
un grand génie distrait, asthmatique et infantile, sa femme, Kathy, superbe,
elle pourrait être sa fille et deux enfants, une adolescente poétisant et un
jeune garçon. Ne surtout pas oublier la vieille Beulah, la nounou servante
noire qui veille à tout. Le jeune scientifique est bâti comme un dieu, il va
sans dire. Il s’agit de l’un des deux vieux pontifiant qui se racontent leur
vie. Tout comme Julien Green, il expose à quel point il pouvait être quiche à
20 ans, tout pétri de principes pieux et
moisis. Ah ! les ravages de la bonne morale protestante, là où la
sensualité catholique et le pardon de la confession représentent un véritable
progrès. Le sujet du « Génie et de la déesse » n’est toutefois pas
là.
La belle
Kathy est une femme à l’attitude olympienne, une mortelle qui se comporte comme
une déesse. Promise à un grand mariage, elle a préférée épouser un vieil
hurluberlu, un scientifique infantile porté sur la chose, comme un nourrisson
qui ne peut s’empêcher de sucer son pouce. Le type est totalement déconnecté de
la réalité, il est au-dessus de ça. Question, l’esprit est-il supérieur à la
vie, la sensualité propre à tout existence humaine ? réponse huxleyenne :
non, lorsque l’amour et la sensualité ne sont plus présents, le génie tourne à
la manie, une succession d’anecdotes montées en boucle. Evidemment, la belle
Kathy finira par coucher avec le jeune puritain au corps de dieu grec et il n’y
a aucun scandale dans ce fait. Son mari le génie est au tapis, malade,
quasiment mort ; son épouse doit lui insuffler le souffle vital qui lui
manque et comment le faire si elle est elle-même à bout de souffle ? Se
reconnecter à son corps, jouir, dormir, manger, être en santé et faire déborder
cette santé dans la personne de son époux.
Huxley
semble deviner le tournant moral coincé du … ce que vous pensez des prochaines
décennies. Le récit est implacable, les ravages d’une morale sociale bornée alors que le grand charme de la
bourgeoisie s’exprime dans la coulisse. Moralité, à présent que le sexe est
devenu une pratique publique, galvaudée, étalée, il n’est plus libre, il est
contraint, frustration, compensation, déraison et obésité des foules à la clef.
Pour être heureux … baisons caché !
jeudi, juin 21, 2018
Discours de fin de présidence au Conseil Communal de Morges
Monsieur le syndic, Mesdames
et Messieurs les municipales et municipaux, Mesdames et Messieurs les conseillères
et conseillers communaux, l’usage veut que le président sortant, lors du
dernier conseil qu’il préside, fasse un discours. J’ai été un président très
avare de ses discours, je n’en ai pas fait plus de trois, et une ou deux
interventions au débotté. Ce sera donc le quatrième discours de mon mandat
présidentiel, j’en ai un cinquième d’ici la fin de la semaine. Le temps du
bilan est venu mais, non, pitié, l’évocation
par le menu des mille et un petits riens de la présidence n’a rien de
folichon. J’ai pensé, pour vous distraire et vous édifier, vous lire un
florilège de mon œuvre mais je vous laisserai le plaisir de découvrir mon style
inimitable dans l’opus que je ne manquerai pas d’écrire suite à l’expérience de
la présidence et je dois vous remercier pour toute cette matière que vous
m’avez offerte, je n’en ai pas manqué une miette depuis le perchoir.
Plus sérieusement, la
présidence n’est pas une fonction personnelle, du moins je ne l’ai pas conçue
ainsi. Quelqu’un m’a demandé « mais pourquoi salues-tu toujours la
secrétaire et sa suppléante et l’huissier et son suppléant alors qu’ils ne sont
pas tous présents ? » Et pourtant oui, ils sont présents, peut-être pas
de manière physique mais dans le travail du bureau élargi. La présidence, c’est
la voix du bureau élargi ou le chef de chœur. Sans le bureau, pas de
présidence. Le bureau élargi est un lieu de dialogue privilégié inter-partite,
une zone de porosité qui permet des échanges vitaux à la bonne marche du
Conseil. Si j’étends ma logique, la présidence, c’est vous tous, aussi et pour
tout le travail accompli durant cette année, je vous propose d’applaudir les
membres du bureau et de vous applaudir par la même occasion.
