Il fait beau sur Vienne, Musik Verein, année du centenaire,
2014, 1er janvier. Juste un peu trop tôt, comme chaque année.
Étrange tradition néo-sissiesque, post-sécessionniste (rapport au mouvement
artistique), charmante, désuète et si « trendy » depuis quelques dix
ans, le Concert de Nouvel An me renvoie à des souvenirs d’enfance ; le
déjeuner chez mes grands-parents, jarrets de veau au menu, c’était toujours
ainsi. Comme le concert ou le défilement des ans : une sorte de mouvement
perpétuel.
Depuis, j’ai investi le mythe, l’ai enrichi de la suite des
Sissi, de quelques séquences d’histoire, de ma découverte de Berlin, d’une
histoire malheureuse à Vienne, de mes lectures de Thomas Mann, Thomas Bernhard,
Sigfried Lens, von Keyserling … mes lettres germaniques. Cet attachement
personnel et général pour un évènement culturel finalement assez province – il
ne s’agit pas de jouer des pièces de Wagner ni de Schönberg mais uniquement du
ploum-ploum tralala dirigé par un copain de l’orchestre – cet évènement, donc, ne
peut s’expliquer dans la durée que par la volonté de recoller ce qui a été
brisé, « racommoder » une pièce de porcelaine, avec mortier et pose d’agrafe.
Août 1914, un bel été certainement, et tout bascula … Nous avons
pris la mauvaise voie, nous, l’Europe, nos « prédécesseurs ». Avec la
paix, ils brisèrent, tout espoir d’un XXème (et d’un XXIème ?) siècle
harmonieux, progressiste, vertueux. Étonnant qu’après l’Anschluss, parmi les
bruits insistants de bottes, le Wiener Philarmoniker eût l’idée d’organiser un
tel concert de musique légère, c’était le 30 décembre 1939. Le rappel insistant
de ce que l’on avait perdu il y avait un peu plus de vingt ans (la débâcle de
18) ou une volonté d’inspirer le nouveau Reich ? Quoiqu’il en soit, la
tradition traversa la guerre et, durant la guerre froide, connut même sa
première diffusion télévisée.
Eurovision, cinquante pays « arrosés », même des
pays d’Afrique subsaharienne : das Neujahrskonzert est devenu le symbole,
le fétiche de notre bonne vie perdue, la lumière des César qui brille encore à
défaut de nous éclairer. A quand le retour du Heiliges römisches Reich, vaste
État responsable avec ses parlements locaux et sa légitimité plutôt que le
diktat de Bruxelles ! Quand pourrons-nous céder, dans la confiance, à la
suavité de cithare de la légende de la forêt viennoise ?
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