mercredi, février 27, 2008

La règle du jeu


Il a fallu ... il a fallu essuyer l'indignité de ce bouge, oh ce lieu où l'on est sensé ... s'amuser ! Je tairai le nom de l'endroit, par amitié pour son propriétaire. La médiocrité suinte de partout et la vanité est comme une poussière qui tombe des vieilles tentures. Bienvenu sur la toute petite "scène" lausannoise, avec ses jeunes divas trop maquillées, ses icônes défraîchies et cokées, sa fausse bonne humeur et sa compromission ... Je me suis laissé traîner dans cet endroit l'autre soir par Cr. Quel supplice ! Quel double supplice ! A la fois pour les oreilles et pour l'esprit. Je n'arrive pas à comprendre le goût qu'on les jeunes tantes à se rouler dans l'indignité et la demi-mesure, dans la toxicomanie mondaine, le narcissisme et la vanité ! Il y a comme un hiatus. On ne peut jouer les reines en se comportant comme une souillon. Je n'ai rien contre ces deux catégories gay, je les ai fréquentées avec un égal bonheur. J'ai toutefois plus de peine avec la bêtise crasse de ces "fillettes".

Autre lieu, autre indignité. Dans l'espace étroit du sauna du club de fitness que je fréquente, il a fallu supporter la conversation de "blaireaux" d'un modèle canon, du genre qui vend des téléphones portables, des voitures de grosse cylindrée ou faisant partie du nombreux personnel d'une gérance immobilière. Des garçons actifs qui n'étouffent pas sous le poids moral de leur activité professionnelle, encore jeunes (pour quelques années), d'un physique plus ou moins avenant, des hommes dynamiques qui, selon les "saintes évangiles" publicitaires, sont la crème de notre société ploutocratique fourvoyée. J'ai donc eu droit durant plus de cinq minutes au déballage affligeant de leur vie absconse. Le but en est "un max de fun", c'est à dire "se mettre la tête en dedans le vendredi et le samedi soir, "se tirer une rondelle" (je crois qu'il s'agit là d'activités sexuelles avec un individu de sexe féminin d'un âge et d'un aspect physique acceptable) et encombrer les pistes de ski en hiver et les plages en été. En semaine, ils "travaillent", regardent les sport à la télé et entretiennent leur physique à drague ... Ils ne sont pas d'une fréquentation désagréable, ce sont des garçons d'un naturel plutôt sympathique au premier abord ... Lorsque l'un d'entre eux a adressé un "au revoir, bonne soirée" à la cantonade, je n'ai pas été capable de lui répondre. C'était au-dessus de mes forces. Il eût fallu que je pusse lui dire le fond de ma pensée.

Soit, j'ai pratiqué et pratique encore ces vanités, je donne volontiers dans cet forme d'orgueil. Je ne fait du fitness que par vice, et je ne fréquentais les lieux gays que pour chasser, me mettre en scène ... Mais j'en ai toutefois conscience, tout cela n'est qu'un état momentané, la compromission d'un peu de boue sur les chaussures pour avoir coupé à travers champs; ce n'est pas pour autant que je vais entrer jusque dans ma chambre à coucher sans m'être déchaussé. On joue à ceci ou cela dans l'espace publique, on se donne un rôle et quelques bonnes répliques et, par fausse maladresse, un se découvre un peu derrière le masque. Peut-être que mes jeunes tantes et mes marchands de fadaises jouissent d'une véritable intériorité parmi la vie pathétique qu'ils étalent impudiquement. Je le leur souhaite. Mais quand apprendront-ils la règle d'or du grand jeu de dupes de la vie en société, quand apprendront-ils la dignité !

samedi, février 23, 2008

Jouhandeau, Mauriac et mes élèves


Le souvenir de "Galande", de Jouhandeau (voir photo), ne veut pas faiblir ... J'en suis imprégné; je partage et la foi, et le mode d'observation, et la sexualité de l'auteur ... Incidemment, j'ai appris qu'il était gay, tiraillé entre la ligne de conduite prônée par une église très traditionnelle et sa sensualité. J'ai personnellement tranché par rapport à ce choix, n'en déplaise à l'administration scolaire ! Je ne vais tout de même pas me promener sous le masque de la banalité sociale pour ménager les complexes de l'élite vaudoise ... à laquelle j'appartiens accessoirement !
Pour faire suite à Jouhandeau, je suis retourné à mes amours mauriaciennes, la psychologie des potentats de province et l'art de vivre bourgeois. "Le Mystère Frontenac", un petit livre de poche à peine défraîchi, acheté 2€ chez un bouquiniste du carrer de Aragò. J'ai connu Mauriac à Berlin, je l'ai rencontré dans la bibliothèque de Christine. Je l'ai croisé à plusieurs reprises aux puces de la Boxhagenerplatz. Remarquez la figure de style, une belle synecdoque, car je considère le titre comme une part de l'auteur, de ce tout qu'est l'auteur, rapport à mon cannibalisme littéraire. Cet univers un peu désuet colle si bien à mon séjour demi-forcé vaudois. Demi-forcé car je serais tout à fait libre de n'être rien du tout ailleurs, comme le naufragé à tout à fait le droit de négliger la planche pourrie à laquelle il s'accroche pour ... se noyer ?! Je ne traite pas le canton, mon pays, le pays de Vaud de planche pourrie; la métaphore portait sur l'inconfort de ma situation et sur le hasard du sort qui m'a fait vaudois plutôt que zürichois ou, mieux encore, berlinois. Mon propos n'est pas là ... Je voulais juste dire que le poids de la bienséance locale, la réserve à laquelle tous seraient forcés - surtout s'ils ont des ambitions sociales - ne sont pas sans rappeler les moeurs de la province française de la première moitié du XXème siècle !
J'aurais aimé faire lire du Mauriac à mes élèves ... aux élèves qui m'ont été confiés pour six mois. Nous avons lu Bazin; cela leur a réussi. J'ai retrouvé dans leurs textes, sans les effets et le savoir-faire que donne le métier, la finesse d'analyse sociale et l'authenticité qui font d'un texte une part de l'auteur. J'espère avoir suscité chez eux cette sincérité, et l'adresse dont il ont fait preuve à se raconter au-delà de clichés d'jeuns (chats vaseux et de blogs sans orthographe). Je me suis même dit, après les avoir lus, que dans ce pays, mon pays, le Pays de Vaud, tout n'était donc pas perdu ...

jeudi, février 14, 2008

Barcelone : suite et fin.


