Cela fait bien deux semaines que je réfléchis à un billet à propos de notre dernière Assemblée des délégués à Klosters, évoquer le discours d’Ueli Maurer, le
discours d’un chef puis la rediffusion de Kaamelott, livre VI m’en a distrait,
envie d’écrire à nouveau quelque chose à propos du génialissime Alexandre
Astier et, finalement, Cologne, cinq jours, une respiration, le Wallraffs
Museum, le Dom, les 12 basiliques romanes qui ceinturent la ville.
De
retour de Cologne, six heures de tain porte à porte, largement le temps de
rédiger ce billet, parmi le panorama de la vallée du Rhin, ses châteaux, ses
légendes, l’Allemagne de toujours, celle que personne n’a mis ni ne mettra à
genoux, une certaine idée de la civilisation occidentale qui rayonne loin à l’aronde.
Cologne, donc, second voyage, pas envie de me faire marcher dessus dans un
aéroport de brousse (Cointrin/Schönefeld) pour avoir l’immense plaisir de
devoir quasi me mettre à poil afin d’accéder à l’immense honneur de voyager
plié en 26 dans une bétaillère volante d’une compagnie plus que trop orange. Et
trouver des hordes de touristes à Berlin … Il faut dire que, entre les
obligations de ma présidence et de mon emploi, je me suis préoccupé trop
tardivement d’un billet dans une vraie compagnie, là où on dit bonjour au
monsieur et où on a la décence d’offrir une tasse de thé ou un verre de vin au
voyageur.
Cologne,
donc, une garnison romaine, devenue vraie cité selon la volonté de l’impératrice
Agrippine qui y vit le jour, le lieu du martyr de sainte Ursule puis la ville
franque, la fondation de la Cathédrale, le diocèse dirigé par saint Kunibert, les
basiliques romanes, un Moyen Age brillant, une bonne ville commerçante, l’occupation
française sous Napoléon puis la destruction par les « chevaliers blancs de
la démocratie », l’esprit revanchard des anglo-américains ; les naïfs
États-Uniens s’étant laissé embobiner par la perfide Albion ont « détruit
leurs murs mais pas leurs cœurs » et encore moins l’âme de la ville. Le travail
de reconstruction a été admirable, tenant de la restitution historique, de la
réinterprétation et de la construction libre, une patte fifties’ dans ce
dernier cas, un vieil avant-gardisme élégant qui laisse la part belle à l’antique
dans un dialogue créatif, voir l’exemple de l’Hôtel de Ville. Où que l’on soit,
domine la silhouette du Dom, une figure bienveillante au-dessus des quais et
son atmosphère balnéaire, un perpétuel air de vacances ou de foire dans l’hyper-centre,
la Hoch Strasse, succession de grandes enseignes, boulimie consommatrice écœurante
mais la cité très catholique appelle, rappelle ses filles et ses garçons – si souvent
effrontés – dans ses églises. Quelle que soit l’heure ou la paroisse, on trouve
toujours des Colonois sur un banc, une prière en passant, une respiration dans
l’attente de la prochaine messe.
Rien
d’exotique, Cologne a des airs morgiens, le délire bétonnesque des autorités de
la ville lémanique en moins. A Cologne, tout comme à Morges, on aime les salons
de thé, l’antiquaille et le dormir tranquille. Néanmoins, on connaît la valeur
du passé, on en prend soin, le soubassement de cette bonne vie, chaque pierre
préservée représente une victoire sur les forces du néant, le mal quel que soit
son déguisement, certainement un effet de la présence de Notre très Sainte Mère
l’Eglise. Et comme souvent dans les centres catholiques, on rencontre un milieu
universitaire et un milieu gay épanouis. Je suis passé d’une basilique à l’autre
chapelle, Mittagsgebet à St-Martin, messe du deuxième dimanche de Pâques à la
cathédrale, vénération des reliques de saint Kunibert et de sainte Ursule,
présence de la sainte dans l’église du même nom, littéralement la « petite
ourse » en latin, Bärlin pourrait-on dire en allemand , une certaine ville
à laquelle je suis attaché et mon animal totem.