Notre Conseiller
fédéral Ueli Maurer a récemment dit lors d’un congrès « Il ne faut pas
avoir peur de s’ouvrir aux bonnes idées, qu’elles viennent de gauche ou de
droite, une bonne idée reste une bonne idée ». Poursuivant dans cette
logique, j’ai un vœu à formuler, avant que nous ne passions à ceux de la Cogest
et ceux de la Cofin, vous excuserez la naïveté de ce vœu, mettez-la sur le
compte de ma relative nouveauté parmi vous, j’ai rejoint ce cénacle en février
2015 - à ce propos, je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de conseillers qui ont accédé à la présidence après avoir siégé seulement deux ans et demie au Conseil et, qui plus est, issu à deux reprises de la liste des viennent-ensuite - vous avez
fait preuve de pas mal d’audace, vous avez eu bien raison de vous applaudir …
Donc, pour en revenir à ce vœu, pourriez-vous, lors de chaque intervention,
essayer de vous mettre à la place de l’intervenant, essayer de comprendre son
intervention de l’intérieur avant de bondir le contredire. Vous pourrez
intervenir pour améliorer sa proposition, la compléter ou la préciser car il y
a bien plus de choses qui nous réunissent dans l’entier du Conseil que de
choses qui nous séparent.
jeudi, juin 14, 2018
"Maîtres anciens" de Thomas Bernhard
![]() |
Image tirée de la BD "Maîtres anciens" par le dessinateur allemand Mahler. |
La question
pertinente : mais pourquoi lire « Maîtres anciens » aujourd’hui,
plus de trente ans après sa publication, après avoir clairement basculé dans le
m… le b… du siècle suivant ? N’y a-t-il pas d’autres livres, d’autres
auteurs à honorer de sa lecture ? Je vous laisse le choix de vos
lectures, à la mode ou pas, classiques, reconnues, populaires, obligatoires et
autres mais MA lecture est plutôt lente, c’est un acte volontaire, réfléchi
qui, depuis peu, m’impose le port de lunettes. Je ne vais pas lire n’importe
quoi et cet opus de Thomas Bernhard m’avait échappé lorsque, il y a quelques
années, je découvrais cet atrabilaire de grand talent. La forme du texte
m’avait peut-être rebuté, un long flux, sans chapitre, comme un dialogue
intérieur ininterrompu, Atzbacher qui évoque pour lui son ami Reger, un homme
d’un autre temps (lui aussi) qui, tous les deux jours « sauf le dimanche
et le lundi » se rend au musée d’Arts Anciens, s’installe dans la salle
Bordone, sur la banquette en face de « L’homme à la barbe blanche »
du Tintoret. Il trouve toujours la banquette libre, le gardien de musée
Irsigler la lui réserve. Il y a de l’allégorie là-dessous, bien
évidemment ! Entre le vieux monomaniaque, le gardien de musée psychorigide
et impressionnable et Atzbacher, journaliste et auteur qui ne publie pas et ne
soumet jamais sa prose à la lecture, le trio permet d’évoquer mille et une
figures d’autorité et de sujétion.
Avec le
temps, la sagesse dit-on, on se « vieux-connifie » surtout parce que
le monde tend à nous échapper, son interprétation nous échappe. Reger est un
modèle ! Avec lui, chacun reçoit son paquet, il n’épargne personne. Faites
l’expérience, changer le destinataire de l’une ou l’autre des diatribes regeriennes
(regerienne : de Reger, personnage central de ce roman), essayez, à tout
hasard, la Suisse ou le canton de Vaud à la place de l’Autriche, remplacez
catholique par protestant ou la religion que vous voulez et ça marche, la
critique fait tout de même sens ! C’est fabuleux. Bernhard a mis au jour
la critique universelle ! Ne prêtez pas trop d’importance à mon
enthousiasme, je suis prêt à tout passer à cet auteur, y compris sa mauvaise foi.