Barcelone, c’est un peu « tourisme pour débutant » ; c’est bien joli, plus encore que Paris, rivage oblige, très mode, très … tout ce que l’on souhaite à l’étranger surtout lorsque l’on vient de la petite Lausanne timide et complexée. Barça est une ville qui suscite immédiatement la sympathie, comme une vague connaissance avec qui on a passé une bonne soirée. Oh, le menu n’était pas extraordinaire mais les verres ne restaient pas vides longtemps … Bref, à trop la fréquenter, on s’ennuie, presqu’autant que sur les rives lémaniques … Soit, si vous aimez vous tasser dans une boîte bruyante, jouer la fofolle déguisée « fashion », promener votre dernier petit ami de quinze ans votre cadet et étaler votre graisse dûment pré-rôtie sur les plages du centre, Barcelone est pour vous.
En trois ou quatre ans, j’en suis à mon cinquième séjour, de cinq jours en moyenne, j’ai donc écumé tous les musées, repéré tous les points de vue pittoresque, fais tout ce qu’il fallait faire dans les parages. Il ne me resterait plus qu’à … me marier mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, j’ai réussi à le faire à Lausanne ! Et c’est une union sérieuse, solide et passionnée à la fois. Je m’éloigne de mon propos. Soit, je reconnais toutes les vertus de Barcelone, j’adore ses venelles, sa population, ses mauvais garçons si sympathiques, j’aime courir les messes, j’aime le salon de thé Mauri, à l’angle de las Ramblas de Catalunya et du Carrer de Provença et j’aime aller faire mes courses au rayon cosmétiques del Cortè Ingles. Surtout, je n’oublierai jamais cette après-midi de dimanche quand j’y ai revu la mer, ni cet autre séjour quand je suis venu trouver la consolation mais je reste bien en deçà de l’authenticité berlinoise.
Je vais aller faire mes adieux au Musée National d’Art Catalan. Je tiens à passer un peu de temps avec certaines toiles d’impressionnistes locaux et revoir deux ou trois fresques médiévales, puis un petit tour au fabuleux marché couvert de San Anton. La prochaine fois que je serai pris d’une envie d’horizon maritime, j’irai en Italie ou dans ma vieille France. Et la prochaine fois que je partirai me désintoxiquer de la médiocrité cancanière vaudoise, j’irai le faire à Berlin : entre Babylone et Jérusalem, entre le vice et le martyr, la ville qui a appris la liberté.

mardi, février 12, 2008

Le cabinet de toilette


Marcel Jouhandeau me fait un excellent compagnon de voyage, de loin pas aussi baroque qu’Yves Navarre ou inspiré que Julien Gracq. Néanmoins, dans son charmant opus autofictif « Galande », je retrouve des traits de mon quotidien barcelonais … Je ne vous l’avais pas dit ? Voilà qui est fait, mes petites fugues habituelles, besoin de rivages et, surtout, de silence. Je ne connais personne dans cette ville et ne parle ni catalan, ni espagnol. Du coup, je ne dis rien. Je suis par moment un dîneur, par moment un visiteur à travers les salles d’un musée, par moment un acheteur en train de fureter parmi des offres promotionnelles ou, comme sur tous les bords de mer autour du monde, l’un des nombreux rêveurs contemplant l’horizon. Et tout cela en silence. Accessoirement, je squatte la ligne internet de mon hôte, je loge dans un palazzo – à la mode italienne, c'est-à-dire un locatif haussmannien le confort en moins – de la vieille ville, celle qui grouille d’autochtones, de flics, de camelots et de groupuscules terroristes islamisants que l’on arrête avec fracas. Je loge à Raval, dans un appartement plein à ras bord de trucs, de choses, de machins, où le cabinet de toilette tient de l’antichambre des courants d’air. Il faut patienter sur l’eau chaude, un œil sur la jauge du chauffe-eau. Le susmentionné cabinet et fort providentiellement pourvu d’un canapé faux Louis XVI où s’installer le temps que l’eau soit prête.
Ce matin, histoire de tuer le temps, ayant tout juste risqué un brossage de dents à l’eau froide, je me suis souvenu d’une certaine banquette Biedermeier, des petites confessions auxquelles ce genre de meuble invite … Rien à déclarer, un peu de fatigue, à peine la marque d’une légère amertume et cette certitude d’être dans le juste, dans le vrai alors que tout nous pousse au vain. Je n’ai pas de fabuleuses révélations ni de boniments de gourou à livrer. A peine quelques certitudes douloureuses et la conviction que tout finira forcément bien, et d’autant plus vite si chacun fait son « devoir », son travail, ce pour quoi il fait … Moi ? mais c’est éduquer mon lectorat !

mercredi, février 06, 2008

Berlin bis


Café Reza, pas loin du Bério, un verre de Chardonnay, ça va mieux ! Non pas que je sois alcoolique mais les aveux précédents suivis d'une séance d'achat au "Kaiser" voisin m'ont remis dans mon orbite naturelle, dans ma logique. Ich bin wieder der kleiner Berliner aus Waadtland, froh und sexy, und geil, und so weiter. Je sens le temps couler à grosses gouttes denses, riches, quasi luxueuse. J'ai traversé la moitié de l'Europe pour me dire des choses sur banquette Bidermeier. J'ai couru une journée entière de Lausanne à Berlin, afin de laisser glisser le jour derrière un verre de Chardonnay, faire l'achat d'un paquet de thé, d'une brosse à cheveux et longuement hésiter sur la paire de basket à porter !

