dimanche, août 19, 2007

Temps ordinaire


Je n'aime plus Lausanne, vieille histoire faite de rendez-vous manqués et de malentendus ... Toutefois, je me suis découvert attaché au quartier de Prélaz, à la paroisse Saint-Joseph, à mon vieil appartement "de poupée". Le quartier n'a rien pour lui, un fouillis urbain délaissé, traversé par une route cantonale et un traffic mal maîtrisé. Pourtant, lorsque je porte les yeux sur le paysage de ma fenêtre, je vois ce tas de "baraques", de "clapiers" préfabriqués, de hangars surmontés d'un ciel de gloire, d'une fabuleuse perspective. Je ne veux plus de la beauté facile et dévoyée des "beaux quartiers", de ce chic banal ...
Cela fait longtemps que je sais voir ce que la plupart ne remarque pas; je n'ai que peu de mérite ... Il s'agit d'une vertu propre aux minorités. Puis il faut passer outre, et l'autre, le tout autre, sans devenir pareil, devient un prolongement baroque de soi. Vous n'imaginez pas ma joie à retrouver le bâtiment "New Age" de la paroisse Saint-Joseph, et le curé, les bancs trop étroits et mes co-réligionnaires, les gens du quartier que je connais de vue, à force, à qui je donne parfois la communion. Un étrange sentiment de chez soi.
C'était la première fois que je passais autant de temps à l'étranger, cinq semaines ... L'étranger ne veut plus rien dire. Finalment, on finit toujours par s'installer. Vingt fois, j'ai imaginé mon logement "lausannois" incendié, le bâtiment effondré, le quartier englouti, la ville disparue, même ... Puis je me disais que j'avais bien assez de moi-même pour reprendre racine, pour inventer sur la ruine passée quelque chose de neuf. Pour repartir et retrouver tous les riens qui peuvent m'enchanter ... un certain ton de la lumière ... le parfum à peine perceptible d'une floraison, la pleine jouissance d'un temps ordinaire.


vendredi, août 17, 2007

mardi, juillet 31, 2007

Tant pis


Tant pis, tant pis pour les mensonges lénifiants, pour le fourvoiement, pour le réagencement, tant pis et tant mieux si cela contribue à rebroder nos existences, leur donner le lustre, l’éclat, la richesse qu’elles méritent car nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs. J’ai même lu dans un album de photos, un livre d’art feuilleté à la librairie de la Hamburger Bahnhof (le musée d’art contemporain de Berlin), ai donc lu que nous étions tous des anges, selon le témoignage d’une jeune fille israélienne de 25 ans, brûlée aux 70% de la surface de sa peau. Elle porte une sorte de bustier couleur chair qui doit palier les déficiences de son épiderme.
Nous venons de rentrer de la séance « Mongay » au Kino International avec C. Elle est sous la douche, le temps de ce billet, avant que nous ne prenions le thé. Nous sommes allés voir Angel le dernier film de François Ozon, assez mal reçu par la critique qui ne comprenait pas … La critique ne comprend jamais, il faut tout lui expliquer, même lui dire ce que l’on doit trouver beau. Angel est romancière, elle l’a toujours été, elle a reçu ce talent … Elle ne lit pas, elle n’en a pas le temps ; elle a les goûts et les manières frustes des laborieux … Qu’importe, elle n’est pas critique, elle est l’autrice. Et, comme tous les gens de lettres, elle invente sa vie. Elle la tricote au fil de sa plume. C’est une vie kitsch et Ozon nous fait partager l’esthétique romanesque de son héroïne, le rêve qu’elle a fait de son propre destin. Alors qu’elle a juste rencontré son futur époux, un peintre du genre artiste maudit, il lui jette à brûle-pourpoint : « Je connais votre secret, vous ne dialoguez pas avec vos lecteurs mais vous vous racontez une histoire ! » Et l’histoire finira mal bien, je veux dire avec le tragique qui sied aux grandes destinées les lavant ainsi de tout soupçon de kitsch.
Je repense au banal lénifiant des parents, des grands-parents évoqué dans le précédent billet. Ils n’étaient soit pas gens de lettres, ils n’ont pas su rêver leur talent assez fort. Ils y croyaient juste assez pour se persuader que le monde allait bien ainsi. Et il allait miraculeusement bien après deux guerres mondiales ! Il faut dire qu’on avait su convaincre le bon peuple que tout ce bonheur découlait de son obscur travail. Si, si, il s’acquittait fort bien de toute tâche subalterne. Et il n’aurait de toute façon pas eu le talent de faire autre chose, le bon peuple !

lundi, juillet 30, 2007

La relique



J’aime particulièrement les riens qui font cette ville, quelque chose en deçà de l’anecdote, la simple réalité du métro par exemple, sa lenteur et certaines de ses lignes profondes chauffées comme une serre. Hier soir, cela tombait bien … Il pleuvait, un petit vent aigre refroidissait sévèrement les touristes mais pas les locaux, attachés à leur T-shirt comme à l’esprit libertaire qui flotte sur Berlin parce que, voyez-vous, sur le calendrier, il est écrit « été ». Je sortais d’une kneipe gay ; un établissement comme n’importe quelle autre kneipe, avec de la bière à flots, de la fumée, des rires gras et des manières un peu rustaudes mais version gay. On y voit de solides garçons travaillant certainement dans la construction ou la voirie s’embrassant à pleine bouche.
Wittenbergplatz-Alexanderplatz en U2, vingt-cinq minutes de trajet, de la lecture et, pourquoi pas, de la musique. Je n’ai pas refait la programmation de mon lecteur numérique depuis mon arrivée à Berlin, je picore de ceci, de cela parmi les 120 titres stockés … Ce n’est là que du détail … Imaginez, je suis en train d’avancer dans la lecture des Enfants Tanner, du Walser, « un auteur contestataire » selon le mot d’un agent de l’appareil d’état auquel j’ai eu affaire il y a quelques mois de cela. Je rentre donc chez moi, chez C., mon adresse berlinoise. J’entame ma troisième semaine de séjour, je ne vais rentrer qu’à la mi-août, j’ai laissé un tas d’ennuyeux et leurs mauvaises raisons quelque part bien plus à l’ouest. Je travaille en ce moment aux mémoires de Frédéric-César de la Harpe. Et il y a les soirées, boîtes et bars ; et il y a F., il y a l’autre C., il y a P., des garçons charmants. Du détail encore …
Imaginez déboulant au détour de tout cela Maître Cappellovici ! Qui se rappelle aujourd’hui encore des Jeux de 20H ? Oui, j’ai en stock un florilège de génériques de séries et émissions télévisées françaises. Quelque part à la hauteur de Hausvogteilplatz, je me suis retrouvé avec le souvenir de soirées d’enfance, de la lumière de la fin du jour, lumière rasse d’été, 1979 ou 1980, le salon familial, les fauteuils, le canapé de skaï blanc, profonds. Pendant que je regardais Les Jeux de 20H, à l’époque quand la France d’après 68 franchouillait gentiment, Berlin existait ; cette ligne de U existait, à moitié peut-être, ou l’une de ces lignes avec des stations fantômes. Il y avait des troupes françaises stationnées du côté de Spandau, je crois, des militaires et leur famille, avec peut-être d’autres petits garçons qui regardaient aussi Les Jeux de 20H, pour peu que l’on retransmettait à ces téléspectateurs un peu spéciaux les programmes de FR3. Il faudrait que je me renseigne. En ce temps-là, Berlin était coupée, mutilée, les gays au placard mais le monde allait, presque propre, presqu’en ordre, chacun dans sa petite boîte. Serions-nous arrivés à de nouveaux temps héroïques ? Faudra-t-il pamphlétiser puis prendre les armes ? Comment pourra-t-on jamais nous affranchir de toute cette touchante banalité, de cette logique bidon et douillette dans laquelle mes parents, mes grands-parents avaient endormi leur conscience, et je préfère ne pas parler du quarteron bourgeois néo-révolutionnaire des fils et filles de famille qui, après avoir fait un joli mois de mai, ce sont empressés d’en inventer une relique à placer au-dessus de la cheminée, répondre ainsi à leur logique atavique de classe.

vendredi, juillet 27, 2007

Le vide-poches


Avec J., j’ai appris un certain nombre de raffinements pratiques, tel que le … vide-poche ! Ce genre d’objet de rien, catégorisé de la façon la plus vague, permet de rassembler et tenir nos miettes existentielles en un seul lieu, dans un espace ouvert et confiné à la fois, laissant le plan de nos existences le plus lisse possible. De plus, lorsque l’on cherche une chose ou l’autre, il suffit d’aller voir dans LE vide-poche : clefs, bijoux de pacotille, portable, listes, tickets et autres, et tout ce dont on a toujours besoin, de l’élastique au trombone, à de la menue monnaie, tout y tient !
Ce matin, en sortant de chez F., ma première idée : trouver un vide-poche ! Hier déjà, au Karstadt de Charlottenbourg, j’ai soupesé tout ce qui, de près ou de loin, aurait pu en tenir lieu. Plats, assiettes, corbeilles, boîtes, coupes, cartons, tout je vous dis ! Le vide-poche navigue entre l’Arlésienne et le truc, tantôt ça n’existe pas, tantôt tout fait l’affaire ! J’ai finalement trouvé une coupe de laiton émaillée qui, comme le dirait ma mère, « fera la rue Michel », un objet d’occasion doublé d’une bonne action provenant du Tierheim Trödel, une brocante en faveur d’un foyer pour animaux abandonnés.
Je pense ramener l’objet en Suisse, je le regarderai comme un trophée … Rien à voir avec F., le beau et jeune F., ce teint si clair, la souplesse d’un corps de 24 ans, une allure et des questions en mine de rien « Hast du viele Freunden in Lausanne ?» Je pourrais imaginer bien des choses pour ces yeux pervenche, pour cette douceur … Ma victoire se situe ailleurs … Et je n’en suis qu’au début. Je placerai le vide-poche dans l’entrée, sur le petit meuble à tiroir, y jeter négligemment mes clefs à chaque fois que je rentrerai.
Chez Walser, il est question de menus détails domestiques, de pièces de vêtement, de la qualité du papier, de porte-plumes, de buvards et de taille-crayons et d’un peu de vaisselle. Je me souviens que, dans la description de la maison Mann, à Münich, tous ceux qui l’ont fréquentée parle d’un ours empaillé au bas de l’escalier, dans l’entrée, portant un plateau d’argent où déposer les cartes de visite. Guibert me semble jouir d’un vide-poche, Mauriac en pourvoit ses anti-héros bourgeois. Il y aura désormais dans mon autofiction un vide-poche, discret témoignage de ma victoire.