Cependant, vous pouvez me suivre dans ma laudation quant au style, la scansion
bernhardienne est une musique sophistiquée et rare, primordiale et salutaire
dans un monde plus versé dans les
refrains simplets calinothérapeutiques que dans l’éducation de son oreille aux
accents de la vérité ou de ce qui s’en approche. Un dernier mot à propos de Reger, ce n’est pas un mauvais
homme, il est vieux, il s’accroche à la vie tantôt par réflexe tantôt par
nostalgie, l’espoir de revivre encore une fois ce qu’il connaît, qu’il a tant
aimé et qui disparaîtra sous peu.
Bernhard se
montre aussi … sentimental dans cet ultime texte. On le connaissait cinglant,
querelleur, d’un verbe assassin, ironique, hâbleur, amuseur pour la galerie à l’occasion
mais pas sentimental, ni vulnérable. Soit, il n’était pas croyant, j’irai tout
de même brûler pour lui un cierge, je ne souhaite aucun repos à son âme, certainement
encore trop occupée à dénoncer la couardise, la médiocrité, la petitesse et,
surtout, l’absence de finesse de nos dirigeants, quels qu’ils soient ; j’irai
brûler un cierge pour que le Très-Haut lui offre un peu de cette douceur dont
il s’est toujours défié.
mardi, mai 08, 2018
De la densification et autres errements
La
densification, le mot est lâché, d’un sobre aspect pour une réalité qui rime
avec chantiers perpétuels, nuisances, bouchons et perte d’identité. Le sujet
est éminemment politique mais fait globalement consensus dans les partis
majoritaires. Pour nos autorités, il s’agit de l’œuf de Colomb ou de la poule
aux œufs d’or : plus d’habitants, plus de rentrées fiscales, plus de
consommation, plus d’immobilier, etc. Et la qualité de vie ? l’âme de la
ville ? Victimes co-latérales, « il ne faut pas être
passéistes » et c’est reparti pour le couplet des lendemains qui chantent,
à tue-tête, circulez, il n’y a rien à voir, les esprits chagrins n’ont qu’à
retourner à leurs albums d’images Belle Epoque.
Concrètement,
à Morges, la densification signifie le double chantier du quartier de la Gare,
le complexe sis à la place de l’ex-Fonderie Neeser, le tout prochain chantier
de La Prairie-L’Eglantine, le futur hôtel de la Blancherie, et deux ou trois
autres interventions de moindre ampleur mais parfois bien plus dommageable sur
le tissu historique de la ville et la circulation. Les autorités ont une
explication, « évolution en escalier », Morges serait du genre belle
endormie entre deux crises de croissances aigües.
Encore plus
concrètement, le quartier des anciennes Halles, qui devrait porter le nom de
quartier des Cheminots est un bon projet. Il s’agit d’une friche urbaine propre
à accueillir du logement proche du centre. L’îlot Sud présente d’autres
problèmes : destruction de la maison Richard, construction d’une tour
disproportionnée par rapport au tissu urbain avoisinant, à savoir le bourg
historique de Morges et, surtout, un calendrier de construction aberrant !
On ne lance pas deux chantiers aussi proches en même temps dans une zone aussi
sensible au niveau circulation que la gare ! Et quand tout sera fini, ça
continue, avec la reconstruction d’une gare-centre commercial.
En dehors
des questions de nuisance durant les chantiers (on en a pris pour cinq ans
fermes, sans parler des prochains grands projets qui risquent de démarrer
durant ce laps de temps), il y a la future circulation à travers Morges et la
perte irrémédiable d’identité. Le principal risque réside dans une
disneylandisation du bourg historique, le déplacement de la plus grande partie
des activités économiques vers le quartier des Halles et ses très, très, très
nombreuses surfaces commerciales. Les arcades de la vieille ville courent le
double risque de la désertification ou de la récupération par des grandes
enseignes du prêt-à-consommer alimentaire.
