samedi, mars 17, 2007

"Pardonne leur car ils ne savent pas ce qu'ils font ..."



Il m'a fallu prier longuement, dans la pénombre de l'église ex-Notre Dame, escale à Nyon, fresque médiévale de l'Esprit Saint tombant sur les disciples. Je n'arrivais pas à retrouver mon calme au retour de C., petit village vaudois où vécut Madame de S. Il m'a fallu prier longuement afin de faire taire ma colère et radoucir mon amertume. Je me suis concentré sur ma foi, me suis rappelé la joie de mon baptême, il y a dix ans de cela; la joie de ma confirmation, il y a cinq ans de cela ...
Mon professeur de philosophie, Michel Cornu, avait coutume de parler du verbe qui tue, aussi sûrement qu'une arme. J'ai donc dû mortellement blesser mes contempteurs en visant droit leur hypocrisie, leurs mensonges, leurs préjugés, leurs bigoteries, leur bêtise et leur conformisme. Pour une fois, ce n'est pas l'homme de lettres qui s'exprimera dans ce journal en ligne mais l'enseignant, l'enseignant mécontent de sa classe (symboliquement mes lecteurs et surtout les mauvais !), l'enseignant qui vient montrer à ses cancres tous les contre-sens qu'ils ont fait par une lecture trop en surface. Et je viens affirmer à la face perfide de mes détracteurs que, oui, je suis gay; oui, je suis catholique croyant, pratiquant et outré par l'hérésie de sectes se donnant pour chrétiennes; oui, je suis auteur et moraliste; oui, j'assume mes opinions et regrette de ne pas donner de cours de morale et, non, je ne serai pas celui par qui le scandale arrive ! Mes contempteurs viennent à craindre l'influence que je pourrais avoir sur mes élèves ?! Mais mon journal en ligne, mes romans publiés, mes articles publiés nécessitent un bagage intellectuel autrement plus important que celui de mes élèves; jamais il n'est question dans mon enseignement de mes activités littéraires et les parents laissant leur progéniture lire mon oeuvre font preuve d'une singulière légèreté ou d'une coupable négligence. On ne fait pas lire du Chessex (auteur et enseignant vaudois à la retraite aujourd'hui), du D.H. Lawrence, "L'art d'aimer" d'Ovide ou, même, les confessions de saint Augustin à n'importe qui, ni à n'importe quel âge. Je ne fais pas dans le conte infantile, effectivement. A propos de mon influence, j'espère bien en avoir ... sur la syntaxe de mes élèves. Et je suis persuadé de leur montrer un meilleur exemple que la piteuse caricature d'adultes que leur donnent certains de leurs proches alcooliques, truqueurs, menteurs, adultères, négligés, voleurs ou simplement frappés d'une bêtise crasse. Les élèves en disent souvent long quant à ce genre de déception.
Et que mes contempteurs sachent que jamais l'auteur ne cessera son activité, que je n'ai que mépris pour la mesquinerie de leurs pratiques diffamatoires. S'ils doivent s'adresser à l'auteur, qu'ils lui fassent part de leur opinion via un commentaire, il suffit de cliquer et d'écrire ... oui, écrire pour peu qu'on en soit capable ... plutôt que d'essayer - vainement - de discréditer l'enseignant. Je vais donc en user comme avec une classe qui s'est mal conduite et ne pas rajouter, jusqu'après Pâques, de nouveau message, laisser bien en vue ce calice de la honte, et inviter mes contempteurs à relire les billets de février et mars, qu'ils méditent sur leur légèreté d'opinion et révisent leur jugement dévoyé. L'homme de lettres ne reculera devant aucun moyen afin de faire respecter la liberté d'expression, d'opinion, de confession et d'orientation sexuelle ! La presse, les associations, les syndicats : les amis de la liberté et des lettres sont nombreux. Et je vous rappelle que l'homophobie tombe sous le coup de la loi !

lundi, mars 12, 2007

1er tour : rien à déclarer ...

Saint Frédéric dans son rôle d'évêque
d'Utrecht
Blanc-Bonnet a été élu haut la main, Bonnet-Blanc est en ballottage et j'ai bien employé mon salaire - l'argent de l'Etat de Vaud - dans la Madrid catholique et gay. J'ai même brûlé quelques cierges pour le salut de nos autorités et le pardon du pays, attirer la mansuétude du Très-Haut. Toutefois, ce n'est pas le non-débat d'idées qui m'inquiète depuis mon retour mais bien l'obscurantisme évangéliste qui a sévi du côté de Zürich. Un DJ helvétique fort réputé, au pseudonyme bien mal choisi en regard de son physique ingrat, projette d'apparaître au concours eurovision de la chanson grimé en vampire. Le tour est plutôt bon enfant et figurez-vous qu'un quarteron de culs-pincés utra-protestants n'a rien trouvé de mieux que de s'élever contre une telle apparition et d'exiger de "l'artiste" de changer de programme. La critique est bien mal venue d'autant plus que notre homme s'est engagé dans la lutte contre la famine en tant qu'ambassadeur de bonne volonté auprès du Programme Alimentaire Mondial. Comment peut-on publiquement prendre la parole sur un plan moral, juger une apparition artistique et condamner l'artiste avec si peu de recul ...

Il faut que je vous dise, nous allons prendre congé, ce ne sera pas malheureux, je continue, ailleurs, mon verbe ne va pas se tarir pour les quelques vexations qu'il a dû essuyer. J'en suis simplement fatigué ... Ceux qui me connaissent ou qui jouissent d'un minimum de sagacité sauront me retrouver dans mon exil. Je pense aussi au regard façon bleu implacable d'un Môssieur, ce genre d'animal que vous croisez le cul assis sur ses étroites convictions. Et je ne me suis pas laissé impressionner une minute par les grands airs du bonhomme; celui qui m'en imposera n'est pas encore né ! Savez-vous que saint Frédéric, évêque d'Utrecht, connut le martyr pour avoir condamné publiquement le comportement licencieux de l'impératrice Judith. Folle de rage, la souveraine le fit réduire au silence. J'aurais dû embrasser une carrière ecclésiastique !

samedi, février 24, 2007

De la campagne française, de la censure et de l'inquisition vaudoise


Chers amis, chers lecteurs, chers suppôts moscovites, bonsoir ! Permettez d'excuser mon (trop long) silence mais je viens de loin, exil oblige et je me dois aussi à mon autre public. De toute manière, notre campagne cantonale n'a rien de trépident, un point pour bonnet-blanc, un point pour blanc-bonnet et tout le monde est content parmi notre exquis consensus national, gentil petit système que nous envient tous les États plus ou moins démocratiques du continent. Par bonheur, nous avons des voisins en campagne, des voisins qui nous ignorent ... comme une sorte de tare honteuse. J'en veux pour exemple les commentaires de circulation sur les grands axes autoroutiers européens donnés par France Info. Les auditeurs sont prévenus du trafic annoncé, trafic fluctuant selon les vacances des différents pays européens ... Ah, oui, j'oubliais, nous sommes des Martiens pour nos voisins français. Quoiqu'il en soit, pour en revenir à France Info, on nous parle du transit des Luxembourgeois, des Belges, des Néerlandais, pour prendre des nations de taille comparable, on nous parlerait volontiers des Lapons si l'on en trouvait au moins un ! mais des Suisses, jamais ! Pour les enfants de Marianne, la Suisse se résume à la promesse d'un confortable salaire pour qui réussit à s'y faire engager. Je n'accuse personne, on aurait tort de se priver ! Donc, la campagne présidentielle française suscite tout notre intérêt. Pensez donc, une élection avec des conséquences politiques, et des vraies, pas simplement des histoires de géraniums ou de réverbères, ça nous passionne par ici. Peut-être que notre gauche (bonnet-blanc ou blanc-bonnet ?) se console de son verbe pâteux à l'écoute du verbe scolaire de la candidate socialiste et notre droite peut observer les effets grandeur nature du discours à l'emporte-pièce du candidat UMP sur notre molle population, jusqu'où peut-on aller ?