mardi, juillet 24, 2007

Mein Schatz


J’ai vu … j’ai vu des choses bien trop précieuses pour les livrer ici. Je vais les garder dans le secret momentané des chroniques berlinoises, je vais les garder pour moi, à moi, encore un peu, juste le temps d’en croire la mémoire de mes yeux, de me remémorer la saveur si rare de cet instant, de cette situation pourtant banale au demeurant ; pensez donc, une scène de bus ! Je regrette presque d’avoir tant fait de bruit autour de Berlin, de l’avoir galvaudée alors qu’elle est faite pour l’entre-deux somptueux de révélations entre gens introduits, je veux parler de la porte entrouverte sur un ailleurs à propos duquel les connaisseurs s’entendent … Ensuite viennent les considérations du vrai et du faux Berlin mais les quartiers à touristes noceurs, buveurs et vomisseurs de bière font partie de la réalité, du lyrisme de la ville. Tout cela n’a, toutefois, rien à voir avec mes précieuses chroniques … L’authenticité : du blabla d’hebdomadaire sans imagination au mieux, avec tests comparatifs de prix et deux ou trois choses tout aussi inintéressantes et pas même l’adresse de la kneippe où l’on sert la bière la moins chère. Tenez, je ne suis pas avare, ça, je vous le donne, Die Franken, un stübli en face du SO-36, en plein Kreutzberg.
Ne pas en rester là … Imaginez ce qui, un roman de Walser à la main, dans le bus 240, au retour de Friedrischshain, a bien pu me frapper. Essayez de concevoir, avec ce que je porte, avec mes romans (pour ceux qui les auraient lus), ma situation, la politique allemande, les particularités berlinoises, le poids historique de la société wilhelminienne, de ses vestiges, essayez donc de concevoir le trésor qui m’a été confié. Ç’aurait presque pu être tiré des Enfants Tanner, ma lecture du moment.
Je tiens mon motif, quelque chose de discret, de subtil. On pourra dire « mais oui, c’était le séjour, celui de six semaines avec l’histoire du bus », tout le reste en banal, une vraie vie avec des caddies que l’on remplit pour rien chez Kaufland, avec des meublés tout en Ikéa, avec la rencontre de F. et le courrier, et les affaires qu’un homme de lettres est toujours obligé de régler même à distance.

vendredi, juillet 20, 2007

Vol de nuit


Une phalène frappe le plafond, cherche sa place ; j’écoute l’épaisseur de la nuit. J’aime la posture de « l’homme de lettres », une façon très avantageuse de paraître – d’être – à soi-même. J’aime la musique économe de ces quelques phrases, le début du roman, de l’aventure, un départ immédiat pour des ailleurs séduisants voire mystérieux, pour l’univers paradoxal du récit (à la façon du sommeil paradoxal).

Je me trouve donc à mille lieues de mes débats clochemerlesques, de la vendetta molle des suppôts moscovites et de la lecture approximative d’un certain jeune publique forcé de s’enivrer le week-end, donner ainsi un rien de relief à sa courte vie et oublier les manipulations parentales. Et je les comprends tous, de bien braves gens, somme toute, pas vraiment homophobes ou racistes ; on va dire pusillanimes. Et je suis persuadé, on me jurera le contraire évidemment, qu’ils vont continuer de se mettre la tête à l’envers, s’interrogeant sur la question de la limite, du public, du privé, de l’image et toute cette sorte de choses pour bien une année encore, si ce n’est plus.

La phalène se rappelle à mon attention, quelque chose l’a tirée de son court repos. La pièce dans laquelle je dors est vaste, haute de plafond ; l’insecte ne va pas tarder à se poser … Parfois, il cherche une nouvelle route, traverse l’air avec effort et volonté, il doit être fatigué d’évoluer de-ci, de-là, il vient de se poser quand bien même la place ne lui plaît pas. Je me plais à peu près partout, je ne fatigue pas : je ne suis objectivement pas une phalène. Et les phalènes ne goûtent pas la poésie walserienne du rien, quelque chose du sublime du rien suisse, une petite touche … Les franges de l’abat-jour, le lampadaire à côté de mon lit par exemple, leur petit balancement parallèle lorsque je bouge un peu, le mouvement passe du matelas au sommier, aux pieds du canapé-lit, au parquet, à la canne du luminaire jusqu'à son abat-jour frangé.

J. apprécie aussi ce genre de détail insignifiant. Berlin lui parle donc beaucoup, par la lumière, la qualité du sensible, la beauté des garçons. Je l’ai laissé dans son appartement, il est souffrant, il a pris froid, coup de grippe … Il n’est pas plus déçu « que ça » de la tournure de son séjour. Il explore l’éventualité de sa frustration et lit quelques pages de Paul Auster. Berlin offre une paix contemplative à ses habitants, soient-ils occasionnels … La phalène a encore changé de place, après l’arrière d’une rangée de livres, elle vient d’opter pour la rosace de plâtre, au centre du plafond. Je vais l’y laisser, je vais éteindre.

lundi, juillet 16, 2007

L'art et la manière


Samedi, 14 juillet
Il est question de manières … et d’habitude : je n’arrive pas à me glisser dans la peau d’un homme de lettres en vacances à la recherche de repos et de distraction. Je suis chez J., l’appartement qu’il a loué pour la semaine, Wilhelmstrasse, une bâtisse honeckerienne fin de règne, à peine ripolinée ; les apparatchiks étaient apparemment assez bien logés. L’intérieur est commode, presqu’élégant, de l’Ikea à peine fatigué et deux ou trois bonnes idées décos. En entrant dans la chambre, un peu auparavant, j’ai réalisé la vue étonnante, le monument aux victimes juives d’Europe, Potsdamerplatz … J’attends la venue de J. J’ai fait des courses, aéré, arrangé les rideaux, préparé un plateau, grignotage, il n’a encore rien mangé depuis ce matin. Il vient de m’appeler, il était dans le taxi, à peine sorti de Schönefeld.
En vérité, je suis seul avec mon envie – ou non – d’écrire, produire une œuvre, tenir le blog, diriger un portail internet, faire carrière ? J’ai des vacances « impressionnistes », brefs instants, effleurement léger, l’aile du soupçon et, pourtant, il y a toute cette bonne vie à laquelle je m’adonne, le bien manger, le sensuel, la bonne compagnie, le repos, l’amabilité des gens que je rencontre dans mon séjour de Lichtenberg parce que, dans le Brandebourg, on est nettement plus aimable avec le client que par Lausanne ou Genève. Dans ces instants-là, je me reconnais pleinement et mille idées d’articles se bousculent, j’ai envie de me mettre immédiatement aux « Mémoires d’un Révolutionnaire », je pense à quelques lettres qu’il me faudrait écrire, des renseignements à prendre, puis l’enthousiasme retombe. Je m’assois à la cuisine, la jolie cuisine de C. avec son banc d’angle et des coussins à fleurettes sur fond grenat. Je me dis que je vais changer de profession, vendre des machines à laver, j’aime beaucoup l’électroménager.

vendredi, juillet 13, 2007

Zurück nach Berlin


De retour à Berlin … de retour et non « à nouveau ». Plane le souvenir de mon précédent séjour estival, j’étais en pleine rédaction de La Dignité. Impression que, depuis, les mots se sont éteints. Je logeais chez une artiste indépendante, une Suissesse, femme de talent et de caractère jouissant d’un appartement assez peu commode mais plein de charme. Il y a aussi l’appartement de la Weserstrasse qui me manque. La co-location était amusante, il y avait toujours quelques spécimens très berlinois qui traînaient dans la cuisine avec quelques cadavres de bière. Je ne sais toujours pas ce que je viens chercher en dehors de mon jeu de rôle littéraire dans cette ville ? De l’exotisme, du divertissement, des rencontres faciles, l’évidence de tous ces garçons … oublier la souillure d’une administration qui s’est plue à me vilipender, l’empoisonnement lent et certain de myriades de toutes petites choses. Mes chaussettes, par exemple, la série de sept paires portant sur le haut de la cheville le nom du jour adéquat. Elles me rappellent un quotidien répugnant, des transits ferroviaires à potron-minet, tout le sordide propre à la classe laborieuse qui devrait dire merci pour avoir le droit de gâcher ainsi son temps sous la houlette d’une hiérarchie inique …

Je retrouve auprès de C. un peu de la vie que je menais à Morges chez mes parents, j’essaie de retrouver l’allant de cette époque aussi, qui était avant tout marquée par une francophilie parigote. A croire que tout Vaudois doté d’un peu de cervelle se devait de se préoccuper de la politique spectacle du grand voisin. Quelle blague ! Le gauchisme caviardesque a juste contaminé la classe dirigeante romande d’alors, nous précipitant dans des abîmes de médiocrité intellectuelle. Il n’est pas donné à tout élu de Jack-Languiser à qui mieux mieux. Cela requiert de l’aisance et du subtil talent de ne pas paraître y toucher.