Dans la
pierre, le béton armé en l’occurrence, le problème se situe au niveau du choix
de l’agencement urbanistique, on n’étend pas la surface habitable d’une ville
en y jetant pêle-mêle des plots par-ci, par-là, il faut étirer le tissu
existant entre autres en passant à un ordre de construction continu, histoire
de former rues, avenues et boulevards, intégrer l’existant à ce qui sera. On a
manqué une belle occasion de faire du projet de l’Eglantine une véritable
extension à la ville, sortir de l’entassement de constructions disparates par
l’aménagement d’une place, unité de style, dialogue avec les maisons historiques
de La Prairie et de l’Eglantine.
Pour
terminer, permettez-moi de tordre le cou à ce faux bon calcul : plus
d’habitants (classe moyenne supérieure si possible) signifie plus de rentrées
fiscales et plus de consommation sur place. Ces nouveaux Morgiens vont tout de
même coûter en infrastructure, en services publics, places en crèches, écoles,
voirie, soins, etc. Et vont-ils considérer leur nouvelle résidence comme un
lieu où vivre ou juste dormir, après avoir fait le minimum syndical de courses
chez un discounter allemand qui a annoncé son arrivée prochaine dans le
quartier des Halles ? J’espère sincèrement me tromper et voir jaillir de
cette nouvelle expansion une créativité architecturale propice à l’enracinement
de ces nouveaux Morgiens qui enrichiront pratiquement et métaphoriquement notre
terreau.
mercredi, avril 11, 2018
De trois choses l’une : retour de Cologne, Ueli Maurer, Alexandre Astier (Kaamelott)

Cela fait bien deux semaines que je réfléchis à un billet à propos de notre dernière Assemblée des délégués à Klosters, évoquer le discours d’Ueli Maurer, le
discours d’un chef puis la rediffusion de Kaamelott, livre VI m’en a distrait,
envie d’écrire à nouveau quelque chose à propos du génialissime Alexandre
Astier et, finalement, Cologne, cinq jours, une respiration, le Wallraffs
Museum, le Dom, les 12 basiliques romanes qui ceinturent la ville.
Rien
d’exotique, Cologne a des airs morgiens, le délire bétonnesque des autorités de
la ville lémanique en moins. A Cologne, tout comme à Morges, on aime les salons
de thé, l’antiquaille et le dormir tranquille. Néanmoins, on connaît la valeur
du passé, on en prend soin, le soubassement de cette bonne vie, chaque pierre
préservée représente une victoire sur les forces du néant, le mal quel que soit
son déguisement, certainement un effet de la présence de Notre très Sainte Mère
l’Eglise. Et comme souvent dans les centres catholiques, on rencontre un milieu
universitaire et un milieu gay épanouis. Je suis passé d’une basilique à l’autre
chapelle, Mittagsgebet à St-Martin, messe du deuxième dimanche de Pâques à la
cathédrale, vénération des reliques de saint Kunibert et de sainte Ursule,
présence de la sainte dans l’église du même nom, littéralement la « petite
ourse » en latin, Bärlin pourrait-on dire en allemand , une certaine ville
à laquelle je suis attaché et mon animal totem.