Nos voisins ont le goût de la querelle partisane, ma foi, on s'occupe comme on peut ! Par ici, lorsque le bon peuple s'ennuie, il saute dans un long courrier et va se faire bronzer sur une plage pour dépliant publicitaire de rêve. Il est clair que ce genre de plaisir n'est de loin pas à la portée de la bourse du Français moyen. Durant son temps libre, il profite de cultiver son esprit partisan et des convictions politiques toujours prêtes à mettre l'Europe sans dessus dessous. C'est d'une grande drôlerie et, en parallèle à la chose politique pure, en période de campagne, notre voisin français se préoccupe beaucoup d'évaluer le temps de parole de chaque candidat et de ses soutiens actifs. Il finit toujours par se plaindre parce qu'il croit déceler un honteux favoritisme partisan. Cela donne lieu à des billets rageurs dans les colonnes du courrier des lecteurs ou sur le bureau des différents organes de contrôle. C'est alors une foire d'empoigne et d'appel à la censure à laquelle ne cède pas les sages de la république. Vive la France et tant pis si le bien-être helvétique pose encore problème à cette grande nation.

Nouvelles du terroir. En ce doux pays de Vaud peuplé de tant de sémillants bovidés, il est à relever la sagesse (dirigée) de la jeunesse ... Figurez-vous que, au cours d'une émission de radio, un préfet se flattait de la réussite de sa politique de prévention en matière d'alcool et de marijuana auprès de la jeunesse locale. Cette victoire n'était pas le fruit d'une campagne de prévention, ni de la mise en place d'un discours responsable ou d'activités épanouissantes ... Que nenni ! Flicage blogesque, berk; je n'ose imaginer la maréchaussée perdue dans l'orthographe approximative des messages rageurs d'une jeunesse forcément en rupture, forcément révoltée. J'y vois une insulte à la liberté d'expression, le viol de l'intimité de ces jeunes gens (mêmes s'il n'ont rien de spécial à raconter) et, surtout, une infantilisation des ces adultes en devenir. L'écrit est un indice, une accusation parfois, mais en aucun cas une preuve ! Et je suis sûr que personne n'a suggéré de corrections orthographiques aux auteurs des blogs surveillés.

Moscou pourra reposer son oeil, pour la semaine qui vient du moins. Je vais pratiquer les trois C à Madrid. Petit message aux homophobes évangélistes ou protestants intégristes qui se seraient égarés dans ces pages, les trois C signifient : Cul, Culte, Culture. Cela veut dire que je vais dépenser une partie du salaire que me verse l'Etat de Vaud dans des établissements gay madrilènes, dans des édifices religieux catholiques madrilènes et dans des musées madrilènes. Bonnes vacances à tous.

jeudi, février 15, 2007

Du Stress de la jalousie et de l'inconséquence


L'autre jour, tout en cheminant en compagnie d'une collègue, j'évoquais la mine peu engageante de la plupart des candidats sur les affiches électorales; la faute à leur directeur de campagne certainement ! Quoiqu'il en soit, avec des faciès dépourvus de tant de séduction, il est à se demander à quoi ressemble la vie sentimentale de nos candidats ! Ma collègue releva que ce n'était pas très important en l'occurrence, il ne s'agit que d'une élection et pas d'un "blind date". Après une nuit de réflexion, je me suis rappelé d'une petite histoire que mon parrain (brillant helléniste) m'avait contée : dans une république antique, on avait refusé à un général grecque le commandement suprême car il n'avait jamais été sodomisé; comment faire confiance à un homme qui n'a pas connu ce genre de plaisir ! J'ai donc reparlé de tout cela ce jour avec ma collègue qui, entre temps, avait modulé son opinion. "Qu'il couche ou pas, ce n'est pas une garantie absolue de non-frustration, c'est toutefois un indice convaincant de leur équilibre !"
Restons encore un peu "au-dessous de la ceinture", on en apprend souvent beaucoup à ce niveau-là. Dans un quotidien gratuit (qui, je me répète, a déjà cette qualité à défaut de mieux), un article annonçait la présence dans une boîte de Lausanne, d'une "DJette" ex-star du porno. Le fait en soi n'a rien de stupéfiant surtout si la dame a du talent. Je lui trouve un joli plan de carrière. Quand bien même ne serait-elle pas une "DJette" fameuse, qu'elle profite donc de son renom, elle a suffisamment "donné" de sa personne pour jouir de cette sinécure ! Mais vous ne le croirez pas, un fâcheux, chanteur local (râpeur de carottes) de son état, celui-là même qui sodomisait par clip interposé l'un de nos conseillers fédéraux, s'est inscrit en faux contre la reconversion de l'ex-star du porno. " Alors se faire voler la vedette par une simple actrice porno qui surfe sur sa notoriété, ça la fout mal ..." Notre artiste ne serait-il pas un rien jaloux ? Et qu'entend-il par "simple actrice porno", je décèle une once de mépris moraliste. Quoiqu'il en soit, en matière de pornographie, notre homme a déjà largement dépassé la mesure. Il se justifie en évoquant la contestation d'une "certaine Suisse"; je devrais peut-être lui proposer mes services ... non, rien de ce que vous êtes en train d'imaginer ! Je pourrais lui donner des cours de contestation créative et de critique cinglante et drolatique.
Remontons quelque peu jusqu'au niveau des convictions - quoique j'aie connu bien des membres de l'intelligentsia et de la nommenclatura qui les portaient bien bas et se les mettaient au ... enfin, qui s'asseyaient sur leurs convictions. Entendu hier à la radio notre grand virtuose de la râpe à fromage s'exprimer sur un ton nonchalant à propos de tout et rien. Arrive sur le tapis l'affaire de la censure de "Salò ou les 120 journées de Sodome" et la journaliste de demander son avis au chanteur local à propos de la formation d'un comité de lutte contre la censure. "Si ça peut leur faire plaisir à la fin de la journée ..." Notre grand pourfendeur de la droite très à droite, le contempteur du racisme et de l'intolérance réduit un phénomène de mobilisation sur une question de principe, sur une question fondamentale à un petit passe-temps quasi inutile ! Je croyais qu'il s'agissait d'un chanteur à texte ? c'est à dire de l'un de ces don Quichotte toujours prêt à pourfendre les moulins à vent de son verbe. Je lui trouve bien de l'inconséquence et soupçonne que ses prises de position publiques ne soient pas dénuées d'intérêt marketing. S'il n'est question que de notoriété, il aurait dû faire comme la DJette, et commencer par une carrière dans le porno !






mardi, février 13, 2007

Du paysage, du MP3 et de la censure !


Puisqu'il en est ainsi ... Ce journal en ligne, qui m'a été un compagnon de plus d'une année, un ami, une écoute, un soutien, ce journal du fait de l'indiscrétion et de la malveillance d'une certaine classe de mon lectorat, "les suppôts moscovites" comme j'aimais à les appeler avec humour, change donc d'orientation.


En ma qualtié d'auteur, d'auteur publié, j'ai toujours lutté dans ces lignes, ces articles et dans tous mes écrits pour la liberté d'expression. Je sais que, parfois, mon propos a pu choquer, car il tombait juste ! Lassé par l'idée de trouver à l'autre bout de cette connexion un quarteron de misérables mal-intentionnés, je réserve mon émotion et mon amicale sincérité à un autre blog. J'ai pris le chemin - symbolique - de l'exil.


Quant au "Monde de Frevall", on voulait m'en faire grief, j'y mènerai désormais une bataille de tranchée et le réserve à la pensée politique du parti de la Dignité. Je sais, cela sonne d'une manière un peu ronflante mais ce n'est pas pire que le ton d'enseignante du primaire qu'affecte la candidate Royale lorsqu'elle s'adresse à nos voisins en meeting ou en interview. J'ai toujours préféré le panache à la pédagogie de bazar de la caste politique en place.


En cette mi-février, qui marque le début de la campagne électorale vaudoise (renouvellement du parlement et du gouvernement), je vais en rester au niveau des affiches. Côte à côte, sur le pont Chauderon, se trouvent le placard libéral et le placard socialiste. Mis à part quelques pauvres détails de typographie d'un code couleur différent(un peu de rouge ici, un peu de bleu là), ce qui ne saute pas aux yeux du passant déjà blasé par cette pollution visuelle (les affiches sont saucissonnées à la balustrade du pont et coupe l'admirable vue que l'on a sur le couchant à la fin du jour), ces deux affiches donc se trouvent être des fausses jumelles. Cela donne la fâcheuse impression qu'un parti s'est offert deux produits électoraux différents histoire de ne perdre aucun client. Pour la droite, un panorama lacustre, pour la gauche un panorama champêtre. Les sourires sont aussi niais et la posture aussi mal jouée à gauche qu'à droite (aïe, l'oeil de Moscou va encore froncer mais est-ce ma faute si graphiquement et esthétiquement ces affiches sont une insulte) . Mon esprit critique m'en a fait l'interprétation lapidaire suivante : "Votez pour nous, blanc bonnet et bonnet blanc, au cas où nous ne tiendrions pas nos promesses électoralistes, il vous restera toujours le paysage !"