Je n’arrive pas à concevoir que ce lit que je connais si bien, cette couche où je repose près de soixante nuits par an se trouve quelque part du côté de Lichtenberg, Berlin … Je suis en passe de m’y endormir la tête pleine de cartes postales … Ne plus croire au voyage, à la belle saison, aux rencontres

mercredi, juillet 04, 2007

4 juillet, 12°


Le ciel n’est qu’acier et vapeurs romantiques, il pleut sur la ville une fatigue si ancienne, à la fois confortable et aigre … Fatigué comme un vendredi soir, envie de s’accouder à la fenêtre, un instant, rien qu’un instant, boire la noble désolation du panorama, une promesse sans désirer pour autant le soleil … Je songe au grand désordre, au fracas de l’été passé, Weltmasterschaft et canicule, la ville entière livrée à une stupide bacchanale.
Petite musique, tambourinement discret, liquide, gouttelettes invisibles et parfois le passage mouillé d’une voiture anonyme. Envie de s’assoupir dans l’attente d’un été impossible, d’une gloire si brillante qu’il nous faudrait bien un siècle de repos pour trouver la force de l’admirer. Je n’arrive pas à quitter la vue cataclysmique de ma fenêtre, des montagnes charbon et comme une colère spectaculaire prête à exploser et si seulement …
A la salle de sport, au hasard d’une chaîne musicale, mcm, j’ai vu le clip de Beautifull de Christina Aguilera, l’histoire du mal-être universel, les riens qui vous font vous prendre en horreur face à une norme verticale impossible. La chaîne avait pris la liberté de sous-titrer les paroles, belles et touchantes, de la chanson. Un vieux trav’, une anorexique, un adolescent rachitique … souffrir de soi parce que l’on arrive plus à habiter cette surface à laquelle on s’arrête.
Envie de réécouter cette chanson. L’un de mes élèves m’avait donné l’adresse – fort commode – d’un site musical gratuit, une phonothèque géante en libre accès ; je n’ai pas perdu mon année ! Et après Christina, encore envie d’un détour par un titre de Danny Brillant, découverte de la délicatesse rêveuse de Danny Elfmann avant de retourner vers le faux vintage si plaisant de Brillant, ne me manque plus qu’un gin-fizz pour parfaire cette soirée un peu fraîche.

dimanche, juillet 01, 2007

Les mots de rien


Ne pas se laisser déborder par ... le contingent, les fausses urgences, les fausses priorités quoiqu'il puisse en coûter à l'homme de lettres. Dans cette étrange profession, vivre est un impératif, et vivre aux limites de son milieu, de la logique, de la cité, du monde dit "civilisé" ... Jamais l'on n'a vu une carte géographique blanche sur son pourtour. L'auteur doit, sans cesse, élargir son territoire, se rendre aux limites de celui-ci afin d'en témoigner. Inventer ces limites tiendrait de la broderie, de l'occupation pour dame désoeuvrée l'après-midi ...
Je ne crois donc pas au roman, genre bâtard et inutile, coquille vide, effet de manche littéraire. La fable ou la parabole mais jamais, au grand jamais, la pauvre invention d'histoires abracadabrantes, de ces fariboles un peu historiques ou culturelles. Je m'engage, avec Les Mémoires d'un révolutionnaire, sur la sente étroite d'un jeu avec mes propres interdits littéraires. Il n'est pas questions d'un récit édifiant pour adolescent de bonne famille mais de rendre la parole à Laharpe, un homme trop poli peut-être, un héros qui n'a pas voulu charger ses compatriotes ... C'est une leçon dictée par la mauvaise humeur, c'est aussi le récit d'un amour déçu, d'une rencontre ratée.

Hier soir, sur Arte, j'ai entendu parler d'une auteur de BD (autrice ? auteure ? auteuse ? je vote, sans malice, pour autrice) d'une autrice, donc, qui ne peut rien dessiner si elle n'a pas vécu la scène. L'autofiction vient donc d'aborder une nouvelle terre. En filigranne, le charme du banal, dessiner le quotidien avant qu'il ne passe. Rendre la poésie des jours comme la séduction des mots de rien, les seuls capables de laver l'outrage de ... l'outrage, ce n'est plus le temps de la polémique.

dimanche, juin 24, 2007

Le corps du texte


Aujourd'hui encore, j'ai donné la Communion, à la messe : présenter l'hostie à mes coreligionnaires, "Le corps du Christ", avec ce geste si particulier à la fois d'exposition et d'offrande. Je suis touché par l'honneur que me fait l'abbé en me demandant d'assister la communauté de la sorte. Pourtant, il n'ignore rien de ma vie ... Il peut l'imaginer. Il m'en trouve digne.

J'ai aussi travaillé à la correction et à la relecture de La Dignité, quelle horrible chose ... Jamais je ne me suis senti plus seul qu'en présence de cet essai égocentrique et geignard, de cette affreuse peinture qui, pourtant, tombe si juste à propos de ma vie, de Lausanne, et de l'état de déréliction de la culture ambiante. Je voulais écrire "occidentale" plutôt qu' "ambiante" mais le jugement est trop solennel, trop lourd : je ne suis pas un mandarin. Je ne vais pas imposer mes intuitions de façon verticale et péremptoire.

Avec La Dignité, je présente une anti-communion à mes "coreligionnaires", on aurait beau la tremper dans quelques litres de vin de messe que ça ne ferait pas descendre le morceau. Je ne renie toutefois pas ce texte, je vais l'assumer, je lui reconnais des qualités en dépit de tout et je ne suis pas du genre à (me) cacher la vérité.

samedi, juin 23, 2007

Le crépuscule d'une reine


J'ai observé le jour glisser depuis le balcon, le vaste panorama, la splendeur toujours égale et renouvelée du lac, le Jura, le ciel, immense, les Alpes voisines ... Intacts, inchangés, à croire que rien ne pourrait toucher tant de perfection. J'oublie parfois et trop souvent la magnificence qui s'offre à ma fenêtre, tant de délicate mélancolie à chaque crépuscule. Cela donne envie d'oublier discordes, discutailleries et toute implication sociale, laisser aller les choses sur la pente de leur perte naturelle, comme l'intuition d'une faillite à venir et de combats politiques ... de croisades politiques à mener mais pas ce soir, pas encore ... pas encore.

Je sais ne pas être un "homme de lettres" très classiques dans ses sources d'inspiration ni de par son milieu d'origine. J'ai grandi à côté d'un téléviseur allumé et ne me départirai jamais de mon affection pour "la petite lucarne", pour ma boîte à rêves, à débats, à récits. Je sors d'un documentaire historique, une vie de Marie-Antoinette, l'une des figures de ma mythologie personnelle. Grâce et tragédie, et cet orgueil insensé qui seyait tant à la fille des Césars. Etrange que je me glisse dans la peau de Laharpe, du "Jacobin" comme disait ses contempteurs, afin d'écrire ses mémoires. Pourtant mon attachement à Frédéric-César est sincère. J'aurais voulu être soit Marie-Antoinette soit Frédéric-César : du coeur et du caractère, et une forme de courage insensé ... Peut-être une certaine légèreté vis-à-vis des contraintes de la réalité dans laquelle ils vivaient.

Il y a bien des débats qui éveillent mon intérêt, ma curiosité ... J'ai failli écrire un billet l'autre soir, après avoir vu la dernière de la saison de "Ce soir ou jamais", un plateau mi-culturel, mi-politique, des échanges de bons niveaux, de la conviction, de l'opinion et du panache, celui de l'intelligentsia parichienne qui sait si bien faire le beau devant la caméra. J'ai aimé voir Jean-Jacques Beineix mettre en boîte Frédéric Mitterrand pour son gauchisme caviar, pour ses chaussettes rouges et son égocentrisme ... Je n'ai pas écrit le billet; les entrelacs des développements évoqués s'étaient défaits dans mon souvenir et ne restait plus que le long ruban plat d'une certitude plus qu'évidente : nous sommes sortis de la guerre froide ! Mais cela avait plus de force parmi le feu des échanges. Je ne peux m'empêcher de glisser un mot quant à la germanophobie de la Pologne des jumeaux Kaczynski, une paire d'homophobes racistes et rétrogrades; je les soupçonne d'être d'une inculture crasse par-dessus le marché. L'Allemagne du XXIème siècle aurait beaucoup à leur apprendre en matière de démocratie et de respect des différences.

A présent que la hargne, le dépit et la colère sont passés, que je ne me sens plus dans l'obligation de "me justifier", je veux dire par là de faire de la pédagogie quant à ma démarche, je n'ai envie d'écrire que des billets sur le coucher du soleil et la musique baroque, sur la richesse de l'univers sensible qui nous entoure ... Rien que de l'inutile ...


mercredi, juin 20, 2007

Le rideau jaune


Une lumière méditerranéenne, ondulation et le rai fulgurant du reflet solaire sur l’extrême rebord du cadre de la fenêtre : invitation au voyage … ou miette lyrique, fragment de ce qui a été beau, infime partie d’un tout perdu, dépiécé, que seule la littérature – selon une méthode guiberto-proustienne – est capable de rendre dans son idée première. Vous me suivez ?! Nous en revenons à l’autofiction, au chant intime, antiphoné en sourdine avant de se répandre en mélodies colorées, repeindre le scénario, dépasser l’adversité et les contingences crasses de la vie au milieu des bœufs …

Une lumière méditerranéenne, le simple appel de l’été, ondulation sur un rideau de vieille tulle jaune délavé et cette fulgurance, presqu’incongrue, à croire que le cadre écaillé de la fenêtre rayonne de l’intérieur, l’histoire des petites choses et toutes les mythologies qu’on y attache. A quatre ans, assis sur la banquette arrière de molesquine rouge de la 127 bleu marine de ma mère, j’étais persuadé que les glissières de sécurité, le long des autoroutes, étaient un effet d’optique issu de la vitesse-même. Ce ruban mouvant, rapide et continu ne pouvait pas être associé au concept de la rambarde inerte. Et quand on ralentissait, près des sorties, les glissières disparaissaient ; elles s’éteignaient d’un mouvement brusque et courbe vers le sol.

Retour sur ma triple référence guiberto-prousto-mannienne (Thomas, Klaus, Heinrich, Erika, Golo et Katia Pringsheim tout à la fois). Des auteurs gays (pour la tribu Mann, je ne retiens que le père et le fils), un rien Ancien Régime, un peu rigides dans leur système de valeurs bourgeoises, valeurs qu’ils n’ont jamais remises en cause du fait des milieux aisés dont ils étaient issus. Aisés et en voie de déroute, juste ce qu’il faut de laisser aller… Je cultive aussi la tentation walsérienne du lâcher prise, régresser, ne plus écrire, poser les plaques, et le goût du fragment cingriesque, comme un bref morceau de bravoure ouvragés de phrases précieuses et drôlatiques. J’espère parfois sur une fuite à la Borgeaud, entre Paris et la prise de l’habit – oui, une carrière ecclésiastique, je suis catholique croyant et j’ai même donné la Communion lors de la messe samedi passé.

Une lumière méditerranéenne, les rideaux du séjour, la simple expression de ma lecture du réelle, mon travail d’auteur à propos duquel personne ne poussera à la honte. Je l’ai compris hier soir, enfin, au fil de la lecture du journal en ligne de Jean-Louis Kuffer.