Fin
mars, les Grisons, Klosters, assemblée des délégués de l’UDC. L’occasion était
plaisante d’aller jouer à Thomas Mann (référence à son roman Zauberberg dont l’action se déroule à Davos,
tout à côté). Nous y sommes allés pour le week-end avec Cy. et les petits
chiens. Personnellement, l’alpage me laisse de marbre … de granit, enfin de
glace. Cette manie d’aller se briser des membres et d’attraper la mort au-delà
de mille mètres m’est incompréhensible. Je suis persuadé que l’on envoyait les
malades en altitude pour les achever et non pour les soigner. L’assemblée
valait largement le déplacement, il était question de l’élection de la
direction du parti, du départ de certains et surtout de la prestation d’un
chef, Ueli Maurer, Ulrich de son vrai prénom, comme le personnage du grand
roman de Musil, quelques traits de caractère en commun avec ce dernier. Le
Conseiller fédéral Maurer aime observer, écouter, comprendre les autres, une
attitude dynamique aussi, c’est d’un pas élastique qu’il est monté à la
tribune, plaisantant sur le fait qu’il avait besoin d’une petite estrade afin d’être
à la bonne hauteur derrière le pupitre. Je n’avais jusqu’alors aucune opinion
particulière quant à lui, quelques vagues préventions nourries par la presse. Il
a énoncé un discours drôle, érudit et sensible, un petit triptyque oratoire d’un
gros quart d’heure dans lequel il a évoqué la qualité de l’eau, en métaphore de
la qualité de nos institutions démocratiques, qualité qui n’a cessé de croître
en un siècle, puis ce fut l’évocation d’un tube alpestre en dialecte, « Ewige
Liebe », gros succès dans les charts allemands. Ueli Maurer illustrait par
là l’amour inconditionnel des Suisses pour leur démocratie directe. Il a conclu
par la légitimité de nos institutions politiques, légitimité fondée sur la
qualité du système (première partie) et l’attachement de la population (deuxième
partie), CQFD. De plus, le Conseiller fédéral Maurer s’est attaché à la seule
référence historique légitime quant à la Nation suisse : la Constitution
de 1848 ! Combien d’autres se seraient perdus dans les brumes légendaires
un rien vaseuses de la pseudo-Suisse de 1291, de la résistance à l’étranger, le
méchant Habsbourg, une dynastie qui a régné sur le plus grand empire au monde
de 1273 à 1918, une dynastie … suisse. Habsbourg est un village d’Argovie et le
berceau de la famille du même nom. Le clou du discours, une phrase, presque
anodine à force de bon sens : « … n’ayons pas peur de nous ouvrir aux
bonnes idées qu’elles viennent de gauche ou de droite, et de les soutenir ».
Je vous l’ai dit, le discours d’un chef !
« Kaamelott,
Livre VI », après la gaudriole, la gaudriole grinçante, la tragi-comédie,
la tentative de suicide du roi Arthur, sa quasi agonie et le récit ultime qu’il
livre à propos de sa vie, un flash-back qui vient éclairer avec tendresse et
justesse l’épopée du roi de Bretagne. Que dire de la prestation, de l’intelligence
du jeu d’Alexandre Astier. Un jour prochain, je vais lui adresser une lettre
ouverte pour lui dire toute mon admiration. Il est un peu le grand frère que j’aurais
aimé avoir, l’ami idéal, le complice dont j’aimerais parfois recueillir l’avis.
Rien ne sonne faux dans sa saga, surtout pas la musique, de lui. J’ai déjà dû l’écrire.
J’ai aussi loué le glissement épisode court/divertissement vers épisode
long/émotion. A chaque fois que je « tombe » sur le Livre V ou le
Livre VI, je ne peux m’empêcher de regarder encore et encore alors que je
connais chacune des répliques. Et le récit pénètre plus profond, le sens
fondamental de l’œuvre s’impose à moi. Arthur, le Graal, la Table Ronde, le
royaume de Logres … une métaphore de notre vie, avec ses aspirations, ses
manquements, une fin, inéluctable, un échec ? Nous sommes tous Arthur,
nous avons tous été choisis par « les dieux » afin de retirer l’épée
du rocher de notre existence, d’en prendre le pouvoir, de l’unifier, de lui
donner un but. Combien de fois allons-nous nous trahir, pire, trahir nos
idéaux, compromission, fatigue, lâcheté … Reste la foi, dans notre propre
histoire, des principes ou un Messie, l’amour. Ça n’excuse rien. Les dernière
paroles de la série : Arthur sera de nouveau un héros. Relever la tête,
une évidence. Plus encore pour le croyant ou le politique, ou le croyant en
politique. Un jour, le bon candidat triomphera, la bonne idée l’emportera sur
les petits calculs et l’électoralisme. Les menteurs seront confondus. Un jour,
les vrais fautifs seront désignés, un jour … Et, pour terminer, la confidence
de l’empereur romain au centurion Arturus (Astier souscrit en partie à l’option
romaine de l’origine d’Arthur, option soutenue par certains philologues), plus
qu’un mot d’ordre, quasi une profession de foi politique . « Des
bons, des mauvais, des pleines cagettes il y en a mais une fois de temps
en temps il en sort un, exceptionnel. Un héros, une légende, il y en a presque
jamais, mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun, tu sais ce que c’est leur
pouvoir secret, ils ne se battent que pour la dignité des faibles."
