Une année
de plus, une année de moins, Silvester in Deutschland, avec Cy. et les chiens,
et mes beaux-parents. Les années s’écoulent encore plus vite que je n’écluse ma
tasse de thé, une légère mousse, moins qu’une trace sur la porcelaine, tenace
une fois sèche. Qu’ai-je donc retenu de l’année écoulée ? Un peu de bruit ?
de l’agitation ? des clichés, le cliché de l’auteur, du politicien, du pieux
paroissien et quelques autres postures chez autrui, et pas plus de malaise que
les années précédentes. Deux-trois choses émergent tout de même de la brume. La
première : « Le corps du héros », de William Giraldi, une voix
de l’autre côté de l’Atlantique, un écho. Ce texte m’a raconté William, un peu,
et étonnement beaucoup de moi. Une sensibilité, des questions, des bobos
communs vous lient bien plus qu’on ne l’imaginerait. « Construction »,
ce manuscrit, ou comment donner la réplique à Giraldi, une sorte de passage de
témoin car la transmission ne passe pas uniquement par le sang, le père mais
par les pairs de même.
La seconde
chose : les deux premières saisons de « La servante écarlate »,
la série choc sur les dangers que l’évangélisme cul-serré fait peser sur le
monde occidental. Ajoutez à cela un délire de maternité impérieuse et vous
obtenez cette si probable fable, limite une projection. On y fait allègrement
la chasse aux LGBT, aux prêtres catholiques, aux médecins, aux universitaires
lettreux. L’esthétique y est réaliste, pas de futur improbable, juste des
raclures d’hérétiques appliquant le deutéronome à la lettre sans la moindre
distance, comme si un écrit aussi ancien n’avait pas besoin des lumières de la
philologie, le remettre en contexte, comprendre le texte. June (l’héroïne
centrale) transformée en
pondeuse-objet-sexuel-sans-plaisir-même-pour-son-abuseur afin de satisfaire le
violent désir de mioche de Serena, épouse du commandant Waterford, un soupçon
de délire écolo, et la bible partout, tout le temps, la contrainte par la force
et l’appel au sens moral. Je n’ai pas réussi à écrire la moindre ligne jusqu’ici
sur mon blog à propos de cette série, à peine quelques évocations ici ou là.
Pareil pour « Le corps du héros », des sujets, des récits dans
lesquels j’étais et suis encore trop investi émotionnellement parce que je suis
William Giraldi, je suis le personnage de June Osborne. Dans quelle mesure ?
de quelle manière ? Nous sommes tous des martiens pour nos familles, nous
sommes tous des citoyens lâches et bien-pensants avant de devenir des victimes
du système, le nouveau Moloch qu’il faut servir aveuglément en échange de
maigres privilèges, le pseudo-confort des laborieux occidentaux,
divertissements, logements chauffés, nourriture et tout peut nous être arraché,
comme à un chien que l’on jette dehors !
La
troisième chose : le rappel dérangeant, inconfortable, un devoir négligé,
le devoir chrétien de l’amour d’autrui, un devoir de compassion, un appel à la
conversion qui ne souffre ni crainte ni demi-mesure. Je ne me souviens plus
exactement du prêche à l’origine de cette prise (re-prise) de conscience. Aimer
l’autre en dépit de lui-même. Aimer le tout autre sans pour autant trahir ses
choix (de vie, politiques, moraux). Faire la part des choses pour faire une
place à l’autre ou comment tout changer pour que rien ne change, pour que l’on
continue à suivre le concert de Nouvel An en direct de la salle du Musikverein,
Vienne, chaque 1er janvier,
autrement dit comment clore la parenthèse du jeunisme, de la mauvaise éducation
en norme comportementale, du mélangisme mondialiste, de la croissance
perpétuelle pour en revenir à un idéal bourgeois modéré, genre l’État k und k
de l’Autriche-Hongrie.