Sans titre lausannois

Ne croyez jamais un auteur, ne vous attachez pas aux ingrédients de sa cuisine : il n'y a que le geste qui compte, le mouvement ample et souple de la phrase qu'il délie au fil de sa pensée, dans l'intimité de ce lieu qu'il offre aux regards et qu'il dérobe à la compréhension d'autrui tour à tour. Je pourrais être à la cafétéria si chic du Bon Génie, en plein après-midi ensoleillée, pas même dérangé par le souffle de la climatisation. Je pourrais être au café Schilling à Barcelone ou au Bério, à Berlin ... Je suis tout du moins dans le texte, je fais corps avec lui et lui insufle une vie propre, effet du talent. Vantard ? Non, conscient de ma valeur n'en déplaise aux vilains qui m'ont si mal lu.

Ne croyez pas tous les mensonges que l'écriture exige, toutes ces contorsions permettant le rendu savoureux d'une banalité "aussi plate qu'un trottoir de rue sur lequel les idées communes défilaient dans leur habit de tous les jours." (Madame Bovary, première partie, une description de Charles Bovary que je cite de mémoire) Je n'ai pas le courage de me lever rechercher l'une ou l'autre édition - dépenaillée - de ce roman; j'en ai plusieurs exemplaires en format de poche, employé chacun dans l'un ou l'autre des cours que j'ai pu donner sur Flaubert jusqu'à présent. Et si je vous racontais la touffeur de cette nuit lausannoise, cette moiteur dilatée qui pèse sur toute chose et gonfle nos membres, nous rend ivre et maladroit, vous ne pourriez que me croire.


Ce soir, j'ai donc retrouvé cette Lausanne anciennement aimée, je l'ai retrouvée bruissante d'intrigues et d'ambition, de jeunesse et de séduction; comme une épouse qui orgueilleusement compte s'affirmer dans la réussite de l'époux. Belle et attentionnée tant que cela participe à son ascension, à l'ascension de celui à qui elle s'est donnée, donc à son ascension en retour. Elle se rappellera -même - la timidité de vos dix-huit ans, à l'époque quand vous ne saviez pas mentir, quand vous étiez tout entier dans la moindre virugule.

lundi, juin 11, 2007

"Les Barricades mystérieuses"

J'avais oublié mon credo : "Nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs". J'avais oublié jusqu'à la mélodie charmante d'Angélique que j'avais coutume de siffler sous la douche du fitness de l'université. Cela m'est revenu ce dimanche, alors que je sortais de chez G., à Zürich, pas très loin de la Badenerstrasse où il y a justement un fitness de la chaîne à laquelle je suis abonné; je suis allé m'y entraîner.
Que Zürich est belle, et ses garçons plus encore. Et on sait se tenir ... Rien, absolument rien n'est laissé au hasard. Sitôt dans l'espace public, le Zürichois s'oblige à adopter une attitude digne et aimable. Les transports sont propres, les ados ne mettent pas les pieds sur les sièges, on ne laisse pas les dames debout. Je pense que Thomas Mann - cher modèle - devait particulièrement apprécier tant de correction. Jusqu'aux détestables bobos qui, sur les rives de la Limmat, ont un petit rien de franche élégance et ne renient pas leur extraction bourgeoise ce qui les rend fréquentables.

J'avais oublié cela ... Et la considération que l'on porte aux gens de lettres dans cette Suisse-là, et le respect de la chose publique, et le cas que l'0n fait de la politique. Je devrais m'y installer. Lorsque, en contrepoint, je pense aux pauvres gamins que je trouve dans mes classes, je me dis que personne ne leur a jamais dit qu'ils étaient des étoiles, qu'ils étaient des empereurs. Personne ne leur a appris à se rêver une couronne sur la tête ou sur les marches à Cannes, personne ne leur a appris la dignité. Ils ne savent qu'essayer de s'imposer par une contestation brouillonne et sans fond, un rien procédurière sur les bords.

Un peu d'air passe par la fenêtre ouverte, il pleuvine, j'ai l'impression d'être revenu d'un assez long voyage et de tout retrouver à peu près à sa place. D'être en tout cas à ma place, en écrivain attentif aux événements quoiqu'un peu au-dessus ou à côté. J'ai eu le plaisir, tout à l'heure, installé à la cuisine, exactement de la même façon que mon grand-père maternel, de lire le journal, Le Matin Dimanche en l'espèce. Les chroniques s'y enchaînent avec piquant et pertinence; tout esprit critique n'est pas mort en Suisse romande. Je me sens moins seul ... Ce soir, je retrouve presque le plaisir que j'ai eu à venir vivre à Lausanne ...

dimanche, juin 03, 2007

Dans dix ans, dans vingt ...


... je n'ai pas eu le courage de m'asseoir au clavier, travailler de suite en ligne à ce journal ... Je m'y sens salement épié et je n'ai pas à commettre mon talent - oui, mon talent, reconnu officiellement, et je n'ai pas à me le cacher - je n'ai donc pas à commettre mon talent dans une entreprise de dénigrement. Mes amis attendent la prochaine publication de "La Dignité" (les deux journaux et le "Récit de la Vie d'un jeune homme vaudois à la dérive") et retrouvent ma plume acerbe dans le webzine (magazine en ligne) dont je suis le rédacteur en chef. Je dirige ma petite équipe avec entrain, cela me change des chausses-trappes administratives et de la malveillance provinciale que je méprise au passage.
En attendant F., sur une terrasse ensoleillée et crasseuse de la Riponne, je profite de la dernière page d'un cahier pour rédiger mon message dominical ... Peu avant, j'ai "rencontré", j'ai plutôt vu M.B., installé au fond de la voiture de son ami, serrant une béquille contre lui, l'air vague et maussade. Il a détourné les yeux alors que je lui faisais un salut de la tête. Cela n'a rien à voir avec moi en particulier, M.B. ne doit pas se rappeler de moi, il ne m'a rencontré que deux ou trois fois et du fait de son immense notoriété, de sa carrière encore plus grande, on a dû lui présenter des centaines de garçons dans mon genre. Connaissant sa psychologie, le regard fuyant exprimait plutôt la honte de la déchéance physique, du temps qui passe et détruit. M.B. n'avait pas envie d'être vu ainsi, d'être reconnu.
Cette "rencontre" inopinée éclaire ma relation déçue à Lausanne. Dès son installation en 1987, M.B. a beaucoup contribué au prestige de la ville. J'aimais tant, en ce temps-là; je cherchais un certain regard turquoise et trouvais que la capitale vaudoise lui faisait un parfait écrin ... C'était sans compter ce mal sans nom, virulent et létal, plus avilissant que le temps : le syndrome intellodéficitaire acquis. Il réduit les facultés de ceux qu'il touche; ces derniers attrapent alors la première idéologie venue et, en l'absence de défense, en meurent, psychologiquement du moins ...
Mais on se fout de ces belles théories, quel que soit son âge, sa "condition" ou son état de santé; on ne cherche jamais qu'à être dans la plénitude de sentiments et de sensations. On n'attend jamais que l'étreinte de bras forts et souples, un regard franc, tout ce qu'ignore les pisse-froids, les pauvres petites victimes d'une crétinerie institutionnalisée. Le grand M.B. se traîne avec une béquille, Jean-Claude Brialy est mort et une caricature présidentielle s'agite à l'Elysée ! Ma jeunesse est belle et bien morte et le talent, si grand soit-il, ça ne vous enlace pas dans le secret de la nuit. J'aurais beau courir de Berlin à Barcelone, à Zürich, ça ne fera pas revenir l'horloge en arrière, si bénis aient été les temps passés. A chaque déchéance, à chaque décès, on devrait oublier ... A trente-huit ans, mes morts me pèsent et mes "avant, c'était mieux" aussi; comment vais-je faire dans dix ans, dans vingt ...

vendredi, mai 25, 2007

Et avec du style !


Hier, en fin de journée, je regardais un rayon pâle de soleil traverser le séjour en biais, éclairer le tapis et se replier sur la coque du fauteuil beige, une lumière cuivrée, caniculaire et poudrée. La même lumière sur la Kirghizie, à la télé, Escales. Cherchez le point commun ? Peut-être un sentiment, dû à la lumière-même, à moins que je ne sois simplement perdu, un vaste tout dans lequel je ne saisis pas grand-chose ... A part quand ... Il suffit de ... Si je branche le truc ... le petit interrupteur d'un état de conscience et tout reprend sa place. Comme avant ? non, je ne vais pas donner dans le couplet prousto-nostalgique, je ne compte simplement pas m'interdire une lecture personnelle et originale du monde alentour, mon fief, ma zone d'influence, mon domaine.

Cette posture intellectuelle me vaut déjà le joli succès du webzine dont je suis le rédacteur en chef, 30% de fréquentation supplémentaire en un mois, des projets de fusion avec un autre portail internet. La presse indépendante gratuite fait toujours recette. Les sujets de réflexion ne manquent pas : l'affaire des affiches de prévention Sida censurée à Yverdon, la collusion presse-pouvoir dans la France sarkozienne, la chape moralisante tombée sur les sociétés occidentales. Le plus dur : partir au combat sans le formidable enthousiasme des belles années de "révolution", soixante, soixante-dix, leur style, leur musique ... Tant pis, je me démens et "proustise" à qui mieux mieux, mais Dutronc, Antoine, certains garçons dans le vent et dans un sous-marin jaune, Dalida, Françoise Hardy ont tant chanté dans des cuisines au petit matin, parmi le vrombissement des imprimantes, un transistor en équilibre sur un coin d'établi, un bureau de rédaction à l'heure de la correction, la voiture de fonction d'un ministre pompidolien et même à Latché, dit-on ...