Point suivant : le MP3. Un quotidien gratuit (qui a donc déjà ce mérite à défaut de mieux) évoquait il y a peu la prochaine interdiction du MP3 pour les piétons et les cyclistes en ville de New York. Après avoir demandé aux autorités locales compétentes ce qu'elles en pensaient, éclat de rire à Genève. Par contre, du côté de Lausanne, l'un des responsables du service des routes et de la mobilité trouve "la mesure tout à fait justifiée". Il regrette toutefois les difficultés d'application d'une telle interdiction. Je tairai le nom du susmentionné intervenant par discrétion. Les suppôts moscovites pourraient me trouver insultant (voire criminel même si tout le monde sait que le ridicule ne tue plus).


Dernier point et crucial ! Un juge zürichois, après dénonciation d'un club de culs-pincés évangélistes (je croyais que nous avions le monopole de cette engeance sur la Côte) (il s'agit là de l'avis du catholique que je suis), n'a rien trouvé de mieux que d'interdire la projection de "Salò ou les 120 journées de Sodome". Il s'agit d'un acte de censure arbitraire motivée par une pseudo lutte anti-pornographique ! Je vis dans un pays où la justice d'un gouvernement cantonal est capable de censurer une oeuvre d'art; dans un canton où la gauche et la droite sont tant indifférenciées que leurs affiches électorales sont des clones; dans une ville où l'on regrette de ne pas avoir les moyens techniques d'appliquer l'interdiction "justifiée" du MP3 et de tout lecteur de musique aux piétons. Non, attendez, ne me dites pas que la candidate française s'est emparée du pays et l'a transformé en une vaste classe de deuxième année primaire !?

vendredi, février 09, 2007

Sur la tempe


Il suffit ! Et je ne m'adresse pas qu'aux suppôts moscovites, race répugnante s'il en est ! Il suffit avec ce mauvais vaudeville ou la bêtise se le dispute à la méchanceté. Je n'ai pas à porter les frustrations mesquines du petit peuple scolaire, pauvres hères formatés par tant de générations courbées sur le respect dévot de l'autorité, si illégitime puisse-t-elle être ! Il suffit avec l'indignité d'un représentant politique s'abaissant au niveau d'un chansonnier populiste, sans parler des relents d'homosexualité mal digérée, comme si aimer le même sexe tenait de l'insulte. Je suis choqué et en colère et, ce soir, je n'ai que du mépris à offrir à ces systèmes usés. Mon mépris gagne jusqu'aux conseils - pourtant avisés - de mon guérillero syndicaliste, et je me tais quant à l'administration dont dépend mon salaire. Je ne veux pas sombrer dans la vindicte et la vulgarité. Je laisse ces facilités aux jeunes fats qui parade sur la place publique et aux orgueilleux qui s'étalent dans les premières pages de la presse locale. Je n'ai pas à dilapider mon talent d'homme de lettres dans tant de sordide.

Je ne suis pas doué, non plus, pour les seconds rôles à la mode Cassandre, et parmi tant d'agitation, le déferlement des forces du néant et de la médiocrité - voilà pourquoi l'on parle d'une "médiocrité sans fond" - je ne donnerai plus un mot de réplique. Le parti de la dignité sera donc mon dernier geste au milieu de cette foire d'empoigne. J'ai les épaules larges, il est vrai, mais je commence à avoir de l'humeur. Je pourrais en raconter "des vertes et des pas mûres" sur ce quarteron en vue, qu'ils soient aux commandes de l'économie privée, de l'administration publique ou tout sourire sur les affiches électorales.

Il n'est dans mon oeuvre une seule ligne dont je pourrai rougir, dans ma vie sentimentale une seule action dont je pourrais avoir honte, dans ma réflexion politique une seule opinion dont je pourrai me dédire ... Personne n'est fait pour la colère et la mauvaise humeur ... Je suis profondément persuadé que nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs, je ne force personne mais ne me laisserai pas retenir par une tripotée d'ennuyeux, ni me laisserai désespérer par ce coin de terre, quelle que soit ma peine ... Afin de me sentir les coudées plus franches - je n'ai pas particulièrement la fibre pédagogique vis-à-vis du club des voyeurs moscovites - je vais réserver ce blog à des réflexions plus théoriques, je vais en ouvrir un autre, mes amis me suivront, et des inconnus aussi; je laisserai donc les censeurs mous en compagnie de leur bêtise, ils pourront en faire le tour, cela devrait bien les occuper jusqu'à la fin des temps. Les autres sauront bien assez me suivre, et nous continuerons de partager les larmes, l'amour et l'émotion. En vérité, je vous le dis - je paraphrase un peu - même avec le canon d'un revolver sur la tempe, je me sentirai libre et continuerai de voir les vastes étendues fleuries d'une félicité méritée.

jeudi, février 08, 2007

Présence


Politique ou égrillard, piquant, plaisant et bien d'autres choses ... Je n'ai que l'embarras du choix pour le billet de ce jour ! Et mes contradicteurs ne manquent jamais de me prêter complaisamment le flan. Par "contradicteurs", je m'entends, je pense à ceux dont je pourrais relever les défauts du discours, les incohérences et les petits travers ... Mais je n'épinglerai personne, je n'irai pas même voir du côté de C., village où vécut madame machin, la grosse et son verni de culture, la pose flatteuse de l'élite responsable et tous les poncifs mal rechampis que nous ressortent les élus cantonaux en avant avant-campagne.

Et l'après-midi, à Genève, sous son confortable ciel gris, une visite à J.-M., sa boutique, un café chez Martel, quelques courses, retour Lausanne, dînette chez Jacques avant de courir au cinéma, voir "La Traductrice", un dernier verre en ville ... en ville, je répète ! J'ai encore trouvé le temps de faire avancer mon "concile de pigeons", de finir du repassage, de réfléchir vaniteusement à la tenue de demain, d'après-demain, deux épisodes de "Verliebt in Berlin" pour faire passer le mal du pays, mon pays idéal, celui où je n'ai pas à porter une appartenance quelconque comme une croix, où il me suffit d'être ... Berlin, donc, Barcelone, Zürich, Paris, Bruxelles, Genève quand je peux y passer plus de 24h de suite, et oublier la contrainte du regard pornographique dont "Moscou" salit tout de son oeil inquisiteur et faux-jeton, sans parler de ses suppôts à temps partiel ni de quelques quidams à peine mal intentionnés rencontrés ici ou là qui ne manquent pas de me commenter et de travers ...

Cela faisait longtemps : ce soir, j'aurais eu envie de m'endormir en compagnie, auprès de quelqu'un en particulier, d'être simplement auprès de lui ... être ... Et dépasser ainsi l'ennui de ce jour après l'autre, et après celui d'avant, d'avant tous les autres. Je ne veux pas me laisser figer dans la posture de l'homme arrivé, solidement en place. Légère impression de tirer sur ma chaîne ... La Présence et la liberté me viennent alors d'internet; il n'est pas question de chat de rencontre mais d'une radio en ligne, des chants grégoriens pour seul programme, expression de cette présence chez ceux qui en jouissent à chaque instant de leur vie.

dimanche, février 04, 2007

Le divan de Freud


Je l'ai accepté ! Alors que j'hésite toujours et me fais longuement prier devant tout cadeau inopiné, cette fois, j'ai simplement répondu "merci" sans quitter la porcelaine des yeux, un amour de 40 cm, une pièce en Meissen de la fin du XIXème, brisé en plusieurs endroits ce qui en rajoute à son charme et lui confère une dignité qu'une parfaite conservation ne lui aurait pas accordée. J.-M. l'a soigneusement emballé puis nous sommes sortis, le petit marché aux puces et autres trucs du premier dimanche du mois, Plainpalais, Genève, un peu de fatigue derrière les yeux. On est venu me chercher du fin fond de mon esseulement lettré, cette distance consécutive au temps nécessaire à la conception, au filtrage, décantation ... Superbe isolement, un peu poseur et orgueilleux, rien qui n'impressionne au bout du lac. Je m'y sais différent : moins piquant, critique et cassant. "Tu trouves tout bien" m'a glissé J.-M. lors de notre promenade; un beau soleil néo-printanier, la Brasserie du Rond-Point, envie de me tatouer à l'intérieur un petit dessin de cette belle teinture genevoise, gober l'esprit de la ville, parce que la rencontre est belle, le bonhomme séduisant, la compagnie plaisante et l'échange stimulant. Et ça me fait des vacances, il faudrait vraiment que je puisse conserver cet état d'esprit confortable, cet enthousiasme léger et guilleret, une générosité du regard sur les choses et les gens.