lundi, février 04, 2008

Séjour berlinois 01.02.08 - 03.02.08


Fuir, fuir ... mon stylo fuit, saloperie de trolley volant qui me les bousille tous les uns après les autres. Accessoirement, j'ai fui la pauvre Lausanne mais je n'arrive pas à être en joie ... Aurais-je quelques scrupules à planter tout et tout le monde avec une régularité métronomique. Il en va ainsi comme de la nature des oiseaux migrateurs. Et merde, avez-vous jamais essayé de vous contraindre à ce qui offusque votre vraie nature ? Oui ! Ne me reste qu'à vous souhaiter un joyeux cancer, un bel anévrisme, attaque cardiaque ou autres maladies auto-immunes. Je vous conseille, en sus un épitaphe de circonstance : "Il sut se sacrifier ... et accessoirement faire payer son mal-être à ses proches, ses collaborateurs, son poisson rouge, etc." Ça me rappelle l'histoire pathétique de mon arrière-grand-oncle, Louis*** d'Aubonne, clerc de notaire, officier de la brigade de pompier, un homme nanti et très respecté même s'il refusa un menu prêt à sa nièce - ma grand-mère - et même s'il laissait croupir ses vieux parents dans un rez-de-chaussée sombre et sordide à côté du boiton, avec le poulailler en annexe. Cet homme devait être gay. Les pompiers et les jeunes saisonniers italiens lui offraient suffisamment de possibilités pour qu'il vécût à peu près bien son homosexualité. Jusqu'à ce que la morale protestante, la notion du péché et la dépression ne le rattrapent. Il se suicida d'une balle dans la tête vers soixante-dix ans. Il avait, de plus, un neveu dont l'épouse, fille de cordonnier italien, fit les frais de sa xénophobie bon teint (il ne la saluait pas lorsqu'il la rencontrait dans le village). En dépit de l'attitude de sa belle-famille, elle soigna son époux et le reste de la fratrie jusqu'au tréfonds du grand âge et de l'alcoolisme.
Voici donc ma justification péquenaude vaudoise bon-teint. Ma grand-mère naquit d'une relation illégitime. Sa mère se résolut à l'abandonner à son frère, le clerc de notaire, qu'il l'élève, et ce contre sa part d'héritage. La famille *** possédaient de nombreuses vignes, bien exposées, et des biens immobiliers ... Le clerc de notaire, sitôt sa soeur disparue de l'autre côté de la frontière, mit sa nièce en orphelinat. Dès que l'enfant fut en âge de travailler, on la plaça. C'est à dire qu'elle devint dès dix ans une esclave domestique au service de cette engeance de cul-terreux, le genre ***, Ramuz et compagnie. Je tiens de ma grand-mère mon amour des villes, surtout les grandes villes et ma détestation du terroir et de la paysannerie profiteuse. Les chats ne font décidément pas de chiens. Et c'est pourquoi je fuis à Berlin. Cela me permet aussi d'y voir plus clair dans ma généalogie, mes rapports à la pauvre Lausanne, aux ayatollahs vaudois, aux bien-pensants de tout bord et faire mon métier d'auteur, de critique social.




jeudi, janvier 31, 2008

Un meuble noiraud


Retour à des pratiques qui me semblent anciennes ... pour un nostalgique professionnel rien de plus normal. Je passe mon temps à replacer, remettre, retrouver ... Le mythe s'est vite tricoté, en à peine quelques mois et je reviens sans cesse à cette position alors que rien ne m'y retiendrait. Il y a bien mon travail d'essayiste que je poursuis à travers "En attendant ...", un petit air de "Par Défaut" dont le manuscrit fait nombre parmi d'autres, le secrétaire Tudor peinturluré en noir, retouché au feutre, aux portes légèrement disjointes avec sa galerie encombrée de jolies choses auxquelles je ne tiens pas ! Et, vous vous en doutez, le meuble a son histoire, porte son poids de vécu. Comme pour le reste du mobilier, je me dis que je devrais ... enfin ... j'hésite ... et finis par ne rien faire.

Je ne cherche pas de "retour de flamme" particulier dans cette vie, ma situation ... Lausanne, le Pays de Vaud, la Suisse et tout le toutim. En fait, cela m'importe autant que le secrétaire Tudor (une copie évidemment). Rien de tout cela ne compte. Je pourrais empiler mes manuscrits n'importe où ailleurs, un buffet Henri II par exemple, voilà qui aurait de la gueule ! Etre écrivain à Berlin et conserver mes manuscrits dans un buffet - à dressoir s'il vous plaît - Henri II. Je pourrais aussi bien déposer mon tas de papelards au fond d'un placard, un p'tit appartement à Barcelone ou Madrid, ou dans un buffet sixties' dans un séjour zürichois.

Et par pitié, pas de confession, non, je vous ai, en mon temps, suffisamment abreuvé de "larmoyeries" avec cet enfoiré de Wunderprinz viennois qui n'avait rien de si charmant. L'amour est une chose simple et évidente, ce n'est finalement pas plus compliqué que de choisir un paire de chaussettes le matin. Il suffit de ne pas donner dans un genre trop original. Il suffit de rencontrer la bonne personne, celle qui s'offre à vous, qui s'inquiète sans étouffer, qui s'impose sans occuper quasi militairement votre espace. De toute manière, je ne suis pas très doué dans le récit des amours heureuses et épanouies. Plaisant à vivre mais si emmerdant à raconter.

mercredi, janvier 16, 2008

Form und Stoff


On pourrait en rester à l’anecdote de la pluie ruisselant sur un pare-brise, le jour trouble d’un matin de janvier et la salissure du quotidien usant, la « vie normale » comme ils disent ; j’entends les médiocres, champions de la caducité, hérauts de la banalité. Ils règnent et prétendent … tant de chose : tout leur serait dû ! Des noms ? On ne va fâcher personne … Jusqu’à nos toxicomanes sont caricaturaux.
Il y a quelques jours de cela, nous parlions avec une collègue fort avisée de « Derrick ». La dureté des rapports interindividuels l’a frappée ; la série tient moins du « crimi » que de la tragédie. Qualifiée de vieillotte (statisme des comédiens et lenteur des mouvements de caméra), cette fiction nous en apprend certainement plus sur l’âme allemande de la fin du vingtième siècle qu’une anthologie de la sociologie contemporaine germanique. Ici, il n’y a rien de caricatural, le stéréotype a valeur d’allégorie.
A l’opposé, mon pauvre, pauvre, pauvre pays de Bœuf – comme je le nomme sans affection – fait figure de pochade avec les petites vanités de ses politiques qui ne se tiennent plus quand une télé leur propose d’apparaître ; bien mal en a pris à l’un de nos ministres. M. Jourdain en prime time ! et le brave homme assure ne s’être livré qu’à une reconstitution … Ah, voilà, le premier magistrat s’amuse donc pour une chaîne privée, étrangère et un tantinet « poubelle » à mal jouer son propre rôle, à en dire trop, à se faire épingler pour la maladresse de ses propos par ses opposants politiques et finit par crier au complot. L’incident est clos … ne laissant que le parfum léger de la médiocrité et l’ombre de l’incompétence.
Il serait disproportionné de haïr ce petit monde, ce serait en faire trop grand cas. Il faut prendre son mal en patience, se tourner vers Berlin, Zürich ou Barcelone et tenir haut le pavillon de la liberté d’expression … Nos bovidés en chef n’osent pas même l’acte d’autorité vertical, la censure dans toute sa pompe absolutiste. Ils se penchent sur des dictionnaires, soupèsent un mot, un autre, sortent un centimètre, mesurent et se prennent à exiger des changements de virgules, se croient très fins dans un jeu de chantage social …
On ne pérennise pas un pays, on ne rend pas heureux un peuple en se la jouant « clochemerlesque ». La radicalisation des rapports sociaux n’est pas qu’une variable dépendant du pouvoir d’achat. La violence est une réponse à l’anecdote, mauvaise soit mais tout le monde n’a pas un horizon lointain à fixer histoire d’ignorer le style « gag plat » qui a envahi tout le champ social. Depuis quand ce pays n’a plus offert aux citoyens un projet ou même un leader digne de l’intérêt public ?