L'intellectuel dénonce et propose; l'artiste met en forme et donne le ton. Je pense avoir plutôt bien rempli mon double "mandat", avoir mis en verbe et en style des impressions fugaces, leur avoir donné le corps séduisant du bon mot et l'évidence de l'élégance. Faire de ses propres goûts un manifeste et manifester pour défendre ses goûts ! On me lira peut-être dans vingt ans en écoutant Linkin Park, Keren Ann ou Daft Punk et l'on évoquera les vertus passées de cette époque-là.



mardi, mai 01, 2007

Le communiqué de presse


L'oeil de Moscou a dû en prendre plein les mirettes, la peste de ces gens et de tous les pense-menus contre lesquels il faut mener bataille. J'aurais fait, je pense, un excellent général, suffisamment distrait pour passer au-dessus des premiers dangers, suffisamment original pour déjouer les stratégies éculées des génies de la chose ... J'aime surtout donner la leçon et avec panache ... ou gloriole... Quoiqu'il en soit, le conseil d'Etat, suite à la remise officielle de la bourse à l'écriture, hier soir, a diffusé un communiqué de presse des plus élogieux; cela fait de moi un auteur sérieux, posé, très "Thomas Mann". L'oeil de Moscou aura pu lire dans les nouvelles en interne mon accession "officielle" au statut d'auteur; j'ai même eu droit à un entrefilet dans un gratuit de la place. Je suis sensible à cette marque de confiance et d'encouragement de la part des autorités culturelles; cela me permet de me rassurer quant à l'autorité en général, elle n'est pas représentée que par une bande de fipons incultes. Je ne devrais même plus parler de "l'oeil de Moscou" mais du demi "oeil de Moscou".

Il est temps de se congratuler un peu "parmi", et d'évoquer les débuts de ce journal en ligne. C'était en septembre 2005 et, depuis lors, je me suis toujours considéré comme un "homme de lettres". Je vais bientôt rendre les archives du Monde de Frevall accessibles et dans leur version intégrale. On n'y apprend rien de particulier, quelques secrets de polichinelles y sont joliment racontés et vous pourrez y voir défiler les saisons, les voyages et mes palpitantes aventures à Coppet, vous savez, le petit village vaudois où vécut Madame de Staël. Je pense que j'aurai autant fait pour la publicité de ce village que la sus-mentionnée autrice ... Quoi ? moi ! sarcastique !!! Mais qu'allez-vous imaginez, vous êtes passé par Moscou.

Jamais je ne retrouverais l'impunité fleurie d'une plume anonyme; il était si bon d'ouvrir la fenêtre et de simplement dire mon sentiment, amour et tant de déceptions, mais amour tout de même, je n'ai jamais cultivé le masochisme du souvenir; je n'ai jamais donné que dans la mélancolie ... et la pantalonnade par distraction. Le journal en ligne rimait avec bouteille à la mer, parole à travers le temps, "La vie de Marianne", "L'histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut" puis il y eut le bras de fer moscovite et un certain verni d'officialité à présent. Bientôt, je pourrai étaler mon catalogue, raconter mes tractations dans les antichambres de l'édition romande ... Je vais acheter le nom du domaine, hop, je vais devenir un hobereau de la littérature et tenir salon à l'adresse de frevall.net !

jeudi, avril 26, 2007

Subversion blanche


Il pleut, une jolie pluie nocturne qui lustre les trottoirs et donne envie d'allumer une cigarette, commencer un roman, texte banal de prime abord, une histoire de rien, un homme car j'ai - en dépit de mon orientation sexuelle - beaucoup de peine à me glisser dans la peau d'une femme, à moins qu'elle ne soit totalement aliénée et/ou sortie d'une tragédie antique. L'homme marcherait le long de la rue, allumerait une cigarette et s'abriterait un instant dans une guérite de bus avant de pousser la porte d'un bistrot sale et anonyme. Il prendrait une pression, fumerait tranquillement une nouvelle cigarette avant de sortir un livre, Le Commis de Robert Walser. Il lirait pendant un instant, suffisamment longtemps pour allumer une troisième cigarette et boire une seconde bière. Au bout d'un instant, le patron - un homme d'une mise débraillée évidemment - se frayant un chemin entre les clients, des habitués pour la plupart, à la mine hâve à peine rehaussée par la rougeur d'une ivresse légère, ce patron donc s'approcherait de l'homme et lui demanderait de bien vouloir lui tendre le livre, lire un passage, ce que l'homme accepterait dans un sourire mi-étonné mi-gêné. Le patron lui dirait qu'il aurait reconnu le nom de l'auteur, tracé en grand (pas très discret relèverait-il pour lui-même) ... Un écrivain pas encore à l'index mais néanmoins indisponible en bibliothèque et plus encore en librairie ... Le bistrotier aurait déjà lu une telle chose, par hasard. Il aurait vidé l'appartement de sa tante morte à quatre-vingt-quinze ans l'an dernier. En attendant le camion d'Emmaüs, pas moyen d'allumer la télé, plus d'électricité, il aurait pris un livre Les enfants Tanner et aurait compris des choses, pour la première fois de sa vie. Un peu gêné par le flot de ses propres paroles, le patron aurait brutalement conclu par "je vous offre les consommations" et serait reparti d'un pas décidé vers sa cuisine graisseuse, comptant sur l'intelligence d'un lecteur de Robert Walser, de l'homme forcément assez subtil pour comprendre qu'il lui faudrait quitter le café maintenant ...

Robert Walser (1878-1956), après une vie chahutée, mourut dans un asile. Il aurait souffert d'une schizophrénie ... Il passa vingt-six ans en institution psychiatrique, dont les vingt-deux dernières sans plus écrire une ligne. Walser représente une sorte de double inversé de Thomas Mann (1875-1955). Les deux hommes proviennent d'un bon milieu social en passe de déchoir. L'un était allemand, issu d'une culture fière de ses auteurs, capable d'intégrer et de recevoir la critique, une culture qui n'a jamais craint ni le changement ni la passion - Leidenschaft - jusqu'aux plus douloureuses dérives. Walser, en dépit de son talent et de quelques jolis succès, n'accéda jamais au statut d'homme de lettres, d'auteur en tant que tel. Il raconta le monde plat et stérile de la suissitude : l'éradication de la passion et sa prophylaxie. Il saisit le douloureux paradoxe d'un pays d'une beauté quasi irréelle, de la douceur d'y vivre et de l'impossibilité pour ses citoyens d'y développer une vie émotionnelle mature. A croire que la paix sociale et le bien-être économique retiennent les esprits dans un état larvaire ...

L'asile, l'exil ou la chasse aux sorcières pour qui ne respecterait pas cet accord tacite, ce pacte social que l'on inculque à chacun dès sa naissance par mille demis interdits implicites. Et le poids de la tradition est tel qu'il entraîne l'habitude qui fonde quasi la loi mais rien n'est écrit, rien n'est dit. Walser perdit la tête plutôt que de rompre la conspiration du silence. Reste l'oeuvre, le livre, une voix que l'on bâillonne maladroitement par la censure, que l'on couvre de la rumeur grossière des divertissements populaires ... A ce propos, savez-vous qu'à force de crier sur mes cancres, à C., village vaudois où vécut qui vous savez, ma voix s'est formidablement développée ! Sans que cela ne viennent malmener mes cordes vocales, j'arrive à la projeter jusqu'à une telle puissance que les lamelles métalliques des cache-néons vibrent sur leur tringle ! M'avez-vous bien entendu ?

jeudi, avril 19, 2007

Le journal des Goncourt


Les pseudo-secrets, les coups de théâtre ne sont pas mon fort. Arrive un temps quand les choses se font, qu'elles sont à point. C'est ainsi que ma plume me vaut une fonction de plus, celle de rédacteur en chef du webzine de Vogay et, consécutivement, fait de moi un membre actif de cette association. Rajoutez à cela l'Association Vaudoise des Écrivains et sa vice-présidence, me voilà une voix, un porte-drapeau, une opinion à ménager. Cela ne changera rien à mon credo littéraire ni à mes convictions en matière de presse; je privilégierai toujours la morale pratique, la réflexion fondée sur l'expérience, sur la réalité de l'individu, sur sa capacité à produire de l'émotion, un support à notre sensible. On dit "parler avec son coeur" et/ou "ses tripes". Et je suis le premier disciple de cette pratique, ce qui ne m'exonère pas d'une contribution aux lieux communs ni à la platitude parfois. Je me souviens aussi, qu'au 24 janvier, je vous annonçais la création du parti de la Dignité : je n'enterre pas ce projet, il n'est pas encore mûr et j'ai d'autres travaux qui se presse sur ma table. Je n'abandonne pas, non plus, ma critique, souvent sévère, de la société et des autorités vaudoises. Mon temps et mon attention sont limités, je prendrai moins souvent la parole sur ce chapitre-là.

Ce journal en ligne - tant décrié, lu, condamné et apprécié à la fois - ne va pas pour autant devenir aussi stérile qu'un communiqué officiel. Il va prendre un tour plus posé et réfléchi ce qui ne veut pas forcément dire moins polémique ... ou subversif. Mes amis connaissent la bonne adresse où me lire dans un genre intimiste et mon roman en construction - le Récit de la vie d'un jeune homme vaudois à la dérive - est toujours en ligne. Il remporte même un joli succès en dépit d'un renouvellement plutôt parcimonieux des billets que j'y publie. Je vais revenir ici à l'origine de ce blog (je n'aime plus ce mot, on me l'a sali), une sorte de journal des frères Goncourt, en solo, en ligne et au XXIème siècle. Tout ce que j'ai déjà pu écrire est assuré d'une longue vie; la toile représente la meilleure manière de pérenniser la parole d'un auteur. Des experts promettent même l'éternité. Google, fort de ce fait, s'est lancé dans un programme de numérisation de la littérature universelle, un travail titanesque de scannage, mise en forme et en ligne. C'est ainsi que la nécessité a fait de moi un auteur plus accessible que Robert Walser ou Julien Green. Je suis stocké sur des serveurs, dans des disques durs, parfois imprimé et c'est ainsi que mon oeuvre vit; le jury qui m'a accordé la bourse 2007 de l'Etat de Vaud pour l'écriture s'est aussi intéressé à mon travail en ligne, le considérant tout aussi légitime qu'une publication papier.