Sitôt de retour à Lausanne, la rencontre d'un couple d'amis, je témoigne de ma préférence pour Genève. Oui, je préfère Genève et sa République à Lausanne et son Pays de Vaud. S'il s'agissait d'un bête choix, l'affaire aurait été réglée depuis longtemps. L'un de mes deux interlocuteurs était d'un avis contraire ... Et je ne sais pas pourquoi, ce genre d'échange a la fâcheuse tendance à dégénérer, la petite guéguerre de tranchées du "pour" ou "contre" se concluant indubitablement par un amer : "Puisque ça ne te plaît pas, va voir ailleurs !" "Autant qu'à finir balayeur, je préfère l'être ici, je serai toujours mieux traité que dans n'importe quel autre pays.", réponse de la bergère au berger que je sers consécutivement à ma critique du "saint" Pays de Vaud depuis mes dix-huit ans. J'ai toujours droit à ces mêmes airs pincés mais, est-ce ma faute si je suis lié, ligoté à ce canton (reconnaissance de diplôme et corporatisme cantonal en matière d'enseignement public obligent). Je crache dans la soupe, peut-être, mais cette ville (Lausanne), ce pays (Vaud) parlent en moi, j'en suis un citoyen irréductible et, de la même manière, je suis un membre irréductible de la famille Vallotton; je suis le résultat d'une somme de qualités et de défauts façonnés par les particularismes de ce terroir. Je le critique, et durement, en connaissance de cause, comme lorsqu'on se fait horreur dans le miroir pour un nez ou une chevelure qui ne nous plaisent pas. Si je pousse un rien plus avant cette démonstration, puisque l'on n'échappe pas à sa famille, la critique renvoie au sentiment - justifié ou non - de ne pas avoir été aimé comme on l'aurait voulu, autant qu'on l'aurait voulu. De divergences en malentendus, de susceptibilité froissée en maladresses, le contentieux se creuse sans pour autant contredire l'appartenance ... Et les mots restent froid, et à dessein; cris silencieux et fuite sur place, merci docteur pour cette séance constructive, nous avançons bien dans mon analyse.

dimanche, janvier 28, 2007

Changement de ton


Il est tant de changer de registre … L’œil de Moscou, la petitesse moralisante de la Côte, Madame de S. et tutti quanti : cela m’ennuie considérablement. Je mets déjà bien assez de profondeur dans « Le Concile de pigeons », dans la correction de «La Dignité » et la fondation d’un parti pour que mon journal en ligne retrouve un petit genre un peu cabot qui n’est pas pour me déplaire. Je pense, du reste, qu’il s’agit là d’un trait de caractère auquel mes élèves goûtent fort. Ils savent qu’un bon mot, une répartie heureuse digne de Labiche ou d’une teinture moliéresque suffisent à me radoucir tout en leur donnant la réplique. Je peux bien affecter cette rondeur. J’ai remporté la victoire lors de la dernière bataille (quoique Moscou me promette toujours une reprise de la guerre) et de haute lutte ! Je peux bien occuper mon loisir, à présent, à brocarder l’administration moscovite, ses incohérences, sa pudibonderie. Le temps n’est plus à la tragédie, il ne l’a jamais vraiment été. Et pensez bien que, me sachant devenu fonctionnaire de l’instruction publique avec tout ce que cela sous-entend de pérennité dans l’emploi, d’assurance en tout genre, de prévoyance retraite, etc., je jouis dès lors d’une indicible assurance. Me voilà petit prébendé vaudois, membre du personnel cantonal et ce, vraisemblablement, jusqu’à ma retraite ! J’en hennirai presque de plaisir, rapport au cheval de Troie !
Je vis mon année jubilaire, il est donc hors de question que quelques broutilles événementielles ne viennent me la gâcher. Promis, un jour, je vous raconterai tout, tous les détails, je me livrerai pour l’édification de mon lectorat. Quoiqu’il en soit, il y a vingt de cela, j’ai fait le bon choix et, cette année, permettez que je joue au lettré de province, au « régent » un rien frondeur, à l’ « élite » intellectuelle locale. Sulfureux juste ce qu’il faut pour émoustiller les culs bénis. Pour ce qu’il reste de l’année, je vais nous broder de bien beaux souvenirs, des moments de choix et sans prétention. Je ne peux présumer de l’avenir : jusqu’en décembre prochain, je vais m’interdire de jouer les Cassandre. Je vous promets toutefois de charmantes anecdotes, le piquant de quelques flagrants délits de mauvaise fois administrative mais rien qui ne justifie cette mine « gênée » que les suppôts moscovites aiment à prendre lorsqu’ils émettent du bout des lèvres un ordre à peine voilé, le couvert du bon conseil … Ils usent alors de la périphrase et du détour syntaxique avant de conclure par un silence piteux.
Que du bonheur ! De toute manière, en cas de malheur, du fait de ma nature de catholique croyant, je ne risque que la vie éternelle à la droite du Très-Haut qui, auparavant, n’aura pas manqué de m’absoudre de mes nombreux péchés consécutivement au rachat que son fils en fit par le martyre de la croix. Bon, pour le vaudevillesque de la crucifixion, il faudra repasser … Voilà que l’heure tourne, il faut que j’aille me montrer et promener ma nouvelle quiétude guillerette sous un soleil admirable avant de m’adonner à quelques activités typiquement dominicales et « gaies ».

jeudi, janvier 25, 2007

L'appel du 24 janvier


Hier, simplement hier, pour faire mieux que Thomas Mann et mériter son respect… Le grand auteur vivait de sa plume, soit, et s’il n’en avait pas vécu, il aurait « rempli ses devoirs envers la société », un autre travail, de l’enseignement vraisemblablement. Il était fier que Golo, l’un de ses fils, ait embrassé cette carrière en sus d’activités littéraires (tout le monde écrivait chez les Mann).
Hier, encore hier, un ciel fragile, gris et tranchant, les transparences de la glace sur le bord de la chaussée, sur la main courante de la balustrade, l’esplanade au-dessus du square Benjamin Constant, l’étendue du lac, un début de couchant doré. Je sortais de l’antre de l’hydre, je revenais d’un entretien. Pour la clique moscovite, ce journal littéraire ainsi que le roman en ligne de « La Vie d’un jeune homme vaudois à la dérive » n’existent pas. On m’a même assuré que du côté de «Moscou », on n’était pas homophobe. Je n’étais pas seul dans cette confrontation, j’avais un guérilléro syndicaliste pour me conseiller : « Notre collègue ici présent qui désire poursuivre sa carrière dans l’enseignement … ». On parlait donc de moi ! On a parlé littérature aussi. Pas une ligne de ce que j’ai pu écrire et qui, d’une manière ou d’une autre, a été rendu public, pas une ligne donc n’a échappé à l’inquisition moscovite, à l’œil globuleux de la réaction paternaliste. On n’y a rien trouvé de répréhensible … Et me voilà enseignant ! Installé dans un système, inscrit dans une hiérarchie, reconnu – quoiqu’on en dise – en tant qu’homme de lettres. Avec le temps, la pugnacité, « je connais ce canton mieux que le fond de ma poche », j’ai l’impression d’exister enfin en terre vaudoise. Il a fallu faire le forcing et la croisade n’est pas terminée. Je n’ai pas l’impression de me trahir. Je n’ai plus cet horrible sentiment de salissure … Je ne subis plus ce pays, son mauvais goût, sa lourdeur ni son hypocrisie : nous sommes liés. Sang, histoire, citoyenneté, résidence … tout ce que vous voulez mais le pays de Vaud, Lausanne et moi sommes liés … de la même façon que l’on est attaché à sa famille (pour ne pas dire entravé). Mes valeurs libertaires, ma foi catholique, mon orientation sexuelle font aussi partie de ce pays, le façonne et l’enrichisse. Il n’est plus question de subir mais de partager.
Hier, je vous devais une nouvelle, un serrement. En ce jour de l’indépendance vaudoise, j’ai eu une pensée pour Frédéric-César de la Harpe, « le jacobin » comme on disait sur son passage au congrès de Vienne. Ce citoyen éclairé a su transformer la rage de l’humiliation personnelle en action politique concrète et, quoique l’on dise ou que l’on taise, il a amené la démocratie en Suisse et l’indépendance à ma terre vaudoise en 1798. Décrié, calomnié, paradoxalement admiré par la jeunesse estudiantine, Laharpe (il signait ainsi) a méticuleusement été négligé par l’histoire suisse. Trop dérangeant, unique et hors norme.
Hier, donc, je devais vous annoncer la création d’un parti politique, le parti de la Dignité. Ni à gauche, ni à droite mais dans l’action raisonnée. Je ne veux pas rester simple observateur d’une prochaine déroute des valeurs élémentaires de la démocratie et de la culture occidentale. Entre le populisme alléchant de tribuns de droite et le corporatisme de la grande caste de gauche, je n’ai entendu personne m’offrir un modèle de dignité. Je l’ai cherchée, j’ai cheminé sur bien des pistes avant de m’en faire une petite idée, j’ai successivement joué à plein de personnage avant de la gagner, la dignité …
Hier, je n’ai pensé à aucun programme politique, je n’ai pas de stratégie, encore, je ne sais concrètement pas comment se fonde un parti politique ! J’en ai parlé autour de moi … Mon éditeur est enthousiaste … Il ne s’agit pas de peindre le diable sur la muraille mais, ainsi que j’aime à le relever auprès de mes élèves, notre dignité ne se fonde pas sur un quelconque statut social mais sur notre sincérité à être. J'en appelle donc à tous les citoyens de bonne volonté.

