Troisième extrait de « Musique
dans la Karl-Johan Strasse », autofiction en cours de rédaction.
"Mädchen mit Hut", Franz Lerch, 1929 |
Le portrait de Johanna Straude, par Klimt, une œuvre de la
débâcle (1917/18), et pourtant un regard clair, une tenue, une élégance moderne
intemporelle. Exposition Wien Berlin, à la Berlinische Galerie. Il y a cette
folle de Baladine Klossowska à côté, la mère de Balthus, par son frère Eugen
Spiro en 1901 ; un homme nu en face, une toile de Kolo Moser, de l’authentique
néo-Hodler. L’homme nu est musclé, solide, dessiné, il avance la tête baissée,
il regarde son sexe ?! Je surprends mon reflet dans la glace d’une
vitrine. J’aurais dû mettre une cravate, j’ai une coupe de cheveux qui n’est pas
sans rappeler celle des modèles, la coupe dite allemande, courte et structurée.
J’aimerais avoir sur le temps, l’époque, le regard lassé et distant d’Elisabeth
Bergner, un portrait par Emil Orlik (1925). Elle se tient de profil, la tête
rejetée en arrière, le buste de trois-quarts face, un teint de rêve,
certainement obtenu grâce aux miracles d’un maquillage adroit. L’inquiétude du
regard de Schönberg par Max Oppenheimer, en 1909, son crâne d’œuf, sa bouche
mi-pincée, les yeux tournés vers la droite, il n’a apparemment pas envie de
voir une Nini chatte en l’air à l’aquarelle, par ce petit bourgeois branleur d’Egon
Schiele. Deux ménagères effarées, au marché, par Max Beckmann, un extrait d’une
œuvre plus grande de 1914 que l’artiste a taillée en 1928. Le cynique, le
désabusé a malicieusement retenu l’anecdotique, une vieille à calotte et capote
tenant le bras d’une bien plus jeune, forte poitrine, grand chapeau, et les
deux la bouche ouverte, stupéfaites et figées. Ce que craignait Schönberg dans
la salle précédente est-il arrivé ? Un autre extrait de cette même œuvre de
Beckmann, la toile est en pied et montre une famille bourgeoise en calme fuite ;
l’inquiétude de monsieur est lisible, l’agacement de madame, l’insouciance des
enfants, la soumission de la bonne. Un pré-Picasso par Otto Dix, 1922, à l’aquarelle,
un blessé de guerre qui ressemble à Marie-Thérèse Walter. L’inquiétude de
Schönberg était donc fondée. De nouveaux tourments dans le regard de Lola, en
1927/28, un portrait dans un goût hispanisant par Christian Schad, une brune
aux grands yeux, un éventail à la main, un châle rouge sur les épaules, des
aplats de couleur et de la moustache comme chez Frida Kahlo. Quant à Franz Lerch,
il a vraisemblablement préféré fuir aux Etats-Unis (voir « Schlafendes
Mädchen », 1930) afin de donner libre cours à son goût de la lumière sur
un mode Hoper, ce sens américain des choses simples de la sensualité que l’on
retrouve jusque chez Katz. Il faut terminer sur la « Mädchen mit Hut »
de Lerch aussi, une rive en 1929, l’été, la silhouette garçonne du modèle, son
regard dans l’ombre de son couvre-chef. Je quitte Berlin sous ce regard.
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