lundi, décembre 31, 2007

Mon oeuvre, mon homme et ma paroisse


Des voeux !? Sacrifier à ces traditions d'une banale cordialité n'est pas vraiment dans le genre de la maison ... Je n'ai du reste pas l'impression que l'année s'est terminée; le chantier est immense et ce qui a été entrepris dès début 2007 verra un aboutissement d'ici - au moins - une dizaine d'années. Je regarde pourtant le Neujahrskonzert, une très ancienne habitude qui me renvoie à ces 1er janvier passés chez mes grands-parents, jarrets de veau au menu, et tout l'ennui familial rehaussé de quelques dorures télévisuelles ... Chère Vienne de mes amours contrariées, c'était le Nouvel An 2006 à Berlin, mon Märchenprinz viennois qui ne se racontait apparemment pas le même conte que moi. Chère Vienne moussue que je laisse à son lichen et à son apparat de circonstance. Je n'ai pas le temps de m'appesantir sur la célébration d'un passé obsolète, mon oeuvre m'attend, et deux ou trois combats dont je ne ferai pas l'économie.

Je me retrouve en cette nouvelle année avec des obligations littéraires, engagé sentimentalement et attaché à ma paroisse ! Je dois vieillir, ou manquer d'imagination ou m'être trompé de modèle ... Il n'y a rien à regretter, certes non, mais je ne peux me résoudre à oublier la page blanche de tous les possibles, cette espèce de "virginité" symbolique doublée de la toute puissance de pouvoir choisir la direction à donner aux choses. Il y a aussi la tentation du mot de trop, celui qui fera tiquer ou réagir ... Celui qui déclenchera les "événements" et imposera la primauté du verbe sur tout le reste. Ce peut aussi être le petit mot anecdotique et savoureux qui fera mouche, ou même la parole affectueuse. Et surtout, dans cette dimension-là, il n'est pas nécessaire de suivre une chronologie trop contraignante, on peut étendre une période donnée à l'infini et cultiver des atmosphères hors de saison.

Rien à déclarer pour 2008 ! Ah, si pitié, laissez-moi sortir, je n'ai pas envie de passer le reste de ma vie dans le petit univers sympathique et chaleureux façon roman provincial qui sent l'ail, les produits du terroir, "y'en a point comme nous" et toutes ces vilaines salades. Soit, je suis quasi "marié", boursier d'Etat par rapport à mon activité littéraire et ma foi catholique trouve à s'exprimer dans la paroisse Saint-Joseph mais moi ce n'est pas cette rondeur sympathique de l'homme "un peu" public qui a de l'accent pour dire des choses plates et rassurantes. Non et non, dans le fond il y a toujours la "pétasse" hautaine qui n'a pas de problème à regarder son monde de haut (hé, oui, une majorité de mes concitoyens et plus petite que moi) lorsqu'il lui glisse une vacherie bien tournée. Un peu de piquant dans le papet ! ça vous réveillera les papilles. Et allez voir ailleurs pour des bons voeux de Nouvel An.


vendredi, décembre 21, 2007

Discrétion de mise


La question fondamentale, la bonne vieille question de l'utilité du "blog", de cet "épanchement sentimentalo-exhibitionniste" selon les détracteurs du genre, cette question revient à chaque fois que je "prends le clavier". Je ne vais pas me mentir : on m'a sali le blog, on ... Il faut mêler la malveillance à la bêtise pour ne pas comprendre l'intérêt de la chose. On trouve de tout sur le net évidemment, le tri est nécessaire entre les blogs à l'orthographe approximative d'ados boutonneux ou les atermoiements de vieilles filles trop seules ou de messieurs taquinant la muse ! Et je ne parle pas de la fausse ingénuité des animaux politiques qui veulent faire "dans le coup" ou des petits trucages de la presse poubelle-gratuite. Le dernier pseudo-scoop en date, un inconnu avait inscrit les sept conseillers fédéraux à Face-Book, le gratuit-poubelle a mené l'enquête et, par miracle, retrouvé l'inconnu ! Quel talent et quelle esbroufe, 20 Minutes prend vraiment ses lecteurs pour des canards sauvages. Je n'aurai même jamais osé un coup pareil, un pote-complice, le coup du Face-Book et la pseudo enquête ...

Le blog, ce lien privilégié entre un "écrivant" et ses lecteurs, appelle des règles de pudeur et de discrétion. Soit, tout le monde passe au cabinet pour s'y "délasser", il s'agit d'une réalité physiologique et pas d'un secret d'Etat. Il n'est toutefois pas nécessaire de bruiter de manière sonore des flatulences à chaque fois que quelqu'un se glisse discrètement vers les lieux d'aisance. Il n'y a ni prosélytisme, ni scoop, ni croisade. Il n'y aucun enjeu, toute cette publicité vulgaire n'est qu'un manque de tact. La métaphore peut sembler choquante mais le blog est le produit de la digestion symbolique de nourritures intellectuelles; l'expérience est faite pour être partagée non pas offerte à la vindicte publique après avoir été galvaudée par les ayatollahs de la morale. Un propos intime ne supporte pas l'exposition prolongée. On retrouve l'esprit délateur d'une bourgeoisie dominante et complexée, souffrant elle-même de règles de conduite trop strictes et interdisant à ceux qui ne voudraient pas s'y soumettre d'inventer une alternative. Raccourcis et conclusions hâtives sont souhaités voire obligatoires.

Cela faisait bien longtemps, mon lecteur, que je n'avais pensé à toi dans les termes simples de celui avec qui je partage quelques instants, comme une conversation de boudoir, revenir en "mine de rien" sur une année riche en coups de théâtre et en émotions. Je préférais - évidemment - l'époque bienheureuse quand nous étions sûrs de ne pas être épiés mais qu'importe. On n'est pas prêt de me faire taire, on n'est pas prêt de nous séparer ! Tu auras reconnu dans ce "on" une tournure ramuzienne, un usage faussement simple et rural, le "nous" de la puissance complexée de l'Etat de Vaud, cher pays que je porte quasiment en moi. Je t'écris de mon lit, comme il se doit, dans mon vieil appartement, des vêtements épars sur la bergère de satin brun, du linge dans la salle de bains, une tasse sur la table de la cuisine, des livres un peu partout et des notes de cours. Mon cher lecteur, je t'ai un peu négligé, je ne t'ai pas oublié, j'ai donné de mon temps à mes élèves, et Gayromandie, et les travaux de retouche, la préparation de la publication de "La Dignité", le fameux texte par lequel le scandale est arrivé, et encore ma présidence à la tête de l'Association Vaudoise des Ecrivains, et mon année jubilaire !