samedi, janvier 20, 2007

Une petite porte


Cette après-midi, promenade au jardin botanique, les serres, puis le parc de l 'ancien BIT, le parc Barton, la Perle du Lac, ma Genève, celle d'il y a bien longtemps, du temps de Gregory. Ma Genève dans cet hiver paradoxal, sous des cieux plombés, la lumière rase pareille à celle d'une belle fin de journée estivale, et cette impression profonde, pleine et puissante de me répandre dans le paysage, le bitume du chemin, les arbres, les promeneurs, les flots calmes du petit lac. Sentiment de perméabilité et de légèreté, les sens lâchent du leste; la lecture de leur rapport précis devient floue, caduque ... Gregory me manque mais sans tristesse ... Je me suis dit qu'il faudrait toujours garder une petite porte dans son existence, une sortie discrète, le passage anodin vers "autre chose", vers des saisons irréelles, des pensées très simples et pures à la fois, des couchers fantastiques, des crépuscules urbains où il suffirait de s'assoupir deux minutes dans le tram pour partir, mine de rien, dans une autre histoire, un scénario épuré, et tant pis pour la redondance, une vie banale et savoureuse genre scène parisienne à la mode Truffaut ...

Et cette promenade, le parapluie comme une canne, impression de donner de l'exercice à ma "fibre lyrique", de la profondeur sensible à une vie - pour une fois - très routinière, réciter quelques vers de Lamartine au-dessus du lac, l'hygiène de l'auteur, la dignité de Thomas Mann, ah ! le modèle de toujours. Pour l'aspect récréatif, il y a le mythe eighties' quasi eschatologique, le néo-décadentisme mitterrandien, une autre manière de retenir le temps, de le nier ... En tout cas ne pas subir son écoulement continu et monotone. Quand j'avais 15 ans, attendant romantiquement qu'un imbécile de prince charmant ne manque me rouler dessus avec sa Roll's Corniche blanche, puisque ça ne venait pas, j'en ai conclu qu'il fallait créer l'événement ! Je ne pense pas avoir appliqué ce judicieux conseil jusqu'à présent. J'ai su négocier d'une manière plus ou moins performante ma place, la façon dont j'ai voix au chapitre. Provocation et maladresse, courage et sincérité, sensibilité et raison, paresse et arrivisme ? La pièce n'est de loin pas terminée et je vous promets, chers lecteurs et chers suppôts moscovites, un joli coup de théâtre au 24 janvier !

vendredi, janvier 19, 2007

Le bureau de Thomas Mann


Il est plus d'une heure du matin ... Je suis assis dans mon lit, observé par la bergère, dans le coin de la chambre. Je pense à Gregory, je crois qu'il me manque ... S'il était encore de ce monde, je l'appellerai ... J'ai le mal du pays, Berlin, mon "chez moi" d'élection. Cela fait trois mois que je n'y suis pas allé, et encore la pensée de Traumprinz. Cette après-midi, au collège de C., village vaudois où vécut une dame lettrée et nymphomane, en recevant sur un ton proto-militaire les instructions d'un supérieur hiérarchique, je me suis demandé s'il avait aussi une Traumprinzessin en tête, le mal d'une terre d'élection au coeur ? Je me suis demandé à quoi ressemblait son intériorité ? Il est vrai que la "hiérarchie" et moi, cela fait deux et je n'imagine jamais rien de spécial au sujet de ses représentants si ce n'est de quelle manière leur répondre en leur signifiant mon fond de conviction anarchiste ...

Il est largement plus d'une heure du matin et j'essaie de percevoir une voix, au fond, tout au fond; je n'entends rien. Il n'y a que des images, Barcelone, Zürich, des promenades, des détails quasi insignifiants et aussi présents que le regard de la bergère. Je dois faire quelque chose de ces miettes, les assembler, créer ... J'ai fini de taper "A Poil !", l'une des quatre parties de "La Dignité". Mon roman historique attendra un peu ... "Le Concile de pigeons" m'appelle, drôle de texte dans lequel je peux rendre les mille petits riens picorés à gauche, à droite, avec voracité, à la façon d'un pigeon et je me sens à nouveau "pris", comme l'une de ces bestioles dans un filet de protection des façades.

Il est deux heures, la bergère s'est assoupie, tous les objets s'endorment. A force, nous habitons d'une vie résiduelle tous ces serviteurs inertes. Nous leur donnons leur valeur, nous les honorons d'un souffle de vie qu'ils continuent à porter parfois bien après notre propre disparition. Thomas Mann, à travers l'exil et ses nombreux déménagements, a toujours recomposé le décor de son bureau, méticuleusement. Cela participait à son activité littéraire, à croire que ce sont ses meubles qui ont écrit son oeuvre.

lundi, janvier 15, 2007

Le Concile de pigeons


Et si nous ne vivions qu'une existence de pacotille, si nous ne nous agitions que dans un monde de faux-semblants, toujours au bord du précipice, à un cheveu du néant ... Que resterait-il de Bach et de Nietzsche, de Flaubert, de Mann, de nos convictions philosophiques si nous ne maîtrisions plus ni l'écrit, ni la musique, ni les technologies de la diffusion culturelle ... Nous régresserions jusqu'à l'abstraction des beaux-arts, je pense; la peinture ne serait plus qu'une succession de signes méconnaissables ... Notre faculté de conceptualisation nous permet actuellement d'admettre des schémas techniques extrêmement complexes dont nous ne comprenons effectivement que les tenants et les aboutissants. Appareils-photos numériques, baladeurs MP3, MP4 ou WMA, téléphone cellulaire, technologie WAP, ordinateur portable, lecteurs DVD et DVX : autant de miracles d'un univers d'abondance culturelle. Si pauvre et intellectuellement peu pourvu en soit l'utilisateur, ce dernier finit toujours par être touché d'une manière ou d'une autre par une oeuvre majeure, le serait-ce dans une forme dénaturée ... Et si cette technique quasi magique venait à nous manquer ... tout est imaginable ... Le support quel qu'il soit reste fragile : les papyrus se désagrègent, les parchemins brûlent, les livres se perdent, les manuscrits disparaissent, les toiles et les partitions aussi, la façon de jouer s'oublie, l'auto-combustion guettent les films et les microfilms, les photos délavent, les fichiers informatiques deviennent illisibles ... Nous ne pouvons tabler que sur la perpétuité de nos émotions, sur leur saveur exacte, sur ces ombres sensorielles de nos souvenirs ... Nous avons appris à encoder notre expérience personnelle par ce biais-là, afin de la retenir et y accéder gratuitement au hasard de son renouvellement. Voilà les débats dans lesquels m'entraînent mon "Concile de pigeons", le dernier texte sur lequel je travaille, plutôt le dernier texte qui m'absorbe au mépris de toute logique d'horaire ...