Fin
mars, les Grisons, Klosters, assemblée des délégués de l’UDC. L’occasion était
plaisante d’aller jouer à Thomas Mann (référence à son roman Zauberberg dont l’action se déroule à Davos,
tout à côté). Nous y sommes allés pour le week-end avec Cy. et les petits
chiens. Personnellement, l’alpage me laisse de marbre … de granit, enfin de
glace. Cette manie d’aller se briser des membres et d’attraper la mort au-delà
de mille mètres m’est incompréhensible. Je suis persuadé que l’on envoyait les
malades en altitude pour les achever et non pour les soigner. L’assemblée
valait largement le déplacement, il était question de l’élection de la
direction du parti, du départ de certains et surtout de la prestation d’un
chef, Ueli Maurer, Ulrich de son vrai prénom, comme le personnage du grand
roman de Musil, quelques traits de caractère en commun avec ce dernier. Le
Conseiller fédéral Maurer aime observer, écouter, comprendre les autres, une
attitude dynamique aussi, c’est d’un pas élastique qu’il est monté à la
tribune, plaisantant sur le fait qu’il avait besoin d’une petite estrade afin d’être
à la bonne hauteur derrière le pupitre. Je n’avais jusqu’alors aucune opinion
particulière quant à lui, quelques vagues préventions nourries par la presse. Il
a énoncé un discours drôle, érudit et sensible, un petit triptyque oratoire d’un
gros quart d’heure dans lequel il a évoqué la qualité de l’eau, en métaphore de
la qualité de nos institutions démocratiques, qualité qui n’a cessé de croître
en un siècle, puis ce fut l’évocation d’un tube alpestre en dialecte, « Ewige
Liebe », gros succès dans les charts allemands. Ueli Maurer illustrait par
là l’amour inconditionnel des Suisses pour leur démocratie directe. Il a conclu
par la légitimité de nos institutions politiques, légitimité fondée sur la
qualité du système (première partie) et l’attachement de la population (deuxième
partie), CQFD. De plus, le Conseiller fédéral Maurer s’est attaché à la seule
référence historique légitime quant à la Nation suisse : la Constitution
de 1848 ! Combien d’autres se seraient perdus dans les brumes légendaires
un rien vaseuses de la pseudo-Suisse de 1291, de la résistance à l’étranger, le
méchant Habsbourg, une dynastie qui a régné sur le plus grand empire au monde
de 1273 à 1918, une dynastie … suisse. Habsbourg est un village d’Argovie et le
berceau de la famille du même nom. Le clou du discours, une phrase, presque
anodine à force de bon sens : « … n’ayons pas peur de nous ouvrir aux
bonnes idées qu’elles viennent de gauche ou de droite, et de les soutenir ».
Je vous l’ai dit, le discours d’un chef !
« Kaamelott,
Livre VI », après la gaudriole, la gaudriole grinçante, la tragi-comédie,
la tentative de suicide du roi Arthur, sa quasi agonie et le récit ultime qu’il
livre à propos de sa vie, un flash-back qui vient éclairer avec tendresse et
justesse l’épopée du roi de Bretagne. Que dire de la prestation, de l’intelligence
du jeu d’Alexandre Astier. Un jour prochain, je vais lui adresser une lettre
ouverte pour lui dire toute mon admiration. Il est un peu le grand frère que j’aurais
aimé avoir, l’ami idéal, le complice dont j’aimerais parfois recueillir l’avis.
Rien ne sonne faux dans sa saga, surtout pas la musique, de lui. J’ai déjà dû l’écrire.
J’ai aussi loué le glissement épisode court/divertissement vers épisode
long/émotion. A chaque fois que je « tombe » sur le Livre V ou le
Livre VI, je ne peux m’empêcher de regarder encore et encore alors que je
connais chacune des répliques. Et le récit pénètre plus profond, le sens
fondamental de l’œuvre s’impose à moi. Arthur, le Graal, la Table Ronde, le
royaume de Logres … une métaphore de notre vie, avec ses aspirations, ses
manquements, une fin, inéluctable, un échec ? Nous sommes tous Arthur,
nous avons tous été choisis par « les dieux » afin de retirer l’épée
du rocher de notre existence, d’en prendre le pouvoir, de l’unifier, de lui
donner un but. Combien de fois allons-nous nous trahir, pire, trahir nos
idéaux, compromission, fatigue, lâcheté … Reste la foi, dans notre propre
histoire, des principes ou un Messie, l’amour. Ça n’excuse rien. Les dernière
paroles de la série : Arthur sera de nouveau un héros. Relever la tête,
une évidence. Plus encore pour le croyant ou le politique, ou le croyant en
politique. Un jour, le bon candidat triomphera, la bonne idée l’emportera sur
les petits calculs et l’électoralisme. Les menteurs seront confondus. Un jour,
les vrais fautifs seront désignés, un jour … Et, pour terminer, la confidence
de l’empereur romain au centurion Arturus (Astier souscrit en partie à l’option
romaine de l’origine d’Arthur, option soutenue par certains philologues), plus
qu’un mot d’ordre, quasi une profession de foi politique . « Des
bons, des mauvais, des pleines cagettes il y en a mais une fois de temps
en temps il en sort un, exceptionnel. Un héros, une légende, il y en a presque
jamais, mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun, tu sais ce que c’est leur
pouvoir secret, ils ne se battent que pour la dignité des faibles."