mercredi, avril 11, 2007

Orat et laborat

C'est bon ! Les suppôts moscovites (rapport l'oeil de Moscou), les pauvrets de C. (village où vécut Mme de S.) et mes contempteurs : je leur ai servi à tous leur paquet ! Et pour leur gouverne, celui qui prend la plume en cet instant se trouve être le vice-président de l'Association Vaudoise des Ecrivains et le nouveau lauréat de la bourse d'écriture que l'Etat de Vaud accorde chaque année. Me voilà auteur accompli, reconnu et par mes pairs et par l'autorité cantonale. Je ne tire aucun orgueil particulier de ce nouvel état de chose; je suis simplement heureux et fier de récolter ce que j'ai cultivé durant de longues années, je suis ému de la confiance et du respect que l'on me porte et je me sens lavé des sarcasmes et des insultes (à peine voilées) auxquels j'ai été en butte ces derniers mois. Mêmes les pense-menus n'ont jamais nié mon talent, ils le reconnaissaient avec une complaisance presque ... obséquieuse. Je me sais plus d'amis que la pauvre poignée de détracteurs qui gigotent et croassent dans leur marais d'obscurantisme. La peste des intégristes de tout poil ! Il leur faudra déployer des trésors de patience car ils vont encore entendre parler de Frédéric Vallotton. Je leur laisse la surprise de mes prochaines activités journalistico-littéraires.
Mais rompons ici, je retrouve la paix et la dignité de Thomas Mann; il est vrai qu'il me manque encore un conjoint afin de régler les affaires du ménage, s'occuper des mille riens qui distraient de l'oeuvre. Je dis cela avec humour et sérieux à la fois; quelqu'un pour gérer et la dactylographie des manuscrits, les histoires de linge, de course, les tasses sales qui traînent, les factures à régler, le suivi du courrier ... ce quelqu'un me serait d'un grand secours et aurait toute mon affection. Je me rappelle du mot de la veuve Ramuz, lorsqu'on lui fit remarquer que jamais son époux n'avait parlé d'elle dans son oeuvre. Elle répondit "Mais si, là, dans son journal, il est écrit on m'apporte le thé, le on c'est moi !" Je pense aussi à la l'industrieuse Katia Mann-Pringsheim, qui sut élever cinq enfants et assurer le calme parfait dans la maison, le silence dont l'auteur avait besoin. Elle ira jusqu'à ravaler sa frustration sexuelle par amour pour Thomas. La littérature est un sacerdoce pour l'auteur et toute sa maisonnée ... Je n'ai malheureusement pas réussi à retenir grand monde auprès de moi. Quelques amis, dont deux à Berlin, ma mère ... Et le demi désordre de mon vieil appartement, les manuscrits en cours, les projets ... Un vêtement fatigué sur une patère de l'entrée. Et parmi tout ça : le respect de mes pairs, la reconnaissance de mon talent, "une plume courageuse" m'a-t-on glissé ce matin au téléphone. Voilà le plus beau compliment que l'on ne m'ait jamais fait, une récompense encore plus grande que la bourse allouée. Cet argent sera tout de même le bienvenu. Lorsque Thomas Mann reçut le prix Nobel, il acheta, entre autres choses, deux voitures et un phonographe. Je me suis offert une belle paires de chaussures, noires, de fabrication suisse, un modèle indémodable au cuir très luisant et un disque dur externe, assurer une sauvegarde de mes fichiers, éviter de tout perdre dans la déroute prochaine de mon vieil ordinateur ...

samedi, mars 17, 2007

"Pardonne leur car ils ne savent pas ce qu'ils font ..."



Il m'a fallu prier longuement, dans la pénombre de l'église ex-Notre Dame, escale à Nyon, fresque médiévale de l'Esprit Saint tombant sur les disciples. Je n'arrivais pas à retrouver mon calme au retour de C., petit village vaudois où vécut Madame de S. Il m'a fallu prier longuement afin de faire taire ma colère et radoucir mon amertume. Je me suis concentré sur ma foi, me suis rappelé la joie de mon baptême, il y a dix ans de cela; la joie de ma confirmation, il y a cinq ans de cela ...
Mon professeur de philosophie, Michel Cornu, avait coutume de parler du verbe qui tue, aussi sûrement qu'une arme. J'ai donc dû mortellement blesser mes contempteurs en visant droit leur hypocrisie, leurs mensonges, leurs préjugés, leurs bigoteries, leur bêtise et leur conformisme. Pour une fois, ce n'est pas l'homme de lettres qui s'exprimera dans ce journal en ligne mais l'enseignant, l'enseignant mécontent de sa classe (symboliquement mes lecteurs et surtout les mauvais !), l'enseignant qui vient montrer à ses cancres tous les contre-sens qu'ils ont fait par une lecture trop en surface. Et je viens affirmer à la face perfide de mes détracteurs que, oui, je suis gay; oui, je suis catholique croyant, pratiquant et outré par l'hérésie de sectes se donnant pour chrétiennes; oui, je suis auteur et moraliste; oui, j'assume mes opinions et regrette de ne pas donner de cours de morale et, non, je ne serai pas celui par qui le scandale arrive ! Mes contempteurs viennent à craindre l'influence que je pourrais avoir sur mes élèves ?! Mais mon journal en ligne, mes romans publiés, mes articles publiés nécessitent un bagage intellectuel autrement plus important que celui de mes élèves; jamais il n'est question dans mon enseignement de mes activités littéraires et les parents laissant leur progéniture lire mon oeuvre font preuve d'une singulière légèreté ou d'une coupable négligence. On ne fait pas lire du Chessex (auteur et enseignant vaudois à la retraite aujourd'hui), du D.H. Lawrence, "L'art d'aimer" d'Ovide ou, même, les confessions de saint Augustin à n'importe qui, ni à n'importe quel âge. Je ne fais pas dans le conte infantile, effectivement. A propos de mon influence, j'espère bien en avoir ... sur la syntaxe de mes élèves. Et je suis persuadé de leur montrer un meilleur exemple que la piteuse caricature d'adultes que leur donnent certains de leurs proches alcooliques, truqueurs, menteurs, adultères, négligés, voleurs ou simplement frappés d'une bêtise crasse. Les élèves en disent souvent long quant à ce genre de déception.
Et que mes contempteurs sachent que jamais l'auteur ne cessera son activité, que je n'ai que mépris pour la mesquinerie de leurs pratiques diffamatoires. S'ils doivent s'adresser à l'auteur, qu'ils lui fassent part de leur opinion via un commentaire, il suffit de cliquer et d'écrire ... oui, écrire pour peu qu'on en soit capable ... plutôt que d'essayer - vainement - de discréditer l'enseignant. Je vais donc en user comme avec une classe qui s'est mal conduite et ne pas rajouter, jusqu'après Pâques, de nouveau message, laisser bien en vue ce calice de la honte, et inviter mes contempteurs à relire les billets de février et mars, qu'ils méditent sur leur légèreté d'opinion et révisent leur jugement dévoyé. L'homme de lettres ne reculera devant aucun moyen afin de faire respecter la liberté d'expression, d'opinion, de confession et d'orientation sexuelle ! La presse, les associations, les syndicats : les amis de la liberté et des lettres sont nombreux. Et je vous rappelle que l'homophobie tombe sous le coup de la loi !

lundi, mars 12, 2007

1er tour : rien à déclarer ...

Saint Frédéric dans son rôle d'évêque
d'Utrecht
Blanc-Bonnet a été élu haut la main, Bonnet-Blanc est en ballottage et j'ai bien employé mon salaire - l'argent de l'Etat de Vaud - dans la Madrid catholique et gay. J'ai même brûlé quelques cierges pour le salut de nos autorités et le pardon du pays, attirer la mansuétude du Très-Haut. Toutefois, ce n'est pas le non-débat d'idées qui m'inquiète depuis mon retour mais bien l'obscurantisme évangéliste qui a sévi du côté de Zürich. Un DJ helvétique fort réputé, au pseudonyme bien mal choisi en regard de son physique ingrat, projette d'apparaître au concours eurovision de la chanson grimé en vampire. Le tour est plutôt bon enfant et figurez-vous qu'un quarteron de culs-pincés utra-protestants n'a rien trouvé de mieux que de s'élever contre une telle apparition et d'exiger de "l'artiste" de changer de programme. La critique est bien mal venue d'autant plus que notre homme s'est engagé dans la lutte contre la famine en tant qu'ambassadeur de bonne volonté auprès du Programme Alimentaire Mondial. Comment peut-on publiquement prendre la parole sur un plan moral, juger une apparition artistique et condamner l'artiste avec si peu de recul ...

Il faut que je vous dise, nous allons prendre congé, ce ne sera pas malheureux, je continue, ailleurs, mon verbe ne va pas se tarir pour les quelques vexations qu'il a dû essuyer. J'en suis simplement fatigué ... Ceux qui me connaissent ou qui jouissent d'un minimum de sagacité sauront me retrouver dans mon exil. Je pense aussi au regard façon bleu implacable d'un Môssieur, ce genre d'animal que vous croisez le cul assis sur ses étroites convictions. Et je ne me suis pas laissé impressionner une minute par les grands airs du bonhomme; celui qui m'en imposera n'est pas encore né ! Savez-vous que saint Frédéric, évêque d'Utrecht, connut le martyr pour avoir condamné publiquement le comportement licencieux de l'impératrice Judith. Folle de rage, la souveraine le fit réduire au silence. J'aurais dû embrasser une carrière ecclésiastique !

samedi, février 24, 2007

De la campagne française, de la censure et de l'inquisition vaudoise


Chers amis, chers lecteurs, chers suppôts moscovites, bonsoir ! Permettez d'excuser mon (trop long) silence mais je viens de loin, exil oblige et je me dois aussi à mon autre public. De toute manière, notre campagne cantonale n'a rien de trépident, un point pour bonnet-blanc, un point pour blanc-bonnet et tout le monde est content parmi notre exquis consensus national, gentil petit système que nous envient tous les États plus ou moins démocratiques du continent. Par bonheur, nous avons des voisins en campagne, des voisins qui nous ignorent ... comme une sorte de tare honteuse. J'en veux pour exemple les commentaires de circulation sur les grands axes autoroutiers européens donnés par France Info. Les auditeurs sont prévenus du trafic annoncé, trafic fluctuant selon les vacances des différents pays européens ... Ah, oui, j'oubliais, nous sommes des Martiens pour nos voisins français. Quoiqu'il en soit, pour en revenir à France Info, on nous parle du transit des Luxembourgeois, des Belges, des Néerlandais, pour prendre des nations de taille comparable, on nous parlerait volontiers des Lapons si l'on en trouvait au moins un ! mais des Suisses, jamais ! Pour les enfants de Marianne, la Suisse se résume à la promesse d'un confortable salaire pour qui réussit à s'y faire engager. Je n'accuse personne, on aurait tort de se priver ! Donc, la campagne présidentielle française suscite tout notre intérêt. Pensez donc, une élection avec des conséquences politiques, et des vraies, pas simplement des histoires de géraniums ou de réverbères, ça nous passionne par ici. Peut-être que notre gauche (bonnet-blanc ou blanc-bonnet ?) se console de son verbe pâteux à l'écoute du verbe scolaire de la candidate socialiste et notre droite peut observer les effets grandeur nature du discours à l'emporte-pièce du candidat UMP sur notre molle population, jusqu'où peut-on aller ?