Dimanche, sortie de boîte ... matinale et, donc, lever tardif par une après-midi de soleil. Je savais que je n'arriverais pas à faire entrer dans les dernières heures du week-end tout ce que j'aurais aimé y mettre : fitness, messe, visite galante, une à deux pages aux "Pigeons" (ceux du concile), un billet dans ce journal en ligne ... J'ai profité de la fin de l'après-midi, une promenade de jour pour faire pendant à la promenade du matin, déambulation dans la ville jusqu'au parc Mont-Repos, l'option fitness reportée à aujourd'hui. J'ai bêtement essayé de fixer ces impressions fugaces : la qualité originale de la lumière, l'agitation de la volière, beaucoup de promeneurs, une ivresse "stendhalienne" qui me faisait focaliser sur tout et rien. J'ai pris des photos, essayant diverses options d'exposition, un nouveau téléphone portable, délicat gadget ... Puis retour vers le centre, des images de Marseille, de Brest et de Barcelone se surimprimant à tel ou tel détail; aller consulter les horaires des messes à la basilique de Notre Dame de l'Assomption. J'assisterai à une célébration en semaine, mardi 18h20, vraisemblablement ... Je suis allé nourrir les "Pigeons", trouver un café fréquentable, un coin de table, un peu de calme : Le Palace - évidemment !

Une tourterelle chante sur le balcon, je retrouve les senteurs résineuses du chemin de Prélionnaz, la petite épicerie, le soleil à travers les branchages et le chant des oiseaux ... Je ne trouve pas le lien logique entre le souvenir d'enfance, les mille perfectionnements technologiques qui m'assistent en captant, classant, recueillant, stimulant, embellissant mon travail d'auteur; je ne trouvent pas de lien logique entre le chant de la tourterelle, le sourire séducteur, l'étreinte et la conversation de quelques garçons de bonne compagnie au (notule à l'attention des suppôts moscovites : j'ai bien écrit "quelques garçons", je vous laisse imaginer le reste !). Logiquement, il n'y a guère de lien ... un enchaînement décousu de faits ... Prenons un peu de distance : cela tient d'une partition sensible, équilibrée, un chant, peut-être la matière même de mon écriture ?!

samedi, janvier 13, 2007

"Chez Germaine"


Le jubilé, j'allais oublier mon jubilé, ma naissance - la volontaire - il y a un peu moins de vingt ans. Tout me semblerait dit dans ces quelques mots : se souvenir, commémorer, inscrire et son geste, et son souffle, et son oeuvre dans le temps. Une fois évacuée la question vague du "pourquoi moi ?", pour le meilleur et pour le pire, après avoir endossé la responsabilité de sa propre vie (je suis particulièrement fier d'assumer les vingt dernières années), il ne reste plus que la tâche considérable de travailler au tricot du récit, à traquer le petit rien parlant ...

J'avais presqu'une demi-heure à tuer avant l'arrivée de mon train, en gare de Morges, sinistre gare, bonne petite ville à la réputation de laquelle j'ai travaillé dans mon roman "Appel d'air", New Versailles dans le texte ... Bref, je suis descendu en direction de la rue du Sablon, les nouveaux bâtiments, de grands locatifs élégants aux appartements aérés remplis de détails déco à la mode ... Pourtant, je sentais remonter des vieux pavés le parfum de mauvais alcool qu'exhalait la distillerie Salina, ses entrepôts moussus, le haut mur qui ceinturait sa cour, le jardin, la maison du propriétaire au milieu, les cris d'un coq idiot qui n'avait rien compris de son rôle : l'animal chantait à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. J'ai coupé par la rue Saint-Louis puis remonté la rue des Charpentiers, le "gagatorium" (EMS) Nelty de Beausobre à ma gauche, une infirmière s'activait derrière une fenêtre du second. En face se dresse encore "La Concorde", une salle paroissiale multifonctionnelle du début du siècle passé, une bâtisse rescapée, dans son style zürichois lézardé, plantée au milieu de parkings de fortune, les trois pâtés de maisons adjacents sommairement démolis. On peut même encore y repérer des carrelages au sol : ci-gît une cuisine ... Puis deux pauvres saules tronqués de la moitié de leur branchage lors de la construction du passage sous-voie trop raide et que personne n'emprunte.

Il y a vingt de cela, les arbres ombrageaient la terrasse de "Chez Germaine", avec sa pension miteuse au-dessus, ses locataires improbables ... "Chez Germaine" était un bouge, un bistrot poisseux dont les cuisines n'étaient plus utilisables depuis fort longtemps. Des manoeuvres de passage logeaient là un trimestre. On les retrouvaient en fin de journée buvant du mauvais Côte du Rhône et dévorant d'opulents sandwich préparés par ... Germaine ? Il y avait aussi un vieux couple de lesbiennes alcooliques qui occupaient gratuitement une chambre des combles, Coco et ... je ne m'en souviens plus ... Une femme encore vive, d'une mise épouvantablement négligée. Coco ne disait jamais grand-chose. Je sais qu'elle ne pouvait plus jouer de l'accordéon à cause de son arthrite, elle avait du reste vendu et bu l'instrument. Les deux femmes semblaient, à leur manière, tenir salon.

"Chez Germaine" a aussi été rasé. Je revois à peu près la vieille façade beige salie d'une maison de trois étages en tout, je revois la porte d'entrée, large, dont la partie supérieure était garnie de culs-de-bouteilles sertis au plomb, un travail d'une très belle qualité, tout comme la ferronnerie de la marquise de la terrasse au-dessus de laquelle s'épanouissaient les deux saules. Je ne me souviens plus très bien du reste ... Mais si je ne vous en touche pas un mot, qui, demain, après-demain, se rappellera de Coco et de son amie, de "Chez Germaine", de l'ombre de ses saules ...

jeudi, janvier 11, 2007

Stars etc.


Je sors du cinéma, "L'incroyable destin d'Harold Krick", soirée avec Elodie, la smart qui faisait des siennes en-bas de chez moi, nous sommes restés trop longtemps à bavarder à propos de la mystique du verbe, cette petite conviction que je couve et qui me porte à croire que les mots sont bien plus puissants que ce qu'il n'y paraît. Dans le film, Harold se découvre le personnage d'un roman, sa vie commentée par la voix off d'une narratrice, omniscience d'un témoin immatériel ... Et le monde, son existence monotone, tout se trouve alors submergé de vie. L'art n'est pas étranger à cette "conversion".
A propos, comme on dit à la télévision allemande avec un accent français si joliment marqué, mon syndrome de Stendhal tend à prendre un aspect chronique; je finis la journée les yeux révulsés et la cervelle lessivée par la déferlante émotionnelles. En retour, j'émets une onde, une sorte de note muette et séduisante : dans les files d'attente, les magasins, au café, au fitness, on me cède le pas, on me fait des politesses. L'oeil de Moscou se mettrait à cligner dans ma direction que ça ne m'étonnerait même pas. Je pars officier à C., vous savez le joli patelin vaudois où vécut notre bonne Germaine, j'y vais donc dans ce surprenant état et en grand uniforme (cravate fleurie et chemise impeccable), deux ou trois petites idées derrière la tête quant à mon programme d'histoire et de français, faire profiter mes élèves de mon esprit de contradiction et de mon art consommé de la critique. Cela ne m'empêche pas de les faire mettre au garde à vous au début de chaque cours et de leur inculquer des principes de discipline élémentaire qui leur seront d'un grand secours dans leur lutte vers l'indépendance et la pleine maîtrise de leur vie. Je repars de là guilleret, un tas de copies sous le bras, comblé lorsque la plume de ces ados m'offre les mots que je n'aurais pas sus, des formules au flamboiement novateur, la mélodie indicible et connue de l'air du temps. Il m'arrive même - afin de planquer le manuscrit que je viens à peine de commencer - de sortir le sus-mentionné tas de copies pour faire diversion, ne pas susciter la curiosité dans les cafés où ça me prend : l'impérieux besoin de sortir une phrase. De plus, avec ce transit de flux magnétiques, on ne manque jamais de m'adresser la parole, échanger un mot ... Ah, le mystère, la mystique et la puissance du verbe !
Cette après-midi, donc, après m'être un peu assoupi dans le square Benjamin Constant, j'ai été pris d'un besoin qui n'avait pas grand chose de littéraire et suis entré au Segafredo, établissement que je ne fréquente jamais. Les cafés lausannois sont régulièrement honorés de la visite de "stars" locales. L'autre soir, au Grancy, à l'occasion d'un dîner avec des collègues, j'ai pu observer J.K. grimacer et s'agiter de la façon la plus voyante possible, des écouteurs dans les oreilles alors qu'il dînait seul. Quel cirque et quel poseur, il avait aussi l'air d'un petit garçon qui se donne un genre par timidité. Je ne l'ai pas reconnu de suite, sa tête me disait quelque chose... J'ai même craint de me trouver face à un amant très occasionnel dont je ne me rappellerais plus. Bref, cela m'a conforté dans la pratique discrète de mon art en public. Revenons au Segafredo où est apparu S.L. en compagnie d'une amie. Contrairement à J.K., S.L. porte le regard avec beaucoup d'humilité et rougit presque lorsque, dans le feu de la conversation, il s'aperçoit qu'il pourrait être entendu de la table voisine. Il se déplace avec discrétion, s'adresse avec sympathie au serveur. Loin des spots-light, sans costume ni paillettes, il est d'une tournure aimable. Il était étroitement serré dans une veste cintrée. Rien à voir avec la tenue tendance et un rien grotesque que portait J.K. au Grancy. Les deux garçons sont pareillement séduisants et gratifiés de succès dans leur carrière respective. Je dois dire que S.L. ne me laisse pas indifférent. J'ai donc sorti mon tas de copies, "Le Concile de pigeons" (mon manuscrit) en-dessous, y faire entrer un avatar de S.L. afin qu'il occupe confusément les pensées du personnage principal. J'ai à peine eu le temps de prendre un stylo rouge et un air très absorbé que S.L. et son amie passaient devant moi. Et, hop, un regard du tas de copies à moi au tas de copies et rien à voir avec un de ces regards que l'on traîne par hasard sur ce qui se présente à soi ... J'en ai suffisamment vu pour assurer au jumeau de S.L. une belle entrée dans mon "Concile de pigeons".