vendredi, mars 16, 2018
Enquête en abattoir suisse - Moudon
Je vais
tenter d’être bref, je ne veux pas diluer ma colère ni cacher sous les mots ma
honte, honte d’être le témoin de la torture, de la terreur d’un être sensible
et innocent. La première réaction, le premier mouvement intérieur, un certain
agacement devant cette image, pourquoi ce journal, le vôtre m’impose cette
photo atroce. Votre rédaction fait de moi un témoin, quasi un complice puisque
je ne pourrais jamais venir en aide à cet animal, ce veau terrorisé, prostré
dans un angle de la pièce, une salle d’abattage carrelée jusqu’au plafond,
faïence blanche, clinique, pour un nettoyage complet, une hygiène parfaite
après … après, quand on aura équarri, emporté des bouts de viande qui, quelques
instants auparavant, étaient encore un être vivant, un animal dont le QI et,
surtout, le QI émotionnel sont égaux, voire supérieurs à ceux d’un chien.
Vous aurez compris que je fais
référence à votre article du vendredi 16 mars sur l’abattoir de Moudon, sa
pratique institutionnalisée de la maltraitance animale, article illustré de ce
cliché terrible, trois veaux, l’un abattu, gisant dans son sang, un autre, au
premier plan, assis ou accroupi, le dernier dans le coin supérieur droit du
cliché, acculé, j’ai rapidement tourné la page, image insoutenable, à peine
entrevue. Je pourrais me frapper, me griffer, me battre et hurler dans la rue,
j’aurais voulu être dans cette pièce, cette salle et laisser libre cours à ma
colère, la laisser fondre sur les criminels, ceux-là mêmes que l’on devrait … Je n’y étais pas et mon impuissance
s’est retournée ce soir contre une catelle de la salle de bain, fendue, enfoncée,
j’ai mal, le tranchant de la main, j’aurai un bleu demain matin, ça tape mais
ça fait moins mal que la photo, moins mal que la terreur d’un animal cerné par
l’odeur du sang et la certitude de son
supplice prochain.
Je suis historien, j’ai toujours en
stock une image, de quoi illustrer une situation, ce à quoi nous pouvons tous
être confrontés. En l’occurrence, je comprends – toute proportion gardée – la
honte de ces femmes, ces hommes, la population endimanchée d’Ottstedt am Berge
ou d’un autre village voisin de Buchenwald, population forcée par l’état major
américain à visiter le camp, à voir, à sentir l’horreur, concevoir ce qu’ils
avaient méticuleusement tenté d’ignorer depuis 1937. Longtemps, j’ai essayé de
regarder ailleurs, nier la souffrance animale, ce n’est pas moi qui tue ces
bêtes et maintenant qu’elles sont mortes, ce serait dommage de gâcher la
viande. Cela fait une bonne année que je ne mange plus la chaire de mammifères
ou d’ovipares terrestres et, ce soir, je m’aperçois qu’il ne me suffit plus de
m’abstenir. Il faut entrer en résistance contre la souffrance animale. Merci à
la rédaction du 24H pour avoir confronté ses lecteurs à l’horreur de cet
abattoir, ce lieu atroce, les raclures qui y travaillent. Ils ne s’en tireront
pas comme ça, il y aura des suites et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir
de citoyen pour que les sanctions soient exemplaires.
mercredi, février 28, 2018
Billag, No Billag, No No Billag
Personne ne
peut détester la télé de son enfance. Je me souviens du générique d’ouverture
des programmes, l’air le plus célèbre du « Devin du village » de
Jean-Jacques Rousseau. Je me souviens aussi du « Village englouti »,
du « Renard à l’anneau d’or », des séries maison, jamais rediffusées.