Te souvient-il, mon lecteur, lorsque je te parlais de la vie réglée de Thomas Mann, le grand modèle qui en toute circonstance n'a jamais dévié de sa trajectoire d'homme de lettres, jusqu'à refouler son homosexualité. Je crois, parfois, toucher à cet idéal. Je n'ai pas encore les coudées aussi franches mais je sais que rien ne viendra infléchir ma volonté à construire une oeuvre. Je ne suis plus seul dans cette tâche et je ne compte pas travestir ma sexualité. Je l'assume et la porte jusqu'à l'Eglise en compagnie de Cr. Il a en tête de faire monter ma pièce "L'Autre, comédie métaphysique". J'apprends donc cette vie plus "assise", plus réglée et confortable que celle que j'ai menée jusqu'à présent. Je n'écris plus pour un mais pour deux, pense pour deux et suis même tenté de concevoir une nouvelle sphère familiale.

samedi, décembre 01, 2007

Poésie versus engagement


Il y a toujours cette vue sublime, le lac, les Alpes, une toile de Hodler en dépit du dépotoir architectural qui s'étale juste au-dessous, plus de cinquante ans d'urbanisme lausannois déficient et mal-inspiré. Il suffirait de raconter le ciel au coucher, tout à l'ouest, alors que la crête du Jura se découpe avec précision et que le cordon de l'avenue de Morges s'embrase, éclairage public et circulation. Il suffirait de raconter cela, les infimes modifications de ce tableau, à travers les saisons pour avoir touché ... à l'essentiel. Toutefois, le temps n'est plus aux pâmoisons pré-romantiques ni à la contemplation. Sous divers prétextes (de l'inutilité à la bienséance, à l'hygiène, la prévention de tout ce que vous voulez), des ayatollahs masqués exigent çà et là une limitation de la liberté d'expression. Il n'est donc plus temps de pleurer sous des clairs de lune !

Le dernier exemple en date : un édile cantonal ne supporte pas de voir son action critiquée dans un blog, mal écrit soit, mais en rien ordurier ni calomniateur. Faut-il rappeler au potentat politique que son action est publique, que leur personne est publique et que, donc, ils est normal d'être en butte à une critique publique. L'Etat de Vaud réclamerait la fermeture du blog ! De quel droit ? Cela n'est pas sans rappeler des méthodes "stasiesques", l'instauration d'une conspiration du silence afin de ne pas déranger le récit de la petite histoire du gentil petit pays "Y'en a point comme nous". Nous - citoyens d'adoption, de fraîche date ou de souche ancestrale - qu'avons-nous à gagner dans l'entretien de ce conte ? L'incompétence n'est pas rédhibitoire, un faux pas reste toujours excusable mais la censure d'état n'est pas acceptable. Dans le camp des magistrats, on se gargarise avec le "devoir de réserve" ? J'estime, et mes confrères auteurs aussi, que le bon fonctionnement de l'Etat est l'affaire des citoyens, qu'une plainte, ou que le mécontentement d'un service entier, est toujours recevable. A condition, soit, de ne pas dénigrer, insulter ou salir l'honneur du magistrat en cause.

Cette affaire n'est pas sans rappeler l'attitude d'un autre édile, qui lui se mure dans le silence et fait mine de ne pas avoir reçu les doléances de syndicats, preuve à l'appui, et ose clamer son incompréhension par voie de presse ! Cette dernière n'a pas les coudées franches, soit, les journaux sont nombreux en Suisse et particulièrement en terre romande. La survie de chacun dépend du bon fonctionnement du consensus, histoire que tout le monde s'y retrouve, une sorte de gentlemen agreement qui interdit les éclats sains d'un "Canard enchaîné". Pourtant, les journalistes, sans rompre les subtiles règles de cet équilibre, trouvent tout de même le moyen de faire leur travail, citent des faits, des noms. Il est donc permis d'espérer.

L'horizon s'est refermé, il pleut, le lac, les montagnes, le ciel ... Une toile grise, sale, accordée aux façades détrempées, sans grâce. Jusqu'à la saison nous engage donc à des préoccupations plus politiques.

lundi, novembre 12, 2007

De la légerté, du tulle et d'autres blancheurs


Il est des lits profonds comme ceux des nababs, frais comme la couche d'une sainte et aussi voluptueux que le baiser des nuages. Il est des souverains qui ont perdu leur couronne mais pas leur port de tête, des splendeurs disparues qui brillent encore par la seule grâce de l'émoi de vierges et de martyrs. Il faut vous raconter le coucher, la ligne d'horizon sur le lac, aussi précise qu'un trait de rimmel au bord d'un regard trop bleu. Il faut vous redire les promesses qu'on a prétendues vaines, ce genre de "on" qui parle à tort et à travers chez Ramuz et parmi la politique locale. Il est parfois bon aussi de ne pas être trop pointilleux sur la "pureté" de la culture, et laisser de la place à l'émotion, de celle qui s'offre à vous à travers un écran : chat, télé ou numérique.

Jusqu'à cette poésie instantanée à la manière d'un café soluble ou d'une lingette quelconque ... Et "on" voudrait nous salir tout cela, nous le rendre odieux, nous en priver, nous l'interdire si ça ne suffit pas ! Allez voir, à l'heure de ce fameux couchant, un échangeur autoroutier, le ballet de lucioles de tous ces quinquets automobiles qui s'allument timidement ... Il s'en dégage une sorte de lassitude, coule le miel invisible de tous ces quotidiens envoiturés sur fond d'alpes ou de jura. Et le flot diminue jusqu'à se tarir...

Ce sont mille vécus d'auteurs qui résonnent à notre esprit, que leur oeuvre nous soit connue ou non. Leurs mots ont traversé le papier, ont coulé hors des bibliothèques jusqu'à imbiber nos vies. "On" nous dit que c'est sale, "on" nous dit que c'est une pollution, "on" veut nous en laver. Il en reste toujours quelque chose, même après une bonne friction forcée ... Il en reste toujours assez pour inspirer la culture dite "populaire" et ouvrir des horizons là où le ciel est encore plus bas qu'un lundi matin d'hiver, six heures, stratus et crachin laborieux. Le verbe et sa mystique nous sauverons.