Nos voisins ont le goût de la querelle partisane, ma foi, on s'occupe comme on peut ! Par ici, lorsque le bon peuple s'ennuie, il saute dans un long courrier et va se faire bronzer sur une plage pour dépliant publicitaire de rêve. Il est clair que ce genre de plaisir n'est de loin pas à la portée de la bourse du Français moyen. Durant son temps libre, il profite de cultiver son esprit partisan et des convictions politiques toujours prêtes à mettre l'Europe sans dessus dessous. C'est d'une grande drôlerie et, en parallèle à la chose politique pure, en période de campagne, notre voisin français se préoccupe beaucoup d'évaluer le temps de parole de chaque candidat et de ses soutiens actifs. Il finit toujours par se plaindre parce qu'il croit déceler un honteux favoritisme partisan. Cela donne lieu à des billets rageurs dans les colonnes du courrier des lecteurs ou sur le bureau des différents organes de contrôle. C'est alors une foire d'empoigne et d'appel à la censure à laquelle ne cède pas les sages de la république. Vive la France et tant pis si le bien-être helvétique pose encore problème à cette grande nation.

Nouvelles du terroir. En ce doux pays de Vaud peuplé de tant de sémillants bovidés, il est à relever la sagesse (dirigée) de la jeunesse ... Figurez-vous que, au cours d'une émission de radio, un préfet se flattait de la réussite de sa politique de prévention en matière d'alcool et de marijuana auprès de la jeunesse locale. Cette victoire n'était pas le fruit d'une campagne de prévention, ni de la mise en place d'un discours responsable ou d'activités épanouissantes ... Que nenni ! Flicage blogesque, berk; je n'ose imaginer la maréchaussée perdue dans l'orthographe approximative des messages rageurs d'une jeunesse forcément en rupture, forcément révoltée. J'y vois une insulte à la liberté d'expression, le viol de l'intimité de ces jeunes gens (mêmes s'il n'ont rien de spécial à raconter) et, surtout, une infantilisation des ces adultes en devenir. L'écrit est un indice, une accusation parfois, mais en aucun cas une preuve ! Et je suis sûr que personne n'a suggéré de corrections orthographiques aux auteurs des blogs surveillés.

Moscou pourra reposer son oeil, pour la semaine qui vient du moins. Je vais pratiquer les trois C à Madrid. Petit message aux homophobes évangélistes ou protestants intégristes qui se seraient égarés dans ces pages, les trois C signifient : Cul, Culte, Culture. Cela veut dire que je vais dépenser une partie du salaire que me verse l'Etat de Vaud dans des établissements gay madrilènes, dans des édifices religieux catholiques madrilènes et dans des musées madrilènes. Bonnes vacances à tous.

jeudi, février 15, 2007

Du Stress de la jalousie et de l'inconséquence


L'autre jour, tout en cheminant en compagnie d'une collègue, j'évoquais la mine peu engageante de la plupart des candidats sur les affiches électorales; la faute à leur directeur de campagne certainement ! Quoiqu'il en soit, avec des faciès dépourvus de tant de séduction, il est à se demander à quoi ressemble la vie sentimentale de nos candidats ! Ma collègue releva que ce n'était pas très important en l'occurrence, il ne s'agit que d'une élection et pas d'un "blind date". Après une nuit de réflexion, je me suis rappelé d'une petite histoire que mon parrain (brillant helléniste) m'avait contée : dans une république antique, on avait refusé à un général grecque le commandement suprême car il n'avait jamais été sodomisé; comment faire confiance à un homme qui n'a pas connu ce genre de plaisir ! J'ai donc reparlé de tout cela ce jour avec ma collègue qui, entre temps, avait modulé son opinion. "Qu'il couche ou pas, ce n'est pas une garantie absolue de non-frustration, c'est toutefois un indice convaincant de leur équilibre !"
Restons encore un peu "au-dessous de la ceinture", on en apprend souvent beaucoup à ce niveau-là. Dans un quotidien gratuit (qui, je me répète, a déjà cette qualité à défaut de mieux), un article annonçait la présence dans une boîte de Lausanne, d'une "DJette" ex-star du porno. Le fait en soi n'a rien de stupéfiant surtout si la dame a du talent. Je lui trouve un joli plan de carrière. Quand bien même ne serait-elle pas une "DJette" fameuse, qu'elle profite donc de son renom, elle a suffisamment "donné" de sa personne pour jouir de cette sinécure ! Mais vous ne le croirez pas, un fâcheux, chanteur local (râpeur de carottes) de son état, celui-là même qui sodomisait par clip interposé l'un de nos conseillers fédéraux, s'est inscrit en faux contre la reconversion de l'ex-star du porno. " Alors se faire voler la vedette par une simple actrice porno qui surfe sur sa notoriété, ça la fout mal ..." Notre artiste ne serait-il pas un rien jaloux ? Et qu'entend-il par "simple actrice porno", je décèle une once de mépris moraliste. Quoiqu'il en soit, en matière de pornographie, notre homme a déjà largement dépassé la mesure. Il se justifie en évoquant la contestation d'une "certaine Suisse"; je devrais peut-être lui proposer mes services ... non, rien de ce que vous êtes en train d'imaginer ! Je pourrais lui donner des cours de contestation créative et de critique cinglante et drolatique.
Remontons quelque peu jusqu'au niveau des convictions - quoique j'aie connu bien des membres de l'intelligentsia et de la nommenclatura qui les portaient bien bas et se les mettaient au ... enfin, qui s'asseyaient sur leurs convictions. Entendu hier à la radio notre grand virtuose de la râpe à fromage s'exprimer sur un ton nonchalant à propos de tout et rien. Arrive sur le tapis l'affaire de la censure de "Salò ou les 120 journées de Sodome" et la journaliste de demander son avis au chanteur local à propos de la formation d'un comité de lutte contre la censure. "Si ça peut leur faire plaisir à la fin de la journée ..." Notre grand pourfendeur de la droite très à droite, le contempteur du racisme et de l'intolérance réduit un phénomène de mobilisation sur une question de principe, sur une question fondamentale à un petit passe-temps quasi inutile ! Je croyais qu'il s'agissait d'un chanteur à texte ? c'est à dire de l'un de ces don Quichotte toujours prêt à pourfendre les moulins à vent de son verbe. Je lui trouve bien de l'inconséquence et soupçonne que ses prises de position publiques ne soient pas dénuées d'intérêt marketing. S'il n'est question que de notoriété, il aurait dû faire comme la DJette, et commencer par une carrière dans le porno !






mardi, février 13, 2007

Du paysage, du MP3 et de la censure !


Puisqu'il en est ainsi ... Ce journal en ligne, qui m'a été un compagnon de plus d'une année, un ami, une écoute, un soutien, ce journal du fait de l'indiscrétion et de la malveillance d'une certaine classe de mon lectorat, "les suppôts moscovites" comme j'aimais à les appeler avec humour, change donc d'orientation.


En ma qualtié d'auteur, d'auteur publié, j'ai toujours lutté dans ces lignes, ces articles et dans tous mes écrits pour la liberté d'expression. Je sais que, parfois, mon propos a pu choquer, car il tombait juste ! Lassé par l'idée de trouver à l'autre bout de cette connexion un quarteron de misérables mal-intentionnés, je réserve mon émotion et mon amicale sincérité à un autre blog. J'ai pris le chemin - symbolique - de l'exil.


Quant au "Monde de Frevall", on voulait m'en faire grief, j'y mènerai désormais une bataille de tranchée et le réserve à la pensée politique du parti de la Dignité. Je sais, cela sonne d'une manière un peu ronflante mais ce n'est pas pire que le ton d'enseignante du primaire qu'affecte la candidate Royale lorsqu'elle s'adresse à nos voisins en meeting ou en interview. J'ai toujours préféré le panache à la pédagogie de bazar de la caste politique en place.


En cette mi-février, qui marque le début de la campagne électorale vaudoise (renouvellement du parlement et du gouvernement), je vais en rester au niveau des affiches. Côte à côte, sur le pont Chauderon, se trouvent le placard libéral et le placard socialiste. Mis à part quelques pauvres détails de typographie d'un code couleur différent(un peu de rouge ici, un peu de bleu là), ce qui ne saute pas aux yeux du passant déjà blasé par cette pollution visuelle (les affiches sont saucissonnées à la balustrade du pont et coupe l'admirable vue que l'on a sur le couchant à la fin du jour), ces deux affiches donc se trouvent être des fausses jumelles. Cela donne la fâcheuse impression qu'un parti s'est offert deux produits électoraux différents histoire de ne perdre aucun client. Pour la droite, un panorama lacustre, pour la gauche un panorama champêtre. Les sourires sont aussi niais et la posture aussi mal jouée à gauche qu'à droite (aïe, l'oeil de Moscou va encore froncer mais est-ce ma faute si graphiquement et esthétiquement ces affiches sont une insulte) . Mon esprit critique m'en a fait l'interprétation lapidaire suivante : "Votez pour nous, blanc bonnet et bonnet blanc, au cas où nous ne tiendrions pas nos promesses électoralistes, il vous restera toujours le paysage !"


Point suivant : le MP3. Un quotidien gratuit (qui a donc déjà ce mérite à défaut de mieux) évoquait il y a peu la prochaine interdiction du MP3 pour les piétons et les cyclistes en ville de New York. Après avoir demandé aux autorités locales compétentes ce qu'elles en pensaient, éclat de rire à Genève. Par contre, du côté de Lausanne, l'un des responsables du service des routes et de la mobilité trouve "la mesure tout à fait justifiée". Il regrette toutefois les difficultés d'application d'une telle interdiction. Je tairai le nom du susmentionné intervenant par discrétion. Les suppôts moscovites pourraient me trouver insultant (voire criminel même si tout le monde sait que le ridicule ne tue plus).