Je me souviens aussi de la face de carême de Catherine Wahli et de son hystérie
catastrophiste qu’un capitaine de la CGN a calmé de suite en empoignant un banc
en bois suivi du commentaire « Je vous le fous à l’eau, ça flotte et vous
n’aurez qu’à vous y accrocher jusqu’à ce qu’arrive les secours. On n’est pas au
milieu de l’Atlantique. » Mythique. Ça vaut bien une année de redevance. Personne
ne veut la mort de la RTS ou TSR ou de la TV romande, de la télévision suisse
par extension. Par contre, tout le monde veut la peau de Billag, une bande de
gougnafiers qui allaient fliquer dans les couloirs des bâtiments des quartiers
populaires, à l’affût d’un téléspectateur qui aurait échappé au racket. Ces
gens sont à la limite de la malhonnêteté, lançant des poursuites pour emmerder
et ne faisant même pas main levée en cas d’opposition. Et les frais ? Pour
la pomme de tous ceux qui paient leur redevance. Si l’on en retranche tous les
truqueurs parasites de Zürich, Genève, Bâle, Lausanne, Olten, etc. qui
prétendent n’être qu’en résidence secondaire et retourner dans leur cambrousse
natale tous les week-ends, ça fait un gros manque à gagner. En attendant, les
prolos qui ne peuvent prétendre d’une adresse à Niederbipp ou Sambrancher l’ont
dans l’os et bien profond au vue des montants exorbitants exigés par Billag. L’idée
de voir cette association malfaisante écrasée d’un vote vengeur est trop jouissive
pour dire non à No Billag.
Plus
sérieusement, j’en veux aux chambres et au Conseil Fédéral de n’avoir proposé
aucune contre-initiative. L’occasion était belle pourtant, un parfait timing
pour présenter un financement de la télévision suisse via l’impôt fédéral
direct sur lequel on se prononce le 4 mars de même, un impôt juste, un impôt
qui épargne les plus modestes. De plus, on nous chante les vertus de la
télévision nationale, ferment de la cohésion nécessaire y compris à ceux qui ne
regardent jamais la télévision nationale suisse. Donc, la télévision est une
nécessité au même titre que les autoroutes et le réseau ferroviaire. Donc, on
peut la financer via l’impôt, une majoration d’un point suffirait.
Partons
dans l’hypothèse d’une télévision sans publicité et à moindre coup. Je réponds :
méthode Arte. Une chaîne unique, en quatre langues, traductions simultanées
dans les émissions-débats en direct, doublage pour tout le reste. Disons que l’initiative
passe, la Confédération ne peut plus financer la télévision … Elle n’a qu’à
financer des sociétés de productions fondées pour chacune des grandes émissions
de débats ou de divertissement. Nous pourrions intensifier des collaborations
avec d’autres télévisions nationales, et pourquoi ne pas initier une version
3Sat (télévisions allemande, autrichienne et suisse) avec la France et la Belgique
(même si ce dernier pays n’est pas limitrophe). Les pistes ne manquent pas. Et
pour financer cette vaste réforme dans un premier temps ? On vend les
studios de Zürich, Berne et Genève pour partir s’installer à … Soleure ou
Bienne ? ou Granges nord ?