jeudi, octobre 25, 2007

La plage en novembre



Il faut passer au-dessus de ce léger sentiment de captation, temps volé, contrainte et autre, sans oublier la politesse des formules impersonnelles, à peine péremptoire, lisse, un peu froide ... Reprendre les si bonnes habitudes de la confidence inopinée, du mot - oups - de trop, j'en ai bien le droit, je suis un auteur !
L'écriture n'est pas qu'un viatique administré à l'âme crevant de souvenirs; elle est un geste leste comme un coup de rein, calculée et innée comme le bond d'un félidé, savoureuse et délassante comme un bâillement. Je l'associe à ma "pérégrinite" chronique qui, lorsque je n'ai pas visité telle ou telle ville, me projette des vues, des promenades, des situations données comme autant d'appels hypnotiques. Je ferai mieux de parler de fuite, d'une sorte de psychose qui me fait fuir "le pays" afin d'en supporter le séjour. Je peux cracher dans la soupe -surtout quand elle est plate - je suis un auteur, j'en ai le droit, voire le devoir. Je dois tendre ce fameux miroir à mes contemporains trop habitués à se mirer dans celui aux alouettes, un cadeau de la classe politique cantonale dévoyée.
Mon Dieu, ce blog, mon année jubilaire (dix ans de baptême catholique, cinq de confirmation), la reconnaissance officielle de mon travail (la bourse à l'écriture), le chantier de mon portail gay, le projet du parti de la Dignité, le mobing, mon affaire, mes presque six semaines à Berlin, les petites vexations que m'a imposées l'administration vaudoise, et je n'oublie pas C. ni des lectures fondamentales telle que celle du "Meilleur des mondes" de Aldous Huxley, ni mon élection à la présidence de l'Association Vaudoise des Écrivains. L'année pourrait s'arrêter demain, j'ai rempli 2007 au-delà de la mesure et la mue n'est pas terminée.
Il y a une année de cela, je vivais dans le ralenti contemplatif d'une convalescence, les suites d'un burn-out, le collège de C. patelin vaudois où vécut Mme de S., nymphomane ennemie du peuple et fille d'un prévaricateur de l'Ancien Régime, tout le charme discret du délit d'initié qui vous permet de vous construire un château à léguer à sa littérateuse de fille. J'aurais dû me méfier et ne pas me compromettre dans ce village de peu de morale, berk. Qu'il est regrettable que Bonaparte n'ait pas réglé son sort à la grosse (la dame lettrée et nymphomane n'était à tout point de vue pas très fine). Ah, on va encore s'exclamer que j'ai un avis ! et oui, et de la jugeote aussi, assortie de suffisamment de répartie pour emporter le suffrage de mes élèves.
Et parmi le flot de mes affaires diverses, entre les programmes d'histoire et de français, l'ordre du jour du prochain comité de l'AVE, les manuscrits, les contacts avec les éditeurs, et l'affection de C., je ne peux m'empêcher de penser à ma prochaine escapade barcelonaise. Respirer, oui, respirer avec cette note poignante mi-larme, mi-sang dans les narines, le vrai parfum de l'émotion, le mélange détonnant de l'ailleurs, du souvenir, de la commémoration et de la liberté pour une quarantaine d'heures, un week-end que je ne perdrai pas à Lausanne.

lundi, octobre 08, 2007

En bonne voie


J'en avais presque oublié le chemin ... Il faut dire que j'ai passé une semaine chez Ch., dans son charmant rez-de-chaussée un peu frais mais tranquille, une semaine libéré de mes chaînes internautiques, du téléphone et du brouhaha télévisuel. Il y avait le silence de la nuit, le tambourinement de la pluie sur le feuillage des arbres de la cour, Chopin, Saint-Saens, Rameau et David Foenkinos, un jeune auteur divertissant qui, avec "Le Potentiel érotique de ma femme", a commis une sorte de double inversé au terrible "Mars" de Fritz Zorn. J'avais emmené ce second dans mon périple, de la prospection professionnelle en terre germanique, retrouver un peu de cette culture subtile, carrée et réconfortante pour une semaine de paix, une manière de renouer avec mon séjour estival de près de six semaines ... La prospection est tombée - un peu - à plat; au lendemain de mon arrivée, un établissement scolaire lausannois me téléphonait pour me confirmer un remplacement de longue durée, français et histoire, avec des classes en voie baccalauréat.
J'en avais presque oublié le chemin, ce blog, mon intimité avec mes lecteurs, même les plus mal-intentionnés, de ceux qui, au hasard, me lisent depuis le petit village vaudois de C., où vécut Mme de S. Ils sont mes contempteurs, pour dire plus exactement, mais le terme a trop de superbe, c'est faire trop d'honneur à ces miséreux de l'esprit, ces pauvrets "myope des yeux, myope du coeur, myope du cul" comme dirait Katia, le travello du "Père Noël est une ordure". J'ajouterai avec une pointe d'orgueil - pour la gouverne de ces braves gens - que mes pairs m'ont démocratiquement élu ce samedi à la présidence de l'Association Vaudoise des Ecrivains, une docte assemblée fondée, entre autres, par Ramuz, dont Pierre-Yves Lador, Jean-Michel Olivier et bien d'autres auteurs sont membres aujourd'hui. Il se trouve que le canton n'a pas encore totalement sombré dans la médiocrité évangélique ou l'extrémisme unifié démocratique et central. Il se trouve que je ne suis, Dieu merci, pas un homme de lettres perdu au milieu d'un désert social et que d'autres comptent sur mon énergie (et ma colère aussi) pour relever l'étendard de la liberté de penser, de vivre et d'être ...
J'en avais presque oublié le chemin, la confession tardive, les petits rien sensibles que l'on a envie de faire partager. Je ne suis pas seul ce soir, il y a Cr. endormi à côté de moi ... Il ne se retourne même pas, la lumière de l'écran ne semble pas le déranger; c'est un garçon patient et délicat, parfois un peu sauvage qui ne se laisse pas démonter par les piles de livres qui encombrent le passage, les nombreux articles qui me retiennent derrière le clavier, l'évocation des projets, mes gérémiades contre truc pour sa prise de position, contre bidule qui ne donne pas suite au nom des éditions chose, contre machin qui depuis la forteresse de son administration n'a toujours pas obtempéré ... Je crois qu'il est amusé. En quelques semaines, sans grand discours, il m'est devenu le soutien le plus solide ... Il ne bronche même pas lorsque je m' "enfuis" ici ou là pour quelques jours; il s'arrange simplement pour passer me prendre à la gare à l'heure de mon retour.