Dernier point et crucial ! Un juge zürichois, après dénonciation d'un club de culs-pincés évangélistes (je croyais que nous avions le monopole de cette engeance sur la Côte) (il s'agit là de l'avis du catholique que je suis), n'a rien trouvé de mieux que d'interdire la projection de "Salò ou les 120 journées de Sodome". Il s'agit d'un acte de censure arbitraire motivée par une pseudo lutte anti-pornographique ! Je vis dans un pays où la justice d'un gouvernement cantonal est capable de censurer une oeuvre d'art; dans un canton où la gauche et la droite sont tant indifférenciées que leurs affiches électorales sont des clones; dans une ville où l'on regrette de ne pas avoir les moyens techniques d'appliquer l'interdiction "justifiée" du MP3 et de tout lecteur de musique aux piétons. Non, attendez, ne me dites pas que la candidate française s'est emparée du pays et l'a transformé en une vaste classe de deuxième année primaire !?

vendredi, février 09, 2007

Sur la tempe


Il suffit ! Et je ne m'adresse pas qu'aux suppôts moscovites, race répugnante s'il en est ! Il suffit avec ce mauvais vaudeville ou la bêtise se le dispute à la méchanceté. Je n'ai pas à porter les frustrations mesquines du petit peuple scolaire, pauvres hères formatés par tant de générations courbées sur le respect dévot de l'autorité, si illégitime puisse-t-elle être ! Il suffit avec l'indignité d'un représentant politique s'abaissant au niveau d'un chansonnier populiste, sans parler des relents d'homosexualité mal digérée, comme si aimer le même sexe tenait de l'insulte. Je suis choqué et en colère et, ce soir, je n'ai que du mépris à offrir à ces systèmes usés. Mon mépris gagne jusqu'aux conseils - pourtant avisés - de mon guérillero syndicaliste, et je me tais quant à l'administration dont dépend mon salaire. Je ne veux pas sombrer dans la vindicte et la vulgarité. Je laisse ces facilités aux jeunes fats qui parade sur la place publique et aux orgueilleux qui s'étalent dans les premières pages de la presse locale. Je n'ai pas à dilapider mon talent d'homme de lettres dans tant de sordide.

Je ne suis pas doué, non plus, pour les seconds rôles à la mode Cassandre, et parmi tant d'agitation, le déferlement des forces du néant et de la médiocrité - voilà pourquoi l'on parle d'une "médiocrité sans fond" - je ne donnerai plus un mot de réplique. Le parti de la dignité sera donc mon dernier geste au milieu de cette foire d'empoigne. J'ai les épaules larges, il est vrai, mais je commence à avoir de l'humeur. Je pourrais en raconter "des vertes et des pas mûres" sur ce quarteron en vue, qu'ils soient aux commandes de l'économie privée, de l'administration publique ou tout sourire sur les affiches électorales.

Il n'est dans mon oeuvre une seule ligne dont je pourrai rougir, dans ma vie sentimentale une seule action dont je pourrais avoir honte, dans ma réflexion politique une seule opinion dont je pourrai me dédire ... Personne n'est fait pour la colère et la mauvaise humeur ... Je suis profondément persuadé que nous sommes tous des étoiles, nous sommes tous des empereurs, je ne force personne mais ne me laisserai pas retenir par une tripotée d'ennuyeux, ni me laisserai désespérer par ce coin de terre, quelle que soit ma peine ... Afin de me sentir les coudées plus franches - je n'ai pas particulièrement la fibre pédagogique vis-à-vis du club des voyeurs moscovites - je vais réserver ce blog à des réflexions plus théoriques, je vais en ouvrir un autre, mes amis me suivront, et des inconnus aussi; je laisserai donc les censeurs mous en compagnie de leur bêtise, ils pourront en faire le tour, cela devrait bien les occuper jusqu'à la fin des temps. Les autres sauront bien assez me suivre, et nous continuerons de partager les larmes, l'amour et l'émotion. En vérité, je vous le dis - je paraphrase un peu - même avec le canon d'un revolver sur la tempe, je me sentirai libre et continuerai de voir les vastes étendues fleuries d'une félicité méritée.

jeudi, février 08, 2007

Présence


Politique ou égrillard, piquant, plaisant et bien d'autres choses ... Je n'ai que l'embarras du choix pour le billet de ce jour ! Et mes contradicteurs ne manquent jamais de me prêter complaisamment le flan. Par "contradicteurs", je m'entends, je pense à ceux dont je pourrais relever les défauts du discours, les incohérences et les petits travers ... Mais je n'épinglerai personne, je n'irai pas même voir du côté de C., village où vécut madame machin, la grosse et son verni de culture, la pose flatteuse de l'élite responsable et tous les poncifs mal rechampis que nous ressortent les élus cantonaux en avant avant-campagne.

Et l'après-midi, à Genève, sous son confortable ciel gris, une visite à J.-M., sa boutique, un café chez Martel, quelques courses, retour Lausanne, dînette chez Jacques avant de courir au cinéma, voir "La Traductrice", un dernier verre en ville ... en ville, je répète ! J'ai encore trouvé le temps de faire avancer mon "concile de pigeons", de finir du repassage, de réfléchir vaniteusement à la tenue de demain, d'après-demain, deux épisodes de "Verliebt in Berlin" pour faire passer le mal du pays, mon pays idéal, celui où je n'ai pas à porter une appartenance quelconque comme une croix, où il me suffit d'être ... Berlin, donc, Barcelone, Zürich, Paris, Bruxelles, Genève quand je peux y passer plus de 24h de suite, et oublier la contrainte du regard pornographique dont "Moscou" salit tout de son oeil inquisiteur et faux-jeton, sans parler de ses suppôts à temps partiel ni de quelques quidams à peine mal intentionnés rencontrés ici ou là qui ne manquent pas de me commenter et de travers ...

Cela faisait longtemps : ce soir, j'aurais eu envie de m'endormir en compagnie, auprès de quelqu'un en particulier, d'être simplement auprès de lui ... être ... Et dépasser ainsi l'ennui de ce jour après l'autre, et après celui d'avant, d'avant tous les autres. Je ne veux pas me laisser figer dans la posture de l'homme arrivé, solidement en place. Légère impression de tirer sur ma chaîne ... La Présence et la liberté me viennent alors d'internet; il n'est pas question de chat de rencontre mais d'une radio en ligne, des chants grégoriens pour seul programme, expression de cette présence chez ceux qui en jouissent à chaque instant de leur vie.

dimanche, février 04, 2007

Le divan de Freud


Je l'ai accepté ! Alors que j'hésite toujours et me fais longuement prier devant tout cadeau inopiné, cette fois, j'ai simplement répondu "merci" sans quitter la porcelaine des yeux, un amour de 40 cm, une pièce en Meissen de la fin du XIXème, brisé en plusieurs endroits ce qui en rajoute à son charme et lui confère une dignité qu'une parfaite conservation ne lui aurait pas accordée. J.-M. l'a soigneusement emballé puis nous sommes sortis, le petit marché aux puces et autres trucs du premier dimanche du mois, Plainpalais, Genève, un peu de fatigue derrière les yeux. On est venu me chercher du fin fond de mon esseulement lettré, cette distance consécutive au temps nécessaire à la conception, au filtrage, décantation ... Superbe isolement, un peu poseur et orgueilleux, rien qui n'impressionne au bout du lac. Je m'y sais différent : moins piquant, critique et cassant. "Tu trouves tout bien" m'a glissé J.-M. lors de notre promenade; un beau soleil néo-printanier, la Brasserie du Rond-Point, envie de me tatouer à l'intérieur un petit dessin de cette belle teinture genevoise, gober l'esprit de la ville, parce que la rencontre est belle, le bonhomme séduisant, la compagnie plaisante et l'échange stimulant. Et ça me fait des vacances, il faudrait vraiment que je puisse conserver cet état d'esprit confortable, cet enthousiasme léger et guilleret, une générosité du regard sur les choses et les gens.


Sitôt de retour à Lausanne, la rencontre d'un couple d'amis, je témoigne de ma préférence pour Genève. Oui, je préfère Genève et sa République à Lausanne et son Pays de Vaud. S'il s'agissait d'un bête choix, l'affaire aurait été réglée depuis longtemps. L'un de mes deux interlocuteurs était d'un avis contraire ... Et je ne sais pas pourquoi, ce genre d'échange a la fâcheuse tendance à dégénérer, la petite guéguerre de tranchées du "pour" ou "contre" se concluant indubitablement par un amer : "Puisque ça ne te plaît pas, va voir ailleurs !" "Autant qu'à finir balayeur, je préfère l'être ici, je serai toujours mieux traité que dans n'importe quel autre pays.", réponse de la bergère au berger que je sers consécutivement à ma critique du "saint" Pays de Vaud depuis mes dix-huit ans. J'ai toujours droit à ces mêmes airs pincés mais, est-ce ma faute si je suis lié, ligoté à ce canton (reconnaissance de diplôme et corporatisme cantonal en matière d'enseignement public obligent). Je crache dans la soupe, peut-être, mais cette ville (Lausanne), ce pays (Vaud) parlent en moi, j'en suis un citoyen irréductible et, de la même manière, je suis un membre irréductible de la famille Vallotton; je suis le résultat d'une somme de qualités et de défauts façonnés par les particularismes de ce terroir. Je le critique, et durement, en connaissance de cause, comme lorsqu'on se fait horreur dans le miroir pour un nez ou une chevelure qui ne nous plaisent pas. Si je pousse un rien plus avant cette démonstration, puisque l'on n'échappe pas à sa famille, la critique renvoie au sentiment - justifié ou non - de ne pas avoir été aimé comme on l'aurait voulu, autant qu'on l'aurait voulu. De divergences en malentendus, de susceptibilité froissée en maladresses, le contentieux se creuse sans pour autant contredire l'appartenance ... Et les mots restent froid, et à dessein; cris silencieux et fuite sur place, merci docteur pour cette séance constructive, nous avançons bien dans mon analyse.