samedi, janvier 06, 2007

Le syndrome de Stendhal


Jacques trouve certains objets trop bavards, d’une humeur trop diserte … On peut se laisser aller à les aimer, les écouter puis s'en éloigner, sens critique oblige. Il faudra que je lui demande … que je lui parle de la complicité des choses, des accessoires de l’instant et du silence aux accords si profonds et puissants qu’il vous porte aux limites de la syncope. Et pas la moindre chose dont le babil pourrait vous distraire, vous arracher à l’hypnose dévorante de la « perfection » terrestre ; les guillemets ne sont là que pour signaler mon incrédulité … La tête entre les mains, appuyé contre la table de l’ordinateur, pas même les chiffres argentés d’une carte de crédit ne viennent rompre le charme … Peut-être la ficelle d’un sachet de tisane bio entortillée autour de l’anse de la tasse cochon, un cadeau de ma nièce pour Noël, mais non, l’accord est trop puissant, je me sens repris par de profondes secousses immobiles. La pensée d’avoir oublié un volume de poche des contes fantastiques de Maupassant, un peu plus tôt, à la salle de sport, même cet agacement de devoir retourner chercher l’objet ou sa perte définitive éveille à peine un demi-agacement. Je serai donc frappé du syndrome de Stendhal dans mes murs, parmi la banalité d’objets aimés, soit, mais ordinaires. Je me rappelle avoir trouvé la Joconde d’une facture médiocre et d’être resté froid lors de la visite du fort rouge de New Delhi. Je sais avoir des goûts très arrêtés, toutefois ce chez moi aux tapis exténués, aux plafonds lézardés, aux placards affaissés, je le connais, je sais tout du cannage du fauteuil de jardin, dans la cuisine, qui craque et se casse tant et si bien que j’ai préféré jeter un coussin dessus pour ne plus rien voir du carnage, je sais tout des serrures brisées du secrétaire en faux Tudor et d’un pied raccommodé du lit …
Le silence baisse d’un ton, c’est bon maintenant, je perçois faiblement l’arrivée d’une voiture, je me tourne et je crois reconnaître dans la lueur lointaine d’un réverbère le grand carrefour de la Vogéaz, à Morges. Je suis pris d’un léger haut-le-corps, je n’ai pas l’habitude d’être tout entier dans l’instant, d’une pièce et d’une seule, un peu comme disait l’autre sur sa montagne « Je suis l’Alpha et l’Omega ». Si je ferme les yeux, je peux exactement retrouver selon la même orientation géographique, des postures que j’ai eues de Morges à Berlin, de Barcelone à Paris, de Genève à Zürich et partout ailleurs où j’ai logé … Voilà qui dépasse – et de loin – la quatrième dimension et toutes les autres, les tours de passe-passe façon ubiquité et autre voyage temporel. Pourtant, je ne suis pas en train de lire du Aldous Huxley et je n’ai rien consommé d’illicite ni d’alcoolisé, et je ne prends plus d’anti-dépresseur ! Les suppôts moscovites vont encore en tirer d’étranges conclusions … L’évocation de cette clique ne produit qu’un clapotis … acratopège dans l’onde de ma pensée et de mon ressenti ; au mieux cela me fait penser au détachant éthéré qui ne détache rien, dont j’arrose régulièrement mes tapis zébrés. Vapeurs froides, acres et grasses : de quoi craindre les pires puanteurs. L’appréhension dissipée, il reste moins que l’amertume d’un agrume.

mercredi, janvier 03, 2007

Garçon, la suite !


En un mot comme en cent : et m ...
La moitié de mon précédent billet s'est envolé suite à une erreur de manipulation (de ma part). Je ne suis pas avare de ma plume; l'angoisse de la page blanche, je ne connais pas. Parfois la paresse de prendre la parole, de produire cette parole, de la tisser, la rebroder ... Une soie précieuse et commune, paradoxe ... un peu de moi, de mon souffle et d'autres choses. J'aurais pu écrire de gentils romans pour dames qui ne savent pas quoi faire l'après-midi, avec des héroïnes pseudo-historiques et des dialogues miteux. Cela aurait été mauvais, assurément, se serait vendu et aurait plu aux suppôts moscovites, rapport à l'oeil (de Moscou, voir les billets du 1er au 12 décembre). Je souhaitais du reste à ces braves gens une bonne et heureuse année 2007, certainement meilleure que 2006 s'ils continuent à me lire. Ils auront un peu de distraction au bureau. J'avais aussi une pensée pour ma tripotée de vacataires, mes "époux" successifs depuis ces trois dernières années (dont je ne citerai pas le nom par discrétion) et mes amants (dont je ne citerai pas le nom parce que ça serait trop long); j'avais une dédicace spéciale pour l'un d'entre eux à qui je proposais des taosts Hawaï (pain de mie, moutarde Thomy, jambon carré, fromage carré, ananas en boîte, cerise au milieu, vingt minutes au four) puis les douze coups de minuit sur la place de la cathédrale, la voir s'embraser de feux rougeoyants et finir le champagne en tête à tête. Le monsieur a dû être refroidi par le billet dans lequel je me disais marié à mon oeuvre ou par la composition du menu ...
J'ai passé Nouvel An avec Yohann, chez l'une de ses amies et je suis rentré vers deux heures, trottoirs mouillés, une nuit fraîche juste assez agréable pour rentrer d'un pas mesuré, la première promenade de l'année. J'ai exactement retrouvé cette atmosphère pleine, savoureuse et banale à la fois; quelque chose de très photogénique, un rien poétique, à peine inspiré comme si "la bonne vie" allait de soi. Il y a bientôt vingt ans, j'ai fait le choix de croire à cette vie-là. J'aurais pu céder au sordide et à la panique, j'avais ... le choix. J'aurais pu "bovaryser" ou "guibertiser" (voir le décadentisme d'Hervé Guibert). J’ai préféré le battement discret d’une horloge dans le séjour, le service aimable des établissements de qualité, « la bonne vie » donc, ses codes et ses clichés que je revisite depuis. J’ai par là-même fait le choix de l’autofiction. Au fil de ma plume, j’ai appris à donner le change, à être riche de ma dignité et d’une certaine adresse, j’ai appris l’élégance dans la durée au mépris de la mode et des agités … Je vais vous épargner le laïus de la lutte contre les forces du néant, de la création artistique comme planche de salut, etc. Et pourtant … Je peux vous raconter un crépuscule venteux, des cieux d’or et de colère, le parfum de Christine resté accroché aux coussins du canapé, un photophore décoré de dentelle, le verbe cinglant et chantourné de Charles-Albert Cingria, le ruban luisant du bitume détrempé sous un horizon bas, la route qui vous appelle et commence juste en bas, la porte de service sur la rue Recordon. 3 janvier et envie de courir à travers l’année, à la recherche de Dieu sait quoi, à collectionner des riens et toujours l’espoir de rencontrer le bon, le « prince charmant », un billet de loterie gagnant … De l’appétit en tout cas, allez, « Garçon, la suite ! »