Quant à la
radio, une chaîne d’information quadrilingue du genre de ce que fait France Info,
une rédaction issue de toute la Suisse et des programmes traduits. Les chaînes
musicales à thèmes retirées du réseau DAB pour les placer sur le net, réception
sur abonnement, le bouquet pour 20.- par an. Et ma chère Espace 2 en version
quadrilingue, elle doit avoir son pendant dans les trois autres zones
linguistiques, financement via des sociétés de productions ou, directemenet,
par l’impôt.
Votez oui,
votez non, votez selon vos convictions, néanmoins le débat ne sera pas clôt
passé le 4 mars.
mercredi, février 21, 2018
" Dernier vol au départ de Tegel", genèse d'un roman
Il en reste deux ou
trois chapitres sur ce blog, comme un teaser, appâter le chaland, témoigner
publiquement du texte. J’avais commencé à écrire « Dernier vol au départ
de Tegel » suite à l’abandon subit d’un projet littéraire ; on
m’avait signifié par SMS que le roman quasi signé, agendé, ne serait pas
publié, que c’était trop de travail et qu’il n’était pas assez
« bankable » en filigrane. Pas grave. Ce roman refusé s’intitule
« Canicule Parano », il a trouvé un autre éditeur, il existe depuis
quelques années et j’en suis très fier. Entre l’abandon de ce projet et sa
reprise, histoire d’exister malgré tout en tant qu’auteur, de partager avec des
lecteurs, j’ai commencé à publier en feuilleton le manuscrit sur lequel je
travaillais, une petite idée que j’ai poursuivie de Lausanne à Berlin. C’était
un rendez-vous hebdomadaire, un rite, trouver une illustration en rapport,
presque un jeu, et découvrir au fil du récit tout une galerie de personnages. Je
ne suis pas allé les chercher très loin, j’ai juste appris à les connaître. En
ce temps-là, on annonçait encore la fermeture de l’aéroport de Tegel dans un
délai de six mois, nous habitions encore à Lausanne avec Cy. et je lisais du
Edvard von Keyserling.
Le texte a connu une
seconde vie en ligne… Au tout début, il avait été évoqué une publication dans
l’espace abonnés et pas dans l’antichambre-débarras-entrepôt des blogs des amis
et soutiens du nouveau média. Je ne pense pas y avoir rencontré beaucoup de
lecteurs. « Dernier vol … » y vivait en attendant de trouver un
éditeur, une place en librairie et dans les bibliothèques. Je ne vous ai pas
refilé une vieillerie, le manuscrit a été retravaillé, amélioré, question de
format. Et à chaque relecture, j’ai redécouvert les vertus de mon onzième
titre, sa voix singulière et l’utilité du récit. Il entre dans mon cycle
berlinois, la ville en contrepoint de la Suisse et de ses raideurs. Robert,
Eldrid, Ditmar, Friedhelm, Magda et les autres, mes personnages ont fini par
sortir des pages. Je les ai peut-être révélés par mon récit mais ils ont leur
propre existence, ils sont vivants, ils sont même devenus des amis. Je me suis
battu pour leur assurer la possibilité que vous les rencontriez. Ils ont
beaucoup à vous donner, ce sont des personnes bien, parfois embarrassées
d’elles-mêmes, parfois maladroites mais jamais amères.
« Dernier vol … »
est le roman des familles recomposées, des tribus patchwork et de la
réconciliation avec les origines, le terreau natal ou celui dans lequel ont poussé
les générations précédentes ; il est question de l’unité de l’individu. Le
récit commence par les craintes de Robert, l’ombre de la maladie… C’est la
Réunification qui l’a appelé en Allemagne et il a adopté ce pays à moins qu’il
ne fût un Allemand qui s’ignore ? Qui sommes-nous ? La somme des
gênes qui nous ont été légués ? la somme de nos expériences multipliées
par nos sentiments le tout divisé par nos souvenirs ? ou une combinatoire
entre hasards et possibilités ? Suivez Robert, il a quelque chose à vous
apprendre.
« Dernier vol au
départ de Tegel », éditions Mythraz, 22.-, ISBN 978-2-8399-2173-2,
disponible dans toutes les librairies depuis le 15 février dernier.
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