mardi, septembre 25, 2007

Pas plus de 25 ans


Petite pluie comme au joli temps de l'innocence internautique, quand il ne fallait pas traîner truc, chose et machin, et machin-chose de l'autre côté de l'écran. Ni mieux ni pire, tout est juste différent à part le délicieux bruit des pneumatiques d'une voiture solitaire dans la rue ... A tout bien considérer, je suis un indécrottable passéiste. C'est ainsi que je retourne aux "bonnes vieilles" séries allemandes parce qu'elles me racontent une logique, un monde disparu; le crime y a toujours quelque chose de noble, si loin, bien loin de la mauvaise compagnie des mois passés. Les impers, par exemple, dans ces séries, ont un je ne sais quoi de fabuleux, on dirait des capotes militaires rendues à la vie civile et tout empesées des horreurs de la guerre. Cette fameuse, la seconde, il a tant fallu batailler pour la faire un peu oublier et aujourd'hui elle est une sorte d'anecdote bravache, un temps béni où on faisait "bien"; on vient de réhabiliter Staline ...
J'entends le temps, je l'entends s'égrener, s'égoutter, glisser ... J'entends son échos ancien, les veillées, la littérature, la bonne télévision et j'ai vingt-cinq ans. Comme les non-héros de mon autofiction, j'ai vingt-cinq ans, je les aurais toujours, trente-deux peut-être d'ici quinze ans. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont mes jeunes amants de vingt ans, ça les rassure et ça me flatte ! C. n'est pas plus âgée, l'air de Berlin conserve, le feu de la bataille et les confidences nocturnes, la gourmandise, la mignardise, l'aimable confiserie dispensée avec grande parcimonie sur les conseils de mon éditeur, de mon agent, de mon délégué syndical et de quelques autres. Il paraît qu'à vingt-cinq ans, on a mieux à faire : jouer à Thomas Mann par exemple ou promener le Greg, le vieux cocker de Cr., un animal agréable, obéissant qui aime se rouler sur la carpette devant le lit avec contentement. Je ne regrette pas même que le Greg ne soit pas un grand caniche (le chien du grand Thomas lorsqu'il vivait en Californie). A vingt-cinq ans, on commence à se choisir un état - c'est fait - et on entre en relation avec les bonnes personnes - c'est aussi fait.
Je n'ai pas vu filer 2007, une saison inégale, un rien tourmentée avec de belles éclaircies. Il faudra que je retourne voir la mer en novembre et que je garnisse un arbre pour Noël, quoiqu'il arrive, parce que dans mon monde, on aime la Méditerranée hors saison et les fêtes de famille à connotation religieuse. Parmi les gens de bonne compagnie, on laisse passer le populisme, la vulgarité, l'irréligion et quelques autres vices des gens dits de pouvoir. Quand on a vingt-cinq, on regarde avec pitié ces jeunes vieux s'agiter mais on a déjà suffisamment de bon sens et encore assez de hargne pour ne pas tomber dans une indifférence molle et charitable. Les jeunes vieux et les vieux vieux disent que cela passera avec l'âge mais cela fait déjà plus de douze ans qu'ils déchantent.

dimanche, septembre 09, 2007

Samedi soir


J'observe les murs jaunis, renversé sur le lit, les objets, le satin fatigué du fauteuil, les tableaux aux murs comme si je les découvrais... Il suffirait de choisir ? Rien ne vaut le silence, à peine traversé par le battement d'une horloge, tout le familier charmant, les menus détails qui témoignent si bien de l'intimité. Je ne parle pas de ce genre papier-glacé-catologue-Ikéa-Maison&Jardin-Elle-Déco-pouffe-pédé-mode. Je pense à l'appartement de ma grand-mère, le mien y ressemble : deux pièces, des rituels domestiques et parfois un murmure ou le coup de fil à un proche. Il y a cette normalité assoupie, la douceur du temps accumulé.
Je reviens de la réunion du comité des Archives Gaies de Suisse. N'en déplaise aux culs pincés et à l'hypocrisie homophobe, dans ce pays on honore et respecte aussi la culture gay. On étudie même, décortique et met à jour les mécanismes de domination morale petit-bourgeois à travers les études de genre. Il ne s'agit pas de choisir entre "gayland" et l'appartement de grand-maman ... Des forces réactionnaires et irrationnelles sont à l'oeuvre, aussi verbeux que l'expression puisse paraître. Nous (je+communauté gay+autres minorités) ne pourrons pas faire l'économie d'un combat ... d'une lutte d'opinion, il va sans dire. Alors que j'écris ces lignes, je me souviens d'un certain sourire satisfait, mauvaise denture, vieille face chiffonnée, un très léger défaut de prononciation, des cheveux un peu trop rares et ce mauvais rinçage des salons de coiffure de province qui moire de mauve les cheveux gris. L'animal se reconnaîtra s'il me lit. Il fera mine de ne pas comprendre, prendra pour lui-même des airs faussement désolés et ne pourra s'empêcher de rester confusément inquiété.
Il a raison d'être inquiet car, "Monsieur, là où votre nom finit, le mien commence !" dixit Voltaire. Il y aura toujours des carrelages à damiers familiers et rassurants dans de discrètes entrées de service, il y aura toujours la puissance disproportionnée de la musique de Wagner mais pas de répit pour les pense-menus réactionnaires. Accessoirement, j'ai appris que ce pauvre Henri Guisan, notre général, était l'otage de son état major. Ce n'était apparemment qu'une pauvre coquille vide souffrant de Parkinson, nommé au commandement suprême en raison même de sa vulnérabilité. Faudrait-il y voir une généralité ?

dimanche, septembre 02, 2007

Les oubliés, les disparus et les autres



Une fois de plus, je reste subjugué par le ciel immense qui se déploie depuis mes fenêtres, de ce couchant qui n'en finit pas, de la moire du lac, de l'embrasement des crêtes du Jura, l'ouest vers lequel file immanquablement le jour. Il y a peu, je parlais de la vue que l'on a depuis le pont Chauderon, ce fameux couchant, le même dégagement, le même feu, la même fascination que sur le "Warschauer Brücke". Je poursuivis le parallèle et, puisque l'angle de vue est le même, à la même heure, Berlin se trouve dans cette direction et j'indiquai l'ouest ... P. se mit à rire, en corrigeant que Berlin se trouvait de l'autre côté... Depuis le pont Chauderon, je ne regarde pas Berlin, Berlin m'observe, c'est un révolution copernicienne. En quoi le théâtre de la vie lausannoise pourrait intéresser Berlin ... ma Berlin, que mon dernier séjour me manque. Je viens de recevoir un courriel de C., elle me l'aura envoyé depuis l'internet café Treffpunkt 6, sur la Weitlingstrasse. J'ai l'impression qu'il s'est passé trois mois déjà ...
Les "grandes manoeuvres" m'ennuient, la mise au point de stratégies, les tractations discrètes voire mêmes secrètes me laissent interdit et abasourdi. Il y a aussi la gestion du portail, le média internet gay leader en terre romande et ... Eric de Montmollin, connaissez-vous cet auteur ? Il fête cette année ses cent ans. Il écrivit sur la Chine, il y vécut, y enseigna. Cet homme, comme le disait un peu pompeusement l'un de mes camarades du comité, " ... a donné plus de quarante ans de sa vie à l'association vaudoise des écrivains", il en tint la présidence et je n'avais jamais entendu son nom, ni lu une ligne de son oeuvre, je vais pallier à ce manque demain, j'irai travailler un peu au Palais de Rumine, la salle de lecture et les quotidiens internationaux sur la galerie de gauche.
Cr. est endormi sur le canapé du séjour, derrière moi, je travaille installé au secrétaire. Je viens de mettre de l'ordre dans les fichiers photographiques : Bernau, Rostock, Berlin, l'appartement de J. à Berlin, Lichtenberg et tout ce que je pus faire durant mon séjour. Tant de riens, les promenades, le temps qui passait, Chopin dans la grande salle chez C., la lecture de Walser (un autre oublié), "Die Geschwister Tanner" fut du reste écrit à Berlin ... Je pourrais partir demain, retrouver ces ombres plutôt que me laisser disperser par la médiocre agitation de la "scène lausannoise".