samedi, décembre 23, 2006

Chère Germaine


La tentation du silence ... Quoique, au collège de C., village où vécut Madame de S., on s'est fait à l'idée de compter parmi les enseignants un homme de lettres, avec tout ce que cela sous-entend (d'embarras). Il y a aussi la tentation du départ ... Pas d'inquiétude, je ne pense pas à un départ à caractère définitif, avec dernier voyage et dernière demeure. Le suicide reste toutefois une possibilité dans la vie de l'homme de raison, une dernière carte, un peu bravache, un dernier coup d'éclat grinçant. Je pense plus prosaïquement au Canada, à ma chère Berlin, Barcelone, Zürich, Zoug ? Euh, oui, pourquoi pas ... De toute manière j'arrive à me sentir chez moi partout, et même au collège de C. où j'avais une heure à tuer hier. J'ai failli me mettre à la ponte de ce billet depuis l'un des ordinateurs de la salle des maîtres. Cela m'aurait bien fait rire mais je ne connais toujours pas mon code d'accès que l'on me répète régulièrement et que j'oublie tout aussi régulièrement.
Il est midi, je suis encore installé dans mon lit, les voilages bleus de la large baie du balcon à ma droite et le ciel, derrière, de la même nuance un peu délavée, toujours le même chaos de toits, un tas de baraques sur la trop splendide toile de fond des Alpes lorsque l'horizon se dégage. Je suis très attaché à cette confrontation, à ce dialogue de sourd entre un urbanisme en roue libre et une nature d'une beauté forcément indicible. J'ai grandi dans du béton pré-mal-fabriqué seventie's, je ne peux qu'avoir de la tendresse devant de telles constructions et beaucoup de méfiances face à l'inaccessibilité de paysages de cartes postales. Dans le village de C., étalé tout autour du château de Madame de S., on cultive le pittoresque du coup d'oeil; réverbères, pavés, plate-bandes, nouveaux quartiers : tout a été mûrement pensé et, même si ce n'est pas du meilleur goût, cela reste toujours joli (et propre en ordre comme il se doit). Il y a une sorte de pacte tacite entre les autorités, la population et le cadre. Les choses, les gens, les éléments sont liés comme de vieux époux qui ne s'aiment plus mais s'aiment bien ... Parmi ce délicat équilibre, il est clair que le moindre écart tient du scandale ...
La tentation du silence ... la tentation du départ ... la musique des toutes petites choses, un rayon de soleil, le petit vase d'opaline turquoise offert par Jacques, une ombre sur le tapis, des fumerolles qui s'échappent nerveusement d'une étroite cheminée, quelques moineaux sur la balustrade. Il y aurait tant plus à dire et c'est déjà beaucoup ... Deux galets sur la commode grise, ramassés sur la plage de Barcelone ... Un nouveau roman en vue, la dernière main à "La Dignité" dont la publicité est déjà faite, je dois faire un saut à Paris, l'émigration attendra la fin de l'année scolaire, j'ai une classe de joyeux cancres à éveiller aux mystères de la littérature, les faire grandir un peu, et Rome en février, Lyon, Zürich, Bruxelles peut-être, Berlin évidemment, Barcelone à Pâques, élargir l'horizon depuis le préau du collège de C., village où vécut cette chère Germaine.

lundi, décembre 18, 2006

Plus fort que tout


"Nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs", j'avais attrapé cette phrase un lointain dimanche après-midi, à la radio, Couleur 3; elle ne m'a jamais quitté depuis. Je pourrais ajouter que nos vies avancent sur un tapis de roses ... Tout dépend de l'histoire que l'on se raconte ... que l'on a envie de se raconter. Je ne vais pas verser dans un optimisme bêbête et béat du genre des bons conseils de Mme Rosette dans les colonnes indigentes d'un journal dominical ... La plupart de ceux qui encombrent le devant de la scène et accaparent l'opinion publique sont issus d'un autre temps, ce sont des apparatchiks gentiment fossilisés ... et ils n'ont jamais su raconter des histoires qui font rêver. Désolé pour les gens de la finance, ils ne donnent pas mieux le ton. Ils essaient de se refaire une vertu en chantant les louanges de l'écologie mais le catastrophisme climatique ne fait pas plus rêver ... Pas mieux pour les intégristes circoncis ou non ... Un jour, je vous raconterai une très très belle histoire, quelque chose de très intime, plein de lumière, de chausse-trappes, d'action, de coups d'éclat. Je vous raconterai des levers fabuleux, des prières éplorées, des attentes ardentes, des retrouvailles émouvantes, des retours encore plus inespérés que celui d'Ulysse dans sa patrie. Je ne vous cacherai pas un détail du merveilleux conte que j'ai commencé à me raconter il y a près de vingt ans. Vous verrez, il y aura encore plus de panache que dans les aventures d'Angélique marquise des anges, et des châteaux à Vienne, des après-midis à Venise, le thé à Berlin, un cocktail à Udaipur, des soirées brillantes à Paris, du glamour, quelques larmes, beaucoup d'émotion et un cloître dans la brume, comme cet après-midi à Einsideln. Et je vous raconterai des caresses encore plus suaves que celles décrites dans Les mille et une Nuits, et des hommes virils et galants, des femmes élégantes et discrètes, de grands adolescents solaires et élancés. Je vous raconterai cette vraie vie et comment tout cela a commencé, et la fabuleuse lutte contre les obscures forces du mal que l'ont fini toujours par vaincre comme Goldorak écrasant les troupes de Véga. Vous saurez tout ... et me croirez lorsque je vous dis "Nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs."

mardi, décembre 12, 2006

Se souvenir des beaux jours !


Nous voilà à nouveau entre nous, j'entends entre gens de bonne compagnie. "L'oeil de Moscou" s'en est allé promener son regard inquisitario-réprobateur ailleurs où je ne suis pas; l'hydre de la censure mal pensante après avoir imprudemment risqué un ou deux tentacules sur ces pages - et celles du blog secret - et se les être fait trancher sans sommation s'en est allée ramper dans les fonds vaseux de ses convictions dévoyées. Toute cette molle cabale sentait des pieds : le léger fumet d'une homophobie standard étiquetée "pornographie". Ma pornographie est plus propre que votre morale, chers contempteurs, et après ces quelques passe-d'arme, je ne vois que des amis autour de moi, et des élèves heureux de me revoir.
Mes amis, imaginez un peu le calvaire que cela a pu être pour tout cette armada de petites gens précipitées dans ces pages et ces problématiques si éloignées de leurs préoccupations coutumières : rien à propos du géranium en pot, du leasing chez Opel ou Toyota, du foot ou des dernières tendances pédagocigo-psy-psy-beurk. J'imagine plus d'un préposé le nez collé à l'écran, comptant et recomptant les "bites", "burnes", "trous" (trou ? ça compte pour de la pornographie ou pas ?!) Par principe, j'ai tout de même contacté Dialogai, m'ouvrir de cet incident et je me suis entendu répondre ce que je ne voulais pas croire : il s'agit bien d'homophobie ! Il me faut encore demander un avis de droit et peut-être un courrier de protestation.
Il y a pourtant tant plus à dire : des cieux couleur de Vienne, des couchers rasant en or et saumon, le souvenir de Traumprinz, un bref courriel de sa part, un texto de Nicolas, un autre de Grégoire, mon vieil appartement proprement tenu et le temps qui se remet à s'écouler, un goutte à goutte liquoreux, doux, capiteux qui me laisse abandonné sur le canapé, rêveur comme un héros romantique. Et je me réveille totalement neuf de cet état passager, renouvelé, vierge, tout prêt à commencer une nouvelle histoire, un nouveau roman, quelque chose d'un rien douloureux, un gentil exil de soi, avec des veillées sur une pile d'oreillers à volants, des cravates élégamment nouées, des chaussures brillantes et les week-ends ailleurs, se faire quelques mois de beaux souvenirs normaux, tranquilles, avant la catastrophe que je ne suis pas le seul ni le seul auteur à pressentir.