samedi, août 25, 2007

Graffiti


A l'époque quand les femmes portaient du rouge-à-lèvres trop rouge et trop parfumé, il y avait des p'tits marlous rockers avec des écharpes écossaises autour du cou. On ne savait pas encore la suite, on ne connaissait rien d'un certain cancer de la prostate. Les après-midis finissaient dans le chocolat froid, des couchers automnaux infinis et des certitudes tout aussi confuses que les lendemains. Des murs et des rideaux sont tombés, la perfide Maggie en a fait la gueule et l'amour se trouvait au coin de la jungle, après la voie du chariot.
Encore ... et toujours vingt ans, parce que le chiffre est rond et qu'il n'y avait, encore, pas de disparus. La vie était plus facile à porter; on courait à travers avec l'aisance d'un chien fou et l'avenir comme un vaste salon, profonde moquette beige, TGV, Paris, Catherine et Jean-Paul. Victoires et galeries Vivienne ! Pour Catherine, il faut dire Catheriiiine en se pâmant à demi. Depuis, on a bien été trompé. Le confort des colonies, les soirées de juillet et la revue de minuit sont passés au passé. Les Champs by night, le bras royal sur la portière arrière, glace baissée, l'après était encore digne de l'avant sur les flans du vallon.
Je suis indéniablement un homme du siècle passé mais d'un siècle qui croyait en l'avenir. Je garde donc une longueur d'avance ... Il serait si facile de sombrer dans le geignard. Il ne faut pas cesser de croire à l'arrivée de calmes héros qui, mine de rien, viendront sauver une certaine idée de l'avenir, de la société, de la démocratie dans le parfum léger de l'adoucissant, un peu de circulation, sur fond de clochers sonnant midi.

mercredi, août 22, 2007

Travail de bureau


Au risque de tout perdre, je préfère rédiger mes messages directement en ligne, en mode brouillon soit, mais à la merci du premier couac electrico-informatico-internautique; la communication serait coupée et le texte perdu ! Je n'ai jamais eu peur de ce genre de "risques", cela fait partie du métier ... L'autre soir, j'ai pris un verre avec P.M., mon éditeur. Il me disait avec satisfaction "être devenu" un auteur à part entière : il a récemment reçu des insultes (anonymes, il va sans dire). Il a pensé à moi, à mes pauvres contempteurs, et aux autorités dont je dépendais, qui "se mordaient la queue" en quelque sorte; la même administration capable d'un côté de reconnaître mon travail et, de l'autre, de m'en faire grief ! Fabuleux, soviétique, kafkaïen, walsérien, helvétique, très vaudois !
Dieu que je connais cette terre, et trop bien ... Je la voudrais un rien plus surprenante, je me dis paresseusement qu'il adviendra forcément quelque chose, qu'un Bonaparte local se lèvera et je le suivrai, ou une vraie cause, un projet fou et fantastique, un rien inutile et très subtil à la fois; on viendrait alors me demander d'y participer, forcément ... Rien. Et toujours ce panorama à la Hodler, le lac, les nuages ineffables, le bruit de la ville, le vent sur la campagne, jusqu'au donjon du château de Vufflens que j'aperçois sans peine à l'oeil nu au-dessus de Morges, depuis mon phalanstère d'une avenue éponyme. Je pourrai laisser filer la journée depuis mon lit, "mon vrai bureau", de la sorte. Entre les plateaux, les livres, les notes, l'ordinateur ... Une vie, ça se dirige souverainement depuis ses appartements privés, sa couche. Tout le reste tient de la parade. Ou de la campagne militaire.
Je mets un point d'honneur à cultiver cette "paresse" de surface et réponds ostensiblement "rien" à la question " ... que fais-tu dans la vie ?". En général, cette demande n'est que rhétorique, une vague amorce au cours d'un échange de drague. A ce rien, je fais suivre quelques propos prompts à initier un rapprochement physique avec le questionneur, propos que la décence (et la pudibonderie d'un lectorat non averti) m'interdit de reproduire ici. Je peux juste vous confirmer leur efficience puisque l'affaire se conclut "au bureau".


dimanche, août 19, 2007

Temps ordinaire


Je n'aime plus Lausanne, vieille histoire faite de rendez-vous manqués et de malentendus ... Toutefois, je me suis découvert attaché au quartier de Prélaz, à la paroisse Saint-Joseph, à mon vieil appartement "de poupée". Le quartier n'a rien pour lui, un fouillis urbain délaissé, traversé par une route cantonale et un traffic mal maîtrisé. Pourtant, lorsque je porte les yeux sur le paysage de ma fenêtre, je vois ce tas de "baraques", de "clapiers" préfabriqués, de hangars surmontés d'un ciel de gloire, d'une fabuleuse perspective. Je ne veux plus de la beauté facile et dévoyée des "beaux quartiers", de ce chic banal ...
Cela fait longtemps que je sais voir ce que la plupart ne remarque pas; je n'ai que peu de mérite ... Il s'agit d'une vertu propre aux minorités. Puis il faut passer outre, et l'autre, le tout autre, sans devenir pareil, devient un prolongement baroque de soi. Vous n'imaginez pas ma joie à retrouver le bâtiment "New Age" de la paroisse Saint-Joseph, et le curé, les bancs trop étroits et mes co-réligionnaires, les gens du quartier que je connais de vue, à force, à qui je donne parfois la communion. Un étrange sentiment de chez soi.
C'était la première fois que je passais autant de temps à l'étranger, cinq semaines ... L'étranger ne veut plus rien dire. Finalment, on finit toujours par s'installer. Vingt fois, j'ai imaginé mon logement "lausannois" incendié, le bâtiment effondré, le quartier englouti, la ville disparue, même ... Puis je me disais que j'avais bien assez de moi-même pour reprendre racine, pour inventer sur la ruine passée quelque chose de neuf. Pour repartir et retrouver tous les riens qui peuvent m'enchanter ... un certain ton de la lumière ... le parfum à peine perceptible d'une floraison, la pleine jouissance d'un temps ordinaire.